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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1336/2022

ATA/999/2022 du 04.10.2022 sur JTAPI/514/2022 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1336/2022-PE ATA/999/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mai 2022 (JTAPI/514/2022)


EN FAIT

1) Par décision du 13 avril 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a imparti à M. A______, ressortissant du B______, un délai au 29 avril 2022 pour quitter la Suisse.

Il avait été interpellé en dernier lieu le 12 avril 2022 par la police et prévenu d’infraction à l’art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il avait déclaré vivre et travailler en Suisse depuis le mois d’avril 2021. Il était dépourvu de visa ou de titre de séjour valable et son séjour en Suisse était illégal. Le renvoi était fondé sur les art. 64 s. LEI et 6
al. 1 et 3 al. 3 et 4 de la directive du Conseil de l’Europe 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive CE sur le retour). Il avait auparavant été condamné le 8 juin 2017 par le Ministère public fribourgeois et le 15 janvier 2021 par le Ministère public vaudois pour séjour illégal.

La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours, en application de l’art. 64 al. 3 LEI.

La décision pouvait faire l’objet d’un recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) dans un délai de cinq jours ouvrables dès sa notification, en application, selon l’art 64 al. 3 LEI.

2) Par acte du 29 avril 2022, M. A______, représenté par un avocat, a formé recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit autorisé à séjourner en Suisse.

Son recours avait été déposé en temps utile, compte tenu de la suspension des délais de Pâques.

3) Le 9 mai 2022, l’OCPM a demandé la suspension de la procédure pour pouvoir examiner la demande d’autorisation de séjour en vue de mariage formée par M. A______.

4) Par jugement du 17 mai 2022, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

L’art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) ne s’appliquait pas aux renvois prononcés en application des art. 64 s. LEI. Des arrêts zurichois de 2011 et 2020 avaient conclu que les dispositions de droit cantonal sur la suspension des délais ne s’appliquaient pas aux renvois fondés sur les art. 64 al. 1 let. a et b LEI. L’arrêt du Tribunal fédéral de 2017, cité par M. A______, avait considéré que le simple renvoi aux dispositions de la loi zurichoise sur la procédure administrative n’était pas suffisant pour comprendre qu’un délai de cinq jours s’appliquait et que son écoulement n’était pas suspendu durant les féries. En matière fiscale, le Tribunal fédéral avait retenu dans une affaire genevoise que l’art. 133 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) était exhaustif et ne laissait pas de place pour les féries judiciaires de droit cantonal. Dans un arrêt ATA/1789/2019 du 10 décembre 2019, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) n’avait pas expliqué pour quelle raison elle considérait que les dispositions sur la suspension des délais s’appliquaient en cas de recours dans le cadre des art. 64 al. 3 LEI. La décision de l’OCPM mentionnait expressément le délai de recours de cinq jours, contrairement à l’affaire zurichoise.

5) Par acte remis à la poste le 17 juin 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour instruction.

Le législateur cantonal n’avait pas prévu que les suspensions ne s’appliquent pas aux recours formés contre les décisions fondées sur l’art. 64 al. 1 let. a et b LEI. La systématique légale et la sécurité juridique imposaient d’appliquer l’art. 63
al. 1 LPA à ces décisions. Dans un récent arrêt du 19 avril 2022, le Tribunal fédéral n’avait nullement exclu l’application des délais de droit cantonal aux décisions de l’art 64 al. 1 let. a et b LEI. Le TAPI lui-même avait admis cette application dans un jugement JTAPI/980/2018 du 10 octobre 2018, et ce point de vue avait été confirmé dans l’arrêt ATA/1789/2019 précité.

6) Le 20 juillet 2022, l’OCPM a indiqué s’en rapporter à justice sur la question de la tardiveté du recours.

7) Le 22 août 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

8) Le 24 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le litige porte sur la question de savoir si les féries s’appliquent aux procédures relatives aux décisions impartissant un délai pour quitter la Suisse.

3) a. Sous la note marginale « décisions de renvoi », l’art. 64 al. 1 LEI prévoit que les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre (a) d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu, (b) d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse et (c) d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé. L’art. 64
al. 3 LEI prévoit que la décision visée à l’al. 1, let. a et b peut faire l’objet d’un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification ; celui-ci n’a pas d’effet suspensif ; l’autorité de recours statue dans les dix jours sur la restitution de l’effet suspensif.

b. Sous la note marginale « suspension des délais », l’art. 63 al. 1 LPA prévoit que les délais en jours fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas (a) du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement, (b) du 15 juillet au 15 août inclusivement et (c) du 18 décembre au 2 janvier inclusivement.

L’art. 63 al. 2 LPA prévoit que cette règle ne s’applique pas dans (a) les procédures en matière de votations et d’élections, (b) les procédures en matière de marchés publics, (c) les procédures de mises en détention, d’assignations territoriales, d’interdictions territoriales et de mises en rétention prévues par la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), (d) les procédures en matière de violences domestiques et (e) les procédures soumises aux règles de la loi de procédure fiscale, du 4 octobre 2001.

c. Dans le jugement JTAPI/980/2018 précité, le TAPI, qui prononçait l’irrecevabilité d’un recours contre une décision de renvoi pour cause de tardiveté, a observé à propos de l’écoulement du délai : « Le délai de recours de cinq jours a dès lors commencé à courir le 13 décembre 2017 et est arrivé à échéance le lundi 3 janvier 2018, compte tenu de la suspension des délais du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 63 al. 1 let. c LPA) et du report du délai au premier jour utile, lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié (art. 17 al. 3 LPA) [ ] » (consid. 15).

Saisie d’un recours contre ce jugement, la chambre de céans, dans l’arrêt ATA/1789/2019 précité, a également appliqué les féries de fin d’année de l’art. 63 al. 1 let. c LPA (consid. 5d). Elle n’a effectivement pas justifié ce raisonnement, étant toutefois observé que cet aspect n’était pas litigieux et que, par ailleurs, l’OCPM avait conclu à la suspension de la procédure pour examiner la demande d’attestation en vue de mariage et confirmé que le recourant serait toléré durant la suspension.

d. Dans l’arrêt 2D_3/2022 du 19 avril 2022, le Tribunal fédéral a envisagé d’appliquer soit le délai de cinq jours ouvrables de l’art. 64 al. 3 LEI soit celui de dix jours prévu par le droit cantonal neuchâtelois pour les décisions incidentes, mais laissé la question ouverte, le recours devant le premier juge ayant dans les deux hypothèses été déposé à temps (consid. 3.4).

e. En l’espèce, la chambre de céans retiendra qu’il ne peut être déduit de la jurisprudence fédérale que la réglementation cantonale sur la suspension des délais serait contraire à l’art. 63 LEI.

Or, l’art. 63 al. 2 let. c LPA n’exclut l’application de la suspension des délais en matière de droit des étrangers que pour les procédures de mises en détention, d’assignations territoriales, d’interdictions territoriales et de mises en rétention.

Il n’y a pas lieu de s’écarter du précédent de 2019.

Il résulte de ce qui précède que l’art. 63 al. 1 let. a LPA trouvait application et que le recours, compte tenu de la suspension, a été formé à temps devant le TAPI.

Le recours sera admis, le jugement annulé et la cause renvoyée au TAPI.

4) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2022 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mai 2022 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance ;

dit qu’aucun émolument n’est perçu ;

alloue à M. A______ une indemnité de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.