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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3815/2021

ATA/904/2022 du 06.09.2022 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : PROTECTION DE LA JEUNESSE;RÉDUCTION(EN GÉNÉRAL);OBLIGATION D'ENTRETIEN;PLACEMENT D'ENFANTS
Normes : LRDU.12.letc; LRDU.13A.al1; LRDU.9; LRDU.10.al3; RRDU.6B
Résumé : Rejet du recours contre la prise en compte de la taxation fiscale 2019 pour le calcul d’un rabais octroyé en 2021, sur la base du RDU, par le SPMi à des parents tenus de payer une participation financière aux frais de placement de leur enfant mineur. Pas d’actualisation du RDU concernant les prestations tarifaires, les exceptions prévues dans la LRDU et le RRDU n’étant in casu pas réalisées.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3815/2021-AIDSO ATA/904/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS

 



EN FAIT

1) Par décision du 4 octobre 2021 adressée à Madame A______ et Monsieur B______, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a fixé à CHF 30,40 par jour les frais de placement de leur fils C______, facturés mensuellement dès le 8 septembre 2021.

Ce montant était susceptible d’être adapté chaque année en fonction de leur revenu déterminant unifié (ci-après : RDU). Le calcul se fondait sur les indications suivantes : CHF 38.- par jour pour le montant de la participation financière, trois enfants à charge et 20 % de rabais.

2) Par acte mis à la poste le 8 novembre 2021, les parents ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, reçue le 7 octobre 2021, en concluant à son réexamen, car elle tenait compte de leur RDU de 2019. Or, leur situation financière avait changé depuis le 1er septembre 2019, date à compter de laquelle le père était au chômage. Ses dernières indemnités de chômage seraient versées le 30 mars 2022.

3) Les parents ont par la suite précisé leur situation professionnelle afin qu’elle soit prise en compte dans le réexamen de la décision litigieuse. La mère travaillait à 80 % pour un salaire mensuel brut de CHF 3'883.20. Le père avait obtenu un emploi à 80 % en qualité d’auxiliaire du 1er mai au 31 octobre 2021 pour un salaire mensuel brut de CHF 6'604.55.

4) Le SPMi a maintenu sa décision calculée sur la base du RDU 2021 pour lequel était déterminante l’année fiscale 2019, soit la dernière taxation fiscale définitive. Les prestations tarifaires ne pouvaient, à teneur de la réglementation topique, pas se fonder sur le RDU actualisé. Il avait pris en compte le RDU des deux parents, qui était supérieur à CHF 110'001.- et inférieur à CHF 165'000.-.

5) Les recourants ont souligné que la dégradation de leur situation financière était antérieure au placement de leur fils, puisque le père avait été au chômage du 1er septembre 2019 au 30 avril 2021, puis de novembre à décembre 2021. Ils avaient subi une baisse considérable du pouvoir d’achat sur une longue période et une accumulation de factures impayées pour une famille composée de cinq personnes. Ils ont persisté dans leur conclusion.

6) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants ne remettent pas en cause l’obligation de participer aux frais de placement de leur fils, mais en contestent le montant. Ils se plaignent du fait que le calcul de celui-ci tient compte de leur situation financière de 2019, et non de celle existant au moment où la participation financière leur est réclamée, soit dès septembre 2021, qui s’est, selon eux, péjorée par rapport à celle de 2019.

a. Le fondement légal de la participation financière aux frais de placement et d’entretien, fixée à CHF 38.- par jour et par enfant, se trouve à l’art. 5 al. 1 du règlement fixant la participation financière des père et mère aux frais de placement, ainsi qu’aux mesures de soutien et de protection du mineur du 2 décembre 2020 (RPFFPM - J 6 26.04). Une telle obligation incombe aux parents (art. 3 al. 2 RPFFPM) lorsque le mineur est placé dans un des lieux énumérés à l’art. 4 RPFFPM. Le SPMi est compétent pour les aides financières apportées aux mineurs qui font l’objet d’une mesure de protection ou d’une décision de placement ordonné par le pouvoir judiciaire (art. 3 al. 3 RPFFPM).

En l’espèce, aucun de ces éléments n’est contesté, les recourants se limitant à demander un nouveau calcul du montant sollicité, fondé sur leur situation financière actualisée qui s’est péjorée par rapport à l’année fiscale 2019.

Par ailleurs et conformément à la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/475/2021 du 4 mai 2021 consid. 2), les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). L'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC). Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC). Lorsque l'enfant est placé, l'office de l'enfance et de la jeunesse perçoit une contribution financière aux frais de pension et d'entretien personnel auprès des père et mère du mineur (art. 81 al. 2 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05 ; art. 36 al. 1 de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 - LEJ - J 6 01). Le type de prestations pour lesquelles une participation financière peut être demandée ainsi que le montant des contributions y relatives sont fixés par voie réglementaire (art. 36 al. 2 LEJ).

b. Le calcul de la participation financière ici en cause trouve son fondement légal à l’art. 8 RPFFPM. Son al. 2 prévoit un rabais fondé sur le RDU et accordé aux parents selon le barème y figurant. Un rabais de 20 % est applicable pour un revenu familial comprenant un enfant, situé entre CHF 95'001.- et CHF 150'000.-, étant précisé que, dès le deuxième enfant à charge, il faut ajouter CHF 7'500.- par enfant au revenu pour déterminer la limite du revenu familial (art. 8 al. 2 RPFFPM). En vertu de l’art. 8 al. 3 RPFFPM, ces limites de revenu sont calculées en application de la loi sur le RDU du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).

En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ont trois enfants à charge, que les limites de revenus précitées doivent être augmentées de CHF 15'000.- et qu’ils peuvent bénéficier d’un rabais de 20 % sur le montant légal de CHF 38.- de participation financière vu leur RDU fondé sur la taxation fiscale de 2019. Dans ces circonstances qui prennent en compte leur situation financière de 2019, le SPMI leur réclame, à juste titre, le montant de CHF 30.40 par jour, à titre de participation financière aux frais de placement de leur enfant mineur François-Maël.

3) La question de savoir si le RDU pris ici en compte par le SPMi peut être actualisé au regard de la nouvelle situation financière invoquée par les recourants doit être réglée conformément à la LRDU et à son règlement d’exécution du 27 août 2014 (RRDU - J 4 06.01), étant rappelé que le SPMi est admis à utiliser le RDU en application des art. 1 al. 1 let. d et al. 2 let. b RRDU.

a. Conformément à son art. 1 al. 1, la LRDU a notamment pour but de définir les éléments entrant dans le calcul du RDU et son processus d’actualisation (let. b) ainsi que la hiérarchie des prestations sociales sous condition de ressources (let. c). Elle vise à faciliter les relations avec l’administration par la mise en place d’un système transparent et équitable, qui simplifie l’accès aux prestations sociales cantonales et allège les procédures (art. 1 al. 2 LRDU).

En vertu de l’art. 2 al. 1 LRDU, cette loi s’applique à toutes les prestations sociales sous condition de ressources qui font l’objet de l’art. 13 LRDU, à savoir les prestations catégorielles (subsides de l’assurance-maladie, avance des pensions alimentaires, allocations de logement, subventions personnalisées pour habitations mixtes ; art. 13 al. 1 let. a LRDU) et les prestations de comblement (comme par exemple les prestations complémentaires [ci-après : PC] fédérales et cantonales à l’assurance-vieillesse et survivants [ci-après : AVS] et l’assurance-invalidité [ci-après : AI], les bourses d’études, les PC familiales ou l'aide sociale, art. 13 al. 1 let. b LRDU). L’art. 2 al. 2 LRDU précise que le RDU peut également servir de référence dans trois cas, notamment pour le calcul de prestations tarifaires (let. a). L’art. 12 LRDU définit les prestations catégorielles (let. a), les prestations de comblement (let. b) et les prestations tarifaires (let. c). Ces dernières sont des prestations en nature ou de rabais qui sont accordées sous condition de ressources, dont les tarifs dépendent du RDU et qui se fondent sur une loi, un règlement ou un arrêté (art. 12 let. c LRDU). L’art. 13 al. 1 LRDU fixe l’ordre dans lequel les prestations catégorielles et celles de comblement doivent être demandées.

b. Le RDU sert de base pour le calcul du droit à une prestation au sens des art. 8 à 10 LRDU (art. 3 al. 1 LRDU). Les éléments énoncés aux art. 4 à 7 LRDU constituent le socle du RDU et se définissent conformément à la législation fiscale genevoise (art. 3 al. 2 in fine LRDU). Les prestations mentionnées à l’art. 13 s’ajoutent au socle du RDU selon l’art. 8 al. 3 LRDU (art. 3 al. 3 LRDU). Lorsqu’une prestation catégorielle ou de comblement est octroyée en application de la hiérarchie des prestations sociales visées à l’art. 13 LRDU, son montant s’ajoute au socle du RDU selon l’art. 8 al. 3 LRDU et le nouveau montant sert de base de calcul pour la prestation suivante (art. 8 al. 3 phr. 1 LRDU).

L’art. 13A LRDU règle le lien avec les prestations tarifaires. Son al. 1 prévoit que les prestations tarifaires sont calculées sur la base du RDU, tel que défini à l'art. 9 al. 1 et 2 LRDU, et additionné des prestations catégorielles et de comblement obtenues. L’art. 13A al. 1 LRDU réserve l'art. 10 al. 3 phr. 2 LRDU qui concerne les exceptions définies par le Conseil d’État à l’art. 6B RRDU évoqué plus bas. Selon l'exposé des motifs du PL 11326 à l'origine de cette nouvelle disposition, « cet alinéa indique également que les prestations tarifaires se fondent sur le revenu le plus récent disponible dans la base de données du SI RDU. Il convient de préciser à cet égard que l’actualisation de RDU à la demande de services dont les prestations sont tarifaires n’est pas prévue » (PL 11326, p. 26). Les prestations tarifaires n’entrent par ailleurs pas dans le calcul du RDU (art. 13A al. 2 LRDU).

Selon l’art. 9 al. 1 LRDU, le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Le socle du RDU peut être actualisé (art. 9 al. 2 LRDU). L’art. 10 LRDU règle l’actualisation du RDU. L’art. 10 al. 1 LRDU dispose que le RDU est en principe actualisé sur la base des derniers éléments de revenus et de fortune connus de la personne, sous réserve des art. 4 al. 2 et 5 al. 2 LRDU. Conformément à l’art. 10 al. 2 LRDU, le RDU est actualisé sur demande d’un service et/ou lorsque la condition économique de l’intéressé s’est modifiée entre la période qui a servi de base au calcul de la prestation et le moment où il présente sa demande. Ces changements sont annoncés et justifiés par l’intéressé.

À teneur de l’art. 10 al. 3 LRDU, le processus d'actualisation du RDU selon l'al. 1 s'applique à l'examen ou au réexamen des seules demandes de prestations catégorielles et de comblement visées à l'art. 13 al. 1 LRDU. Les exceptions définies par le Conseil d'État sont réservées. En vertu de l’art. 6B RRDU, intitulé « Actualisation en lien avec les prestations tarifaires », le processus d’actualisation du RDU selon l’art. 10 al. 1 et 3 LRDU s’applique également aux prestations visées par l’art. 1 al. 1 let. g et h et al. 3 RRDU. Ces dispositions réglementaires visent le service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) en ce qui concerne l’octroi du chèque annuel de formation (art. 1 al. 1 let. g RRDU), l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLF) au sujet de l’accès à un logement d’utilité publique et du calcul de la surtaxe liée à ce dernier (art. 1 al. 1 let. h RRDU), ainsi que les fondations immobilières de droit public s’agissant des demandes de logement d’utilité publique (art. 1 al. 3 RRDU), à l’exclusion de prestations tarifaires du SPMi.

c. En l’espèce, aucune partie ne conteste que la prestation litigieuse réclamée par le SPMi est une prestation tarifaire au sens de l’art. 12 let. c LRDU. Elle concerne une prestation en nature visant le placement et l’entretien de l’enfant mineur des recourants, avec l’octroi d’un rabais fondé sur le RDU conformément à l’art. 8 al. 2 RPFFPM. Dès lors, ce type de prestation ne bénéficie pas du processus d’actualisation du RDU en vertu de l’art. 10 al. 3 LRDU. Cette disposition permet d’actualiser le RDU uniquement en ce qui concerne les prestations catégorielles, celles de comblement et celles précitées délivrées par le SBPE, l’OCLPF ainsi que les fondations immobilières de droit public au sens de l’art. 1 al. 3 RRDU.

C’est donc à bon droit que le SPMI a fondé la décision litigieuse sur le RDU calculé en fonction de la taxation fiscale de 2019, et qu’il n’a pas procédé à sa réactualisation. Ce procédé permet, en matière des prestations tarifaires, de répondre aux buts de la LRDU visant la simplification de l’accès aux prestations sociales cantonales et l’allègement des procédures (art. 1 al. 2 LRDU), sous réserve des exceptions expressément prévues à l’art. 6B RRDU par renvoi des art. 10 al. 3 et 13A al. 1 LRDU. Cela garantit aussi l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations tarifaires du SPMi.

Par conséquent, le recours sera rejeté, et la décision litigieuse confirmée.

4) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Compte tenu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 novembre 2021 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du service de protection des mineurs du 4 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ et Monsieur B______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :