Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/922/2025 du 26.08.2025 ( FORMA ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/925/2025-FORMA ATA/922/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 26 août 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Thomas BARTH, avocat
contre
FACULTÉ DE DROIT - ÉCOLE D'AVOCATURE DE GENÈVE intimée
A. a. A______, né en 1982, est titulaire d'un bachelor en économie délivré par l'Université de Fribourg et d'un master en économie délivré par l'Université de Bâle en 2008.
Il a également obtenu un bachelor, un master et un doctorat en médecine humaine à l'Université de Berne en 2015. Il travaille actuellement comme médecin assistant au service d'oncologie du centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
b. Il a également obtenu 133.5 crédits ECTS en droit suisse dans le programme de bachelor, ainsi qu'un master en droit suisse en août 2024 comprenant 95 crédits ECTS, au sein de l'Université de Berne.
c. En septembre 2024, il s'est inscrit à l'école d'avocature (ci-après : ECAV) pour le semestre de printemps 2025.
d. Par décision du 16 décembre 2024, l'ECAV a refusé son admission au motif qu'il n'était pas titulaire d'un baccalauréat universitaire en droit.
e. A______ a formé opposition contre cette décision.
f. Par décision du 12 février 2025, le conseil de direction de l'ECAV a rejeté cette opposition.
A______ n'était titulaire ni d'une licence ou d'un baccalauréat en droit suisse délivré par une université suisse (art. 25 al. 1 let. f de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10), ni d'un baccalauréat universitaire en relations internationales (ci-après : BARI) mention droit comprenant 180 crédits ECTS, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, complété d'une passerelle (art. 25 al. 2 LPAv). Il suivait une formation de baccalauréat universitaire en droit, pour lequel il avait déjà obtenu 129 crédits ECTS.
L'art. 25 al. 1 let. f et al. 2 LPAv, dans sa teneur depuis le 11 mai 2024, avait pour but de garantir une formation adéquate en droit par l'obtention d'un des diplômes cités. L'obtention d'autres diplômes, et a fortiori de diplômes dans d'autres domaines d'études que le droit était sans pertinence.
Il ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle d'un hypothétique candidat à l'admission qui aurait obtenu un BARI complété d'une passerelle. La réglementation avait changé par l'intervention du législateur genevois, de sorte qu'il ne saurait se prévaloir du principe de la bonne foi pour obtenir une dérogation.
Il était enfin précisé que la décision ne préjugeait nullement d'une décision future, lorsque l'intéressé remplirait les conditions de l'art. 25 LPAv.
B. a. Par acte du 17 mars 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit constaté qu'il remplissait la condition d'admission à la formation du certificat de spécialisation en matière d'avocature prévue par l'art. 25 al. 1 let. f LPAv.
Il n'avait plus d'intérêt actuel au recours s'agissant de son admission pour le semestre de printemps 2025. Cela étant, il avait encore la ferme intention de suivre la formation au prochain semestre (printemps 2026), si bien que la contestation se reproduirait de façon analogue l'année prochaine.
En sus de ses diplômes en médecine et en économie, il avait décidé de continuer sa formation par des études de droit et l'obtention du brevet d'avocat dans le canton de Genève, en suivant la formation approfondie à la profession d'avocat dispensée par l'ECAV. Conformément à l'art. 25 al. 1 let. f aLPAv dans sa teneur jusqu'au 10 mai 2024, il avait obtenu 133.5 crédits ECTS en droit suisse dans le programme de bachelor, soit dans le cadre de la « formation de base », et 95 crédits ECTS dans le cadre de son master, de sorte qu'il avait obtenu, au total, 228.5 crédits ECTS en droit suisse. Il avait obtenu plus de crédits ECTS en droit suisse que les étudiants ayant effectué un BARI et la passerelle.
L'art. 25 al. 2 LPAv devait s'interpréter en ce sens que le candidat devait avoir obtenu au minimum 120 crédits ECTS en droit suisse, et ce par le biais du BARI orientation droit (78 crédits) complété par la passerelle (62 crédits). Ayant obtenu 228.5 crédits ECTS en droit suisse au total, il remplissait largement cette condition. Même en suivant l'interprétation de l'ECAV, il faudrait retenir que sa formation était, tout comme le BARI complétée par la passerelle, équivalente à un bachelor en droit suisse. La condition fixée par l'art. 25 al. 2 LPAv était arbitraire et violait le principe de l'égalité de traitement puisque rien ne justifiait que les crédits ECTS en droit suisse obtenus dans le cadre du BARI et de la passerelle confèrent plus de droits, au regard de l'admission de l'ECAV, que ceux obtenus dans le cadre du bachelor en droit suisse, de la passerelle pour accéder au master en droit suisse et du master en droit suisse d'autres universités suisses.
Plusieurs cantons suisses confrontés à une situation très similaire à celle de l'intéressé avaient considéré qu'une passerelle donnant accès à une formation de master en droit, complétée par un master en droit, était une condition qui remplissait l'exigence d'une formation juridique suffisante. La modification proposée par l'art. 25 al. 2 LPAv ne visait pas à assurer que les candidats disposent d'une formation suffisante en droit suisse mais plutôt à accorder un « privilège local aux titulaires du BARI dispensé par l'Université de Genève », lequel violait le principe d'égalité de traitement.
Afin de pouvoir suivre l'ECAV conformément à la teneur de l'ancien art. 25 al. 2 aLPAv, il avait obtenu plus de 120 crédits ECTS en droit suisse dans le cadre de la formation de base en droit suisse, ainsi qu'un master en droit équivalent à 95 crédits. Un délai de transition raisonnable était en tout état indiqué avant la modification qui était entrée en vigueur le 11 mai 2024, compte tenu des sacrifices consentis pour remplir les conditions d'admission. La protection de la bonne foi pesait ici plus lourd que l'intérêt public à mettre en œuvre sans délai des conditions d'admission plus restrictives.
b. Dans sa réponse, l'ECAV a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
A______ indiquait lui-même ne plus avoir d'intérêt au recours et n'avait pris que des conclusions constatatoires. La situation n'était pas appelée à se reproduire lors du prochain semestre de formation. Ayant déjà accumulé 133.5 crédits ECTS dans le cadre de son bachelor en droit de l'Université de Berne, il devrait être en mesure de réunir les 46.5 crédits restants avant le début du semestre de printemps 2026, étant précisé qu'une année de formation usuelle permettait d'obtenir 60 crédits ECTS.
Sur le fond, A______ ne pouvait se prévaloir d'aucun des diplômes requis par l'art. 25 LPAv, n'ayant obtenu que 133.5 crédits ECTS dans le cadre d'un bachelor en droit suisse. À suivre la lettre claire de la loi, son inscription devait être rejetée.
Les comparaisons avec d'autres cantons ou d'autres formations dispensées par les universités suisses étaient sans pertinence. Enfin, il n'avait reçu aucune assurance concrète sur une éventuelle inscription et le refus d'inscription cette année ne l'empêchait pas de poursuivre sa formation et de se réinscrite dans le futur.
c. Dans sa réplique du 12 mai 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.
L'ECAV se livrait à une pure spéculation qui ne trouvait aucune assise dans le dossier en indiquant qu'il « devrait être en mesure » d'achever son bachelor en droit. Pour des raisons personnelles, notamment financières et professionnelles, il ne serait pas en mesure de l'achever avant le semestre de printemps 2026.
Il devait être tenu pour établi que les étudiants qui avaient réussi le BARI et la passerelle étaient admis à l'ECAV moyennant 140 crédits ECTS en droit. Il avait obtenu 228.5 crédits ECTS en droit suisse, dans les programmes de bachelor et de master en droit suisse prodigués par des universités suisses, si bien qu'il disposait de bien meilleures connaissances en droit suisse que les titulaires du BARI et de la passerelle. Le refus de l'admettre à l'ECAV violait le principe d'égalité de traitement.
Il avait suivi un cours de bachelor et de master en droit suisse en vue de s'inscrire à la formation approfondie, en se fiant à la teneur de l'ancien art. 25 al. 2 LPAv, et avait ainsi pris des dispositions concrètes allant bien au-delà de son inscription à la formation approfondie.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
1.1 Se pose la question de l'intérêt actuel au recours.
1.2 Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).
1.3 Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Si l'intérêt actuel n'existe plus au moment du dépôt du recours, celui-ci est déclaré irrecevable. Lorsque cet intérêt disparaît durant la procédure, la cause est radiée du rôle comme devenue sans objet (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 et les arrêts cités).
Il est exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1), lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79) ou encore lorsqu'en raison de l'importance de principe de la question soulevée, il y a un intérêt public suffisant à ce que celle-ci soit résolue (ATF 135 I 79 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4P.261/2003 du 22 janvier 2004 consid. 1.1).
1.4 En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant ne dispose plus d'un intérêt actuel à ce qu'il soit statué sur sa demande d'admission concernant le semestre de printemps 2025, celui-ci étant d'ores et déjà achevé.
L'ECAV conclut à l'irrecevabilité du recours au motif que la situation ne serait pas appelée à se reproduire lors du prochain semestre de formation. Ayant déjà accumulé 133.5 crédits ECTS dans le cadre de son bachelor en droit de l'Université de Berne, il devrait être en mesure de réunir les 46.5 crédits restants avant le début du semestre de printemps 2026.
Le recourant objecte qu'il ne sera pas en mesure d'achever son bachelor en droit avant le semestre de printemps 2026 pour des raisons personnelles, notamment financières et professionnelles, si bien que la contestation se reproduira de façon analogue l'année prochaine.
Si son allégation n'est pas démontrée, la problématique de l’intérêt actuel au recours pourra toutefois souffrir de rester indécise, vu le sort réservé au litige.
2. Bien qu'il n'y conclut par formellement, le recourant propose son audition.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_467/2020 du 14 juin 2021 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_467/2020 précité consid. 4.1). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer et de produire toute pièce utile devant l’autorité intimée et la chambre de céans. Il n’explique pas quels éléments pertinents à la solution du litige qu’il n’aurait pu alléguer et documenter par écrit son audition serait susceptible d’apporter. Le dossier est complet et en état d’être jugé.
Il ne sera pas donné suite à la demande d'acte d'instruction.
3. Dans un premier grief, le recourant fait valoir que la décision querellée ainsi que la disposition sur laquelle elle se fonde sont constitutives d'une inégalité de traitement. Il avait obtenu plus de crédits ECTS en droit suisse (228.5) que les étudiants ayant fait un BARI et la passerelle, si bien qu'il disposait de bien meilleures connaissances en droit suisse que ceux-ci. La modification proposée par l'art. 25 al. 2 LPAv ne visait pas à assurer que les candidats disposent d'une formation suffisante en droit suisse mais plutôt à accorder un « privilège local aux titulaires du BARI dispensé par l'Université de Genève ».
3.1 La loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA ‑ RS 935.61) fixe les principes applicables à l’exercice de la profession d’avocat en Suisse (art. 1 LLCA). Elle réserve le droit des cantons de fixer, dans le cadre de la LLCA, les exigences pour l’obtention du brevet d’avocat (art. 3 al. 1 LLCA).
Selon l'art. 7 al. 1 LLCA, pour être inscrit au registre, l’avocat doit être titulaire d’un brevet d’avocat. Les cantons ne peuvent délivrer un tel brevet que si le titulaire a effectué : des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l’un des États qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes (let. a) ; un stage d’une durée d’un an au moins effectué en Suisse et sanctionné par un examen portant sur les connaissances juridiques théoriques et pratiques (let. b).
3.2 À Genève, pour obtenir le brevet d'avocat, il faut notamment avoir effectué une formation approfondie à la profession d'avocat validée par un examen (art. 24 let. b LPAv).
Pour être admis à la formation approfondie, il faut notamment être titulaire d'une licence en droit suisse ou d'un bachelor en droit suisse délivré par une université suisse (art. 25 al. 1 let. f LPAv).
Les étudiants qui ont obtenu 180 crédits ECTS, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, avec un BARI mention droit délivré par l'UNIGE, complété par la réussite d'un programme de mise à niveau en droit (passerelle) à l'UNIGE, sont dispensés de remplir la condition fixée à l'al. 1 let. f (art. 25 al. 2 LPAv).
3.3 Avant la modification législative entrée en vigueur le 11 mai 2024, l'art. 25 let. f aLPAv prévoyait que pour être admis à la formation approfondie, il fallait notamment être titulaire d'une licence en droit suisse, d'un bachelor en droit suisse délivré par une université suisse ou avoir obtenu 180 crédits ECTS en droit, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, ces derniers ayant été délivrés par une université suisse et acquis dans le cadre de la formation de base.
3.4 Il ressort des travaux préparatoires relatifs au projet de loi (ci-après : PL) 13153 modifiant la LPAv et des explications de l'autorité que l'exigence de la licence ou du bachelor en droit suisse se justifie par l'objectif d'assurer que « le candidat à l'ECAV possède une formation solide et suffisante en droit suisse » et que « les crédits obtenus répondent aux critères de sélection pour justifier une base commune juridique suisse » (PL 13153, p. 7).
La possibilité alternative de valider 180 crédits ECTS en droit, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, a donc été supprimée. Le souhait de l'ECAV était de « préciser et renforcer » la condition de l'art. 25 let. f aLPAv. L'on évitait ainsi de mettre sur le marché des avocats « sous-formés » ayant fait du droit étranger ou ayant acquis moins de crédits en droit que les étudiants suivant le cursus « classique » (PL 13153, p. 3).
L'exigence du bachelor en droit suisse est conforme au droit supérieur (ATF 146 II 309). En effet, seul le bachelor, qui contrairement au master, ne peut être modulé trop facilement, est considéré comme garantissant une formation de base suffisante en droit suisse (PL 13153, p. 11).
Cet amendement s'inscrit également dans un contexte de trop grande fréquentation de l'ECAV, qui accueille jusqu'à 320 étudiants au lieu des 150 prévus initialement. Un tiers des étudiants à l'ECAV suit cette formation sans rester à Genève pour effectuer leur stage d'avocat, ce qui va à l'encontre des objectifs à l'origine de la création de l'institution. Cette attractivité engendre trois problèmes, à savoir « un problème de coût manifeste car le contribuable genevois n'a pas à assurer la formation des étudiants de toute la Suisse », un problème d'« efficience des cours avec des ateliers pratiques qui doivent accueillir plus de 300 étudiants », et un problème de « sécurité des justiciables, avec des avocats sur le marché qui ne possèdent pas une formation adéquate » (PL 13153, p. 9). Ainsi, le succès de l'ECAV ne lui permet pas d'être l'école professionnalisante qu'elle s'était donné pour objectif d'être (PL 13153, p. 5).
La seule exception à la condition d'être titulaire d'un bachelor en droit suisse concerne les étudiants ayant obtenu à la fois 120 crédits ECTS en droit suisse lors d'un BARI mention droit et 62 crédits ECTS en droit suisse par la passerelle. Elle est inscrite dans une disposition transitoire. Les 182 crédits ECTS en droit suisse ainsi cumulés et la coordination assurée entre la formation initiale et la passerelle garantissent des connaissances équivalentes à celles obtenues durant un bachelor en droit suisse. Il s'agit d'un « cas particulier qui fait l'objet d'une certaine cohérence de formation » (PL 13153, p. 8).
3.5 Cette dérogation deviendra du reste probablement sans objet « dans un avenir proche », dès lors que les étudiants du BARI sont incités à faire un bachelor en droit suisse accéléré en deux ans plutôt que la passerelle. La passerelle subsistant toutefois pour donner à ces étudiants la possibilité de choisir une formation moins complète mais plus rapide, une disposition transitoire est nécessaire pour régler leur cas (PL 13153, p. 4).
Lorsque s'est posée la question des implications du nouvel art. 25 al. 2 LPAv, il a été précisé que sa teneur empêcherait un candidat ayant par exemple suivi une formation duale en économie et droit à Saint-Gall d'accéder à l'ECAV (PL 13153, p. 10). Ce dernier pouvait toutefois faire en sorte d'obtenir un bachelor en droit suisse en optant pour les cours qui lui permettaient d'avoir les crédits suffisants en droit (PL 13153, p. 17). Malgré ce constat, le législateur a maintenu la nouvelle disposition, estimant important, au nom de la protection des justiciables, que les étudiants ayant accès à l'ECAV soient titulaires d'un bachelor en droit ou, à défaut, d'un diplôme considéré comme équivalent aux conditions de l'art. 25 al. 2 LPAv (PL 13153, p. 22).
3.6 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1).
3.7 Le principe d'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., s'adresse tant au législateur (égalité dans la loi) qu'aux autorités administratives et judiciaires (égalité dans l'application de la loi ou égalité devant la loi), qui sont tenus de traiter de la même manière des situations semblables et de manière différente celles qui ne le sont pas (ATF 139 V 331 consid. 4.3 ; 137 V 334 consid. 6.2.1).
Une décision ou un arrêté viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1).
En matière d'égalité de traitement, l'exigence de la légalité impose que certaines assimilations et différenciations figurent d'ores et déjà dans une loi de rang et de densité suffisants (Jacques DUBEY in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Constitution fédérale, 2021, n. 4 et 54 s. ad art. 36 Cst.).
3.8 De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral. Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral, ancré à l’art. 49 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/132/2025 du 4 février 2025 consid. 3.1).
3.9 En l'occurrence, le texte de l'art. 25 LPAv, entré en vigueur en mai 2024, est clair et ne souffre d'aucune interprétation. L'art. 25 al. 1 let. f LPAv exige du candidat d'être titulaire d'une licence ou d'un baccalauréat en droit suisse délivré par une université suisse. L'art. 25 al. 2 LPav prévoit que les étudiants qui ont obtenu 180 crédits ECTS, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, avec un BARI mention droit délivré par l'UNIGE, complété par la réussite d'un programme de mise à niveau en droit (passerelle) à l'UNIGE, sont dispensés de remplir la condition fixée à l'al. 1 let. f.
L'hypothèse envisagée par l'art. 25 al. 2 LPAv est équivalente à un baccalauréat universitaire en droit, l'étudiant ayant alors obtenu 120 crédits ECTS en droit suisse lors de sa formation initiale (BARI) et 62 crédits par la passerelle, celle-ci étant coordonnée avec la formation initiale afin de garantir des connaissances équivalentes à celle obtenues durant un baccalauréat universitaire en droit. La chambre de céans a déjà eu l'occasion de juger que le législateur a voulu que seul ce cumul permette de compenser l'absence de bachelor au moment de l'admission à l'ECAV. En tant que l'art. 25 al. 2 LPAv prévoit une exception fondée notamment sur une équivalence de crédits, la prétendue distinction opérée n'est pas constitutive d'une inégalité de traitement (ATA/425/2025 du 15 avril 2025 consid. 3.4). La modification législative entrée en vigueur le 11 mai 2024 est justifiée par la volonté de s'assurer que les personnes pouvant s'inscrire à l'ECAV aient bien suivi une formation en droit suisse suffisante (ATA/425/2025 précité consid. 4.3).
Or, il n'est pas contesté que le recourant ne bénéficie d'aucun de ces diplômes en tant qu'il a suivi une formation de baccalauréat universitaire en droit, pour lequel il a obtenu 129 crédits ECTS. Les crédits obtenus pas le master ne sont quant à eux pas pertinents dès lors qu'il s'agit, contrairement au bachelor, d'une formation pas assez généraliste qui peut être modulée trop facilement. Dès lors, la loi a été correctement appliquée à sa situation, puisqu'il ne satisfait pas à toutes les conditions lui permettant de s'inscrire à l'ECAV.
Conformément à l'art. 3 LLCA précité, chaque canton reste libre de fixer les exigences de formation ou d'admission au brevet. L'obtention d'autres diplômes, et a fortiori de diplômes dans d'autres domaines d'études que le droit, et les comparaisons avec d'autres cantons, sont sans pertinence, ce d'autant plus que l'ECAV est une spécificité genevoise. Le recourant substitue sa propre appréciation des équivalences. Les dispositions genevoises respectent le droit fédéral et la décision querellée est fondée sur une base légale et est conforme au principe de proportionnalité.
Partant, le grief tiré de l'inégalité de traitement sera écarté.
4. Le recourant allègue également une violation du principe de la bonne foi.
4.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 568).
Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).
Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d'abord, on doit être en présence d'une promesse concrète effectuée à l'égard d'une personne déterminée. Il faut également que l'autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n'ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, qu'elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu'elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n'ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2). Les particuliers doivent en effet toujours s'attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 297 consid. 2b ; ATA/425/2025 précité consid. 5 ; ATA/882/2024 du 23 juillet 2024 consid. 4.4.2).
4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant n'a reçu aucune assurance de l'autorité intimée quant à son éventuelle inscription à l'ECAV. La situation du recourant est la conséquence de la révision législative, adoptée en mars et entrée en vigueur en mai 2024.
Le fait qu'il ait suivi un des cours du bachelor et master en droit suisse, comme il le fait valoir, en se fiant à la teneur de l'ancien art. 25 LPav n'est pas un élément pertinent lui permettant d'être au bénéfice d'un droit acquis, ni de bénéficier de l'ancienne teneur de la loi. La décision querellée respecte donc également le principe de la bonne foi et l'ECAV, tenue par le principe de la légalité, ne saurait y déroger.
Enfin, comme l'a relevé l'autorité intimée, le refus d'inscription cette année ne l'empêchera pas de se réinscrire dans le futur s'il entend effectuer son brevet d'avocat dans le canton de Genève.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
5. Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2025 par A______ contre la décision de la faculté de droit - École d'avocature de Genève du 12 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Thomas BARTH, avocat du recourant, ainsi qu'à la faculté de droit - École d'avocature de Genève.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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