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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1365/2022

ATA/1288/2024 du 05.11.2024 sur JTAPI/1437/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1365/2022-PE ATA/1288/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Benoît MORZIER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2022 (JTAPI/1437/2022)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant français, est né à Lausanne (VD) le
______ 1972.

b. Il a été marié avec B______, née le ______ 1978, ressortissante suisse, du 29 décembre 2000 au 27 février 2017.

Deux enfants sont issus de cette union, C______, né le ______ 2001 et D______, née le ______ 2007.

A______ est également le père d’un autre enfant, G______, fruit d’une précédente union.

c. Il a bénéficié de prestations d’aide sociale de l’Hospice général du canton de Genève (ci-après : l’hospice) du 1er juin 2017 au 28 février 2018.

Selon une attestation de l’hospice du 9 avril 2024, il recevait à nouveau des prestations financières, depuis le 1er juillet 2020, pour un total de CHF 123'074.- (CHF 16'610.- en 2020, CHF 29'251.- en 2021, CHF 31'215.- en 2022, CHF 36'525.- en 2023, et CHF 9'473.- pour 2024 au 9 avril 2024).

Il avait une dette à l’égard de l’hospice (« AMIG et ASOC ») de CHF 4'340.60 le 9 avril 2024.

À teneur des documents fournis au service de l’assistance juridique le 6 septembre 2024, le recourant a été sans source de revenus autres que l’aide sociale, entre janvier 2023 et septembre 2024.

d. Selon l’extrait de l’office des poursuites du 9 avril 2024, A______ faisait l’objet de 71 poursuites et impossibilités de notifier le commandement de payer pour un montant total de CHF 179'433.-, dont huit avaient été entamées en 2024.

Le nombre d’actes de défaut de biens suite à une saisie non éteints des dernières 20 années est passé de neuf, pour un montant de CHF 9'434.35 le 10 juin 2021, à 31 pour un total de CHF 124'519.71 le 9 avril 2024.

e. Le recourant n’a pas fourni d’extrait de son casier judiciaire malgré la requête formulée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) le 16 avril 2024.

En août 2024, l’OCPM a reçu du Ministère public genevois, copie d’une ordonnance de condamnation du 6 août 2024 condamnant A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 90.- le jour amende, pour escroquerie.

f. Il ressort par ailleurs du dossier que A______ a fait l’objet de nombreuses condamnations :

- en octobre 1988 et février 1992, il a été condamné successivement à dix jours de détention, avec sursis pendant un an, puis à trois mois de détention ferme et à la révocation du sursis pour, notamment, escroquerie et faux dans les titres ;

- en novembre 1992 et février 1993, le Tribunal de district de Lausanne a converti respectivement six amendes infligées à A______ en 18 jours d’arrêts et six amendes en 51 jours d’arrêts ;

- en mars 1994, ledit tribunal l’a reconnu coupable d’escroquerie par métier, de faux dans les titres, de violation simple et grave de la circulation routière, de circulation après un retrait de permis de conduire et de contraventions tant à l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) qu’à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ; il l’a de ce fait condamné à deux ans et demi d’emprisonnement et à une amende de CHF 1'000.- ;

- en mai 1996, le Tribunal de district de Lausanne l’a condamné, par défaut, pour escroquerie et faux dans les titres, à trois mois d’emprisonnement ;

- en mars 1997, ce même tribunal l’a condamné, pour escroquerie et faux dans les titres, à un mois d’emprisonnement ;

- en mars 1999, il l’a condamné, par défaut, pour escroquerie, faux dans les titres, tentative d’escroquerie et infraction à la législation sur les étrangers, à huit mois d’emprisonnement, peine partiellement complémentaire à celle prononcée en mars 1997 ;

- le 10 septembre 2001, le juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne l’a condamné à 20 jours d’emprisonnement pour rupture de ban, violation simple des règles de la circulation routière et usage abusif de permis ou de plaques ;

- le 7 novembre 2003, le Procureur général genevois a condamné A______ à 20 jours d’emprisonnement pour lésions corporelles simples ;

- le 25 mai 2004, le juge d’instruction de La Côte Morges lui a infligé une amende de CHF 1'000.-, avec un sursis de deux ans, pour violation grave des règles de la circulation routière ;

- le 21 septembre 2005, le service de la population du canton de Vaud (ci-après : SPOP) a informé l’OCPM de l’arrivée A______ dans le canton de Vaud ;

- le 14 décembre 2006, le Tribunal de police genevois l’a reconnu coupable de filouterie d’auberge et l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement ;

- le 18 mars 2009, le Tribunal de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, libéré A______ de l’accusation de filouterie d’auberge, constaté qu’il s’était rendu coupable d’escroquerie et de faux dans les titres et l’a ainsi condamné à une peine privative de liberté de dix mois, peine complémentaire à celle prononcée le 14 décembre 2006 par le Tribunal de police de Genève. Par arrêt du 22 juin 2009, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a constaté que A______ s’était rendu coupable d’escroquerie, de filouterie d’auberge et de faux dans les titres ; elle a pour le surplus confirmé le jugement du 18 mars 2009 ;

- le 5 décembre 2013, le Tribunal de l’arrondissement de Lausanne a condamné A______ à une peine privative de liberté de six mois ainsi qu’à une amende de CHF 500.- pour vol d’importance mineure, obtention frauduleuse d’une prestation d’importance mineure, escroquerie, filouterie d’auberge, tentative de menaces qualifiées et violation d’une obligation d’entretien. Le 2 juin 2014, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement ;

- le 21 septembre 2015, le Ministère public genevois a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende et à une amende de CHF 200.- pour lésions corporelles simples et contravention selon l’art. 19a LStup ;

- le 21 octobre 2015, le Tribunal d’arrondissement de Lausanne l’a condamné à une peine privative de liberté de huit mois ainsi qu’à une amende de CHF 500.- pour appropriation illégitime, abus de confiance, vol d’importance mineure, escroquerie, filouterie d’auberge, obtention frauduleuse d’une prestation, faux dans les titres, faux dans les certificats, violation grave des règles de la circulation routière et contravention à la LStup. Le 11 avril 2016, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement ;

- le 16 septembre 2016, le Ministère public genevois l’a condamné à une peine privative de liberté de 20 jours pour vol ;

- le 5 décembre 2019, le Ministère public valaisan a condamné A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis de deux ans, et à une amende de CHF 500.- pour contravention à l’art. 19a LStup et conducteur se trouvant en incapacité de conduire ;

- le 26 mai 2020, le Ministère public genevois l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende pour escroquerie ;

- le 17 décembre 2020, il l’a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende ainsi qu’à une amende de CHF 750.- pour escroquerie et vol d’importance mineure ;

B. a. A______ a obtenu une autorisation d’établissement à sa naissance au titre de regroupement familial, du fait que sa mère bénéficiait d’un permis C. À l’échéance des autorisations, le 28 août 1978, la famille s’est installée en Espagne, à Paris puis en Grèce, tout en revenant régulièrement en Suisse.

Sa famille s’est installée dans la région lausannoise en novembre 1983. Il a obtenu une autorisation de séjour le 10 février 1987, valable jusqu’au 15 juillet 1989.

b. En mai 1994, le SPOP (à l’époque office cantonal de contrôle des habitants et de police des étrangers) a refusé de délivrer une autorisation de séjour à A______. Les recours interjetés contre ce refus ont été rejetés le 14 juin 1995 par le Tribunal administratif vaudois et le 19 octobre 1995 par le Tribunal fédéral.

Il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse de dix ans, à compter du 28 février 1996. A______ a dès lors quitté la Suisse.

C. a. Le 29 décembre 2000, A______ s’est marié à Orbe, où il était incarcéré à cette époque.

b. Le 7 février 2003, l’OCPM (à l’époque office cantonal de la population) lui a délivré une autorisation de séjour UE/AELE, valable jusqu’au 27 novembre 2007. L’interdiction d’entrée avait été annulée avec effet immédiat le 20 décembre 2002 par l’office fédéral des étrangers, devenu depuis le secrétariat d’État aux migrations (ci‑après : SEM).

À la suite de son arrivée sur le canton de Vaud, le SPOP lui a délivré le 7 mars 2007, une autorisation de séjour UE/AELE, valable jusqu’au 27 novembre 2007.

c. Le 3 juillet 2008, compte tenu de son passé délictueux en Suisse, le SPOP a refusé de lui octroyer une autorisation d’établissement, mais a indiqué être disposé à renouveler son autorisation de séjour.

d. Selon un rapport de la police vaudoise du 16 février 2010, A______ a indiqué, notamment, être séparé de son épouse de manière officielle et ne pas avoir de domicile fixe.

e. Le 25 mars 2011, le SPOP a refusé de prolonger son autorisation de séjour et lui a imparti un délai au 25 avril 2011 pour quitter la Suisse. Le courrier recommandé notifiant cette décision n’a pas été réclamé par A______.

D. a. Le 1er février 2017, à la suite de sa prise de domicile dans le canton de Genève, A______ a déposé une demande de « changement de canton » auprès de l’OCPM.

b. Par jugement du 27 février 2017, le divorce requis unilatéralement le 15 juin 2012 par l’épouse de A______ a été prononcé et la convention sur les effets du divorce des parties a été ratifiée, de sorte que l’autorité parentale et la garde des enfants ont été attribuées à cette dernière. A______ a été mis au bénéfice d’un droit de visite sur sa fille à exercer, d’entente avec le service de la protection de la jeunesse, et a été condamné à contribuer à l’entretien de ses enfants pour autant que son revenu mensuel net atteigne CHF 3'500.-.

Il ressort notamment de ce jugement que A______ était en détention depuis le 14 juillet 2016.

c. Le 8 juin 2021, l’OCPM a adressé une demande de renseignements, en lien avec la relation entretenue par A______ avec ses deux enfants, à l’ex-épouse de l’intéressé ; celle-ci n’y a pas répondu.

d. Les 15 et 22 mai ainsi que le 24 juillet 2021, faisant suite à une demande de renseignements, A______ a indiqué à l’OCPM être en attente d’obtenir un contrat de travail, qu’il transmettrait dès qu’il serait en sa possession, et a exposé avoir tous ses liens, familiaux, professionnels et sociaux en Suisse.

e. Le 18 octobre 2021, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser de lui octroyer une autorisation de séjour UE/AELE et de prononcer son renvoi de Suisse dans la mesure où il ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une telle autorisation en application de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

f. Le 5 décembre 2021, auditionné par la police genevoise, A______ a indiqué, notamment, être à l’aide sociale depuis deux ans, avoir trois enfants, dont deux majeurs et la troisième suivant une formation de danse en internat à Cannes (F), et devoir de l’argent à diverses personnes.

g. Par décision du 15 mars 2022, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour UE/AELE à A______, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 30 avril 2022 pour quitter la Suisse, l’exécution de cette mesure n’apparaissait pas impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

Il avait régulièrement fait l’objet de condamnations pénales depuis 1990, dont pas moins de sept condamnations depuis 2013. Il faisait aussi l’objet de cinq actes de défaut de biens ainsi que de nombreuses poursuites et impossibilités de notifier un commandement de payer pour plusieurs milliers de francs. Il avait en outre bénéficié de prestations d’aide sociale tant dans le canton de Vaud que dans celui de Genève. À Genève, il avait bénéficié des prestations d’aide sociale du 1er juin 2017 au 28 février 2018, et depuis le 1er juillet 2020, pour un total de CHF 49'614.‑. Il était sans emploi et donc sans moyens financiers autre que l’aide sociale. Dans ces circonstances, il ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour au sens de l’ALCP. Il indiquait certes avoir des offres d’emploi depuis une année, mais sans les documenter, et lorsqu’elles l’étaient, la promesse d’embauche ne se concrétisait pas. Dès lors, la condition d’octroi d’une autorisation de séjour au sens de l’art. 6 annexe I ALCP n’était pas remplie, faute d’occuper un emploi au jour de la décision. Il en allait de même pour l’octroi d’une telle autorisation au sens de l’art. 24 annexe I ALCP ou d’une autorisation de séjour de courte durée en vue de recherche d’emploi au sens de l’art. 2 par. 1 annexe I ALCP, dans la mesure où il n’avait pas démontré disposer de ses propres moyens financiers et qu’il dépendait totalement de l’aide sociale depuis de nombreuses années. Il ne remplissait pas non plus les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons majeures. Quand bien même il était né en Suisse et qu’il y avait vécu de nombreuses années, son intégration ne pouvait être qualifiée de réussie vu sa dépendance à l’aide sociale, ses nombreuses dettes et actes de défaut de biens et le fait qu’il était très défavorablement connu des forces de l’ordre depuis les années 1990.

Il ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Sur trois enfants, deux étaient majeurs et la troisième ne résidait pas en Suisse, suivant une formation en internat à Cannes. En tout état, même si elle vivait en Suisse, il n’avait pas démontré entretenir avec elle une relation étroite et effective d’un point de vue affectif et économique. Par ailleurs, il n’avait bénéficié d’aucun titre de séjour sur les dix dernières années et son comportement avait été délictueux en Suisse durant toutes ces années.

Au surplus, il lui était loisible de se domicilier en France, à quelques kilomètres de la Suisse, pour continuer à chercher un emploi et, le cas échéant, déposer une nouvelle autorisation de séjour UE/AELE ou encore une autorisation frontalière UE/ALCP.

E. a. Le 2 mai 2022, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à ce que la décision litigieuse soit réformée en ce sens qu’une autorisation de séjour avec activité lucrative lui soit accordée.

Il avait obtenu une promesse de contrat de travail le 13 avril 2022 de la société E______ Sàrl (ci-après : E______ Sàrl), qui avait proposé de l’engager dès le 1er mai 2022 en qualité de « Business Developer ». Dans la mesure où il ne disposait actuellement pas d’un permis de séjour valable, cette promesse d’embauche devait être concrétisée par une demande en bonne et due forme auprès de l’autorité compétente, processus en cours. Il devait donc être autorisé à compléter son argumentaire en produisant les pièces démontrant que cette promesse d’embauche précitée serait concrétisée.

S’agissant de l’absence de revenus et de sa dépendance à l’aide sociale depuis plus de deux ans, l’OCPM n’avait pas tenu compte des circonstances particulières et de la situation exceptionnelle liée à la pandémie de mars 2020 à avril 2022. Il était ingénieur du son de formation et avait toujours œuvré dans le domaine du divertissement ou du spectacle au sens large du terme. Or, il était notoire que son domaine d’activité avait été la cible principale des mesures restrictives prises par les autorités. Lui faire dès lors grief d’émarger à l’aide sociale parce qu’il n’avait pas obtenu un emploi, respectivement un contrat de travail dans son domaine d’activité de la même manière que si le monde n’avait pas connu la pandémie de Covid-19 apparaissait être arbitraire puisque cette décision écartait un élément de fait important pour juger de la cause. Cette conséquence financière imprévisible ne pouvait être retenue à sa charge sans lui laisser le temps de se retourner, étant rappelé que les dernières restrictions avaient été levées le 1er avril 2022. Une mauvaise intégration ne saurait donc être retenue sur cette base financière.

De manière étrange et « sans pousser plus avant la motivation », l’OCPM avait retenu qu’il était défavorablement connu des forces de l’ordre et qu’il avait fait l’objet de sept condamnations sur les neuf dernières années pour considérer qu’il n’aurait pas démontré qu’un retour dans son pays d’origine le mettrait dans une situation de rigueur. Il peinait à comprendre sur quel motif il devait se défendre. L’OCPM avait aussi fait fi du fait qu’il avait ouvert une procédure civile le 11 mai 2021, doublée d’une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles pour obtenir l’autorité parentale sur sa fille D______ et un droit de visite élargi ; un mandat d’évaluation de la situation avait été mis en œuvre par prononcé du tribunal civil du 19 juillet 2021. Ainsi, s’il n’avait pas de contacts avec sa fille, il se battait pour rétablir ses droits parentaux ; il devait aussi être autorisé à compléter ses écritures sur ce point. À ce sujet, il ressortait d’un courrier du 20 juillet 2021 de la direction générale de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée du canton de Vaud que son ex-épouse souhaitait scolariser D______ à domicile et non dans un internat en France. Ainsi, si sa fille avait effectivement pu fréquenter une école en France, il n’était pas établi que cela soit définitif, de sorte qu’il pourrait être amené à exercer ses droits parentaux en Suisse lorsque la procédure civile en modification de jugement de divorce, respectivement l’application stricte dudit jugement serait effective. Dès lors, il existait potentiellement un cas de rigueur au sens de l’art. 8 CEDH, respectivement de l’art. 20 de l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, l’Union européenne et ses États membres, ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) en lien avec l’art. 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Il ne résultait pas de la décision litigieuse que cette question ait été traitée de manière approfondie, de sorte que l’instruction devait être reprise à cet égard de manière plus poussée.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé qu’en sus de sa promesse de contrat de travail du 13 avril 2022, E______ Sàrl avait déposé, le 9 mai 2022, une demande en vue du renouvellement et modification de situation pour titulaire d’un titre de séjour avec activité lucrative (formulaire K). Ce processus était toujours en cours auprès de l’OCPM, qui s’était bien gardé de le mentionner dans sa réponse. Ses perspectives de gain, en qualité de commercial apporteur d’affaires à 100%, étaient réelles et démontrées et ne dépendaient en définitive que de la conclusion du contrat qui ne pourrait être effective qu’une fois que le permis de séjour délivré respectivement renouvelé. Au vu de ce qui précédait, l’argument lié à sa situation financière perdait toute sa force.

d. Dans sa duplique, l’OCPM a relevé que, sauf preuve contraire, il n’avait pas reçu de formulaire K.

e. Par jugement du 21 décembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

ea. Le recourant n’exerçait aucune activité lucrative depuis plus de deux ans et émargeait par conséquent entièrement à l’assistance publique depuis le mois de juillet 2020. Le fait que cette situation puisse découler de la pandémie de Covid-19 n’avait, en soi, pas pour effet ni de modifier la législation en vigueur ni de justifier que le recourant demeure et vive en Suisse sans y exercer un emploi lucratif grâce à l’aide sociale. Il n’était d’ailleurs pas contraint de se cantonner à son domaine d’activité et il pouvait, voire devait rechercher un emploi dans un autre secteur économique moins impacté par les restrictions liées à la pandémie. Ces restrictions avaient été levées le 1er avril 2022 soit il y avait plus de huit mois, de sorte que même à retenir qu’il était dans l’impossibilité de travailler jusqu’à cette date, le recourant aurait largement eu le temps (plus de six mois) de trouver depuis lors un emploi lui conférant la qualité de travailleur au sens de l’ALCP.

Or, sa relation avec E______ Sàrl ne suffisait pas pour considérer que le recourant bénéficiait de la qualité de travailleur au sens de l’ALCP. D’une part, eu égard au salaire mensuel brut de CHF 1'500.- fixe promis, cette activité n’était que marginale et accessoire, les commissions n’étant nullement assurées, ce d’autant plus qu’il ne résultait pas que le recourant possède la moindre expérience dans le domaine des travaux de rénovation du bâtiment et des opérations immobilières, champ d’activité d’E______ Sàrl à teneur du registre du commerce vaudois. De plus, l’absence d’indication sur la durée du contrat de travail et le taux d’activité proposé conduisaient également à penser que l’activité en cause n’était en fait ni réelle ni effective. D’autre part, alors qu’une activité lucrative exercée par un ressortissant français pouvait débuter dès l’envoi de la demande à l’OCPM, ce que le recourant assisté d’un avocat devait savoir déjà au mois de mai 2022 et qu’il avait, en tout état, appris à la lecture de la duplique du 23 septembre 2022, il n’avait produit aucune pièce, alors que le fardeau de la preuve lui incombait, sur les revenus qu’il aurait réalisés grâce à cet emploi ni sur le fait qu’il ne dépendrait plus de l’assistance publique. De surcroît, les promesses d’embauche remises par le passé à l’OCPM ne s’étaient jamais concrétisées. Ainsi, le simple dépôt d’une promesse d’embauche et d’un formulaire K, qui ne figurait d’ailleurs pas au dossier de l’OCPM, ne permettaient pas de conclure que le recourant déployait effectivement une activité pour le compte de la société E______ Sàrl. Il n’avait pas produit de pièce émise par une instance officielle, telle que le service des assurances-sociales, démontrant qu’il travaillait réellement auprès d’E______ Sàrl et précisant le montant effectif de sa rémunération. L’activité du recourant auprès d’E______ Sàrl n’était en conséquence pas démontrés et ne serait, quoi qu’il en soit, pas susceptible de lui conférer le statut de travailleur au sens de l’ALCP.

En outre, le recourant n’était pas en mesure de bénéficier d’un droit de séjour en Suisse en qualité de personne à la recherche d’un emploi, les six mois impartis pour retrouver un travail étant largement échus. Il ne pouvait pas non plus bénéficier d’une autorisation de séjour sans activité lucrative au sens de l’art. 24 al. 1 annexe I ALCP, dans la mesure où il émargeait à l’aide sociale depuis le 1er juillet 2020 et qu’il ne disposait donc à l’évidence pas des moyens financiers nécessaires.

En conclusion, faute de se trouver dans l’une des situations de libre circulation prévues par l’ALCP et d’en remplir les conditions, le recourant ne pouvait prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour, de quelque type que ce soit, fondée sur cet accord international.

eb. Il ne remplissait pas non plus les conditions de l’art. 20 OLCP, aucun motif important n’exigeant la délivrance d’une autorisation de séjour. Si le recourant était certes né en Suisse et y avait passé une quarantaine d’années, dont quelques-unes en détention, son séjour avait néanmoins été entrecoupé de plusieurs années vécues à l’étranger. En outre, il ne semblait pas s’y être particulièrement intégré, tant sur le plan professionnel que sur le plan social. Il ne pouvait se prévaloir d’un comportement irréprochable dans la mesure où il fait l’objet de poursuites et de multiples actes de défaut de bien ainsi que de très nombreuses condamnations pénales. Son intégration sociale ne pouvait ainsi à l’évidence être qualifiée de bonne. Son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d’exceptionnelle. Il avait certes travaillé, mais avait également été à la charge de l’assistance publique de nombreuses années. Il ne résultait en outre pas qu’il aurait acquis des connaissances spécifiques qui ne pourraient être utilisées en France.

Enfin, le fait de devoir quitter la Suisse ne pouvait réellement impliquer un déracinement et des difficultés d’adaptation pour un ressortissant français à même de s’installer à proximité de la Suisse. Le recourant n’expliquait d’ailleurs pas pour quels motifs les conditions de sa réintégration sociale en France, au regard de sa situation familiale, personnelle et professionnelle, seraient gravement compromises.

F. a. Par acte du 1er février 2023, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour, subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle instruction et décision.

Il sollicitait d’être mis au bénéfice de l’assistance juridique. Comme constaté dans la décision, il avait été jusqu’à récemment sans emploi et au bénéfice de l’aide financière de l’hospice depuis le 1er juillet 2020. Il ne bénéficierait que d’un revenu partiel à la fin de janvier 2023 et resterait dans une situation financière précaire. Il alléguait un fait nouveau, soit la signature d’un contrat de travail de durée indéterminée avec la société E______ Sàrl le 16 janvier 2023, pour une activité de représentant commercial/apporteur d’affaires, au taux de 100%, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'500.-, douze fois/an. Le recours devait être admis dès lors qu’il remplissait les conditions de l’art. 6 annexe 1 ALCP. Subsidiairement, la procédure devait être suspendue, le temps d’interpeler l’OCPM sur la procédure administrative qui pourrait découler de ce fait nouveau.

b. Par décision du 12 avril 2023, la procédure a été suspendue d’entente entre les parties.

c. Le 16 avril 2024, l’OCPM a sollicité la reprise de la procédure. Le recourant devait être invité à déposer une attestation/certificat de travail, une copie de ses dernières fiches de salaire et un extrait récent de son casier judiciaire.

d. Par décision du 24 avril 2024, la procédure a été reprise.

e. Invité à produire les pièces d’ici au 27 mai 2024, le recourant a sollicité des prolongations de délais.

f. L’OCPM a persisté dans ses conclusions. Le recourant n’avait jamais repris d’activité lucrative réelle et effective au sens de l’art. 6 ALCP et demeurait à la charge de l’hospice.

g. Le 8 juillet 2024, le recourant a indiqué ne pas être en mesure de produire de certificat de travail ni de fiches de salaires. Il avait signé un contrat avec le « Restaurant H______ » le 22 novembre 2023, mais la mission n’avait jamais commencé.

h. Le 28 août 2024, le recourant a indiqué que le contrat de travail n’avait pas été formellement résilié. Il poursuivait activement ses recherches d’emploi, dont les justificatifs seraient transmis à la chambre de céans « dans un second temps ». Il sollicitait un bref délai pour ce faire. Il avait été victime de la crise du Covid-19 et, en qualité d’ingénieur du son, avait vu des opportunités disparaître dans son métier. Il lui était difficile de se reconvertir passé 50 ans. Sa dépendance à l’aide sociale ne pouvait en conséquence pas lui être reprochée.

i. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 61 LPA, le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (al. 1). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (al. 2 ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

3.             Le litige porte sur la demande d’octroi d’un permis de séjour du 1er février 2017.

3.1 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l’ALCP.

Ainsi, l’ALCP et l’OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE, la LEI ne s’appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l’ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (art. 12 ALCP ; art. 2 LEI).

Dans ce contexte, il convient en premier lieu d’examiner l’application de l’ALCP à la situation de séjour du recourant, ressortissant français. En cas d’inapplication de l’ALCP in casu, référence doit être faite à la LEI et à l’OASA.

3.2 Le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l’art. 10, non pertinentes en l’espèce, et conformément aux dispositions de l’annexe I (art. 4 ALCP).

3.2.1 Selon l’art. 6 § 1 annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi, d’une durée égale ou supérieure à un an, au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance.

3.2.2 De jurisprudence constante, doit être considéré comme un « travailleur » au sens de l’ALCP la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d’une prestation de travail, d’un lien de subordination et d’une rémunération). Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires (ATF 141 II 1 consid. 2.2.4 et 3.3.2 ; 131 II 339 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_395/2023 du 7 novembre 2023 consid. 4.2.3 ; 2C_945/2021 du 11 août 2022 consid. 6.2).

Pour apprécier si l’activité exercée est réelle et effective, il faut tenir compte de l’éventuel caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée ou de la faible rémunération qu’elles procurent. Ainsi, le fait qu’un travailleur n’effectue qu’un nombre très réduit d’heures – dans le cadre, par exemple, d’une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel – ou qu’il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant que l’activité exercée n’est que marginale et accessoire (ATF 131 II 339 consid. 3.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.2.2). À cet égard, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser qu’un travail exercé au taux de 80% pour un salaire mensuel de CHF 2'532.65 ne représentait pas un emploi à tel point réduit ou une rémunération si basse qu’il s’agirait d’une activité purement marginale et accessoire sortant du champ d’application de l’art. 6 annexe I ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1061/2013 du 14 juillet 2015 consid. 4.4). En revanche, il a considéré qu’une activité à taux partiel donnant lieu à un salaire mensuel d’environ CHF 600.- à 800.- apparaissait tellement réduite et peu rémunératrice qu’elle devait être tenue pour marginale et accessoire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1137/2014 du 6 août 2015 consid. 4.4). 

3.2.3 En l’espèce et comme l’a retenu à juste titre le TAPI, le recourant ne démontre pas exercer une activité lucrative, ni ne prouve en avoir effectivement exercé une depuis plusieurs années.

Il émarge à l’aide sociale au moins depuis juillet 2020, selon une attestation émise par l’hospice le 9 avril 2024. Il ne conteste pas dans ses dernières écritures qu’il en dépend encore en septembre 2024, mais considère qu’il ne peut en être tenu pour responsable. Il ne peut être suivi, au vu de la longue période de dépendance à l’aide sociale et de l’absence de toute preuve de recherche d’emploi, sous réserve de quelques contrats pour lesquels une activité réelle n’a toutefois jamais été démontrée. Aucune fiche de salaire, déclaration aux assurances sociales, bordereau d’impôts ou extrait de comptes bancaires n’a été versée au dossier, alors même que la cause avait été suspendue pendant une année aux fins de permettre à l’intéressé de produire toute preuve d’une activité professionnelle effective. Les décomptes de l’hospice depuis janvier 2023 confirment l’absence de revenus. Selon l’ordonnance pénale du Ministère public genevois du 6 août 2024, le prévenu travaillait pour F______ à Crissier et réalisait un salaire mensuel de CHF 4'200.-. Or, d’une part, ce fait ne ressort d’aucune pièce du dossier hormis l’ordonnance pénale, alors même qu’il serait dans l’intérêt du recourant, étant rappelé que ses dernières observations à la chambre de céans datent du 28 août 2024. D’autre part, ce fait est contredit par les décomptes de l’hospice, y compris celui de septembre 2024, qui, conformément à la décision d’assistance juridique, indiquent une absence de revenus. Dans ces conditions, ni le contrat signé le 16 janvier 2023, mais jamais réellement mis en vigueur, avec E______ Sàrl à Crissier pour un salaire fixe de CHF 1'500.- plus des commissions, ni le contrat avec le « Restaurant H______ » signé le 22 novembre 2023 brièvement évoqué dans un courriel avec l’OCPM ni encore le contrat précité avec F______ pour autant qu’il existe, ne remplissent les conditions d’activité exercée réelle et effective.

Le recourant ne peut dès lors pas se prévaloir d’un droit à la délivrance d’une autorisation de séjour sur la base de l’art. 4 ALCP et 6 § 1 annexe I ALCP.

3.3 Selon l’art. 6 ALCP, le droit de séjour sur le territoire d’une partie contractante est garanti aux personnes n’exerçant pas d’activité économique selon les dispositions de l’annexe I relatives aux non actifs.

3.3.1 Une personne ressortissant d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité économique dans le pays de résidence reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins, à condition qu’elle prouve aux autorités nationales compétentes qu’elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l’aide sociale pendant son séjour (art. 24 § 1 let. a annexe I ALCP) et d’une assurance‑maladie couvrant l’ensemble des risques (let. b). Le § 2 de cette disposition précise que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s’ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle, peuvent prétendre à des prestations d’assistance.

3.3.2 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et des considérants qui précèdent, que le recourant ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour subvenir à son entretien et dépend de l’aide sociale. Il a par ailleurs d’importantes dettes qui s’accroissent au fil des années, ce que démontre la comparaison entre les extraits de l’office des poursuites de 2021 et de 2024.

Le recourant ne peut en conséquence pas se prévaloir d’un droit à la délivrance d’une autorisation de séjour sur la base de l’art. 6 ALCP et 24 annexe I ALCP.

3.4 Selon l’art. 20 OLCP, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l’ALCP ou au sens de la Convention instituant l’AELE, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM ; art. 29 OLCP). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

S’agissant de la notion de « motifs importants », les conditions posées à l’admission de l’existence de tels motifs au sens de l’art. 20 OLCP correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec les précisions apportées par l’art. 31 OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-4332/2018 du 20 août 2019 consid. 6.2 et les arrêts cités).

Dès lors que l’admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP et l’art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (par ex. frère et sœur, oncle, neveu, tante ou nièce ; SEM, Directives et commentaires concernant l’ordonnance sur la libre circulation des personnes [Directives OLCP], ch. 8.5).

3.4.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI, et de l’OASA. Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

En l’espèce, dès lors que la demande d’autorisation de séjour a été déposée avant le 1er janvier 2019, c’est la LEI et l’OASA dans leur teneur avant le 1er janvier 2019 qui s’appliquent, étant précisé que même si les nouvelles dispositions devaient s’appliquer, cela ne modifierait rien à l’issue du litige compte tenu de ce qui suit.

3.4.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive. Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4.3 En l’espèce, le recourant a certes résidé de nombreuses années en Suisse. Il y est né, y a grandi quelques années, avant de partir à l’étranger, puis d’y revenir. Il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée pour une durée de dix ans, qui s’est appliquée du 28 février 1996 jusqu’à son mariage avec une suissesse, plus précisément jusqu’au 20 décembre 2002. Il a fondé une famille en Suisse. La dernière autorisation dont il a bénéficié consistait ainsi en une autorisation de séjour pour regroupement familial, délivrée le 7 février 2003 et valable jusqu’au 27 novembre 2007. Le 3 juillet 2008, compte tenu de son passé délictueux en Suisse, le SPOP a refusé de lui octroyer une autorisation d’établissement, mais a indiqué être disposé à renouveler son autorisation de séjour. Le 25 mars 2011, le SPOP a refusé de prolonger son autorisation de séjour et lui a imparti un délai au 25 avril 2011 pour quitter la Suisse. Le courrier recommandé notifiant cette décision n’a pas été réclamé par le recourant. Le domicile de l’intéressé à cette époque ne ressort pas précisément du dossier étant rappelé que selon un rapport de la police vaudoise du 16 février 2010, l’intéressé avait indiqué, notamment, être séparé de son épouse de manière officielle et ne pas avoir de domicile fixe. Il est manifestement, pour partie en tout cas, resté en Suisse au vu des nombreuses infractions qu’il y a commises. Il y a aussi été incarcéré de nombreux mois notamment aux alentours de 2016.

La requête objet du recours a été déposée le 1er février 2017, soit il y a plus de sept années. La décision querellée a été prononcée le 15 mars 2022, il y a plus de deux ans. La procédure a fait l’objet d’une suspension devant la chambre de céans pendant une année sur proposition du recourant, acceptée par l’autorité intimée.

Le séjour en Suisse du recourant est en conséquence très long.

Son intégration socio-culturelle en Suisse ne peut toutefois pas être considérée comme exceptionnelle, dans la mesure où il ne travaille pas, émarge au budget de l’assistance publique de manière durable, est fortement endetté et n’apparaît pas impliqué à un titre quelconque dans la société civile. Par ailleurs, il a été condamné pénalement à de multiples reprises pour des infractions diverses. Ainsi, pour ce qui concerne ces dix dernières années, il a été condamné, notamment, pour escroqueries, filouteries d’auberge, tentative de menaces qualifiées, violation d’une obligation d’entretien, lésions corporelles simples, faux dans les certificats des infractions à la circulation routière et à la LStup.

Il n’apparaît pas non plus qu’une réintégration en France, pays dont il est ressortissant, serait gravement compromise. Il n’allègue aucun élément permettant de le retenir, ce d’autant plus qu’il lui serait loisible de s’établir à proximité de la Suisse. Il n’indique pas, ni a fortiori ne démontre, avoir développé avec son dernier enfant, D______, qui sera majeure le ______ 2025, des liens particulièrement étroits, qu’ils soient personnels ou financiers.

Compte tenu de ces éléments, c’est de manière conforme au droit que l’OCPM a estimé que le recourant ne pouvait se prévaloir ni de l’ALCP ou de l’OLCP, ni d’un cas d’extrême gravité au sens de la LEI pour obtenir une autorisation de séjour.

3.5 Un étranger peut se prévaloir de l’art. 8 § 1 CEDH pour s’opposer à l’éventuelle séparation de sa famille. Pour qu’il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).

Au vu des considérations qui précèdent, notamment l’absence de toute démonstration de vie commune, voire même de relation étroite et effective avec D______, la décision est conforme à l’art. 8 CEDH.

Dans un arrêt de 2023 publié aux ATF 149 I 207 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2022 du 3 mai 2023), le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel il n'est pas exclu d'invoquer le droit à la vie privée issu de l'art. 8 CEDH après la perte définitive d'un titre de séjour mais cette possibilité suppose une intégration particulièrement réussie.

Au vu des considérants qui précèdent, le recourant ne remplit pas la condition d’une forte intégration. Il ne peut en conséquence pas déduire de droit à une autorisation de séjour selon 8 CEDH, sous l’angle du respect de sa vie privée.

4.             Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Le renvoi d’un étranger ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

En l’espèce, dès lors qu’il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Il n’existe pas, hormis les difficultés inhérentes à tout retour dans le pays d’origine après quelques années d’absence, de circonstances empêchant l’exécution du renvoi du recourant en France. Il ne l’allègue d’ailleurs pas.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, de la procédure actuellement en cours avec le service de l’assistance juridique et des circonstances, il ne sera exceptionnellement pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Benoît MORZIER, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.