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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4047/2021

ATA/550/2022 du 24.05.2022 ( LAVI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4047/2021-LAVI ATA/550/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 mai 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

INSTANCE D'INDEMNISATION LAVI



EN FAIT

1) Le 25 novembre 2020, Madame A______, née le ______ 1981, a déposé une requête en indemnisation auprès de l'instance d'indemnisation instituée par la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (loi sur l’aide aux victimes, LAVI - RS 312.5 ; ci-après : Instance LAVI), exposant avoir été victime d’une infraction et souhaitant compléter sa requête.

2) Dans le délai imparti pour ce faire, la requérante a produit les pièces de la procédure pénale P/1______ relative à la plainte qu’elle avait déposée le 17 avril 2015 ainsi que des pièces médicales en lien avec l’infraction dont elle avait été victime le 5 avril 2015. Elle a conclu à l’octroi d’une indemnité pour tort moral de CHF 60'000.-.

Il ressort d’un rapport médical annexé à sa demande, établi le 23 décembre 2020 par l’Unité de médecine et de prévention de la violence, que l’intéressée avait été suivie du 7 au 21 avril 2015, du 2 décembre 2015 au 19 janvier 2017. Lors des entretiens des 7 et 14 avril 2015, elle s’était sentie dépassée et angoissée par les démarches telles la plainte à déposer, les rendez-vous auprès du Centre LAVI et les démarches sociales.

3) Selon l’ordonnance de non-entrée en matière du 16 janvier 2017, l’intéressée avait déposé plainte pénale pour avoir subi, le 5 avril 2015, des actes de violence et contrainte sexuelle, au domicile de ses parents à Genève, de la part de Monsieur B______, de Madame C______, D______, de Madame E______, de Madame F______ et de Madame G______. Elle avait déposé une nouvelle plainte pénale le 23 février 2016 à l’encontre de MM. et Mme D______, C______ et F______ pour des faits de violence survenus les 18 et 19 février 2016. D______ et Mme F______ avaient également déposé plainte pénale contre elle.

4) Le recours formé par Mme A______ a été admis par la Chambre pénale de recours le 27 juin 2017 en ce qui concernait les faits survenus le 5 avril 2015.

5) La conciliation menée par le Ministère public ayant abouti, celui-ci a classé la procédure le 19 décembre 2019.

6) Par décision du 24 juin 2020, notifiée le 21 octobre 2022, l’Instance LAVI a déclaré irrecevable la requête de Mme A______ pour cause de péremption.

Le délai quinquennal pour agir après la survenance des faits n’avait pas été respecté. L’intéressée ne pouvait non plus se prévaloir du délai supplémentaire d’un an prévu par la loi, n’ayant pas fait valoir ses prétentions civiles dans la procédure pénale.

7) Par acte expédié le 26 novembre 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu au constat que sa requête n’était pas tardive et à l’octroi de l’indemnité réclamée. Préalablement, elle a sollicité à pouvoir compléter son recours, son conseil n’ayant pas encore pu consulter le dossier et sa demande d’assistance juridique étant en cours.

8) Dans le délai, prolongé à plusieurs reprises, imparti pour compléter son écriture, la recourante a exposé les faits survenus le 5 avril 2015. Par ailleurs, elle n’avait pas été d’accord avec son avocate qui lui avait conseillé d’accepter la conciliation devant le Ministère public. La question de son indemnisation pour tort moral n’avait pas été traitée par le Ministère public. Elle n’avait pas été informée de l’existence du centre LAVI. À la suite de l’agression, son poignet demeurait fragile, sa vue était parfois floue, elle présentait des troubles du sommeil, des angoisses et de la peur et avait souvent des cauchemars ou des « flash-back ». Elle n’avait plus confiance en elle et n’osait plus se rendre à des fêtes africaines de crainte d’être vue comme victime de l’agression sexuelle.

C’était la psychologue de l’Instance LAVI qui lui avait dit qu’elle pouvait obtenir une réparation pour tort moral. Elle demandait une « mesure de grâce » afin qu’il soit fait droit à sa requête.

9) L’Instance LAVI s’est rapportée à sa décision.

10) Dans le délai de réplique, la recourante a produit des rapports et attestations médicales faisant état des atteintes subies lors de son agression et des suivis médicaux encore en cours.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

12) Dans un courrier expédié le 17 mai 2022, la recourante a encore fait parvenir à la chambre de céans des pièces médicales se rapportant à son état de santé.

Ces documents ont été transmis à l’Instance LAVI.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la question de savoir si les prétentions de la recourante sont périmées.

a. Aux termes de l’art. 24 LAVI, quiconque entend faire valoir son droit à une indemnité ou à une réparation morale ou obtenir une provision doit introduire une demande auprès de l’autorité cantonale compétente.

En vertu de l’art. 25 al. 1 LAVI, la victime et ses proches doivent introduire leurs demandes d’indemnisation et de réparation morale dans un délai de cinq ans à compter de la date de l’infraction ou du moment où ils ont eu connaissance de l’infraction ; à défaut, leurs prétentions sont périmées. L’al. 2 de cette disposition légale prévoit la possibilité pour la victime d’introduire sa demande jusqu’au jour de ses 25 ans, dans certaines circonstances non réalisées en l’occurrence Selon l’al. 3, si la victime ou ses proches ont fait valoir des prétentions civiles dans une procédure pénale avant l’échéance du délai prévu aux al. 1 et 2, ils peuvent introduire leur demande d’indemnisation ou de réparation morale dans le délai d’un an à compter du moment où la décision relative aux conclusions civiles ou le classement sont définitifs.

b. Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit. La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

c. En l’espèce, il convient, en premier lieu, de relever que la recourante connaissait les droits qu’elle pouvait faire valoir auprès de l’Instance LAVI, dès lors qu’il ressort du rapport médical du 23 décembre 2020 de l’Unité de médecine et de prévention de la violence, qui retrace le suivi dont elle a bénéficié auprès de cette unité, que lors des entretiens des 7 et 14 avril 2015, elle avait fait état des démarches en lien avec l’infraction, notamment ses rendez-vous auprès du centre LAVI. Elle était, au demeurant, assistée d’une avocate pendant toute la durée de la procédure pénale.

En ce qui concerne la computation du délai dans lequel elle pouvait faire valoir ses prétentions auprès de l’Instance LAVI, celui-ci a commencé à courir le 5 avril 2015, date de son agression.

Conformément à l’art. 25 al. 1 LAVI, il est arrivé à échéance cinq ans après, le 5 avril 2020.

La recourante n’a pas fait valoir ses prétentions civiles dans le cadre de la procédure pénale. Elle ne peut donc pas bénéficier du délai complémentaire d’une année, qui aurait commencé à courir à compter du classement de la procédure pénale si elle avait formulé des prétentions civiles dans celle-ci.

Lors du dépôt de sa demande d’indemnisation, le 20 novembre 2020, ses prétentions auprès de l’Instance LAVI pour tort moral étaient ainsi périmées. La décision d’irrecevabilité de la requête auprès cette instance est, partant, conforme au droit.

Il est encore précisé qu’il ne ressort pas du dossier ni des allégations de la recourante que la psychologue de l’Instance LAVI lui aurait donné des assurances selon lesquelles, bien que périmée, sa requête serait admise. Par ailleurs, quand bien même une telle assertion serait établie, n’émanant pas d’une personne compétente pour se prononcer sur des questions juridiques, cette affirmation ne saurait engager l’Instance LAVI. En outre, la simple lecture de l’art. 25 LAVI permettait à la recourante de se rendre compte qu’elle était forclose pour se prévaloir de l’indemnisation prévue par cette disposition.

Mal fondé, le recours doit ainsi être rejeté.

3) Vu la nature du litige, il ne sera pas prélevé d'émolument (art. 30 al. 1 LAVI). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 novembre 2021 par Madame A______ contre la décision de l’instance d’indemnisation LAVI du 24 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'instance d'indemnisation LAVI ainsi qu’à l’office fédéral de la justice.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :