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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4072/2021

ATA/241/2022 du 08.03.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4072/2021-FORMA ATA/241/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 mars 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1) Madame A______ (ci-après : l’étudiante) a été immatriculée à l’Université de Genève (ci-après : l’université) et admise au programme de Bachelor en médecine humaine dispensée par la Faculté de médecine (ci-après : la faculté) dès la rentrée académique 2019 - 2020.

2) À l’issue de sa première année, en août 2020, Mme A______ a obtenu, après avoir passé les trois évaluations prévues, la note globale de 4,25.

Ce résultat ne lui permettait pas d’être classée parmi les cent cinquante et un étudiants admis en deuxième année de Bachelor, l’admission étant soumise à un concours en fonction de la capacité d’accueil de la faculté.

3) Selon le relevé final de notes du 11 juin 2021, l’étudiante avait obtenu la note globale de 4,75.

Celle-ci ne lui permettait pas d’être classée parmi les cent
quarante-neuf étudiants admis en deuxième année de Bachelor.

4) Le 23 juin 2021, Mme A______ a fait opposition contre la décision de non-admission en deuxième année.

5) L’étudiante a été autorisée à prendre connaissance de son travail d’examen.

6) Le 13 juillet 2021, Mme A______ a complété son opposition. Elle contestait l’évaluation faite de six de ses réponses.

Par ailleurs, et comme déjà mentionné dans son courrier du 23 juin 2021, l’utilisation de son dictionnaire non médical lui avait été interdite lors de l’examen bien qu’il remplisse toutes les conditions exigées par l’université et qu’elle soit non francophone.

7) Le 26 août 2021, le préavis de la commission d’opposition pour les études en Faculté de médecine (ci-après : la commission d’opposition) a été transmis à l’intéressée. Les enseignants concernés par l’examen avaient fourni des réponses détaillées aux critiques de l’étudiante pour les six questions contestées.

L’étudiante avait la possibilité de compléter son opposition dans un délai de dix jours.

8) Par courrier du même jour, l’université a informé Mme A______ qu’elle serait ex-immatriculée à partir du lendemain.

9) Le 6 septembre 2021, l’étudiante a complété son opposition. Deux réponses restaient litigieuses. Par ailleurs, elle rappelait qu’il lui avait été interdit d’utiliser son dictionnaire de langues non médical. Or, elle n’était pas francophone et son dictionnaire remplissait les conditions requises dans la lettre d’information donnée aux étudiants. Ce refus, lors de l’examen, l’avait mise dans une situation d’inégalité par rapport aux autres étudiants. Il convenait d’en tenir compte.

10) Interpellée sur ces nouvelles observations, la présidente de la Commission des examens Bachelor a précisé que la lettre d’information envoyée le 6 mai 2021 par courriel à tous les étudiants de la volée concernée était accessible sur le site de la faculté et indiquait que seul un dictionnaire de langues non médical pour les non francophones (soit un dictionnaire bilingue français – langues étrangères), était autorisé durant les épreuves de l’examen en première année de médecine. Si le dictionnaire de l’étudiante avait été interdit, c’était qu’il s’agissait d’un dictionnaire de définitions et non de traduction.

11) L’étudiante ne s’est pas prononcée dans le délai de sept jours qui lui avait été accordé suite à la prise de position susmentionnée.

12) Selon le préavis de la commission d’opposition du 14 octobre 2021, il convenait de rejeter l’opposition de Mme A______. Le relevé des notes n’était pas arbitraire. Il détaillait les réponses attendues aux six questions litigieuses. Par ailleurs, il était légitime d’interdire à l’opposante d’utiliser son dictionnaire dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un dictionnaire bilingue. Il avait été explicitement indiqué aux étudiants avant les examens que seul un tel dictionnaire était autorisé.

13) Par décision du 25 octobre 2021, le doyen a fait sienne la motivation du préavis de la commission d’opposition et a rejeté l’opposition de l’étudiante. Le relevé de notes de la session de juin 2021 et la décision de non-admission en deuxième année du Bachelor du 25 juin 2021 étaient confirmés.

14) Par acte du 25 novembre 2021, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision et à son admission en deuxième année de Bachelor en médecine humaine.

Seuls deux points lui manquaient pour pouvoir poursuivre ses études.

Tous les étudiants avaient reçu, avant l’examen, un document intitulé « information – examen », dans lequel était notamment détaillé le matériel autorisé. Selon celui-ci, les étudiants non francophones avaient le droit d’utiliser un dictionnaire de langues non médical. Le jour de l’examen, il lui avait toutefois été fait interdiction d’utiliser son dictionnaire. Ce refus lui avait causé du stress et de l’anxiété, avait diminué ses performances pendant l’examen et l’avait mise dans une situation d’inégalité par rapport aux autres étudiants, francophones.

Par ailleurs, la faculté avait mal établi les faits dans la décision querellée. Le 26 août 2021, il lui avait été indiqué qu’elle ne devait pas rester inscrite à la faculté pendant la procédure d’opposition. La faculté avait toutefois mentionné l’inverse dans la décision querellée. De surcroît, il était erroné de dire que « il avait été expressément indiqué aux étudiants avant les examens que seul un dictionnaire bilingue était autorisé ». Les étudiants n’avaient reçu que la lettre « information – examen » dans laquelle les mots « bilingue », « traduction » ou « définition » n’avaient pas été mentionnés.

15) L’université a conclu au rejet du recours.

Elle constatait que l’étudiante ne contestait plus l’évaluation et la correction de son examen de première année, ni le fait qu’elle n’avait pas obtenu les points nécessaires pour être classée parmi les cent quarante-neuf étudiants admis en deuxième année.

La faculté avait précisé que les étudiants pouvaient se munir d’un « dictionnaire de langues non médical ». Le terme de dictionnaire de langues, ce dernier mot étant expressément au pluriel, faisait référence à un dictionnaire de traduction. Il était explicitement indiqué sur le site Internet de la faculté que le dictionnaire non médical était un « dictionnaire bilingue français – langues étrangères ». L’interdiction d’apporter un dictionnaire de langue française visait précisément à éviter que certains étudiants utilisent le dictionnaire pour consulter les définitions de certains termes médicaux qu’ils auraient dû connaître et soient ainsi avantagés par rapport aux autres étudiants. La recourante s’était vue interdire le dictionnaire qu’elle avait apporté durant l’examen dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un dictionnaire bilingue, ce qu’elle reconnaissait dans son recours. L’interdiction était en conséquence justifiée et le principe de l’égalité de traitement n’avait pas été violé.

Par ailleurs, si l’étudiante avait eu un doute quant au type de dictionnaire autorisé, il lui appartenait de se renseigner à ce sujet avant de se présenter à l’examen. Se présentant pour la seconde fois, et les règles n’ayant pas changé entre-temps, elle devait être au courant des exigences en lien avec le matériel autorisé.

En tous les cas, le grief était tardif au regard du principe de la bonne foi. Elle ne pouvait attendre de se présenter, puis de connaître son résultat, avant de se prévaloir, pour la première fois sur opposition, de l’interdiction qui lui avait été faite d’utiliser un dictionnaire non bilingue.

16) Dans sa réplique, l’étudiante a rappelé avoir évoqué la situation d’inégalité en lien avec l’interdiction d’utiliser son dictionnaire dès le 23 juin 2021. Elle l’avait répété les 13 juillet et 6 septembre 2021. À aucun moment, ni avant ni après l’examen, la faculté n’avait mentionné l’existence du site internet, ni dans un courriel ni dans une lettre adressée aux étudiants. Elle en ignorait l’existence.

17) Sur ce, les parties ont été informées, le 8 février 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 91 du statut ; art. 36 al. 1 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE, révisé le 25 mars 2015).

2) Le présent litige est dirigé contre la décision sur opposition prononcée par le doyen de la faculté le 25 octobre 2021, confirmant le relevé de notes du 11 juin 2021 et la décision de non-admission en seconde année du Bachelor du 25 juin 2021.

La recourante ayant entamé son cursus au sein de la faculté en septembre 2020, le litige est soumis au règlement d'études applicable au bachelor et au master en médecine humaine entré en vigueur le 11 septembre 2017 (ci-après : RE), ainsi qu'au plan d'études applicable au bachelor et au master en médecine humaine (ci-après : PE), entré en vigueur le 1er septembre 2020, applicables lors de l'année académique 2020-2021.

3) À teneur des art. 17 al. 2 LU et 11 al. 1 RE, le rectorat peut autoriser l’admission en deuxième année d’études sur concours lorsque la capacité d’accueil l’oblige.

Selon l’art. 11 al. 2 RE, lorsque l’admission en deuxième année d’études au Bachelor intervient sur concours, les étudiants sont classés en fonction des résultats obtenus à l’examen de la première année d’études telles que prévu par le PE. Sont admis en deuxième année d’études du Bachelor les étudiants qui sont les mieux classés. Les places sont attribuées en commençant par le meilleur candidat classé jusqu’à ce que toutes les places disponibles en fonction de la capacité d’accueil fixé par le rectorat soient attribuées.

Chaque candidat peut se présenter à deux reprises au concours, à moins d’être éliminé au terme de la première année d’études du Bachelor selon les dispositions du RE et du PE (art. 11 al. 3 RE).

4) Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2017 du 14 mai 2018 consid. 6.2).

5) En l'espèce, la recourante ne conteste plus dans son recours l’évaluation et la correction de son examen de première année, ni le fait qu’elle n’a pas obtenu les points nécessaires pour être classée parmi les cent quarante-neuf étudiants admis en deuxième année.

La recourante reproche à la faculté d'avoir violé le principe de l'égalité de traitement en ayant refusé qu’elle utilise son dictionnaire bilingue au moment de l’examen. Il n’est pas contesté par les parties que la recourante n’est pas francophone et, à ce titre, avait droit à un dictionnaire bilingue. Seul le dictionnaire est litigieux.

La question de la tardiveté du grief, la recourante ayant attendu d’avoir ses résultats avant de se plaindre de l’interdiction d’utiliser son dictionnaire, souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

L’étudiante se réfère à la lettre « information – examen » qui précisait le matériel autorisé. Ledit document mentionne : « seront autorisés à votre place : ( ) éventuellement dictionnaire de langues non médical pour les non francophones (à faire vérifier au responsable de site). » Les termes « non médical » sont soulignés. Si, certes, comme le relève la recourante, les termes « bilingue, traduction ou définition » ne sont jamais mentionnés, la circulaire, d’une part, précise que le dictionnaire ne doit pas être médical, et, d’autre part, attire expressément l’attention des étudiants sur ce fait. Or, la recourante ne fait qu’alléguer que son dictionnaire aurait été « non-médical ». Elle ne produit pas d’extrait de celui-ci, n’offre pas de le démontrer, et n’a pas contesté les affirmations de l’université selon lesquelles le retrait de son dictionnaire était lié au fait qu’il contenait des définitions. Elle n’a de même jamais prétendu n’avoir un dictionnaire que de traduction.

De surcroît, la faculté demande que le dictionnaire soit vérifié par le responsable du site. À juste titre, la faculté relève que, la recourante se présentant pour la seconde fois, lesdites exigences devaient lui être connues et qu’elle aurait par ailleurs pu, en cas de doute, soumettre son dictionnaire avant de se présenter à l’examen. La recourante ne se détermine pas sur le fait que les exigences étaient identiques avec l’année précédente. Elle n’indique pas avoir eu un doute et avoir fait procéder à une vérification.

L’explication de l’autorité intimée selon laquelle les étudiants non francophones ne doivent pas être avantagés par rapport aux autres étudiants, par l’utilisation d’un dictionnaire qui définirait des notions médicales que les étudiants seraient censés connaître, est par ailleurs convaincante.

Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de l’allégation de la recourante selon laquelle elle ignorait l’existence d’un site Internet de la faculté, lequel ne faisait que préciser la directive susmentionnée en indiquant « dictionnaire de langue non médical pour les non francophones (en d’autres termes dictionnaire bilingue français – langues étrangères) » les termes « non médical » et « dictionnaire bilingue français – langues étrangères » étant mis en évidence en caractères gras.

Dans ces conditions, l’autorité intimée a traité de façon identique les étudiants francophones et non francophones et a respecté le principe de l’égalité de traitement. Le grief de la recourante est rejeté.

Le grief de mauvais établissement des faits quant à la nécessité de rester, ou non, immatriculée pendant la procédure est sans pertinence vu l’issue de celle-ci.

Dès lors que le résultat obtenu aux secondes tentatives à l’examen de première année par la recourante, soit la note de 4,75, ne lui permettait pas d’être admise en seconde année à l’issue du concours d’admission compte tenu de la capacité d’accueil fixé, ce que la recourante ne conteste pas, la décision d’exclusion du 11 juin 2021 de l’université est fondée.

Le recours, mal fondé, sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, l'émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe et n'a pas allégué être exemptée du paiement des taxes universitaires (art. 87 al. 1 et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 novembre 2021 par Madame A______ contre la décision de l'université de Genève du 25 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

- le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :