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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4402/2022

ATA/366/2023 du 04.04.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4402/2022-EXPLOI ATA/366/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 avril 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) est inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 12 octobre 2021.

Elle a notamment pour but l'import et l'export de denrées alimentaires et service de traiteur ainsi que toute activité commerciale dans le domaine du détail en épicerie fine.

Ses associés gérants sont Monsieur B______, président, et Monsieur C______, tous deux disposant de la signature individuelle.

b. Par décision du 4 octobre 2022, mentionnant le numéro de dossier 1______, notifiée à M. C______ et déclarée exécutoire nonobstant recours, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV), faisant suite à un contrôle officiel le 12 juillet 2022 dans l’épicerie de la gare sise rue D______ à Genève, et à l’analyse d’un échantillon d’ E______, à savoir un produit à tartiner produit en F______, a dit que ce produit ne devait ni être commercialisé ni être utilisé, dès lors qu’il contenait un ingrédient non autorisé. Le solde de la marchandise devait être retiré du commerce avec effet immédiat. Un autocontrôle et des mesures correctives devaient être mis en place afin de veiller à ce que les marchandises soient conformes aux exigences légales au sens de l’art. 26 de la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 20 juin 2014 (Loi sur les denrées alimentaires - LDAl - RS 817.0).

La denrée analysée contenait 12 g par kg de Sildenafil, un principe actif pharmaceutique interdit dans les denrées alimentaires. Par ailleurs, les indications obligatoires devaient être rédigées dans une langue officielle au moins. Les ingrédients pouvant provoquer des allergies ou d’autres réactions indésirables ou obtenus à partir de ceux-ci devaient être mentionnés clairement et distinctement dans la liste des ingrédients. Le SCAV devait être informé des mesures correctives mises en place.

c. Par ordonnance pénale du 4 octobre 2022 2______, notifiée à M. C______, le SCAV a infligé une amende de CHF 5'000.- « En raison d’infractions aux dispositions du droit alimentaire et en votre qualité de responsable légal pour la marchandise contestée », faisant référence au dossier précité n°1______.

d. A______, sous la signature de M. C______, a formé opposition le 10 octobre 2022, en mentionnant le numéro de dossier 1______. Elle avait « l’obligation de répondre à votre ordonnance pénale du 4 octobre courant pour formuler une opposition totale sur la décision à la procédure concernant la conformité du produit analysé dans le cadre de ce dossier ».

Elle a expliqué avoir importé le produit en cause de façon officielle, par la société G______. Les services de douanes n’avaient à aucun moment « notifié » à son fournisseur l’illégalité de ce produit. Au moment du contrôle, elle avait épuisé le stock de cette marchandise, soit seize flacons acquis à titre de test. Les documents présentés par son fournisseur mentionnaient que cette marchandise était produite à 100 % à base d’éléments végétaux. Le SCAV devait se retourner vers le fournisseur et le producteur qui n’avaient pas mentionné la présence de Sildenafil dans ce produit.

Elle avait agi en toute bonne foi dans le cadre de la commercialisation de ce produit.

e. Par décision sur opposition du 4 novembre 2022, le SCAV a dit que la mesure de retrait immédiat du solde de la marchandise en cause était devenue sans objet si le stock était effectivement épuisé. Il a rejeté pour le surplus l’opposition du 10 octobre 2022 formée tant contre le rapport d’analyse que contre l’ordonnance pénale du 4 octobre 2022.

Il a imparti un délai au 25 novembre 2022 à M. C______ pour lui communiquer s’il maintenait ou non son opposition à l’ordonnance pénale, auquel cas elle serait transmise pour jugement au Tribunal pénal. Sans nouvelles de sa part dans le délai octroyé, la procédure afférente au volet pénal serait close sans autre.

Swissmedic avait publié sur son site Internet, le 4 mai 2022, un avertissement concernant des produits prétendument végétaux et permettant notamment de stimuler la fonction érectile. Des analyses réalisées par son laboratoire avaient révélé que plusieurs de ces produits comptaient des substances médicamenteuses synthétiques non déclarées, à un dosage ayant une action pharmacologique, dont l’ingestion pouvait engendrer de graves effets pour la santé des consommateurs. Swissmedic mettait ainsi non seulement en garde contre la prise d’un tel produit, mais constatait également que la composition indiquée sur l’emballage était erronée.

Afin de faciliter l’identification desdits produits, il avait publié un tableau récapitulatif en trois parties, à savoir : produit – composant(s) non déclaré(s) – photo. Le produit « E______(pâte) » y était répertorié comme contenant du Sildenafil (un stimulant de l’érection) ; une photo du pot était jointe au tableau.

Tant l’analyse du produit commercialisé par A______ effectuée par le laboratoire du SCAV que par celui de Swissmedic démontraient la présence d’un principe actif pharmaceutique, du Viagra, interdit dans les denrées alimentaires. Au vu de la concentration de Sildenafil contenue dans le produit analysé, 2 g de pâte correspondaient à la dose thérapeutique contenue dans un seul comprimé de Viagra. Le pot de 240 g correspondait donc à 120 comprimés de Viagra. Dès lors, le risque d’une ingestion involontaire et sans contrôle médical d’une dose massive de Sildenafil était susceptible de provoquer chez certaines personnes une intoxication aiguë entraînant, entre autres, des risques cardiovasculaires des symptômes tels que l’hypotension sévère, potentiellement fatale.

Conformément à l’art. 27 de l’ordonnance sur l'exécution de la législation sur les denrées alimentaires du 16 décembre 2016 (OELDAl - RS 817.042), l’office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières contrôlait à l’importation par sondage la marchandise.

Selon la facture d’achat produite, le produit contesté avait été commandé le 11 mai 2022, soit postérieurement à l’avertissement de Swissmedic du 4 mai susmentionné. Le premier manquement était avéré.

Contrairement à l’art. 36 al. 1 et 2 let. c de l’ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 16 décembre 2016 (ODAIOUs - RS 817.02), les informations n’étaient indiquées sur le produit qu’en arabe, en turc et en anglais. Ce deuxième manquement devait également être confirmé.

La liste des ingrédients n’était pas conforme à l’art. 11 al. 1 de l’ordonnance concernant l’information sur les denrées alimentaires du 16 décembre 2016 (OIDAl - RS 817.022.16). Elle indiquait la présence d’« oat », soit en français, de l’avoine, qui faisait notamment partie des ingrédients pouvant provoquer des allergies ou d’autres réactions indésirables et devant apparaître dans la liste des ingrédients de façon démarquée, ce qui n’était pas le cas. Ce manquement devait également être confirmé.

En lien avec l’ordonnance pénale, M. C______ sollicitait le prononcé d’un avertissement en lieu et place de l’amende. Les manquements constitutifs d’infractions aux dispositions de la législation sur les denrées alimentaires et de la mise en danger de la santé publique étaient graves et ne pouvaient conduire à un simple avertissement pour atteindre le but fixé par la loi, la protection de la santé publique. M. C______ confirmait que l’intégralité de son stock de seize pots avait été vendue, de sorte qu’il y avait une réelle mise en danger des consommateurs, dont des enfants à l’égard desquels aucune interdiction n’était faite de consommation. Le montant de l’amende, de CHF 5'000.-, était confirmé, tout comme l’émolument forfaitaire de CHF 150.-.

L’autocontrôle était l’essence même du rôle de responsable de M. C______. S’il avait rempli son devoir de vérification comme la loi l’exigeait, il aurait constaté que cette pâte ne faisait pas partie des produits sûrs et il ne l’aurait dès lors pas commercialisée.

B. a. A______, sous la signature de M. C______, a adressé le 22 novembre 2022 un courrier au SCAV, que ce dernier a transmis le 22 décembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), qui l’a reçu le 27 décembre suivant.

En plus des éléments mentionnés dans son courrier du 10 octobre 2022, elle a relevé que la confirmation de son opposition était justifiée par la vente du produit en cause dans d’autres cantons, ainsi que via deux sites Internet. Il était aussi en vente libre en France, en Allemagne et aux États-Unis.

Il était aussi important de noter que les clients potentiels pour ce produit étaient bien informés de son utilisation et qu’ils n’avaient « bien sûr pas acheté une pâte à tartiner ». A______ était consciente des lacunes et des manquements dans le cadre de la commercialisation de ce produit. Néanmoins, sa dangerosité restait à démontrer, sachant qu’il était utilisé à large échelle dans le monde, dont en Suisse. Monsieur H______, qui leur avait vendu l’article en cause était prêt à témoigner.

b. Le SCAV a conclu le 22 février 2023 au rejet du recours.

Il a ajouté aux éléments tels que ressortant déjà de sa décision sur opposition que M. C______ admettait avoir intentionnellement mis en vente dans son épicerie fine un produit dont il connaissait les effets et ne correspondait pas à une denrée alimentaire. Il avait donc délibérément violé le droit alimentaire.

Dans la mesure où le SCAV était compétent pour rendre des décisions au regard du droit alimentaire uniquement dans le canton de Genève, il ne pouvait lui être opposé une violation de l’égalité de traitement en ce sens que le produit litigieux serait toujours en vente dans d’autres cantons et sur Internet. M. C______ ne pouvait de plus se prévaloir d’une violation de l’égalité de traitement compte tenu de l’illégalité du produit.

c. Dans une réplique du 17 mars 2023, A______ a relevé que son fournisseur l’avait informée que le produit litigieux était naturel et avait un effet aphrodisiaque. Elle avait reçu de M. H______ un exemple d’analyse et de documents de douane sur lesquels ne figurait aucune information selon laquelle il contiendrait une substance chimique. Il s’était écoulé six jours entre la communication officielle de Swissmedic sur le produit « Miel Epimedium » et la visite du SCAV. Le représentant du SCAV, Monsieur I______, leur avait dit que seul le fournisseur aurait des problèmes, puisque A______ ne pouvait pas savoir si une substance chimique était présente dans ce produit. Le SCAV ne leur avait pas demandé officiellement d’arrêter la distribution du produit.

Elle a confirmé sa bonne foi. Elle n’avait pas de connaissances en particulier sur la procédure suisse pour la mise en vente de produits alimentaires, ni de compétences médicales. Elle était cependant bien informée des effets du produit. Quatre contrôles du SCAV en moins d’une année étaient restés sans suite.

Elle n’avait jamais utilisé l’appellation « pâte à tartiner » pour désigner le produit. Elle avait partagé l’information fournie par son fournisseur en utilisant l’unité de mesure d’une cuillère à thé. Le produit était placé derrière la caisse et n’était proposé qu’à ceux qui réclamaient un produit améliorant les performances sexuelles.

Il était demandé au SCAV les sources de son information selon laquelle 250 g « de miel » équivalaient à 120 comprimés de Viagra, étant relevé que chaque comprimé de Viagra contenait 25 mg de citrate de Sildenafil.

À l’heure des réseaux sociaux, si ce produit pouvait porter atteinte à la santé humaine, des alertes auraient été publiées dans les pays où il était en vente libre, étant rappelé que tel était également le cas dans d’autres cantons.

Enfin, elle déposerait son bilan à la fin du mois de mars 2023 vu ses grandes difficultés financières.

d. Les parties ont été informées le 20 mars 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 69 et 70 al. 2 LDAl, art. 14 de la loi d'application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 13 septembre 2019 - LaLDAl - K 5 02 ; art. 19 du règlement d'exécution de la LaLDAl du 5 février 2020 - RaLDAl - K 5 02.01).

2.             La recourante propose l’audition d’un témoin.

2.1 Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, la recourante s’est vu offrir l’occasion de s’exprimer deux fois devant la chambre de céans. Elle a pu produire toute argumentation et pièce utiles. Le témoin qu’elle souhaite voir déposer serait le fournisseur du produit incriminé et à même de s’exprimer sur les circonstances de son importation. Ce fait n’est toutefois pas contesté. Il n’y a dès lors pas lieu d’entendre le témoin. La chambre de céans considère que le dossier est complet et en état d’être jugé.

Il ne sera pas donné suite à l’offre de preuves.

3.             Le litige porte sur la décision du 4 novembre 2022 confirmant, sur opposition, celle du 4 octobre 2022 faisant interdiction à la recourante de commercialiser et d’utiliser la denrée alimentaire en cause et lui faisant obligation de prendre les mesures correctives appropriées avec mise en place ou modifications de son autocontrôle afin de veiller à la conformité de ses marchandises aux exigences légales.

3.1.1 Selon l’art. 15 al. 1 du règlement d'exécution de la loi d’application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 5 février 2020 (RaLDAl – K 5 02.01), en cas d'infraction aux prescriptions du droit sur les denrées alimentaires et lorsqu'elle ou il estime que seule l'amende doit être prononcée, le chimiste cantonal fixe le montant de celle-ci dans les limites prévues par l'art. 15 al. 1 LDAl.

La procédure est régie par le code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) et par l'art. 11 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10) (al. 2).

Lorsqu'il décide de maintenir l'ordonnance pénale, le chimiste cantonal, en tant qu’autorité administrative instituée en vue de la poursuite et du jugement des contraventions (art. 17 al. 1 et 357 al. 1 et 2 CPP ; art. 11 al. 2 LaCP ; art. 4 al. 2 et 3 loi d’application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 13 septembre 2019 - LaLDAl – K 5 02), transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance, soit, pour une amende, au Tribunal de police (art. 96 al. 1 LOJ) en vue des débats. L'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP). Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition (art. 356 al. 2 CPP).

3.1.2 L’objet du litige n’est donc pas l’amende de CHF 5'000.- prononcée au terme de l’ordonnance pénale du 4 octobre 2022, confirmée sur opposition le 4 novembre 2022, censée être portée devant le Tribunal de police si la recourante entendait la contester, comme justement précisé dans la décision du 4 novembre 2022.

3.2 La LDAl, entrée en vigueur le 1er mai 2017, a notamment pour but de protéger la santé du consommateur des risques présentés par les denrées alimentaires qui ne sont pas sûres, de le protéger contre les tromperies et de mettre à sa disposition les informations nécessaires à l'acquisition de denrées alimentaires (art. 1 let. a, c et d LDAl). La LDAl s'applique à la manipulation des denrées alimentaires, c'est-à-dire à leur fabrication, leur traitement, leur entreposage, leur transport et leur mise sur le marché (art. 2 al. 1 let. a LDAl), à leur étiquetage et à leur présentation, ainsi qu'à la publicité et à l'information relatives à ces produits (art. 2 al. 1 let. b LDAl). Elle s'applique à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, y compris la production primaire (art. 2 al. 2 LDAl).

Selon l'art. 47 LDAl, les cantons exécutent la LDAl dans la mesure où la Confédération n’est pas compétente (al. 1). Ils pourvoient au contrôle des denrées alimentaires et des objets usuels à l’intérieur du pays (al. 2).

Les cantons coordonnent l’exécution, sur leur territoire, de la législation sur les denrées alimentaires et les objets usuels, de la fabrication à la remise au consommateur (art. 51 al. 1 LDAl). Le chimiste cantonal exécute la LDAl

dans le domaine des denrées alimentaires et des objets usuels. Il est autonome dans l’exercice de cette tâche (art. 51 al. 2 LDAl). Le détail de l’organisation des rapports entre les différents organes d’exécution incombe aux cantons et n’est pas déterminé au niveau de la loi (Message relatif à la LDAl du 25 mai 2011, FF 2011 5181, p. 5238).

3.3 La LaLDAl fixe les modalités d’application dans le canton de la législation fédérale (art. 1 LaLDAl). Le chimiste cantonal dirige le contrôle des denrées alimentaires et des objets usuels et coordonne les activités de laboratoire et d’inspections (art. 3 al. 1 LaLDAl). Les autorités chargées de l’exécution de la présente loi peuvent effectuer des achats-tests afin de vérifier si les dispositions de la législation fédérale et cantonale sont respectées (art. 11 al. 1 LaLDAl). Les résultats des achats-tests ne peuvent être utilisés dans des procédures pénales et administratives que si : les inspecteurs et contrôleurs ont agi dans le cadre de leur activité professionnelle (let. a) ; les achats-tests ont été organisés par le chimiste cantonal (let. b) ; les achats-tests ont fait immédiatement l’objet d’un rapport et ont été documentés (let. c ; art. 11 al. 2).

3.4 L'art. 1 al. 2 RaLDAl précise que le SCAV contrôle les denrées alimentaires et les objets usuels dans les domaines de la fabrication, du traitement, de l'entreposage, du transport et de la distribution, ainsi que de la production primaire d'origine végétale. Il a notamment les tâches et attributions suivantes : il réalise des contrôles (inspections, achats-tests, prélèvements d'échantillons, analyses) et prononce des contestations (let. a) ; il ordonne des mesures administratives en application de la législation fédérale et cantonale (let. b) ; il collabore avec la Confédération et les autres cantons, en particulier ses homologues romands, dans la mesure nécessaire à l'application de la loi et du présent règlement; il reçoit des administrations concernées, telles que le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir et l'office des autorisations de construire, des Services industriels de Genève et des communes toute information utile relative aux commerces de denrées alimentaires et d'objets usuels (let. d). Le chimiste cantonal collabore avec les autres cantons romands en vue de l'exécution du droit alimentaire et réalise des activités coordonnées avec ces derniers (art. 3 al. 1 RaLDAl).

3.5 L'art. 4 al. 1 LDAl définit les denrées alimentaires comme l'ensemble des substances ou des produits transformés, partiellement transformés ou non transformés qui sont destinés à être ingérés ou dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils soient ingérés par l'être humain. Sont également considérées comme telles notamment toute substance incorporée intentionnellement dans la denrée alimentaire au cours de sa fabrication, de sa transformation ou de son traitement (art. 4 al. 2 let. c LDAl), mais non les médicaments (art. 4 al. 3 let. d LDAl). Le terme de denrées alimentaires englobe dès lors également des produits qui ne sont pas destinés à la constitution et à l'entretien de l'organisme humain ; est déterminant le fait que la denrée alimentaire soit destinée à être ingérée par l'être humain, ou qu'il soit raisonnablement attendu à ce qu'elle le soit (Message relatif à la LDAl du 25 mai 2011, FF 2011 5181, p. 5208).

3.6 Selon l'art. 7 al. 1 LDAl, seules des denrées alimentaires sûres peuvent être mises sur le marché. Tel n'est pas le cas lorsqu'elles sont préjudiciables à la santé ou impropres à la consommation humaine (al. 2). Pour le déterminer, doivent notamment être prises en compte les conditions normales d'utilisation des denrées alimentaires par le consommateur (al. 3 let. b) ou les informations fournies au consommateur, ou d’autres informations généralement accessibles concernant la prévention d’effets préjudiciables à la santé liés à une denrée alimentaire ou à une catégorie de denrées alimentaires (al. 3 let. c). Le Conseil fédéral peut introduire une obligation d'autorisation ou de notification notamment pour les nouvelles sortes de denrées alimentaires (al. 5 let. a).

3.7 Quiconque notamment fabrique et met sur le marché des denrées alimentaires doit veiller à ce que les exigences fixées par la loi soient respectées et est tenu au devoir d'autocontrôle (art. 26 al. 1 LDAl).

La procédure d’autocontrôle est décrite aux art. 73 et ss ODAIOUs. L’art. 75 let. a ch. 5 prévoit notamment que le devoir d’autocontrôle comprend le retrait et le rappel.

Selon l’art. 84 al. 1 ODAIOUs, la personne responsable d’un établissement doit immédiatement prendre dispositions nécessaires pour retirer du marché des denrées alimentaires distribuées par son établissement si ces dernières sont susceptibles de prétendre de présenter un danger pour la santé.

3.8 Selon l’art. 18 LDAl, toute indication concernant des denrées alimentaires doit être conforme à la réalité (al. 1). La présentation, l’étiquetage et l’emballage des produits visés à l’al. 1 ainsi que la publicité pour ces produits ne doivent pas induire le consommateur en erreur (al. 2).

Ces principes sont repris et détaillés à l’art. 12 ODAIOUs, qui précise, à son al. 1, que les dénominations, les indications, les illustrations, les conditionnements, les emballages et les inscriptions qui figurent sur les conditionnements et sur les emballages, ainsi que la présentation, la publicité et les informations alimentaires doivent correspondre à la réalité et exclure toute possibilité de tromperie quant à la nature, à la provenance, à la fabrication, au mode de production, à la composition, au contenu et à la durée de conservation de la denrée alimentaire concernée.

L’art. 36 al. 1 ODAIOUs prévoit que quiconque remet une denrée alimentaire préemballée doit fournir les indications suivantes: la dénomination spécifique (let. a) ; la composition (ingrédients) (let. b) ; le potentiel allergisant de la denrée alimentaire ou de ses ingrédients (let. c) ; des informations concernant l’usage correct, si son omission ne permet pas d’utiliser la denrée alimentaire conformément à l’usage prévu (let. i).

Selon l’art. 36 al. 2 let. c ODAIOUs, les indications doivent être rédigées dans une langue officielle de la Confédération au moins ; elles peuvent exceptionnellement être rédigées dans une autre langue si on peut admettre que le consommateur en Suisse est suffisamment informé sur la denrée alimentaire et ne peut être induit en erreur.

L’art. 11 al. 1 OIDAl prévoit que les ingrédients mentionnés à l’annexe 6 (à savoir pouvant provoquer des allergies ou d’autres réactions indésirables, dont l’avoine [ch. 1]) ou obtenus à partir de ceux-ci et qui subsistent dans le produit fini, même sous forme modifiée, doivent être mentionnés clairement dans la liste des ingrédients, comme « malt d’orge », « émulsifiant (lécithine de soja) », « arôme naturel d’arachide ». Cette indication doit se démarquer au moyen de la police d’écriture, du style de caractère, de la couleur du fond ou par tout autre moyen approprié.

3.9 Selon l’art. 13 al. 4 LDAl, le Conseil fédéral règle l’admissibilité des allégations nutritionnelles et de santé (let. a) et l’étiquetage des denrées alimentaires auxquelles ont été ajoutées des substances considérées comme vitales ou physiologiquement utiles (let. b).

3.10 L’art. 34 LDAl prévoit que lorsque les autorités d’exécution contestent un produit, elles ordonnent les mesures nécessaires à la remise en conformité avec le droit (al. 1). Elles peuvent décider si le produit contesté : peut être utilisé, cette utilisation étant assortie ou non de charges (let. a) ; doit être éliminé par l’entreprise, aux frais de cette dernière (let. b) ; doit être confisqué, rendu inoffensif, utilisé de façon inoffensive ou éliminé aux frais de l’entreprise (let. c ; al. 2). Elles peuvent obliger la personne responsable dans l’entreprise à: établir les causes des défauts constatés (let. a) ; prendre des mesures appropriées (let. b ; al. 3).

4.             En l'occurrence, le 12 juillet 2022, l'intimé a procédé à un achat-test dans l’épicerie de la recourante, à laquelle il a remis ultérieurement, en mains propres, le rapport établi à cette occasion.

Il n’est pas remis en cause par la recourante qu’elle exploite une épicerie fine et non pas une pharmacie. Elle ne prétend pas être autorisée à délivrer des médicaments.

Elle ne donne aucun élément permettant de mettre en doute l’analyse effectuée le 12 juillet 2022 par le laboratoire SCAV au terme de laquelle il a été constaté la présence dans le produit conditionné en pot de 240 g, de Sildenafil, soit un médicament de la classe des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5) notamment indiqué dans les troubles de l’érection.

Le fait que la liste d’ingrédients ne mentionne pas la présence de ce médicament, mais seulement des composants d’origine végétale, ou que le fournisseur auquel elle s’est adressée n’aurait pas attiré son attention sur cette problématique n’affranchit pas la recourante de sa responsabilité en tant que distributrice du produit litigieux. Par ailleurs, comme justement relevé par l’autorité intimée, dans la mesure où les contrôles douaniers sont aléatoires, la recourante ne peut justifier la vente dudit produit pour avoir passé la frontière sans problème. Enfin, dans la mesure où elle met en vente des produits alimentaires, il lui incombe de se renseigner sur leurs particularités. Si elle avait déféré à ce devoir d’autocontrôle, elle aurait constaté que le 4 mai 2022, Swissmedic mettait expressément en garde le public sur la pléthore, via Internet et les réseaux sociaux, d’offres de soi-disantes infusions et capsules à base de plantes et autres concentrés liquides dits naturels, supposés permettre de perdre du poids ou de stimuler la fonction érectile, par exemple. Il fallait savoir qu’après ingestion, ces produits avaient engendré de graves effets secondaires chez des consommateurs. Les analyses d’échantillons réalisées par le laboratoire de Swissmedic avaient révélé que plusieurs de ces produits n’étaient pas exclusivement végétaux ou naturels, contrairement à ce qui était allégué sur leurs emballages. Ils contenaient en effet diverses substances médicamenteuses synthétiques non déclarées à un dosage suffisant pour être pharmacologiquement actives, voire pour engendrer un surdosage considérable. L’avertissement s’appliquait, sur le principe, à tout achat de médicaments et de dispositifs médicaux provenant de sources inconnues et proposés sur Internet et sur les réseaux sociaux (https://www.swissmedic.ch/swissmedic/fr/home/medicaments -a-usage-humain/surveillance-du-marche/medicaments-par-internet/mise-en-garde -au-sujet-des-medicaments-achetes-sur-internet/warnung_pflanzlichen_produkten. html, consulté le 29 mars 2023).

Le fait que la recourante prétende qu’elle ait réservé ce produit, qui n’était pas « une pâte à tartiner », aux seuls clients le demandant pour pallier des problèmes érectiles n’y change rien. En tout état, il doit être constaté qu’elle n’a pas pris les dispositions nécessaires pour s’assurer de sa composition - l’autocontrôle exigé par la loi - avant de le proposer à la vente. Il est difficile de remettre en question sa dangerosité, dans la mesure où il est notoire que le Sildenafil n’est délivré que sur ordonnance et que la recourante ne peut remettre en cause les dosages constatés, au terme d’une analyse d’échantillons, par le laboratoire de l’autorité intimée, constatant que 2 g du produit mis en vente équivalaient à un comprimé de Viagra.

En commercialisant ce produit, elle a à l’évidence mis en danger la santé des consommateurs, étant relevé qu’elle n’était à aucun moment en mesure de contrôler que seuls des adultes le consomment, dans des limites compatibles avec un schéma thérapeutique, au demeurant non prescrit, et à l’exception d’enfants.

C’est donc à juste titre que l’autorité intimée lui a fait interdiction de vendre ce produit et fait obligation d’en retirer le solde du commerce, ce qu’elle indique avoir fait avant même la décision litigieuse, et lui a fait obligation de mettre en place un autocontrôle afin de veiller à l’avenir que les marchandises vendues soient conformes aux exigences légales. Comme retenu encore à juste titre par l’autorité intimée, dans la mesure où la commercialisation par une épicerie d’un tel produit est illicite, la recourante ne saurait se prévaloir d’une égalité de traitement dans l’illégalité.

Enfin, la recourante ne conteste pas que le produit incriminé ne contenait pas une liste d’ingrédients conformes à la loi, puisque que ladite liste n’apparaissait dans aucune des langues officielles de la Suisse, ni ne mentionnait la céréale allergène qu’est l’avoine.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2022 par A______ contre la décision sur opposition du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 4 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :