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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1392/2022

ATA/789/2022 du 09.08.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1392/2022-FORMA ATA/789/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______, enfant mineure, agissant par ses parents, Mme et M. B______

contre

SERVICE ÉCOLES ET SPORT, ART, CITOYENNETÉ

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 2009, a déposé le 31 janvier 2021 une demande d’admission dans le dispositif sport-art-études (ci-après : SAE) auprès du service écoles, sport, art, citoyenneté (ci-après : SÉSAC) du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP).

Elle était inscrite en 10ème année du cycle d’orientation pour l’année scolaire 2022-2023. Elle pratiquait les arts du cirque à raison de 11 heures hebdomadaires d’entraînement réguliers, de cours de musique et de danse et de renforcement du lundi au vendredi à l’école « C______ » à D______, dans le canton de Vaud.

2) Le 10 mars 2022, le SÉSAC a indiqué à Mme A______ que les arts du cirque ne figuraient pas dans la brochure relative aux conditions et niveaux minimum requis pour être admis dans le dispositif du SAE, car la discipline n’était pas reconnue par Swiss Olympic en tant que fédération sportive membre ni par Jeunesse et Sport (ci-après : J+S), et ne disposait pas d’une formation professionnelle certifiante reconnue par la Confédération.

3) Le 20 mars 2022, Mme A______, sous la plume de ses parents, Mme et M. B______, a indiqué que les arts du cirque avaient progressé dans leur reconnaissance officielle et étaient reconnus par Swiss Olympic. La Confédération avait reconnu, en 2004, la E______ en tant que haute école de théâtre. Elle reconnaissait par ailleurs l’école F______ de G______, qui offrait en Belgique une formation officielle dans le domaine, sanctionnée par un baccalauréat.

4) Le 11 avril 2022, le SÉSAC a refusé la demande.

Les conditions d’admission n’étaient pas remplies. La Fédération suisse des écoles de cirque (ci-après : FSEC) était désormais reconnue comme organisation partenaire par Swiss Olympic, ce qui ne conférait pas aux arts du cirque le statut de discipline sportive. Les arts du cirque ne faisaient pas l’objet d’une formation certifiante en Suisse. La FSEC travaillait à une reconnaissance de la discipline par J+S.

5) Par acte remis à la poste le 4 mai 2022, Mme A______, sous la plume de ses parents, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’elle soit admise dans le dispositif SAE à la rentrée 2022-2023 et à défaut que le DIP entre en matière pour un allègement horaire.

Les arts du cirque disposaient désormais d’un partenariat avec Swiss Olympic en tant que discipline sportive mais sans compétition. Ils disposaient d’une formation certifiante en haute école en Suisse, à la E______, laquelle était reconnue par Swissuniversities et offraient un baccalauréat et une maîtrise en « physical theatre ». La haute école ne devait pas avoir son siège en Suisse, le métier de circassien n’était pas réglementé et des hautes écoles étaient reconnues par le système Bologne en Belgique, en France, au Canada et en Suède. Enfin, les cantons de Vaud, Neuchâtel, Fribourg, Jura et Valais offraient à leurs élèves circassiens la possibilité de suivre le programme SAE. Le canton de Genève avait déjà autorisé de nombreux circassiens à étudier en-dehors du canton en prenant en charge leurs frais de scolarité. Des dérogations avaient été accordées concernant la gymnastique acrobatique. Les exigences posées par le DIP seraient largement dépassées dans un an vu les efforts de la FSEC.

6) Le 3 juin 2022, le DIP a conclu au rejet du recours.

J+S n’incluait pas les arts du cirque dans les disciplines qu’elle reconnaissait. Swiss Olympic avait récemment admis la FSEC comme organisation partenaire et non comme membre, faute de caractère compétitif de la discipline. Il existait en Suisse des écoles préparatoires à l’entrée dans des écoles européennes de cirque, tel « C______ ». Toutefois, aucune formation supérieure reconnue dans le domaine des arts du cirque n’existait encore en Suisse. L’H______ délivrait des maîtrises en musique et théâtre ainsi qu’en théâtre physique, mais n’était pas reconnue par la FSEC comme une école préparatoire pour les arts du cirque.

Lors d’un entretien téléphonique du 2 juin 2022, M. I______, chef du service du sport du canton de Fribourg, avait indiqué que les arts du cirque n’étaient pas encore reconnus dans le dispositif SAE du canton, faute de reconnaissance par Swiss Olympic pour le volet sportif et de filière préprofessionnelles reconnue pour le volet artistique.

Il n’y avait eu qu’un précédent concernant une élève qui avait obtenu la prise en charge de ses frais de scolarité publique du cycle d’orientation vaudois et poursuivi sa formation dans ce canton, en vertu du concordat intercantonal réglant la fréquentation d’une école dans un canton autre que celui de domicile.

Le canton de Vaud reconnaissait les arts du cirque dans la filière SAE, mais pas le canton de Fribourg. Cela dit, les cantons étaient libres de régler les prestations dépassant l’enseignement de base, comme le SAE.

7) Le 21 juin 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

La FSEC était membre de Swiss Olympic depuis novembre 2021. Le football féminin n’était pas mentionné dans la brochure du SAE alors qu’il figurait comme sport reconnu par J+S. Certains arts du cirque ou disciplines circassiennes, comme le monocycle ou le cyclisme artistique, figuraient parmi les sports J+S. Si les arts du cirque ne pouvaient être reconnus comme fédération sportive par Swiss Olympic et si une formation J+S n’était pas possible, c’était parce que l’ordonnance sur le sport en Suisse excluait toute pratique sportive qui n’était pas de compétition. Cette ordonnance devait être révisée en 2025 et un groupe de travail réfléchissait à la future formation J+S des arts du cirque. « C______ » exigeait de ses moniteurs une formation J+S. Son sérieux était reconnu aux plans local et international et tous ses élèves étaient admis à La E______. Le canton discriminait ouvertement une partie de ses jeunes talents.

8) Le 24 juin 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 2 du Règlement sur le dispositif sport-art-études du 26 août 2020 - RDSAE - C 1 10.32 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du SÉSAC de refuser à la recourante le bénéfice du dispositif SAE.

La conclusion, subsidiaire, visant à ce que le DIP entre en matière pour un allègement horaire est exorbitant au litige et partant irrecevable.

3) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4) a. Aux termes de l’art. 24 al. 1 let. c de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), en référence aux finalités de l’école publique décrites à l’art. 10, le département met en place, dans chaque degré d’enseignement, des mesures intégrées à l’horaire régulier et complémentaires de soutien ainsi que des aménagements du parcours scolaire qui peuvent revêtir différentes modalités, destinées en priorité aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l’État.

Sous l’intitulé « Élèves à haut potentiel intellectuel, sportif ou artistique », l’art. 27 LIP prévoit que, pour permettre aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l’État de bénéficier d’aménagements de leur parcours scolaire, le département prend les mesures d’organisation adaptées selon les degrés d’enseignement, telles que l’adaptation de la durée de sa scolarisation ou l’admission en classe SAE.

b. L'art. 2 RDSAE précise que le dispositif SAE a pour but de permettre aux élèves à haut potentiel sportif ou artistique de bénéficier d'un allègement ou d'un aménagement de l'horaire ou du parcours scolaire ou de formation professionnelle.

L'accès au dispositif est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline sportive individuelle ou collective reconnue par (a) le programme « Jeunesse et sport » de la Confédération, ou (b) l'association Swiss Olympic, dont en priorité les disciplines bénéficiant d'un concept de promotion de la relève (art. 3 al. 1 RDSAE).

La liste des critères sportifs et artistiques permettant l'admission et le maintien dans le dispositif est publiée chaque année sur le site Internet du DIP (art. 3 al. 3 RDSAE).

Les structures de formation sportives ou artistiques sont seules compétentes pour identifier le niveau sportif ou artistique de l'élève en fonction de critères propres à chaque discipline (art. 4 al. 4 RDSAE). L'élève qui atteint les exigences minimales requises ne détient pas un droit à bénéficier d'une place dans le dispositif (art. 4 al. 5 RDSAE).

c. Le SÉSAC est chargé de la mise en œuvre du dispositif en collaboration avec les associations sportives faîtières nationales, régionales et cantonales notamment (art. 5 al. 1 RDSAE). Il détermine les critères sportifs et artistiques d'admission dans le dispositif en collaboration avec les organismes visés à l'al. 1 (art. 5 al. 4 RDSAE). Il évalue le dossier de l'élève au regard des critères sportifs ou artistiques d'admission ou de maintien et notifie aux parents ou à l’élève majeur une décision de constatation que ces critères sont remplis ou non (art. 5 al. 5 RDSAE).

d. Les modalités d'admission et de maintien des élèves dans le dispositif, ainsi que les délais de dépôt des inscriptions, sont publiés chaque année sur le site Internet du département (art. 8 al. 1 RDSAE). Les demandes d'admission ou de maintien doivent parvenir au département au plus tard à la date limite de dépôt des inscriptions (art. 8 al. 2 RDSAE). Les critères sportifs ou artistiques d'admission dans le dispositif doivent être atteints au plus tard à la date limite de dépôt des inscriptions. Les résultats sportifs ou artistiques obtenus après cette date ne sont pas pris en compte, sauf exceptions prévues dans les modalités d'admission et de maintien publiées par le département (art. 8 al. 3 RDSAE).

e. Les arts du cirque ne figurent pas dans la brochure « sport art études
2022-2023 au cycle d’orientation, conditions et niveaux minimums requis » publiée par le DIP sur Internet (accessible à l’adresse https://www.ge.ch/document/5658/ telecharger), que ce soit dans les sports individuels, les sports d’équipe ou encore la danse et la musique.

f. Dans sa teneur actuelle, en vigueur depuis le 1er juillet 2020, l’art. 6 al. 1 de l’ordonnance sur l’encouragement au sport et de l’activité physique du 23 mai 2012 (OESp - RS 415.01) prévoit qu’un sport peut être admis comme sport J+S si les conditions suivantes sont réunies : (a) l’activité motrice le définissant est pratiquée par le sportif lui-même ; (b) sa pratique régulière contribue à l’amélioration des aptitudes physiques et au façonnage des composantes psychiques de la performance ; (c) il est pratiqué selon des règles définies, qui garantissent aussi l’intégrité physique et psychique, la sécurité et la santé des participants ; (d) il est pratiqué dans le respect de l’environnement ; (e) ses objectifs théoriques et pédagogiques sont conformes aux principes fondamentaux tels que l’égalité, le respect réciproque, l’honnêteté et l’équité ; (f) il est pratiqué régulièrement en groupe et sous une forme organisée par des enfants et des jeunes ayant l’âge J+S ; (g) il est soutenu par une fédération d’envergure nationale qui (1) est membre de la fédération faîtière du sport suisse, et (2) a la volonté et les moyens d’assumer des tâches de développement du sport en question ainsi que des tâches de formation et de formation continue des moniteurs des organisations qui lui sont affiliées. Selon l’art. 6 al. 3 OESp, le département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (ci-après : DDPS) détermine les sports J+S.

5) a. En l’espèce, il n’est pas contesté que les arts du cirque ne sont en l’état pas reconnus comme une discipline sportive par J+S, ce qui ressort par ailleurs de son site internet (https://www.jugendundsport.ch/fr/ueber-j-s/leistungen-des-programms-j-s.html, onglet « sports »).

Si la FSEC s’est rapprochée de Swiss Olympic, elle n’en est pas devenue membre, mais partenaire. La recourante indique elle-même que la FSEC ne peut actuellement obtenir la reconnaissance en tant que fédération sportive en raison des exigences posées par l’OESp en matière de compétitivité.

La recourante admet qu’aucune formation professionnelle certifiante en haute école n’est dispensée en Suisse pour les arts du cirque. Le fait qu’une discipline propre aux arts du cirque, comme l’acrobatie, soit certifiée par un baccalauréat délivré par l’H______, ne permet pas encore de conclure que les arts du cirque en tant que tels feraient l’objet d’une formation professionnelle certifiante en haute école en Suisse. La recourante rappelle que de telles formations existent à l’étranger et soutient que l’art. 3 al. 2 RDSAE, qui prévoit que l'accès au dispositif est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline artistique qui fait l'objet d'une formation professionnelle certifiante en haute école, n’exige pas que la formation soit dispensée en Suisse. Elle ne peut être suivie. La chambre de céans a retenu, dans une précédente espèce concernant la recourante, que l’exigence d’une formation en Suisse peut être vue comme implicite et comme résultant de la systématique de la loi, qui entend adapter la filière SAE aux filières de formation existantes dans le pays et que le DIP exige par ailleurs pour toutes les disciplines une reconnaissance suisse ou une filière suisse (ATA/677/2021 du 29 juin 2021 consid. 5).

Les exigences posées par l’art. 3 RDSAE pour l’accès au dispositif SAE ne sont ainsi pas remplies et c’est à bon droit que le DIP a refusé la demande de la recourante.

b. La recourante évoque de nombreuses dérogations qu’aurait accordées le DIP à des élèves circassiens. Le DIP a admis une seule occurrence, dans un cas d’ailleurs passablement différent, dont la chambre de céans a dit, dans le précédent précité, qu’elle ne pouvait être prise en compte (ATA/677/2021 précité, consid. 6).

c. La recourante invoque les pratiques d’autres cantons. Elle ne conteste toutefois pas qu’en matière d’offre de formation excédant la formation obligatoire de base, les cantons jouissent d’une large autonomie. Elle ne saurait ainsi tirer argument du fait que le canton de Vaud admettrait dans son dispositif SAE les élèves circassiens.

d. La recourante invoque enfin la modification à venir des critères d’admission au dispositif SAE, en vain, la cause étant jugée selon le droit actuellement en vigueur. Elle prête au DIP une volonté de discrimination mais n’expose pas en quoi le fait que le football féminin ne figure pas dans la brochure du dispositif SAE établirait que le canton entend discriminer les circassiens.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante. Celle-ci, enfant mineure, ayant agi par ses parents, ces derniers se verront astreints, solidairement, au paiement dudit émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2022 par Mme A______, agissant par ses parents Mme et M. B______, contre la décision du service école, sport, art et citoyenneté du 11 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Mme et M. B______, pris solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17  juin  2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, représentée par ses parents, Mme et M. B______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la jeunesse et des sports - direction des affaires juridiques.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :