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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3240/2022

ATA/1304/2022 du 21.12.2022 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3240/2022-PRISON ATA/1304/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le 16 février 2022, en détention avant jugement.

2) M. A______ a expédié le 4 octobre 2022 un « dépôt de plainte » daté du 26 septembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Il avait été placé en cellule forte le 23 septembre 2022 pour attitude incorrecte envers des tiers et trouble à l’ordre de l’établissement. Ce jour-là, son avocat était venu le voir pour l’informer que l’instruction de sa procédure pénale était terminée et qu’il allait être renvoyé en jugement. Il lui avait dit que son dossier pénal n’était pas consultable en l’état, ce qui l’avait énervé. Il avait demandé à son avocat quel était son rôle et ce dernier lui avait répondu « estime toi heureux que l’instruction soit finie ». Il avait alors hurlé sur son avocat, lequel avait enclenché l’alarme d’urgence, de sorte que des gardiens étaient intervenus. L’avocat leur avait dit qu’il avait pris peur du fait de son énervement et s’était senti en danger.

Le lendemain, vers 14h, des gardiens étaient venus le chercher pour la promenade. Il avait demandé à l’un d’eux d’ouvrir la fenêtre de la cellule pendant son absence et il avait obtenu pour réponse qu’étant somalien, il devait tout supporter, arrêter de se plaindre « tu oublies que vous les somaliens vous avez la peau sur l’os tellement que vous êtes maigres et sales. Vous faites 10 kg ». Il avait répondu peser plus de 90 kg. Le gardien avait rétorqué que c’était normal, car il était en Suisse et devait s’estimer heureux, sinon il serait mort en Somalie, comme tous les « sales somaliens ». Il avait ajouté en quittant la cellule « Tu vas voir les conséquences de la pétition que tu as remise aux journalistes ».

Il déposait plainte contre ce gardien, raciste.

3) La sanction a été exécutée du 23 septembre 2022 à 09h15 jusqu’au 25 septembre à la même heure.

4) La direction de la prison a conclu au rejet du recours, produisant les documents en lien avec cette sanction ainsi qu’une clé USB contenant les images de bodycam du placement en cellule forte.

Le gardien principal et l’agent de détention en formation intervenus à la suite du déclenchement de l’alarme avaient constaté à leur arrivée dans le parloir que le détenu était énervé. Ils l’avaient placé dans une cellule d’attente. L’avocat leur avait expliqué que son client s’était énervé, levé et avait adopté un comportement agressif, raison pour laquelle il avait actionné l’alarme.

Le gardien-chef adjoint (ci-après : GCA) avait décidé de placer M. A______ en cellule forte.

M. A______ n’avait pas reconnu les faits devant le gardien-chef.

Il avait décidé de le sanctionner de 2 jours de cellule forte pour attitude incorrecte envers des tiers et trouble à l’ordre de l’établissement.

Dans la mesure où l’objet du litige était la sanction du 23 septembre 2022, les faits s’étant déroulés le lendemain ne pouvaient pas être examinés dans le cadre de la présente procédure.

M. A______ ne contestait au stade du recours pas les faits tels que retenus dans le rapport d’incident, lesquels étaient établis. La sanction infligée était justifiée par un intérêt public et respectait le principe de proportionnalité, étant relevé une précédente sanction d’un jour de cellule forte infligée le 19 septembre 2022.

5) M. A______ n’a pas fait usage de son droit à la réplique dans le délai imparti à cet effet.

6) Les parties ont été informées, le 8 décembre 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La compétence de la chambre administrative est définie à l'art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). Elle est, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales, l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi. En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité et fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal.

b. Selon l’art. 64 al. 2 LPA, le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

Selon la lettre de cette disposition, seule la transmission d’office aux juridictions administrative compétentes est prévue. La jurisprudence n’est toutefois pas uniforme et il arrive que nonobstant la teneur de l’art. 64 al. 2 LPA, la transmission soit faite à une autre autorité, notamment pénale (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, Berne 2017, n. 806 ad art. 64 LPA et les références citées)

c. Selon l’art. 91 al. 4 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), un délai est réputé observé si l’écrit parvient au plus tard le dernier jour du délai à une autorité suisse non compétente. Celle-ci transmet l’écrit sans retard à l’autorité pénale compétente.

d. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/284/2020 du 10 mars 2020 consid. 2a et la référence citée).

2) En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 23 septembre 2022. L'on comprend au contraire de son « dépôt de plainte » qu’il dénonce le comportement qu’un agent de détention aurait eu à son égard le 24 septembre 2022, alors qu’il demandait à ce qu’on ouvre la fenêtre de la cellule forte le temps de la promenade, à savoir que cet agent aurait tenu des propos à connotation raciste. Il conclut d’ailleurs son acte ainsi « je dépose plainte contre cette personne raciste qui est un gardien de la prison de Champ-Dollon ».

Le recourant ne développe en revanche aucun argument dans son acte selon lequel il contesterait la sanction de 2 jours de cellule forte infligée le 23 septembre 2022, car elle serait injustifiée. Il reconnaît au contraire les faits l’ayant justifiée, à savoir son énervement à l’égard de son avocat lors du parloir et ayant poussé ce dernier, qui s’était senti en danger, à enclencher l’alarme.

Ainsi, la chambre de céans n’est pas compétente pour connaître de sa plainte.

En conséquence, le recours est irrecevable en tant qu’il vise cette problématique. La chambre de céans transmettra, exceptionnellement, vu les particularités du cas d’espèce s’agissant d’un détenu qui défend seul ses intérêts, la cause au Ministère public, autorité de poursuite pénale, comme objet de sa compétence (art. 12 al. 1 let. b et 16 CPP).

3) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 septembre 2022 par Monsieur A______ ;

transmet sa plainte au Ministère public comme objet de sa compétence ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au Ministère public, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :