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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2129/2025

ATA/895/2025 du 19.08.2025 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2129/2025-FORMA ATA/895/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant au nom et pour le compte de leur enfant mineur C______ recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SERVICE DE LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE intimé

_________



EN FAIT

A. a. C______ est né le ______ 2017.

b. Durant l’année scolaire 2024-2025, il refaisait sa 2P à l’école d’D______.

c. Une procédure d’évaluation standardisée (ci-après : PES) a été ouverte le 25 janvier 2022 par E______, psychologue au service éducatif itinérant (ci‑après : SEI), puis complétée en novembre 2022 et décembre 2024 par l’école.

Ses parents, A______ et B______, ont donné leur accord à l’ouverture de la PES.

d. Un rapport du 28 novembre 2022 de la Guidance Infantile a diagnostiqué des difficultés dans l’acquisition du langage et de la gestion émotionnelle et préconisé un soutien au sein de l’école pour l’aider dans l’intégration avec ses pairs.

e. Un rapport du SEI du 30 juin 2023 a relevé des difficultés de concentration, de communication, de comportement et de gestion des émotions, relevant des progrès.

f. Selon une estimation du degré d’atteinte des objectifs en référence au plan d’études romand (ci-après : PER) de décembre 2024, les acquis d’C______ étaient majoritairement de niveau préscolaire, sauf les nombres (1P), les grandeurs et mesures (1P), les arts visuels (2P), la musique (1P), l’éducation physique (2P) et l’éducation nutritionnelle (1P). Son comportement était peu satisfaisant.

g. À teneur du rapport de la PES établi par le service de la pédagogie spécialisée (ci‑après : SPS) le 6 décembre 2024, l’enseignement spécialisé était préconisé.

C______ était l’aîné d’une fratrie de trois et vivait avec sa famille dans un foyer. Un important retard avait été observé à la fin de sa première 2P durant l’année scolaire 2023-2024, dans tous les domaines, en particulier le français, l’espace et la logique. Il avait bénéficié de l’accompagnement du SEI petite enfance en préscolaire puis de deux ans d’accompagnement du SEI en classe à l’école, à raison de deux jours par semaine en 2P.

Il bénéficiait durant l’année en cours d’un bureau sur le côté de la classe sans voisins et avec vue directe sur la maîtresse et le tableau ainsi que d’un brise-vue et d’un casque pour se concentrer. Il avait également la possibilité de travailler à une table en petit groupe. Il rencontrait des difficultés : modérées dans les fonctions d’orientation ; importantes dans les fonctions de l’énergie et des pulsions et de l’attention ; légères dans les fonctions émotionnelles.

Ses difficultés de compréhension, sa faible mémoire de travail et le peu de sens qu’il donnait à ce qui était travaillé en classe creusaient l’écart avec ses camarades. Il peinait à mener des tâches jusqu’au bout et à rester concentré. Il peinait à exprimer ce qu’il voulait. Les mêmes difficultés étaient observées dans sa langue maternelle, ce qu’avaient confirmé ses parents. Il avait de la peine avec la chronologie des événements. Il rencontrait des difficultés dans ses relations avec autrui et peinait à maîtriser son impulsivité.

Ses parents ont donné leur accord à l’évaluation des besoins et aux mesures envisagées le 6 décembre 2024.

h. Le 12 décembre 2024, la directrice de l’école a annoncé aux parents d’C______ un rendez-vous avec le pédiatre pour discuter d’une médication et une nouvelle PES, qui permettrait de prévoir une possible transition vers une institution spécialisée adaptée aux besoins de leur fils.

i. Selon un rapport d’F______, logopédiste, de décembre 2024, un diagnostic de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (ci-après : TDAH) avait été diagnostiqué au terme d’un bilan attentionnel à la Guidance Infantile. Malgré le redoublement, C______ rencontrait des difficultés scolaires importantes. Malgré des progrès, ses capacités de mémorisation de mots et de dénomination étaient très fluctuantes, probablement en lien avec ses importantes difficultés attentionnelles. Il avait beaucoup de difficultés à se mettre à la tâche et se distrayait rapidement. Il semblait envahi par d’importantes difficultés attentionnelles. La mise en place d’une médication était en discussion avec ses parents. Au niveau de la pensée, il peinait à s’organiser et son récit était souvent très confus. Il avait des difficultés pour comprendre les situations de son quotidien et restituait son vécu de façon très confuse.

j. Par décision du 22 mai 2025, le SPS a octroyé à C______ une prestation en enseignement spécialisé du 1er août 2025 au 31 juillet 2027 à l’école de l’ARC.

Il tenait compte de la PES, de son analyse par plusieurs professionnels, du consensus de toutes les parties, des échanges du réseau avec les parents et de ce que le droit d’être entendus de ces derniers avait été respecté.

La mesure serait évaluée en continu et pourrait être modifiée à tout moment.

B. a. Par courrier reçu le 13 juin 2025 par le SPS, et transmis par celui-ci à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) le 17 juin 2025, les parents d’C______ ont indiqué au SPS qu’ils faisaient opposition à la mesure.

On leur avait dit en décembre 2024 que si leur fils faisait des progrès suffisants, il n’aurait pas besoin d’aller en enseignement spécialisé. Or, depuis février 2025, C______ prenait des médicaments, ce qui lui avait permis de progresser, d’entrer plus facilement dans les apprentissages et les relations avec ses camarades s’étaient apaisées. Il avait toujours quelques difficultés, mais pas suffisantes pour aller en « spécialisé ». Il ne prenait pas le médicament depuis très longtemps mais les résultats étaient déjà encourageants. Ils avaient mis en place beaucoup de choses (logopédie, médication). C______ avait progressé mais il avait besoin de temps pour rattraper son retard. Le placement en « spécialisé » leur paraissait prématuré et il avait encore sa place en école ordinaire.

Ils produisaient un courrier d’F______ du 11 juin 2025.

Celle-ci y indique qu’en décembre 2024, elle avait jugé important qu’C______ soit dans un premier temps « médiqué » pour ses problèmes attentionnels avant de décider de le placer dans un cursus spécialisé. Il avait été dit aux parents lors de la réunion qu’on allait « vraiment dans ce sens-là », soit que les délais obligeaient à compléter la PES mais qu’en fonction de ses progrès la demande serait annulée si besoin. Depuis qu’C______ prenait le médicament, il profitait bien des séances et avait fait d’importants progrès. Elle avait échangé en avril 2025 avec l’école, qui estimait que les progrès n’étaient pas suffisants en français et craignait « que ça aille trop vite » en 3P pour lui. Elle percevait de son côté qu’C______ était prêt à démarrer l’apprentissage de la lecture et percevait davantage le placement en spécialisé comme une mesure préventive. L’école ordinaire semblait encore correspondre aux besoins d’C______ et être un contexte d’apprentissage porteur et stimulant, même s’il aurait effectivement besoin de soutien à l’école. Elle soutenait les parents dans leur refus du placement d’C______ en enseignement spécialisé. Celui-ci aurait peut-être besoin d’y être intégré par la suite. L’ARC – elle y avait travaillé – pourrait être une bonne option si l’enseignement spécialisé s’avérait nécessaire.

b. Le 30 juin 2025, le SPS a conclu au rejet du recours.

Dans la synthèse d’entretien du 12 décembre 2024, une médication était envisagée et les difficultés de langage persistaient malgré deux séances hebdomadaires de logopédie et le redoublement, et l’enseignante était préoccupée par la capacité d’C______ d’aborder la 3P. Le pédiatre avait confirmé le diagnostic de TDAH mais les parents étaient réticents à introduire un essai de médication. Il avait été décidé de déposer la PES en vue de la rentrée 2025-2026, sous réserve d’importants progrès après l’introduction de la médication.

Le SPS avait sollicité l’avis de spécialistes du domaine de la pédagogie spécialisée, soit des enseignants spécialisés de l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) accompagnés d’enseignants généralistes, lesquels avaient conclu qu’C______ présentait des difficultés modérées pour les tâches et exigences générales, la communication et les relations avec autrui, des difficultés légères pour les apprentissages et l’application des connaissances, et préconisé l’intégration dans une classe d’enseignement spécialisé.

À la suite du recours, le SPS avait pris contact avec G______, directrice de l’école, pour connaître la situation d’C______ en fin d’année scolaire. Celle-ci avait expliqué que les parents avaient eu de la difficulté à adhérer au traitement, que le médecin avait dû discuter longuement avec eux, qu’il avait prescrit la prise de deux doses par jour mais que les parents n’adhéraient que très partiellement au traitement et n’en administraient qu’une. La mère acceptait difficilement que son fils rencontre autant de difficultés. Les parents avaient accepté le principe d’aller visiter l’école. À l’exception de la logopédiste, l’ensemble des professionnels considéraient que les progrès n’étaient pas suffisamment marqués. La position de la logopédiste n’était pas comprise par le médecin, « l’ISEPS », ou les professionnels de l’établissement, ni par une collaboratrice de l’ARC venue observer C______ en classe. G______ maintenait la demande de placement préconisée par la PES.

Le 25 juin 2025, G______ avait adressé au SPS un rapport non daté portant sur un stage de deux jours effectué par C______ à l’école de l’ARC et signé par H______, que le SPS produisait.

Il ressort de ce document qu’après une première prise de contact rendue difficile par l’anxiété, C______ avait intégré le groupe et s’était placé dans le lien et l’échange avec ses pairs à l’occasion d’un jeu, avant d’intégrer le groupe de la classe et suivre le programme de la journée. Lors des moments d’échange collectifs, on observait une difficulté d’attention réelle qui ne lui permettait pas toujours de suivre les consignes. Il était très rapidement distrait et happé par les stimuli de son environnement et rencontrait des difficultés à se focaliser sur sa tâche. Il lui était difficile de rester assis sur les bancs plus de quelques minutes et il semblait éprouver rapidement le besoin de se mettre en mouvement. Il avait tendance à prendre la parole sans lever la main et à répondre de manière impulsive aux questions posées. La relance par l’adulte lui permettait toutefois de se recentrer et il paraissait avoir intériorisé ou être en passe d’intérioriser les règles de la vie de la classe. Une fois assis à son pupitre, il était capable de réaliser les activités demandées avec attention et efficacité. Le contexte du travail individuel semblait lui être favorable pour mener l’activité à terme avec moins de distracteurs que dans les activités de groupe. Il avait toutefois besoin de manipuler le matériel et demandait fréquemment à sortir pour jouer au football. Il fallait parfois l’interpeller à plusieurs reprises pour gagner son attention. Il ne semblait pas toujours comprendre les consignes et les informations transmises. Il s’était révélé très en lien avec l’autre, notamment l’adulte, à la fin de son stage, parlant volontiers de sa vie familiale, son club de football ou sa classe, avec cependant un discours parfois confus et difficilement compréhensible.

Durant le stage, la logopédiste avait observé chez C______ un discours intelligible mais très confus, fait de digressions et de sujets hors contexte. Lors d’une tâche de narration, il avait pu restituer tous les éléments du récit mais s’était mis à inventer la suite de l’histoire de manière peu claire, parlant de personnages et d’événements étrangers au récit. Il semblait avoir très peu de représentations temporelles, ce qui le rendait parfois un peu perdu. Dans le récit spontané, il ne comprenait pas toujours ce que disait son interlocuteur et les réponses aux questions posées étaient souvent « à côté ». La compréhension pragmatique semblait déficitaire. Il avait un lexique assez pauvre, marqué par un manque du mot et le phénomène d’un mot pour un autre. Ses capacités à l’écrit semblaient relativement préservées pour un enfant de son niveau scolaire. On observait toutefois une importante labilité attentionnelle, qui paraissait l’entraver dans ses apprentissages.

À la suite de ce stage, elle avait souhaité l’observer dans sa classe à l’école. Il était intégré dans une classe de 1-2P avec d’autres camarades. L’effectif plus important que celui de l’ARC ne permettait pas pour l’instant à C______ d’évoluer et surtout de combler les lacunes accumulées depuis quelques temps. Son manque d’autonomie à la mise au travail nécessitait la présence d’un autre adulte que l’enseignante présente en classe.

Elle confirmait que l’ARC pourrait travailler avec C______ à la rentrée.

c. Le 31 juillet 2025, sans aucun courrier d’accompagnement, les recourants ont produit un « rapport logopédique d’évolution » indiquant F______ dans son pied de page, mais non signé et portant la date de « juin 2025 ».

Ce document mentionne les outils d’évaluation « EVALO 2-6 (normes 6 ans) », « EVALEO 6-15, normes 3P 1er trimestre », « Elo, normes 2P » et « Kikou 3-8, normes 7-8 ans ». Il décrit le travail accompli et les progrès durant les séances de logopédie. Il conclut qu’C______ rencontre d’importantes difficultés de langage, sur le plan expressif. Il a des difficultés lexicales en français, qui se traduisent par des difficultés importantes pour mémoriser de nouveaux mots, des confusions de mots proches phonologiquement et un manque du mot important. Au niveau syntaxique, il rencontre des difficultés avec les prépositions, le genre des déterminants, les pronoms et la morphologie. Les phrases sont simples et peu diversifiées. En compréhension, il avait bien progressé en compréhension lexicale et en compréhension narrative. Il rencontrait des difficultés persistantes en compréhension lexicale et morphosyntaxique. Il était entré dans l’écrit. Il connaissait les lettres, pouvait identifier le son des mots, lire et transcrire des syllabes simples. Depuis qu’il était « médiqué », il avait pu entrer de façon facilitée dans les apprentissages et avait fait des progrès importants et encourageants en compréhension orale, au niveau lexical et dans l’apprentissage du langage écrit. Malgré les difficultés langagières rencontrées, il avait les prérequis pour débuter l’apprentissage du langage écrit et la lecture lui permettrait peut-être de fixer davantage l’oral

d. Le 4 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 39 du règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 - RPSpéc - C 1 12.05).

2.             Est litigieuse la décision d'octroi d'une prestation sous forme d'un enseignement spécialisé en faveur d’C______ pour la période du 1er août 2025 au 31 juillet 2027.

2.1 Aux termes de l'art. 62 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

2.2 Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et. 2 let. a AICPS). Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

2.3 En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et dans l'AICPS, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : DIP) met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d’études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l’école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 al. 1 et 2 LIP).

De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

Selon l'art. 29 al. 1 LIP, est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d’autonomie et d’adaptation dans un environnement ordinaire. Le contexte est pris en compte lors de l’évaluation visant à déterminer des besoins éducatifs particuliers.

2.4 La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d’une PES, confiée par l’autorité compétente à des structures d’évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

2.5 Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

2.6 Aux termes de l’art. 11 du règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 (RPSpéc - C 1 12.05), l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations de : conseil et soutien (al. 2 et 3), éducation précoce spécialisée (al. 4 et 5), logopédie (al. 6), psychomotricité (al. 7), soutien spécialisé en enseignement régulier (al. 8), enseignement spécialisé (al. 9 à 11), prise en charge à caractère résidentiel (al. 12) et transports des enfants et des jeunes (al. 13).

L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 11 al. 9 à 11 RPSpéc comprend l'enseignement et l'éducation adaptés aux besoins de l'enfant ou du jeune concerné. Si nécessaire, il comprend également la prestation de conseil et de soutien dans les domaines de la logopédie, de la psychomotricité et de la psychologie. Il est dispensé en structure d'enseignement spécialisé, soit en classe intégrée au sein d'un établissement régulier ou en école de pédagogie spécialisée. Sous réserve de l'application de la loi sur l'accueil à journée continue, il comprend l'accès aux repas pour l'enfant ou le jeune concerné.

2.7 Le SPS est l'autorité compétente chargée de l’octroi des mesures de pédagogie spécialisée et de la désignation des prestataires (art. 7 al. 3 RPSpéc). Il veille à l'application de la procédure d’évaluation des besoins et met en œuvre la procédure d'octroi telles que prévues dans le RPSpéc (art. 7 al. 4 RPSpéc).

2.8 La PES est élaborée sur la base du formulaire mis à disposition par le SPS et évalue le fonctionnement, les besoins et les objectifs de l'enfant ou du jeune. Elle détermine également les objectifs de la mesure envisagée (art. 16 al. 1 RPSpéc).

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (ATA/944/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5f). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (ibidem).

Selon l’art. 18 RPSpéc, dans le cadre de la PES, le responsable d'évaluation veille à impliquer systématiquement l'enfant ou le jeune ainsi que ses parents. Il inclut également les professionnels impliqués dans la prise en charge et le suivi, notamment thérapeutique, de l'enfant ou du jeune. Il s’adjoint si nécessaire la collaboration d'autres professionnels (al. 1). La participation de l’enfant ou du jeune concerné est garantie de manière adaptée à ses capacités, ses difficultés et son âge. Ses opinions ou souhaits sont pris en compte dans l’évaluation des objectifs et des besoins (al. 2). Le responsable d'évaluation recherche un consensus entre les parties prenantes sur l'évaluation des objectifs et des besoins. Il veille à ce que les positions des parties prenantes figurent dans le dossier d'évaluation. Le refus de l’enfant ou du jeune ou des parents de participer à la procédure doit également figurer dans le dossier d’évaluation (al. 3).

Le responsable chargé de la conduite de la PES est le professionnel responsable du lieu principal de prise en charge de l’enfant ou du jeune (art. 15 al. 1 RPSpéc).

À l'issue de la PES, le responsable d'évaluation transmet le dossier d'évaluation au SPS, en vue de la procédure d'octroi, qui est fixée par voie de directive (art. 16 al. 2 RPSpéc).

2.9 À réception du dossier d'évaluation, le SPS l'examine et, en fonction du type de prestation envisagée, sollicite le préavis de spécialistes du domaine de la pédagogie spécialisée, qui sont rattachés à (a) l'unité pluridisciplinaire du service de la pédagogie spécialisée et/ou (b) la direction générale de l'OMP (art. 21 al. 1 RPSpéc). En cas de besoin, le SPS peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle l'enfant ou le jeune concerné est tenu de se soumettre (art. 21 al. 2 RPSpéc).

2.10 En l'absence d'accord des parties prenantes sur l'évaluation des besoins ou les mesures envisagées, ou lorsqu'il le juge nécessaire pour sa prise de décision, le SPS sollicite le préavis de la commission pluridisciplinaire de recommandation pour la pédagogie spécialisée (ci-après : CPR) en lui transmettant le dossier d'évaluation, le cas échéant accompagné des renseignements et pièces issus de l'instruction complémentaire (art. 21 al. 4 RPSpéc).

La commission de recommandation a pour mission de formuler des recommandations sur les mesures individuelles renforcées de pédagogie spécialisée à mettre en œuvre, à l'attention du SPS (art. 22 al. 2 RPSpéc). Elle est composée de six membres, comprenant un représentant de la direction de la coordination des prestations déléguées et de la surveillance de l’office de l'enfance et de la jeunesse, qui la préside, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement obligatoire, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement secondaire II, un pédagogue et un thérapeute de l’OMP et un représentant d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des personnes à besoin éducatif particulier ou handicapées (art. 22 al. 4 RPSpéc).

Sauf disposition légale ou réglementaire contraire, une séance de commission ne peut être valablement tenue que si la moitié des membres sont présents, plus la présidence. Cas échéant, la séance est reportée à une date à fixer ultérieurement dans un délai raisonnable (art. 21 du règlement sur les commissions officielles du 10 mars 2021 - RCOf - A 2 20.01). À teneur de l'art. 22 al. 2 RCOf, sauf dispositions légales ou réglementaires contraires, la commission formule ses avis à la majorité des membres présents, en principe à main levée. La présidence participe aux votes. Si nécessaire, la présidence peut décider de procéder à un vote à bulletin secret. Elle tranche en cas d’égalité.

2.11 Les représentants légaux, l'enfant capable de discernement ou le jeune majeur sont associés aux étapes de la procédure d'octroi. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 23 al. 1 RPSpéc). Leur droit d'être entendu est respecté avant la prise d'une décision (art. 23 al. 2 RPSpéc).

2.12 Le SPS rend une décision après examen du dossier d'évaluation et des éventuels préavis obtenus (art. 24 al. 1 RPSpéc). La décision d'octroi désigne le type de prestation octroyée, sa durée, le prestataire retenu et la prise en charge financière y relative. La décision d'octroi précède la mise en œuvre de la prestation (art. 24 al. 2 RPSpéc).

2.13 La chambre administrative a déjà sanctionné à plusieurs reprises des irrégularités ressortant de la procédure d'évaluation des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Elle a annulé une décision d'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé au motif qu'elle ne prenait pas en compte les progrès de l'enfant signalés par les parents et survenus postérieurement à la PES, malgré le fait que le SPS avait produit un complément d'informations confirmant la PES, sans qu'on sache toutefois si les parents avaient été associés à leur élaboration (ATA/853/2021 du 24 août 2021 consid. 6).

Elle a également jugé que la PES figurant au dossier n'était pas suffisamment étayée et actuelle pour être confirmée (ATA/451/2024 du 9 avril 2024 consid. 2.10 ; ATA/944/2021 précité consid. 6).

La décision d'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé manque de motivation et doit être annulée lorsqu'elle a été prise sur la base de la recommandation d'une CPR qui divergeait avec la PES, recommandation non évoquée dans le projet de décision (ATA/1177/2021 du 2 novembre 2021 consid. 6b).

2.14 En l’espèce, les recourants ne se plaignent pas de la violation de leur droit d’être entendus. Il ressort de la procédure qu’ils ont été associés à la PER dès son ouverture et qu’ils ont souscrit en décembre 2024 au placement de leur fils en enseignement spécialisé, tel que préconisé alors par l’ensemble des intervenants.

La PES elle-même apparaît complète et étayée. Les recourants ne lui reprochent aucun défaut.

Il n’est pas contesté qu’C______ est affecté d’un TDAH, qui a pour effet de nuire à sa capacité de concentration.

Le SPS a octroyé la mesure d’enseignement spécialisé le 22 mai 2025.

Les recourants s’y sont opposés, faisant valoir que leur fils avait entrepris au printemps 2025 un traitement médicamenteux, lequel avait atténué les effets de son trouble et amélioré ses capacités, de sorte qu’il était capable d’entrer en 3P.

Le SPS conclut au rejet du recours en faisant valoir que la position de l’ensemble des intervenants – sauf la logopédiste – est demeurée favorable au placement.

Les recourants ont étayé leur argumentation par un avis de la logopédiste d’C______ du 11 juin 2025, puis par un second avis de celle-ci de juin 2025, tous deux favorables au maintien à l’école.

Dans l’avis du 11 juin 2025, F______ estime que « l’intégration en spécialisé est prématurée et qu’C______ a encore des choses à apprendre en milieu ordinaire. L’école ordinaire semble […] encore correspondre à ses besoins et être un contexte d’apprentissage porteur et stimulant, même s’il aura effectivement besoin de soutien à l’école. Les séances de logopédie se poursuivront également. Le soutien donc des parents dans leur refus du placement d’C______ en spécialisé pour la prochaine rentrée. Il aura peut-être besoin d’y être intégré par la suite. L’ARC – pour y avoir travaillé – pourrait être une bonne option si le spécialisé s’avère nécessaire ».

Dans le second avis, non signé, la logopédiste conclut qu’C______, malgré les difficultés langagières qu’il rencontre, a les prérequis pour commencer l’apprentissage du langage écrit et de la lecture.

Les évaluations de la logopédiste sont nuancées s’agissant de la poursuite de l’enseignement ordinaire, puisqu’elles n’excluent pas qu’C______ puisse devoir intégrer plus tard l’enseignement spécialisé, et jugent que l’école de l’ARC serait alors une bonne solution. En ce sens, elles n’excluent pas définitivement la préconisation de l’intimé.

Par ailleurs, et surtout, les évaluations de la logopédiste portent essentiellement sur les aptitudes d’C______ en relation avec l’apprentissage de la langue. S’il n’y a pas lieu de douter qu’une amélioration a pu être mesurée dans ce domaine, il faut cependant souligner que les avis de la logopédiste sont limités à cet aspect et sont fondés sur les séances hebdomadaires qu’C______ passe avec elle. Elles ne disent mot des aptitudes au travail en groupe ni de la distractibilité que ce dernier peut exacerber. Elles ne se prononcent pas non plus sur les effets du traitement prescrit sur le TDAH et sur toutes les difficultés rencontrées par C______.

Par comparaison, la PES, comme les indications de l’intimé dans la présente procédure, portent sur l’ensemble des aptitudes d’C______ en milieu scolaire, que ce soit à l’école d’D______ ou à l’école de l’ARC. Or, ce sont bien toutes ces aptitudes, considérées dans leur ensemble, qui ont été prises en compte dans la PES – sur laquelle se fonde la décision attaquée – pour conclure que l’école ordinaire n’était pas en mesure actuellement, malgré les aménagements en classe et les aides externes (dont la logopédie), de permettre à C______ d’acquérir les apprentissages du degré 2P et que ce dernier avait besoin pour ce faire du cadre plus protecteur et plus adapté de l’enseignement spécialisé.

Il est à cet égard significatif que le médecin qui a prescrit la médication persiste à approuver le placement en enseignement spécialisé – ce que les recourants ne contestent pas – étant rappelé que le TDAH n’affecte pas seulement la capacité d’apprentissage de la langue mais tous les apprentissages, et notamment l’aptitude à s’intégrer et à travailler dans le groupe en classe ainsi que les compétences de socialisation.

Enfin, les recourants ne discutent pas le rapport d’observation produit par l’intimé, dont il ressort qu’C______ s’est bien intégré à l’école de l’ARC lors de son stage de deux jours, tout en présentant encore les traits de distractibilité et d’impulsivité, et qu’il souffre par ailleurs toujours des mêmes difficultés à l’école d’D______ – avec cette précision, décisive, que l’effectif plus important à l’école d’D______ que celui de l’ARC ne permet pas pour l’instant à C______ d’évoluer et surtout de combler les lacunes accumulées.

Ainsi, en présence d’un avis unanime des divers intervenants en faveur du maintien de la préconisation de l’enseignement spécialisé, l’avis de la logopédiste sur un point spécifique des compétences d’C______ n’est pas de nature à faire douter du bien‑fondé de la décision attaquée, laquelle est conforme au droit et ne procède ni d’un excès ni d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité.

Il sera encore observé que la décision précise que le placement peut être revu en tous temps compte tenu de l’évolution de la situation. Il n’est ainsi pas exclu du point de vue de l’intimé que des progrès dans le courant de l’année scolaire qui s’ouvre puissent permettre le retour d’C______ dans l’enseignement ordinaire.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Compte tenu de la situation particulière des recourants, aucun émolument ne sera perçu et vu l’issue de la procédure, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2025 par A______ et B______, agissant au nom et pour le compte de leur enfant mineur C______ contre la décision de l'office de l'enfance et de la jeunesse - service de la pédagogie spécialisée du 22 mai 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'à l'office cantonal de l'enfance et de la jeunesse - service de la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :