Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2824/2024

ATA/1294/2024 du 05.11.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2824/2024-FORMA ATA/1294/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA

FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 2006, a commencé un cursus gymnasial au Collège B______ en août 2021.

b. En juin 2022, à l'issue de la première année, elle a été promue par tolérance en deuxième année, ayant une discipline insuffisante (3.9 en français) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.1.

c. En juin 2023, à l'issue de la deuxième année, elle a été promue par dérogation en troisième année, ayant quatre disciplines insuffisantes (3.9 en français, 3.8 en allemand, 3.6 en mathématiques II et 3.7 en histoire) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.0.

B. a. En juin 2024, à l'issue de la troisième année, A______ ne remplissait pas les conditions de promotion en quatrième année. Sa moyenne générale était de 4.6/6, mais elle avait quatre disciplines insuffisantes (3.7 en français, 3.6 en allemand, 3.9 en mathématiques II et 3.9 en biologie), une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.9 et un total des quatre disciplines fondamentales (français, moyenne des langues étrangères 1 et 2, mathématiques et option spécifique) de 15.8.

b. Le bulletin scolaire annuel du 27 juin 2024 indique ce qui suit : « A______ ne remplit pas les critères de promotion. Comme elle a déjà bénéficié d'une dérogation pour entrer en 3ème année, le conseil de classe n'a pas pu lui en accorder une autre. Elle est par contre autorisée et encouragée à doubler la 3e année ».

C. a. Par acte du 2 juillet 2024, A______ a interjeté recours auprès de la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) contre la décision de non-promotion précitée, concluant à une promotion en quatrième année.

Elle avait pris connaissance d'un article de presse intitulé « L'égalité des chances n'est pas garantie au Collège », qui relayait un rapport du service d'audit interne de l'État (ci-après : SAI), et elle avait compris que le collège B______ se positionnait en tant qu'établissement exigeant dans ce domaine.

Malgré sa situation actuelle, son doyen estimait qu'elle était en mesure de réussir sa quatrième année et donc d'obtenir sa maturité, mais le collège ne pouvait lui accorder légalement une deuxième promotion par dérogation.

D'un point de vue psycho-social, il était bon qu'elle restât avec ses amies, devant subir une situation familiale délicate car ses parents étaient séparés. Rester dans la même « volée » que ses amies l'aiderait à continuer à étudier et à s'émanciper comme cela avait été le cas lors de l'année écoulée. Elle était une élève sérieuse et assistait aux cours avec assiduité.

b. Par décision du 14 août 2024, la DGES II a rejeté le recours.

Il n'était pas contesté qu'A______ ne remplissait pas les critères de promotion.

Une promotion par dérogation ne pouvait être accordée que si deux conditions étaient remplies, ce qui n'était le cas d'aucune des deux. Il fallait tout d'abord ne pas remplir « complètement » les critères de promotion, ce qui signifiait qu'il fallait s'en rapprocher fortement. Or, elle cumulait deux causes d'échec, à savoir quatre disciplines insuffisantes et un total des quatre disciplines de base insuffisant. Il fallait en outre pouvoir proposer un pronostic favorable, ce qui supposait de tenir compte des progrès accomplis au cours de l'année. À cet égard, si ses notes s'étaient améliorées dans cinq disciplines, elles avaient baissé dans sept autres et l'écart négatif à la moyenne était passé de 0.9 au premier semestre à 1.7 au second semestre. Si les problèmes personnels évoqués pouvaient expliquer en partie son échec, ils ne pouvaient à eux seuls justifier la chute des résultats au second semestre.

D. a. Par acte posté le 2 septembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du recours précitée, concluant à sa promotion en quatrième année.

La DGES II n'avait pas procédé à une appréciation correcte de la situation. D'une part en effet, la direction du collège avait voulu lui accorder une promotion, mais n'avait pas pu en raison de la teneur de l'art. 30 al. 2 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31), selon lequel, pour les voies d'enseignement général, un élève ne pouvait pas bénéficier d'une promotion par dérogation plus d'une fois par filière. L'objet de son recours était donc une demande de dérogation à cette disposition réglementaire.

L'analyse à laquelle il avait été procédé par rapport aux deux conditions d'une promotion par dérogation ne pouvait en outre être partagée. La DGES II n'avait pas de connaissance directe de sa situation familiale – les difficultés familiales étaient survenues juste avant les examens semestriels de juin – et ne pouvait donc évaluer l'influence de celle-ci sur sa situation scolaire. Elle avait de plus accompli des progrès au second semestre, car la difficulté avait augmenté au cours de l'année, tandis que ses résultats qui avaient baissé ne l'avaient fait que légèrement. Se contenter de compter le nombre de disciplines qui s'amélioraient ou étaient en baisse n'était pas suffisant. Elle était très assidue aux cours.

b. Le 27 septembre 2024, la DGES II a conclu au rejet du recours.

La recourante avait bénéficié d'une promotion par dérogation pour son passage de deuxième en troisième année, si bien que, réglementairement, elle n'avait pas droit à une dérogation.

En outre, les conditions d'une promotion par dérogation n'étaient pas remplies. La première ne l'était pas en raison de la présence de deux causes d'échec. Pour la deuxième condition, il avait été tenu compte des progrès accomplis au second semestre ainsi que de l'assiduité et du comportement adéquat de l'élève. Celle-ci était néanmoins non promue également en prenant en compte les seuls résultats du second semestre. Il ne pouvait être posé un diagnostic de réussite en quatrième année au vu des fragilités et lacunes trop importantes.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 11 octobre 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 11 octobre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Certains de ses arguments n'avaient pas reçu de réponse adéquate, à savoir le soutien de son doyen dans sa démarche de recours et le principe qui voudrait que la « voix du terrain », autrement dit celle de son doyen qui était aussi son enseignement d'option spécifique, se voie accorder une importance accrue, et le rapport du SAI qui questionnait l'égalité des chances en raisons de critères de promotion variables d'un collège à l'autre.

e. L'intimé ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 40 du règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

2.1 L’art. 29 REST indique que les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière (al. 1). Il précise que l’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école et, dans cette optique, lors de l’analyse de l’octroi d’une promotion par dérogation ou d’un redoublement ou lors d’une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l’élève à mener à bien son projet de formation (al. 2). Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l’échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l’élève (al. 3).

2.2 Le règlement de la formation gymnasiale au collège de Genève (C 1 10.71 - RGymCG) fixe les dispositions régissant l’admission et la promotion des élèves, les conditions d’examens et d’obtention des titres, en précisant, le cas échéant, celles qui sont contenues dans d’autres lois et règlements (art. 1 al. 1 RGymCG).

2.3 Selon l’art. 28 RGymCG applicable au passage de troisième en quatrième année, est promu l’élève qui obtient la note annuelle de 4,0 au moins pour chacune des disciplines d’enseignement suivies (al. 1). Est promu par tolérance l’élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes : la moyenne générale est égale ou supérieure à 4,0 (art. 28 al. 2 let. a RGymCG) ; en option spécifique, la note est égale ou supérieure à 4,0 (let. b) ; la somme des écarts à 4,0 des notes insuffisantes (au maximum 3 notes) ne dépasse pas 1,0 (let. c) ; un total minimal de 16,0 est obtenu pour les disciplines suivantes : français, moyenne entre langue 2 et langue 3, mathématiques et option spécifique (let. d). Restent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation définies dans le REST (art. 28 al. 3 RGymCG).

2.4 La direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès (promotion par dérogation, art. 30 al. 1 REST).

Un élève ne peut pas bénéficier de cette mesure plus d'une fois par filière (art. 30 al. 2 REST).

2.5 La promotion par dérogation prévue par l’art. 30 al. 1 REST prévoit ainsi deux conditions, la première étant que l’élève ne remplisse pas complètement les conditions de promotion.

La deuxième condition prévue pour l’octroi d’une promotion par dérogation est celle qui concerne les aptitudes que semble avoir l’élève et qui sont nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès en dépit de son échec.

Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéfice d’un très large pouvoir d’appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/900/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3e).

2.6 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 148 I 73 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2024 du 3 septembre 2024 consid. 6.1). Pour qu'il y ait inégalité de traitement, les décisions contradictoires doivent émaner de la même autorité : l'autorité doit se contredire elle-même (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2020 du 9 juin 2022 consid. 3.2).

2.7 En l’espèce, il n’est pas contesté que les résultats de la recourante ne lui permettent pas d’être promue en quatrième année (art. 28 al. 1 RGymCG), ni d’être promue par tolérance (art. 28 al. 2 RGymCG).

S’agissant d’une éventuelle dérogation (art. 28 al. 3 RGymCG), la teneur de l’art. 30 al. 2 REST est claire et ne laisse aucune marge d’appréciation au département. En effet, selon cette disposition, aucune dérogation ne peut être accordée lorsque l'élève a déjà bénéficié d'une promotion par dérogation au cours de la filière, soit en l'occurrence au cours du cursus gymnasial. Or, tel est le cas de la recourante, ce qu’elle ne conteste pas et qui constitue le fondement du refus de promotion du conseil de classe.

Le recours ne peut en conséquence qu’être rejeté, les considérations liées à la situation personnelle de la recourante ne pouvant infléchir ce qui précède. En effet, aucune base légale ou réglementaire ne permet de déroger, comme le souhaiterait la recourante, au principe posé par l'art. 30 al. 2 REST.

Le département a procédé, par surabondance de moyens, à une analyse des conditions de la dérogation. Il n’est toutefois pas nécessaire de la vérifier, celle-ci ne trouvant pas application, compte tenu de l’art. 30 al. 2 REST.

De même, le grief d'inégalité de traitement implicitement soulevé par la recourante tombe à faux. En effet, il ne ressort nullement du rapport du SAI tel que rapporté par la coupure de presse figurant au dossier que la pratique des différents collèges serait différente par rapport à l'art. 30 al. 2 REST, c'est-à-dire que certains admettraient par hypothèse une deuxième promotion par dérogation au cours de la filière gymnasiale.

Le recours sera en conséquence rejeté.

Vu cette issue, un émolument de procédure de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 septembre 2024 par A______ contre la décision sur recours du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :