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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2052/2024

ATA/1286/2024 du 05.11.2024 ( LIPAD ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2052/2024-LIPAD ATA/1286/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. Le 19 juin 2023, le service de la consommation et des affaires vétérinaires
(ci-après : le SCAV) a reçu un rapport de renseignements de la police, caviardé, faisant état d’une plainte déposée par une personne le 5 juin 2023 à la suite d’une tentative d’attaque d’un chien sur un couple, survenue le 2 juin 2023.

b. Par courrier du 19 mars 2024, le SCAV a informé A______ que son chien « C______ » avait présenté un comportement d’agression supérieur à la norme envers deux personnes le 2 juin 2023. Il lui a enjoint, ainsi que toutes les personnes susceptibles de détenir ce chien, de prendre toutes les mesures adéquates afin d’éviter qu’il n’effraie ou ne blesse des personnes ou des animaux. Après vérification, il avait constaté que « C______ » appartenait à une race susceptible d’être soumise au test de maîtrise et de comportement (ci-après : TMC) pour les chiens de grande taille.

c. Le 29 mars 2024, le SCAV a reçu un courriel de D______, éducatrice canine, lui transmettant l’attestation pour le TMC, effectué et réussi en son école le 28 mars 2024 pour le chien « C______ ».

d. Le 4 avril 2024, A______ a contesté le courrier du 19 mars 2024 et invité le SCAV à lui fournir le dossier de dénonciation en sa possession.

e. Le 9 avril 2024, le SCAV a adressé un rapport au service des contraventions pour un TMC non effectué aux 18 mois du chien.

f. Le 11 avril 2024, le SCAV a informé A______ que le TMC devait être passé aux 18 mois du chien. Il a également précisé les modalités de consultation du dossier.

g. Le 15 avril 2024, A______ a sollicité la consultation de son dossier.

h. Le 23 avril 2024, A______ et son fils, B______, se sont présentés au SCAV pour consulter le dossier. Le nom des dénonciateurs avait été caviardé.

i. Le 30 avril 2024, A______ a reproché au SCAV d’avoir utilisé des informations que les dénonciateurs lui avaient rapportées et qui avaient conduit à la notification d’une ordonnance pénale. Le nom de ces personnes constituait un contenu essentiel se rapportant à son affaire, sur laquelle elle n’avait pas eu l’occasion de se prononcer. Elle a sollicité l’accès à son dossier non caviardé.

j. Le 16 mai 2024, le SCAV a informé A______ que le seul volet pénal qui avait été ouvert concernait une dénonciation au service des contraventions pour un TMC non effectué aux 18 mois du chien

B. a. Par courrier du 17 juin 2024, A______ et B______ ont déclaré former « recours contre la décision du SCAV du 16 mai 2024 ».

Le SCAV refusait de leur donner accès à leur dossier non caviardé, sans invoquer d’intérêt public ou privé prépondérant. Une ordonnance pénale avait été rendue sur la base d’une dénonciation. Ils avaient besoin de connaître le nom des personnes afin de connaître la nature de la dénonciation et se déterminer pleinement sur son objet.

b. Par réponse du 20 août 2024, le SCAV a conclu à l’irrecevabilité du recours. Le SCAV n’avait pas rejeté leur demande de consultation du dossier ni rendu de décision à la suite de la recommandation du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé cantonal). Ce dernier n’avait au demeurant pas été saisi.

c. Par réplique du 6 octobre 2024, les recourants ont relevé qu’il s’agissait d’un recours tendant à la réparation de la violation du droit d’être entendu et non d’une « demande LIPAD ». Le SCAV omettait de lui donner le nom des personnes concernées alors qu’ils avaient droit d’y accéder.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles
(art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, soit favoriser la libre formation de l'opinion et la participation à la vie publique (let. a) ainsi que protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (let. b ; art. 1 al. 2 LIPAD).

2.1 Elle comporte deux volets. Le premier concerne l'information du public et l'accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).

2.2 L’art. 24 al. 1 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par cette loi. L’accès comprend la consultation sur place des documents et l’obtention de copies des documents (al. 2). Les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose sont soustraits au droit d’accès institué par la présente loi (art. 26 al. 1 LIPAD). Selon l’art. 27 LIPAD, pour autant que cela ne requiert pas un travail disproportionné, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d’accès à un document dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication en vertu de l’art. 26 (al. 1). Les mentions à soustraire au droit d’accès doivent être caviardées de façon à ce qu’elles ne puissent être reconstituées et que le contenu informationnel du document ne s’en trouve pas déformé au point d’induire en erreur sur le sens ou la portée du document (al. 2).

2.3 Selon l'art. 30 LIPAD, le préposé cantonal est saisi par une requête écrite de médiation sommairement motivée, à l'initiative d'un requérant dont la demande d'accès à un document n'est pas satisfaite (al. 1 let. a). Le délai pour saisir le préposé cantonal est de dix jours à compter de la confirmation écrite de l'intention de l'institution prévue à l'art. 28 al. 5 et 6 LIPAD. Si une institution tarde à se déterminer sur une demande d'accès à un document, le requérant ou l'opposant à la demande d'accès peuvent saisir le préposé cantonal (al. 2). Si la médiation aboutit, l'affaire est classée (al. 4). À défaut, le préposé cantonal formule, à l'adresse du requérant ainsi que de l'institution ou des institutions concernées, une recommandation écrite sur la communication du document considéré. L'institution concernée rend alors dans les dix jours une décision sur la communication du document considéré (al. 5).

2.4 Selon l’art. 60 al. 1 LIPAD, en matière d’accès aux documents, seule est sujette à recours la décision que l’institution concernée prend à la suite de la recommandation formulée par le préposé en cas d’échec de la médiation ; les déterminations et autres mesures émanant des institutions en cette matière sont réputées ne pas constituer des décisions.

Les travaux préparatoires précisent que cette disposition « introduit une réserve improprement dite, qui stipule qu'en matière d'accès aux documents, seule est sujette à recours la décision que l'institution prend sur recommandation du préposé, toutes les autres prises de position émanant des institutions étant réputées ne pas constituer des décisions » (MGC 2007-2008 XII A p. 14'119 ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_463/2019 du 10 juin 2020 consid. 4.4).

2.5 Les parties et leurs mandataires sont seuls admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision. Le droit d’accéder à leurs données personnelles que les tiers peuvent déduire de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001, est réservé (art. 44 al. 1 LPA).

L’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent. Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (art. 45 al. 1 et 2 LPA).

2.6 En l'espèce, les recourants reprochent à l’autorité intimée de ne pas avoir divulgué le nom des personnes qui avaient déposé plainte auprès de la police le 5 juin 2023. Ils sollicitent ainsi l’accès à des mentions caviardées du dossier qu’ils ont consulté auprès de l’autorité intimée. Ces éléments ne figuraient toutefois pas au dossier puisque le service intimé a reçu une fiche de renseignements caviardée de la police. Le service a d’ailleurs précisé, dans le courrier du 16 mai 2024, qu’aucun élément ne lui avait été rapporté à ce sujet. Le courrier litigieux ne saurait dès lors être considéré comme un refus d’accès au dossier. Il appartenait aux recourants de se renseigner auprès de la police pour obtenir les noms des personnes concernées. En cas de refus, le requérant dont la demande d’accès à un document n’est pas satisfaite doit saisir le préposé cantonal d’une requête (art. 30 al. 1 let. a LIPAD), ce qui, à teneur du dossier, n’a pas été fait. Le courrier du 16 mai 2024 ne fait donc pas suite à une recommandation du préposé cantonal, de sorte qu'aucune voie de recours n’a été ouverte. Partant, ledit courrier ne constitue pas une décision sujette à recours.

En conséquence, le recours sera déclaré irrecevable. Compte tenu de l’issue du litige, il n’est pas nécessaire d’examiner le grief de violation du droit d’être entendu soulevé par les recourants. C’est le lieu de rappeler que les recourants ont eu accès à leur dossier et que l’intimé a dûment expliqué les raisons pour lesquelles il avait adressé un rapport au service des contraventions. Enfin, même s’il fallait comprendre l’acte du 17 juin 2024 comme un recours pour déni de justice, celui-ci serait irrecevable, l’autorité intimée n’ayant, comme on l’a vu, pas d’obligation de rendre une décision, faute pour les recourants d’avoir suivi la procédure instituée par la LIPAD.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 17 juin 2024 par A______ et B______ contre le courrier du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 16 mai 2024 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :