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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1291/2022

ATA/870/2022 du 30.08.2022 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE;CONDITION DE RECEVABILITÉ;PERSONNE MORALE;ASSOCIATION;PARTIE À LA PROCÉDURE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR
Normes : LPA.11.al1; LPA.4.al1; LOJ.132; LPMNS.1; LPMNS.5.al1; LPMNS.32; RPMNS.12; LPMNS.62.al3; LPMNS.63; LPA.60.al1; LPA.65; LPA.48; LPMNS.10.al3
Résumé : Recours d’une association contre un arrêté du Conseil d’État refusant « d’entrer en matière » sur sa demande de classement d’un bâtiment pour lequel il existait une autorisation de démolir et de construire entrée en force. Le département du territoire avait au demeurant refusé la mise à l’inventaire du bâtiment et refusé de proposer un classement. Faute de remplir les conditions de l’art. 63 LPMNS, car n’étant pas active depuis trois ans au moment du dépôt de sa requête de classement, c’était à bon droit que le Conseil d’État était en réalité entré en matière et avait rejeté sa requête, malgré les termes employés. La décision était ainsi confirmée par substitution de motifs. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1291/2022-AMENAG ATA/870/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 août 2022

 

dans la cause

 

A______

contre

CONSEIL D'ÉTAT

et

Madame B______

Madame C______

Monsieur D______

Madame E______

Madame F______

Madame G______, tous appelés en cause

représentés par Me Paul Hanna, avocat



EN FAIT

1) Madame H______, Messieurs I______, J______ et
K______ H______ sont propriétaires de la parcelle n° 1'715 (ci-après : la parcelle) de la commune de ______ (ci-après : la commune).

Sise au ______, elle comprend une maison (bâtiment n° 1______) et une véranda (bâtiment n° 2______).

Ces bâtiments constituent la « M______ » aussi nommée « N______», édifiée au milieu du XIXème siècle puis transformée et agrandie plusieurs fois dans le courant du XXème siècle.

Le plan de synthèse n° ______ du recensement du patrimoine architectural et des sites du canton de Genève (ci-après : RAC) portant sur le secteur de ______ a attribué la valeur « monument et bâtiment intéressant » au bâtiment n° 1______.

2) Le 30 août 2016, les propriétaires, par le biais de leur mandataire, ont consulté le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) de l’office du patrimoine et des sites (ci-après : OPS) pour connaître l’intérêt patrimonial des immeubles.

3) Un rapport du SMS, à la suite des visites des 12 et 21 septembre 2016, a conclu qu’une mesure de protection se justifiait.

4) a. Par requête du 15 décembre 2017, les propriétaires ont sollicité les autorisations de démolir les bâtiments existants (référencée sous M 3______) et de construire un habitat groupé à haute performance énergétique (référencée sous DD 4______).

b. Le 5 mars 2018, le SMS a préavisé défavorablement la destruction.

5) a. Le 22 mars 2018, l’OPS a ouvert une procédure en vue de l’inscription à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés (ci-après : l’inventaire) des bâtiments nos 1______ et 2______ et de la parcelle n° 1'715 : le SMS avait, le 5 mars 2018, préavisé défavorablement la requête en démolition et O______ (ci-après : O______) avait formulé, le 7 mars 2018, une demande d’inscription à l’inventaire des bâtiments précités.

b. Les propriétaires se sont opposés à la mise à l’inventaire des immeubles. Des mesures moins incisives étaient envisageables à l’instar d’une cession en faveur de l’OPS de certains éléments de décor et mobilier de ferronnerie d’art.

c. Le 11 décembre 2018, la sous-commission 2 de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) s’est dite favorable à la mesure de protection.

d. La commune a préavisé défavorablement la mesure envisagée.

e. Des discussions entre les propriétaires, la conservatrice cantonale des monuments et le musée d’art et d’histoire (ci-après : MAH) ont suivi.

6) Par arrêté du 25 août 2021, le département du territoire (ci-après : le DT ou le département) a pris acte du retrait de la demande d’inscription à l’inventaire des bâtiments nos 1______ et 2______ et de la parcelle n° 1'715 par O______ et renoncé à prendre toutes mesures de protection à l’égard desdits immeubles.

L’autorité de décision se trouvait confrontée à des intérêts contradictoires, l’un, lié à la préservation du patrimoine était opposé tant à l’intérêt public à la construction de logements, qu’aux intérêts privés des propriétaires à pouvoir valoriser leur bien fonds. L’instruction du dossier ainsi que l’examen des intérêts en présence, menés de manière coordonnée par les autorités cantonales, l’avaient convaincu que l’intérêt public attaché à la pérennité des bâtiments et parcelle en question, d’une « valeur certes modeste », devait s’effacer, dans le cas particulier, devant l’intérêt général à la construction de logements et à l’intérêt privé des propriétaires à une utilisation financière optimale de leur bien-fonds. En période de pénurie de logements, le département devait aussi veiller à ce que l’intérêt public lié à la construction de logements soit préservé. Les éléments mobiliers particulièrement caractéristiques avaient pu être préservés grâce à leur donation à la ville de Genève en faveur du musée d’art et d’histoire (ci-après : MAH). Aucune mesure de protection à l’égard des immeubles dont il était question n’était en conséquence opportune.

7) Le 9 novembre 2021, le DT a autorisé la démolition des bâtiments sis ______ et a délivré l’autorisation de construire sollicitée.

Ces autorisations ont été publiées dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le même jour.

8) Le 9 décembre 2021, un recours a été interjeté devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées par quatorze particuliers.

9) Le 20 décembre 2021, A______ (ci-après : A______ ou l’association) a sollicité le classement de la « propriété de N______». Elle souhaitait que le dossier soit présenté et préavisé par la commission plénière de la CMNS, raison pour laquelle elle avait transformé la demande d’inscription à l’inventaire, envoyée par courriel, en une demande de classement.

10) Par courrier du 7 mars 2022, le recours devant le TAPI a été retiré, ce dont celui-ci a pris acte par décision du lendemain.

11) Les 15 et 16 mars 2022, le MAH, conformément à la convention de donation conclue le 26 mai 2021 entre la famille H______ et la ville de Genève, a pris possession des œuvres de la M______.

12) Par courrier du 16 mars 2022, le Conseil d’État a refusé d’entrer en matière sur leur demande de classement « sans se prononcer sur la qualité pour agir de A______ ». Par arrêté du 25 août 2021, le DT avait formellement renoncé à prendre toutes mesures de protection à l’égard des bâtiments et parcelle précités. Cet arrêté, notifié aux propriétaires concernés ainsi qu’à O______, n’ayant fait l’objet d’aucun recours, était en force. Le Conseil d’État en prenait acte et faisait siens les motifs retenus par le DT. Si les conditions pour une mesure d’inscription à l’inventaire n’étaient pas réunies, elles l’étaient a fortiori d’autant moins pour une mesure plus incisive, telle que le classement.

La décision était sujette à recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

13) Le 17 mars 2022, A______ a sollicité du directeur général de l’OPS des mesures provisionnelles, notamment en interdiction de mettre à exécution l’autorisation de démolir, en application des art. 5 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et 12 du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 (RPMNS - L 4 05.01). Elle sollicitait une interdiction formelle de déplacer des objets à l’intérieur dudit bâtiment, lesquels en faisaient partie intégrante.

14) Par courrier du 24 mars 2022, l’OPS, sous la plume de son directeur, a refusé d’entrer en matière sur la demande. Tant l’arrêté départemental du 25 août 2021 que l’autorisation de démolir du 9 novembre 2021 étaient en force.

15) Par acte du 30 mars 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le courrier du 24 mars 2022 précité.

La cause a été inscrite sous les références A/993/2022.

16) Le 31 mars 2022, A______ a informé la chambre de céans que malgré le recours, des pelles mécaniques étaient à l’œuvre sur la parcelle litigieuse. Elle produisait des photos prises le jour même et sollicitait des mesures superprovisionnelles afin qu’il soit ordonné à toute entreprise de cesser toute intervention jusqu’à droit jugé sur le fond du recours.

17) Par mesures superprovisionnelles du 31 mars 2022, la chambre administrative a ordonné l’arrêt des travaux.

18) Le 1er avril 2022, un inspecteur de l’office des autorisations de construire a confirmé l’arrêt du chantier et l’a déclaré exécutoire nonobstant recours. Il pouvait faire l’objet d’un recours devant le TAPI dans les dix jours dès sa notification.

19) Par acte du 25 avril 2022, A______ a interjeté recours contre la décision du Conseil d’État du 16 mars 2022. Elle a conclu à « l’admission du recours ». Subsidiairement, la chambre de céans devait constater que le DT avait violé l’art. 22 al. 1 let. b RPMNS et inviter le département à soumettre la demande de classement à la CMNS.

Selon la disposition précitée, la consultation de la CMNS était obligatoire. Or, la demande de classement ne lui avait pas été soumise. Les bâtiments présentaient un intérêt certain sur le plan patrimonial, justifiant une telle mesure.

La cause a été inscrite sous les références A/1291/2022.

20) À la demande de la chambre de céans, la A______ a transmis la décision litigieuse et des pièces. Une pétition en faveur du maintien de N______ avait recueilli plus de 800 signatures. Une question écrite avait été déposée par un député auprès du Conseil d’État sur la manière dont celui-ci avait géré ce dossier. N______ présentait un triple intérêt : historique, architectural/artistique et urbanistique.

21) Le DT a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

L’objet du litige était circonscrit au seul bien-fondé du refus d’entrer en matière sur la demande de classement. La recourante n’expliquait pas en quoi celui-ci n’était pas fondé. En l’absence de conclusions et de motivation suffisante, le recours devait être déclaré irrecevable.

La recourante ne disposait pas de la qualité de partie ni de la qualité pour recourir. Elle n’avait jamais établi qu’elle remplirait les conditions de recours corporatif ou qu’elle satisferait aux conditions posées par l’art. 63 LPMNS. Elle n’avait jamais donné d’explications concernant sa date de constitution, produit ses statuts, ni même exposé son but statutaire. Elle n’avait jamais fait valoir ni même établi se vouer, par pur idéal, à des questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement, à la protection des monuments, de la nature et des sites. Elle n’avait fourni aucune preuve ou indication concernant le nombre de ses membres. Elle n’avait la qualité de partie pour agir ni dans le cas de procédure d’inscription à l’inventaire (art. 7 LPMNS) ni dans celui d’un classement (art. 10 ss LPMNS).

La recourante n’était pas intervenue jusqu’en décembre 2021. Son attitude était critiquable et la question de sa bonne foi se posait.

Au vu des précédentes décisions, le Conseil d’État « n’avait pas d’autres choix que de refuser d’entrer en matière » sur la demande de classement formulée plus de quatre mois après l’entrée en force de l’arrêté départemental du 25 août 2021. Elle ne pouvait dès lors traiter la demande de classement que comme une requête de reconsidération tendant à la révocation de l’arrêté du DT. Or, les conditions de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10) n’étaient pas remplies.

22) Dans sa réplique du 29 juin 2022, la A______ a repris l’historique des différentes visites sur place, rapports et préavis. Les milieux spécialisés de la protection du patrimoine s’accordaient, dans leur majorité, à reconnaître un intérêt digne de protection à la maison dite « M______ ».

Le recours avait été formé pour trois motifs. Le Conseil d’État avait violé l’art. 22 al. 1 let. b RPMNS, à l’instar de l’OPS le 24 mars 2022. Celui-là devait exercer la haute surveillance en matière de protection des monuments, de la nature et des sites et aurait dû rappeler à l’ordre le DT et l’inviter à se conformer à la procédure instituée par le règlement. En s’abstenant de le faire, le Conseil d’État s’était mis en porte-à-faux avec une prescription qu’il avait lui-même édictée.

Le Conseil d’État avait confirmé la posture du département de ne pas se conformer à cette prescription réglementaire commettant ainsi une autre violation.

Enfin, le bâtiment justifiait pleinement une mesure de protection.

L’association demandait à pouvoir compléter son argumentaire. Elle produisait ses statuts, la liste de ses membres, le procès-verbal de la séance du comité au cours de laquelle la décision avait été prise d’interjeter recours. Elle poursuivait essentiellement des objectifs de protection du patrimoine, en particulier ceux portant sur des sites bâtis. Les membres du comité avaient le droit de représenter l’association pour toutes démarches liées à son fonctionnement. Il en était ainsi de la faculté de représenter l’association devant les instances judiciaires. Créée le 9 mai 2019, l’association avait plus de trois ans.

Elle développait les raisons pour lesquelles la décision du Conseil d’État du 16 mars 2022 n’était pas fondée.

23) Mesdames et Monsieur B______, C______, D______, E______, F______ et G______ ayant été appelés en cause dans la cause A/993/2022, à leur demande, sans que les parties s’y opposent, en leur qualité de copropriétaires d’appartements sur plans devant être érigés sur la parcelle, leur appel en cause a également été prononcé dans la présente procédure, au vu de sa connexité avec la précitée.

Ils ont conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. L’association n’avait pas qualité pour recourir. L’acte attaqué n’était pas une décision. Au fond, la CMNS s’était prononcée au moment où elle avait accepté de limiter la mesure de protection aux objets placés au MAH, ce qui impliquait, a contrario, qu’à ces conditions elle ne s’opposerait pas à la démolition des bâtiments. Par ailleurs, l’autorisation de démolir était entrée en force au moment du retrait du recours devant le TAPI, le 7 mars 2022.

24) a. Dans d’ultimes écritures, le DT a relevé que l’association, constituée en mai 2019, n’avait pas trois ans d’existence au moment d’interjeter recours, en avril 2022. Les membres étaient peu nombreux. Certains ne semblaient pas domiciliés sur Genève. Le nombre de membres n’était pas suffisant pour que l’association puisse être considérée comme d’importance cantonale.

b. A______ a persisté dans ses conclusions.

25) a. Il ressort des statuts produits par l’association qu’elle a été créée le 6 mai 2019.

b. L’art. 3 décrit les buts : soit « en général : 1) défendre le patrimoine bâti du canton de Genève et protéger la nature et les qualités paysagères qui constituent son identité environnementale ; 2) garantir la survie de la biodiversité et la qualité de vie de ses habitant-e-s ; en particulier : l’association poursuit notamment les tâches suivantes : 1) alerter et prévenir, en cas de menace, toute atteinte au patrimoine bâti, à la nature, aux paysages à la biodiversité ; 2) sensibiliser le public, les citoyen-ne-s, ainsi que les actrices et acteurs du développement du canton de Genève ; 3) intervenir, le cas échéant, auprès des autorités et des propriétaires en sollicitant des mesures de mise sous protection, telles que mise à l’inventaire, classement, plan de site ou zone protégée ».

26) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Dirigé contre le courrier du Conseil d’État du 16 mars 2022, refusant d’entrer en matière sur la demande de classement de A______ et indiquant les voie et délai de recours, celui-ci a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; 62 al. 2 LPMNS).

2) La recourante est une association, de sorte qu'il convient d'examiner sa qualité pour recourir. Le Conseil d’État a par ailleurs indiqué dans sa décision ne pas se prononcer sur la qualité pour agir de l’association.

a. Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA).

Une association ayant notamment pour but la sauvegarde du patrimoine n’est atteinte que de façon indirecte par une décision d’octroi d’une autorisation de démolir. L’annulation de l’arrêt attaqué ne lui procure aucune utilité pratique, l’intérêt général à une application correcte du droit étant, en soi, insuffisant à lui reconnaître la qualité pour agir (ATF 145 V 128 consid. 2.1 ; 144 I 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2021 du 28 octobre 2021, consid.2).

b. Sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir par la voie du recours, nommé alors recours corporatif, pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-là ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel. En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2021 du 28 octobre 2021 consid. 2 ; ATA/1520/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3d).

c. Ont aussi qualité pour recourir les organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (art. 60 al. 1 let. e LPA). Selon l’art. 63 LPMNS, les associations d’importance cantonale et actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir.

d. En l’espèce, la décision refuse d’entrer en matière sur la demande de classement de l’association. L’association est destinataire de la décision. En conséquence, elle est touchée directement par la décision de non-entrée en matière et a la qualité pour agir en application de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA contre la décision du 16 mars 2022 du Conseil d’État. La question de savoir si A______ a qualité pour demander le classement est, à ce stade, sans pertinence.

3) Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

En l’espèce, la question de savoir si l’acte de recours répondait aux exigences légales souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

4) Le Conseil d’État fonde son refus d’entrer en matière sur l’art. 48 LPA, considérant qu’au vu de l’entrée en force de l’arrêté départemental du 25 août 2021 ainsi que des autorisations de démolir et de construire délivrées par le département le 9 novembre 2021, la demande de l’association devait être traitée comme une demande de reconsidération.

5) À teneur de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

6) a. En l’espèce, une procédure de mise à l’inventaire a été ouverte le 22 mars 2018. Elle était initiée tant par le SMS que par O______. La CMNS a été saisie du dossier et a transmis un préavis favorable à la mise à l’inventaire. Conformément à l’art. 18 al. 1 RPMNS, le DT a statué et renoncé à une autre mesure de protection, après en avoir analysé l’opportunité (art. 7 al. 6 LPMNS). L’arrêté a été notifié aux parties à la procédure.

b. Les autorisations de démolir les bâtiments concernés et d’en construire de nouveaux ont été délivrées le 9 novembre 2021. Elles ont été publiées dans la FAO. Un recours a été interjeté à leur encontre. Le dépôt de ce recours a fait l’objet d’une publication dans la FAO. A______ n’a pas recouru contre les autorisations, ni sollicité son appel en cause. À la suite du retrait du recours, les autorisations de démolir et de construire sont entrées en force de chose décidée.

Le Conseil d’État s’est estimé lié par l’arrêté départemental et les deux autorisations, entrées en force et soutient être contraint d’envisager la demande de classement comme une demande de reconsidération. Cette approche a justifié la « non entrée en matière » litigieuse, décidée le 16 mars 2022.

c. L’art. 10 al. 3 LPMNS règle partiellement la question de la concurrence entre une procédure d’autorisation de construire et la procédure de classement. Selon cette disposition, si la demande de classement porte sur un immeuble dont la démolition ou la transformation a fait l’objet d’un préavis favorable de la CMNS et est prévue par : 1° une autorisation de construire ou de démolir en force ou 2° un plan localisé de quartier ou un plan de site, l’un et l’autre entrés en force depuis moins de cinq ans, elle est sans délai déclarée irrecevable.

En l’espèce, les conditions qui entraînent l’irrecevabilité de la demande de classement ne sont pas réalisées dans la mesure où la CMNS ne s’est pas prononcée dans le cadre de la procédure en autorisation de construire. De plus, sauf à rendre illusoire la protection fondée sur l’art. 7 LPMNS, il s’agit d’admettre avec la jurisprudence et la doctrine, qu’une mesure de protection puisse intervenir justement au moment où un propriétaire prend des dispositions susceptibles de porter atteinte à la substance patrimoniale d’un bâtiment (ATA/434/2018 du 8 mai 2018 consid. 4 et les références citées).

d. De même, l’articulation entre l’arrêté départemental de mise à l’inventaire et la procédure de classement n’autorise pas une approche par la reconsidération.

Si certes, le DT avait, après avoir écarté le bien-fondé d’une mise à l’inventaire, examiné dans l’arrêté du 25 août 2021 la pertinence d’une mesure de classement (art. 7 al. 6 LPMNS), et l’avait écartée, ce considérant ne lie pas le Conseil d’État, seul compétent pour prononcer ladite mesure (art. 10 al. 1 LPMNS). S’agissant de deux autorités différentes (art. 5 let. a et let. c LPA), il ne peut être fait application de l’art. 48 LPA, l’autorité ayant pris la décision initiale, en l’espèce le DT, n’étant pas la même que celle compétente pour le classement.

De surcroît, la recourante n’était pas partie à la procédure ayant abouti à l’arrêté départemental du 25 août 2021. Cette décision ne lui a pas été notifiée, et n’a pas été publiée. La recourante pouvait en conséquence en ignorer tant l’existence que la teneur.

e. Toutefois, l’association ne remplissait pas les conditions de l’art. 63 LPMNS au moment du dépôt de sa requête en classement, ayant été créée, à teneur de ses statuts, le 6 mai 2019 et n’étant en conséquence pas active depuis plus de trois ans. Elle n’avait en conséquence pas la qualité pour requérir une telle mesure de protection du bâtiment au sens de l’art. 10 al. 2 LPMNS.

La décision du Conseil d’État qui, malgré les termes employés, est entré en matière et a rejeté la requête, sans se prononcer sur la qualité pour agir de l’association, sera en conséquence confirmée, par substitution de motifs.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de A______ (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux appelés en cause, pris solidairement, à la charge de A______ (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2022 par A______ (A______) contre l’arrêté du Conseil d'État du 16 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ (A______) ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame B______, Madame C______, Monsieur D______, Madame E______, Madame F______, Madame G______ pris solidairement, à la charge de A______ (A______);

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt A______ (A______), au Conseil d'État, ainsi qu’à Me Paul Hanna, avocat des appelés en cause.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :