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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3318/2020

ATA/284/2023 du 21.03.2023 sur JTAPI/1109/2022 ( DOMPU ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3318/2020-DOMPU ATA/284/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mars 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Thomas Büchli, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 octobre 2022 (JTAPI/1109/2022)


EN FAIT

1) A______, dont Monsieur B______ est l'administrateur-président, exploite le C______, sis ______, D______, à Genève. Cet établissement est situé en zone protégée de la Veille-ville et secteur sud des anciennes fortifications au sens des art. 83 et ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

2) Le 20 septembre 2019, A______ a sollicité de la Ville de Genève, soit son service de l'espace public du Service de l'espace public (ci-après : SEP), l'autorisation de poser un paravent (barrières à moitié transparentes de 150 cm de hauteur) à l'année en vue de délimiter une partie de la terrasse du C______ donnant sur la D______ avec un espace de 6 x 3 m et d’éviter que les gens attendant le bus ne s'installent sur la terrasse sans consommer.

3) Le 5 novembre 2019, la ville a indiqué à A______ que son projet était accepté, tout en attirant son attention sur le fait que les cotes indiquées dans ledit projet devaient être respectées.

4) Le 3 juillet 2020, un gestionnaire de la ville a constaté l'installation, sans autorisation préalable, de divers procédés de réclame (ci-après : PDR) ainsi que la pose d'une tente à projection droite fixée contre la marquise et d'une toile latérale descendant jusqu'au paravent vitré. Des photographies étaient jointes au constat.

5) Par courrier du 6 juillet 2020 (n° 1______), la ville a enjoint M. B______ de régulariser la situation et de lui retourner les formulaires idoines dûment remplis au plus tard le 24 août 2020 et lui a demandé la production de documents complémentaires.

6) Le 22 juillet 2020, A______ a retourné le formulaire sollicitant la régularisation des divers PDR non inventoriés dans les livres et le formulaire sollicitant un octroi de permission pour les empiètements, comprenant l'accord du propriétaire, ainsi que diverses annexes. Il était précisé que les PDR visibles sur le domaine public avaient été enlevés.

7) Le 18 août 2020, la ville a demandé un préavis à l'office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS), en particulier au service des monuments et sites (ci-après : SMS), au sujet des PDR et empiètements demandés.

8) Le 31 août 2020, le SMS a retenu que les inscriptions sur toile n'étaient pas autorisées. Seules les inscriptions sur les bandeaux de tentes pouvaient être admises. Les stores latéraux n'étaient pas non plus admis et celui en cause devait être supprimé afin d'éviter un « effet tunnel ».

9) Par décision du 18 septembre 2020 (n° 2______), concernant la régularisation des toiles de tente et des stores, la ville, se référant au préavis du SMS, a refusé le maintien de la tente fixée à la marquise, du store droit en joue latérale fixé à la marquise, du PDR appliqué sur le corps de la toile de tente et du PDR appliqué sur le store droit en joue latérale.

La marquise sur laquelle était fixée la tente se trouvait à 3,21 m au-dessus du sol. Or, en application de l'art. 21 règlement concernant l'utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12), les éléments des marquises et tout ce qui y était rattaché devaient se trouver au minimum à 2,70 m au-dessus du sol. Cela signifiait que l'espace libre pour fixer des objets à cette marquise était de 51 cm. Il n'était donc pas possible d'y installer une tente qui se déployait jusqu'à la barrière. La dépose, au plus tard le 30 octobre 2020, de tous les éléments précités était par conséquent ordonnée.

Par ailleurs, l'attention de l'intéressée était attirée sur le fait que les deux stores droits autorisés du côté de la rue E______ ne le seraient plus s'il y avait une modification.

10) Dans un pli parallèle du 18 septembre 2020 (courrier n° 3______), s'agissant des deux modules de paravents d'angle, la ville a également informé M. B______ que les barrières pour la terrasse telle qu'acceptées selon courrier du 5 novembre 2019 restaient « conformes aux conditions ».

Les barrières du C______ avaient été admises au vu des arguments invoqués mais cela ne devait pas occasionner de cloisonnement ou privatiser l'espace, que ce soit à l'aide de bacs à plantes ou de stores. Le système de couverture et décoratif tel qu'il était mis en place ne pouvait pas être admis.

11) Par acte du 16 octobre 2020, A______ a recouru au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces deux décisions, concluant, principalement, à leur annulation et à ce que la tente fixée à la marquise, le store droit en joue latérale fixé à la marquise, le PDR sur le corps de la toile de tente ainsi que le PDR sur le store droit en joue latérale soient autorisés.

Le refus du maintien de la tente fixée à la marquise et du store latéral ainsi que l'ordre de les déposer violaient son intérêt légitime à offrir aux clients en terrasse un abri du vent et des intempéries, abri expressément autorisé par l'art. 20 al. 1 du règlement sur les terrasses d'établissements publics (RTEP - LC 21 314).

La terrasse était totalement ouverte du côté de la rue E______ et de la D______, de sorte qu'il n'y avait pas de cloisonnement, étant précisé que seul un cloisonnement intégral était proscrit (art. 20 al. 2 RTEP). Le store latéral et la tente « du côté du coiffeur » pouvaient être relevés, de sorte qu'il n'y avait pas non plus de violation de l'art. 21 RUDP. Ces installations devaient donc être autorisées et leur dépose n'était pas nécessaire.

Le store latéral avait été posé en remplacement des anciennes tentes qui avaient dû être enlevées en urgence en mars/avril 2020 pour des raisons de sécurité, les toiles étant déchirées et les barres de chute risquant de tomber. Or, ces anciennes tentes n'avaient jamais été critiquées par l'autorité intimée qui n'avait pas non plus relevé d'« effet tunnel ». Le nouveau store différait de l'ancien uniquement par sa légère inclinaison, sans changement de l'aspect visuel de la terrasse. Aucun intérêt prépondérant ne s'opposait donc à ce changement mineur.

Dans le contexte de la pandémie, il était légitime de vouloir offrir un certain confort à la clientèle par des installations réparées et sécurisées. La pandémie exigeait une certaine souplesse de la part des autorités, et les décisions entreprises manquaient de pragmatisme, allant même à l'encontre de la politique des autorités qui avaient prolongé la possibilité d'offrir une terrasse aux clients. Pour pallier à la réduction de places à l'intérieur, il convenait d'autoriser le remplacement d'abris déjà existants.

Il existait un traitement inégal de son dossier par rapport aux établissements voisins, notamment les restaurants « F______ » et « G______» qui disposaient de toiles et stores semblables. Les logos apposés sur le store et la tente avaient été autorisés sur les anciennes tentures. Le préavis du SMS n'était donc pas fondé.

12) La ville a conclu au rejet du recours.

La décision reprenait les préavis du SMS, dont elle ne s’écartait que de manière très circonspecte. En application de l'art. 21 al. 1 RUDP, la tente à projection ne pouvait se trouver qu'au minimum à 2.70 m du sol et la ville avait averti l’intéressée du fait que les stores droits en l'état autorisés à la rue E______ ne pourraient plus l'être en cas de modification.

Dès lors que la tente fixée à la marquise et le store droit en joue latérale ne pouvaient être régularisés, leur dépose impliquait le retrait des PDR apposés sur ceux-ci. La situation était contraire tant à la lettre qu'à l'esprit du RTEP, dont l'art. 20 al. 2 prohibait le cloisonnement intégral d'une zone terrasse.

13) a. Dans sa réplique, A______ a maintenu que la dépose des tentes litigieuses était illégale et disproportionnée. Les nouveaux stores ne se différenciaient des anciens que par leur légère inclinaison. Quant à leur longueur, ils pouvaient être manuellement dépliés et repliés. Les longueurs prescrites pouvaient ainsi être respectées à tout moment. L'art. 27 RUDP autorisait l'abaissement des joues ajoutées aux tente dans les endroits et pendant les heures de la journée où le soleil les rendait nécessaires. Les stores étaient verticaux et pouvaient être abaissés partiellement à des moments exceptionnels, soit en cas de grande chaleur. Très souvent d'ailleurs, ils devaient être remontés tant le soleil chauffait les tentes. La barrière et les bacs de plantes déjà autorisés délimitaient de manière suffisante le passage accessible des piétons. Les stores ne causaient aucune gêne et leur maintien, le cas échéant assorti d'une obligation de respect de la condition des art. 21 et 27 RUDP, constituait une mesure pragmatique et moins incisive que la solution radicale d'une dépose.

L'existence d'un prétendu « effet tunnel » était contestée dans la mesure où un cloisonnement intégral – seul prohibé – faisait défaut. La terrasse était ouverte à son entrée, côté rue E______, et du côté de la D______. Le SEP autorisait l'utilisation de systèmes de chauffages de terrasse durant l'épidémie de Covid-19 pour accueillir les clients à l’extérieur plutôt qu'à l’intérieur, et l'abaissement partiel des tentes permettait de garder de la chaleur.

Le SEP n'avait avancé aucune motivation en ce qui concernait les PDR, se contentant de renvoyer au préavis du SMS. Or, ce dernier se bornait à écrire que les inscriptions sur toiles n'étaient pas autorisées, seules les inscriptions sur bandeau l'étant. Cette motivation était insuffisante, la distinction entre toiles et bandeaux de tente n'étant pas évidente. Ce manque de motivation portait atteinte au droit d'être entendu de A______.

L'art. 18 RPR prescrivait que les PDR sur tente devaient être imprimés sur la tente elle-même ou sur ses accessoires, ce qui était précisément le cas. En toute bonne foi, A______ avait reproduit les logos antérieurs à la réparation qui n'avaient jamais été critiqués par le SEP. Le site Internet de la ville publiait des exemples de PDR autorisés. Les procédés incriminés correspondaient à ceux-ci. Ils devaient donc être acceptés. Ils ne gênaient pas la lecture de l'architecture du bâtiment.

b. A______ a produit des extraits du site Internet de la Ville de Genève sur l'installation de stores (matière souple se levant ou baissant verticalement) et de tentes (protection solaire mobile ou fixe) devant des commerces, avec une photographie d'un store portant une inscription sur la toile et une photographie d'une tente portant également une inscription sur le bandeau.

14) La ville a répondu que les écritures de A______ étaient trompeuses quand elle parlait du bon entretien de ses tentures et invoquait l'art 7 RUDP, alors que ce même règlement prévoyait que l'installation ne devait pas constituer une gêne pour la visibilité (31 al. 2 RUDP).

L’intéressée était malvenue de se plaindre de l'illégalité et de la disproportion de la demande de dépose alors qu'elle n'avait pas respecté l'exigence légale de l'art. 4 LPR qui stipulait que l'apposition, l'installation, l'utilisation ou modification d'un procédé de réclame étaient soumises à une autorisation préalable. Il en allait ainsi tant du PDR disposé sur l'empiétement que de l'empiètement lui-même en application des art 13 et ss de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) et 56 et ss de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

En indiquant qu'elle pouvait respecter à tout moment les longueurs prescrites à l'art. 21 RUDP, A______ sous-entendait a contrario que celles-ci n'étaient pas respectées la plupart du temps. De même, en soutenant qu'elle devait parfois remontrer les tentes tant le soleil les chauffait, elle insinuait qu'elles n'étaient pas indispensables. De pratique constante du SMS, il admettait uniquement les inscriptions sur les bandeaux de tente. S'il n'était pas contesté que la loi ne faisait pas de distinction entre toile et bandeau de tente, elle rendait cependant obligatoire la consultation du SMS (art. 7 LPR).

Concernant les pièces produites par A______, il s'agissait d'anciennes images illustratives de PDR à considérer dans un contexte général et non dans le contexte particulier d'un périmètre ou d'un bâtiment protégé.

15) A______ a ensuite produit la décision du 5 juin 2012 de la ville autorisant les stores initiaux côtés E______ et D______, tout en rappelant que s'agissant des PDR, le SMS semblait avoir omis de prendre en compte dans son préavis que les nouveaux procédés posés côté D______ étaient similaires à ceux déjà existants. Si les procédés des deux côtés n'étaient plus les mêmes, il en résulterait une solution esthétiquement incohérente.

Pour le surplus, en application des principes de nécessité et subsidiarité, un maintien du store et des PDR sous condition de respect des hauteurs légales, avec réserve d'une application nuancée de l'art. 27 RUDP, constituait un moyen qui portait le moins atteinte à ses intérêts.

16) Le 14 juin 2021, s'est tenue une audience devant le TAPI lors de laquelle A______ a produit un nouveau chargé de pièces, comprenant des photographies de restaurants montrant des bâches entièrement fermées, qui pouvaient être ouvertes, voire des tentes entières.

Monsieur H______, directeur du SMS, a exposé que le préavis avait été rendu par une collaboratrice du SMS seule, conformément à leur pratique. La loi ne faisait pas de distinction entre la toile et le bandeau de la tente s'agissant des inscriptions, mais la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) avait fait rédiger des « fiches de bonne pratique », qui précisaient l'interprétation de l'art. 18 RPR.

Le point 11 du préavis se référait plus précisément à l'art. 27 RUDP, qui prévoyait 2m25 minimum au-dessus du trottoir pour le bord inférieur des joues et lambrequins, c'était ce que le SMS voulait dire par « effet tunnel ». À la question de savoir pourquoi désormais les logos posaient problème, alors qu'ils avaient été autorisés sur les anciennes tentures, il a répondu que sa collaboratrice s'était conformée à la pratique s'agissant des PDR, en termes d'impact esthétique. L'idée était d'autoriser les PDR uniquement sur les lambrequins, pour minimiser l'impact visuel. Par rapport à l’autorisation de 2012, le problème concernait la joue latérale, qui était fixée, et le fait qu’il s'agissait d'une installation fixe. Il devrait être possible de remonter cette installation, mais il ne pouvait pas se prononcer sans en avoir discuté avec le service. Ils avaient besoin, pour leur dossier, d'un projet modifié pour pouvoir rendre un nouveau préavis.

Sur quoi, l'instruction du recours a été suspendue jusqu'au 31 décembre 2021.

17) À la suite de la reprise de l’instruction, la ville a exposé que le 8 décembre 2021, des collaboratrices du SMS et du SEP avaient opéré une première vision locale, au terme de laquelle le SMS n'avait pas semblé enclin à revoir son préavis. Le 27 janvier 2022, une nouvelle vision locale avait été effectuée en présence des parties et du SMS. Ce dernier avait maintenu son préavis défavorable. Il avait été suggéré, pour éviter un complet rentoilage de la toile de tente, de camoufler le procédé de réclame figurant sur le corps de celle-ci, étant rappelé que de pratique constante, le SMS était opposé à l'apposition de PDR sur le corps de la toile de tente. Le préavis avait également été maintenu au sujet de la tente latérale, celle-ci obstruant les vues sur le bâtiment, empêchant la lecture des lignes architecturales et fermant complètement l'espace. Le SMS avait suggéré le dépôt d'une demande d'autorisation pour installer une barrière transparente qui puisse monter plus haut, en précisant qu'il convenait de ne rien accrocher à la marquise. Enfin, s'agissant de la comparaison avec l'établissement voisin « F______ », il était pratiquement acquis que la situation actuelle ne pourrait faire l'objet d'une régularisation.

18) A______ a produit des photographies, montrant qu'en été les stores étaient remontés, et l'autorisation délivrée le 8 novembre 2021 par l'office cantonal de l'énergie (ci-après : OCEN) pour la mise en place de parasols chauffants d'endroits ouverts. L'autorisation était assortie de la charge que la surface chauffée devait être munie de protections garantissant la conservation de l'énergie tels des parasols, stores, bannes et parois amovibles. A______ devait donc baisser les tentes pour conserver l'énergie en automne et en hiver. L'installation litigieuse permettait de respecter toutes les règles imposées par les divers services de l'Etat.

19) Par jugement du 20 octobre 2022, le TAPI a rejeté le recours contre les deux décisions du SEP.

Il n’était pas contesté qu'une tente portant le logo le C______, imprimé sur toile, ainsi qu'un store droit en joue latérale avaient été fixés à la marquise existante sans autorisation préalable. Ladite marquise se trouvant à 3,21 m du sol, l'espace disponible pour y fixer une tente était de 51 cm (art. 21 al. 1 RUDP). Par conséquent, la nouvelle tente et le store, qui se déployaient tous deux jusqu'à niveau supérieur de la barrière de terrasse, outrepassaient largement la limite légale autorisée. Une fois ces tentes/stores déployées au maximum, soit jusqu'aux barrières vitrées de la terrasse, il en résultait une gêne de visibilité (art. 31 al. 2 RDPU) pouvant provoquer un « effet tunnel », prouvé par les photographies du constat effectué le 3 juillet 2020. Le fait que ces tentes pouvaient être remontées n'y changeait rien.

Ces nouveaux empiètements installés au-dessus des barrières grises à moitié transparentes (autorisées le 5 novembre 2019) faisaient de la terrasse un espace cloisonné et privatif contraire à l'art. 20 al. 2 RTEP. Or, la ville avait dûment averti l’intéressée que si les barrières avaient été admises, cela ne devait pas occasionner de cloisonnement ou privatiser l'espace que ce soit à l'aide de bacs à plantes ou de stores. Les empiètements litigieux n’étaient pas conformes aux disposition légales applicables. La ville était ainsi fondée à ordonner leur dépose. La dépose des tentes entrainant celles des PDR apposés sur la toile, le TAPI pourrait s'abstenir de statuer sur la légalité de ces derniers.

Quoi qu’il en soit, la suppression des logos appliqués sur les toiles de tente trouvait son fondement dans les recommandations, édictées par la SMS et l’OPS en vue de l’application de la législation régissant les procédés de réclame. En appliquant ces recommandations, la ville n’avait pas agi de manière critiquable. Rien ne permettait de retenir qu’elle aurait fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation en forgeant sa décision sur ce préavis. L’intéressée cherchait avant tout à voir s'imposer sa propre appréciation de la situation, sans indiquer en quoi la décision querellée contreviendrait aux dispositions légales. Elle n’expliquait pas en quoi les recommandations de l'OPS et du SMS sortiraient du cadre posé par la législation. Le fait que la ville ait procédé à une appréciation différente de la sienne ne permettait pas de retenir qu'elle se serait fondée sur des critères et considérations dénuées de pertinence et étrangers au but visé par les dispositions précitées ou qu’elle violerait l'un ou l'autre des principes généraux du droit administratif. La décision entreprise ne reposait pas sur des motifs arbitraires, étant rappelé qu'il n'y avait pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle qui avait été retenue serait concevable, voire préférable. Le TAPI, qui devait faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à la ville en matière de PDR, ne pouvait corriger le résultat de sa décision en fonction d'une autre conception, même si celle-ci n'était pas dénuée de pertinence, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdisait de faire.

20) Par acte déposé le 23 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation, concluant principalement à ce qu’il soit enjoint à la ville d’autoriser la tente fixée à la marquise, le store droit en joue latérale fixé à la marquise, le PDR sur le corps de la toile de tente et le PDR sur le store droit en joue latérale. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi du dossier à la ville pour nouvelle décision.

Le TAPI avait retenu que le fait de pouvoir remonter les tentes ne changeait rien au fait qu’elles pouvaient se trouver à moins de 2.7 m au-dessus du trottoir. Cette affirmation était totalement dépourvue de motivation. Par ailleurs, la ville avait suggéré au sujet de la toile côté « F______ » d’installer une barrière qui puisse « monter plus haut ». Le constat du respect du principe de la proportionnalité n’était pas non plus motivé. Le fait que les tentes ne seraient pas conformes aux prescriptions légales ne signifiait pas encore que leur démontage était compatible avec le principe de la proportionnalité. La première juge n’expliquait pas pourquoi l’engagement de la recourante à remonter le store pour respecter afin de respecter les longueurs prescrites, combiné avec une application intermittente de l’art. 27 RDUP, qui autorisait la baisse des stores en cas d’intempéries ou d’ensoleillement ne constituerait pas une mesure adéquate. Le TAPI n’avait pas non plus examiné l’exigence posée par l’OCEN, étant relevé que le droit cantonal primait le droit communal. Enfin, le jugement était arbitraire, car il la plaçait dans une situation qui lui rendait impossible de respecter la décision de l’OCEN et celle de la ville. Elle ignorait aussi le résultat de la concertation entre l’OCEN et le SMS. Enfin, la pratique invoquée par le SMS pour refuser l’impression des PDR sur la tente était contraire à l’art. 18 RPR.

21) La ville a conclu au rejet du recours, se référant à ses écritures de première instance et au jugement.

22) La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai imparti pour répliquer, à la suite duquel les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendue, le jugement étant insuffisamment motivé et ne traitant pas certains de ses arguments.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

b. En l’espèce, le TAPI a exposé les dispositions applicables aux installations permanentes ou non permanentes sur le domaine public et à toute utilisation des voies publiques qui excède l’usage commun. Il a identifié les dispositions réglementant la construction et les dimensions des marquises et tentes mobiles, y compris des joues et lambrequins ajoutés aux tentes, ainsi que le régime d’autorisation applicable, incluant le préavis de services spécialisés.

Il a ensuite constaté que la marquise se trouvant à 3,21 m du sol, l'espace disponible pour y fixer une tente était de 51 cm, de sorte que la nouvelle tente et le store dépassaient largement la limite légale autorisée. Il en résultait une gêne de visibilité pouvant provoquer un « effet tunnel », comme cela ressortait du constat effectué le 3 juillet 2020. Le fait que les tentes pouvaient être remontées n'y changeait rien. Les nouveaux empiètements installés au-dessus des barrières grises à moitié transparentes faisaient de la terrasse un espace cloisonné et privatif, qui n’était pas compatible avec l'art. 20 al. 2 RTEP. L’intéressée avait d’ailleurs était avertie que si les barrières avaient été admises, cela ne devait pas occasionner de cloisonnement ou privatiser l'espace, notamment par des stores. La dépose contestée était donc fondée.

Il en allait de même de la dépose du PDR, fondée sur les recommandations du SMS et de l’OPS. En appliquant ces recommandations, la ville n’avait pas agi de manière critiquable, ni fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation en forgeant sa décision sur ce préavis. L’intéressée cherchait à voir s'imposer sa propre appréciation de la situation, sans indiquer en quoi la décision querellée contreviendrait aux dispositions légales. Elle n’expliquait pas en quoi les recommandations émises par l'OPS et le SMS sortaient du cadre posé par la législation. Le fait que la ville ait procédé à une appréciation différente de la sienne ne permettait pas de retenir qu'elle se serait fondée sur des critères et considérations dénuées de pertinence et étrangers au but visé par les dispositions précitées, étant rappelé qu'il n'y avait pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle qui avait été retenue serait concevable, voire préférable. Dans ces conditions, le TAPI, qui devait faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à la ville en matière de PDR, ne pouvait corriger le résultat de sa décision en fonction d'une autre conception, même si celle-ci n'était pas dénuée de pertinence, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

Il ressort de ce qui précède que le TAPI a dûment motivé son jugement. Il a exposé son raisonnement et les motifs qui l’ont conduit au rejet du recours. Certes, il n’a pas détaillé en quoi le fait que les tentes pouvaient être remontées ne changeait rien à son appréciation de la situation. On comprend cependant de la lecture du jugement que le TAPI a retenu que la situation créée par la présence des tentes litigieuses contrevenait à la réglementation en la matière, ce qui justifiait en soi la décision ordonnant leur dépose. Il ressort également de la motivation du jugement querellé que la juge de première instance a déduit du fait de la non-conformité des tentes litigieuses à la réglementation applicable que la décision ordonnant leur dépose respectait ipso facto le principe de la proportionnalité. Ainsi et contrairement à ce que fait valoir la recourante, ce point a donc été motivé. Le grief se rapporte d’ailleurs davantage au bienfondé de ce raisonnement – qui implicitement exclut la solution proposée par la recourante de remonter les tentes sauf en cas d’intempéries ou d’ensoleillement – qu’à un défaut de motivation.

En revanche, il faut concéder que le TAPI ne s’est pas prononcé sur la compatibilité des exigences posées par l’OCEN et l’avis du SMS en ce qui concerne les tentes, qui selon ce dernier ne doivent pas créer un « effet tunnel », alors que le premier a subordonné l’utilisation d’un chauffage d’endroits ouverts à la condition que la surface chauffée soit munie de protections garantissant la conservation de l’énergie tels des parasols, stores bannes et parois amovibles. En l’absence de toute motivation à ce sujet, la chambre de céans n’est pas en mesure d’examiner la conformité au droit du jugement querellé. Elle ne peut pas non plus réparer le défaut de motivation sur ce point, les parties ne s’étant pas prononcées devant elle sur cette question, mais uniquement sur le défaut de motivation. Il y a donc lieu d’admettre le recours et de renvoyer la cause au TAPI afin qu’il statue à nouveau après avoir intégré dans son analyse les conditions posées par l’OCEN et s’être enquis auprès de celui-ci et du SMS si une concertation a eu lieu entre ces deux services.

Dans la mesure où la nouvelle analyse à laquelle le TAPI parviendra pourrait avoir un impact sur la question de savoir si les décisions contestées concernant l’enlèvement des PDR sont conformes au droit, la chambre administrative ne peut, en l’état, se prononcer à cet égard.

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la cause renvoyée au TAPI pour nouveau jugement, au sens des considérants.

3) Dès lors que la recourante n’obtient que partiellement gain de cause, le dossier étant renvoyé pour nouvel examen, un émolument, réduit, de CHF 200.- sera mis à sa charge et une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- lui sera allouée à la charge de la Ville de Genève.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 octobre 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement, annule le jugement attaqué et renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de la Ville de Genève ;

que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, indiqués comme moyens de preuve, doivent être joints au recours ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Büchli, avocat de la recourante, à la Ville de Genève ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :