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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1623/2012

ATA/303/2014 du 29.04.2014 sur JTAPI/1541/2012 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; INSTITUTION UNIVERSITAIRE
Normes : LEtr.27 ; OASA.23.al2 ; OASA.23.al3
Résumé : Un ressortissant russe ayant obtenu son diplôme d'études secondaires et un bachelor en gestion hôtelière en Suisse demande une autorisation de séjour pour études afin d'effectuer un master en communication à l'université de Genève. Une mise en balance des éléments lui donne droit à une autorisation de séjour. La question de la comptabilisation des années d'études en tant que mineur dans la période de séjour maximale autorisée peut rester ouverte.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1623/2012-PE ATA/303/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 avril 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gustavo Da Silva, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2012 (JTAPI/1541/2012)


EN FAIT

1) Monsieur A______, née le ______ 1990, est ressortissant russe.

2) En septembre 2006, il est arrivé en Suisse afin d'y suivre des études secondaires au Collège Alpin Beau-Soleil à Villars-sur-Ollon. Le canton de Vaud lui a délivré une autorisation de séjour pour études.

3) Il a terminé ses études en obtenant, le 21 juin 2008, un « High School Diploma », soit un diplôme de fin d’études secondaires.

4) Il a poursuivi ses études auprès de l'Institut de Hautes Etudes de Glion afin d'obtenir une licence (bachelor) en gestion hôtelière.

Il a entamé fin 2008 son cursus par un semestre dans le campus de Glion. Il a ensuite effectué un stage dans un hôtel à Moscou entre février et juin 2009. Dès le troisième semestre, les cours ont été donnés sur le campus de Bulle. M. A______ a ainsi résidé dans le canton de Fribourg dès le 30 janvier 2010, malgré un stage à Montreux d'août 2010 à janvier 2011.

En décembre 2011, il a obtenu un « Bachelor of arts » en gestion hôtelière et marketing.

Les autorités vaudoises et fribourgeoises ont renouvelé chaque année son permis de séjour, jusqu'au 31 décembre 2011.

5) Le 6 décembre 2011, M. A______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour études à Genève.

Il a joint à la demande une attestation de l'Ecole de langue française et d'informatique (ELFI), un contrat de bail à loyer, un curriculum vitae, une attestation et un relevé bancaire confirmant qu'il disposait de moyens suffisants pour pourvoir à son entretien.

6) Le 19 décembre 2011, l'OCPM a demandé à M. A______ des documents et renseignements supplémentaires : un plan d'études avec indication des titres déjà obtenus et encore visés, une déclaration d'engagement à quitter la Suisse après la fin des études, un formulaire SE de sous-location, une explication de la nécessité d'entreprendre des cours de langue française et leur lien avec la formation future.

7) M. A______ a envoyé en réponse la déclaration d'engagement à quitter la Suisse à la fin de ses études, mais au plus tard en juillet 2014, le formulaire SE pour Madame B______ avec qui il partageait l'appartement et une lettre de motivation détaillant ses intentions.

Il avait obtenu un « bachelor of arts » de l'Institut de Hautes Etudes de Glion en gestion hôtelière et marketing. Il s'était ensuite rendu compte que le marketing n'était pas l'unique et principale chose qui suscitait son intérêt. Il désirait se diriger vers la finance. Il prévoyait donc de s'inscrire à l'Institut supérieur de formation bancaire (ISDB) à Carouge pour effectuer une maîtrise (master) ce qui lui donnerait de très bonnes connaissances, qualifications et opportunités afin d'obtenir un travail intéressant à l'issue de ses études. Les cours de français étaient indispensables pour acquérir les connaissances linguistiques suffisantes afin d'entrer dans cet institut. Il espérait obtenir le DELF B2 en une année et demie, c'est-à-dire pour juin 2013. En outre, la maîtrise des langues, et en particulier du français, était cruciale dans le domaine de la gestion hôtelière et dans les grandes entreprises russes en général. Il allait entamer en parallèle de ses cours de français une formation à distance pour obtenir le Charter Financial Analyst certificate (CFA), qui était non seulement une formation recherchée, mais aussi une préparation idéale pour la maîtrise à l'ISDB.

8) Le 26 avril 2012, l'OCPM a refusé l'autorisation de séjour pour études à M. A______.

En obtenant, un « bachelor of arts » à l'Institut des Hautes Etudes de Glion, M. A______ avait obtenu le titre visé et complété sa formation. Il n'avait pas démontré la nécessité de demeurer à Genève pour effectuer les études désirées. Il existait, d'ailleurs, une alliance française à Ekaterinbourg dans laquelle il pouvait prendre des cours de français. En outre, les cours de l'ISFB dans le but d'obtenir le certificat CFB n'étaient pas dispensés suffisamment souvent pour qu’il pût obtenir une autorisation de séjour.

9) Le 25 mai 2012, par son conseil, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il avait toujours passé avec succès ses examens. Son plan d'études était sérieux et cohérent. Il n'avait pas effectué deux formations complètes en Suisse : son cursus au Collège Alpin Beau-Soleil constituait des études secondaires et son bachelor obtenu après trois ans de cours ne pouvait pas être considéré comme la fin de sa formation, d'autant plus qu'il n'avait que 22 ans. Il préparait son certificat CFB parallèlement aux cours de français ; ce n'était pas le but de sa maîtrise. Cependant, il s'était aperçu que les formations à l'ISFB ne permettaient pas d'obtenir un diplôme supérieur reconnu. Il avait donc décidé de se perfectionner avec un master en sciences de la communication et des médias (ci-après: le master) à l'Université de Genève (ci-après : UNIGE).

Cette formation constituait le second cursus de la formation de base académique après le bachelor, comme le prévoyait les réformes de Bologne. Le bachelor n'était d'ailleurs pas considéré comme suffisant par la plupart des employeurs. L'ensemble de son parcours suivait une structure logique d'une formation de base, ce qui était un élément important dans l'attribution d'un titre de séjour pour études. Les cours de français étaient nécessaires pour sa formation et son avenir professionnel.

Finalement, le refus d’autorisation de séjour était disproportionné dans la mesure où il se fondait sur la possibilité de suivre des cours de français à Ekaterinbourg, sa ville natale.

10) Le 26 juillet 2012, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

L'attestation signée par le père de M. A______ ne satisfaisait pas aux conditions légales, car le signataire ne résidait pas en Suisse. Le relevé bancaire fourni ne suffisait pas car il n'était pas possible de connaître la somme mensuelle disponible sur le compte. Le solde, CHF 35'277.-, apparaissait insuffisant pour assurer le loyer annuel de CHF 54'360.- de l'appartement de M. A______.

En outre, M. A______ n'avait pas démontré des motifs objectifs de poursuivre un enseignement de français en Suisse. Il lui était possible de suivre ces cours en Russie où il disposait de moyens de subsistance. Il n'avait pas établi que la formation poursuivie était réellement un atout pour son avenir professionnel en Russie. Il avait d'ailleurs changé d'orientation pour une formation sans lien avec sa formation antérieure. Il ne pouvait pas déduire un droit à une autorisation dès lors que le master visé n'était pas la suite logique à sa formation antérieure.

11) Le 3 août 2012, M. A______ a demandé un délai pour se prononcer sur la question des moyens financiers, l'OCPM n'ayant pas invoqué cet aspect dans sa décision du 16 avril 2012.

12) Le 22 août 2012, dans le délai imparti, M. A______ a précisé ses moyens de subsistance. Son père, député à la Douma, pourvoyait à ses besoins. Ce dernier avait versé une somme de CHF 35'27,20 sur le compte du recourant à la C______. M. A______ avait une carte de crédit rattachée au compte de son père en Russie avec laquelle il réglait ses dépenses personnelles. Il avait aussi un compte à la D______ sur lequel son père avait versé CHF 92'000.-. Il avait payé son loyer avec une année d'avance et rien n'indiquait qu'il n'avait pas les moyens de subvenir à ses besoins.

Sa situation était bien différente des cas invoqués dans les jurisprudences citées par l'OCPM. Il n'avait que 22 ans et il souhaitait effectuer un complément logique à sa formation. Le seul reproche de l'OCPM, le changement de plan d'études, n'était pas suffisant pour refuser l'autorisation de séjour.

13) Le 23 octobre 2012, en audience de comparution personnelle devant le TAPI, M. A______ a précisé que les cours tant au Collège Alpin Beau-Soleil qu'à l'Institut des Hautes Etudes de Glion étaient dispensés en anglais. Il suivait des cours de français à l'ELFI. Il était actuellement en niveau B1 et à l'issue de la formation il devrait passer les examens de niveau B2, ce qui lui permettrait de s'inscrire au master en marketing. Le niveau DELF B2 était un prérequis pour accéder au master. Il verserait une attestation de l'UNIGE confirmant qu'il pouvait s'inscrire dès janvier 2013 pour la rentrée 2013 même s'il devait obtenir son diplôme DELF B2 seulement en juin 2013. Il poursuivait en parallèle sa formation pour le certificat CFB qu'il espérait finir en décembre 2012. Il confirmait qu'il rentrerait en Russie au plus tard à l'automne 2015.

Le représentant de l'OCPM précisait que la condition financière n'avait pas été analysée précédemment car une des conditions cumulatives pour l'octroi de l'autorisation de séjour n'était pas remplie.

14) Le 2 novembre 2012, M. A______ a communiqué au TAPI un courrier de l'UNIGE qui expliquait que l'inscription au master se faisait en deux temps : immatriculation puis admission. L'admission pouvait être conditionnée par exemple à la réussite d'un examen de français. Ainsi, M. A______ pouvait être immatriculé provisoirement en déposant un dossier début 2013, puis passer son examen de français en juin 2013 pour confirmer son admission.

15) Le 19 décembre 2012, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

En terminant le Collège Alpin Beau-Soleil et l'Institut des Hautes Etudes de Glion, M. A______ avait atteint le but de son séjour en Suisse. La réussite d'un premier cycle de formation supérieure n'impliquait pas forcément la poursuite d'un deuxième cycle. M. A______ avait d'ailleurs d'abord prévu de faire une formation dans le domaine bancaire avant de viser le master, après la décision de refus de l'OCPM. En outre, il pouvait parfaitement parfaire son français à Ekaterinbourg. Il n'était pas nécessaire qu'il reste en Suisse pour cela. Finalement, la période de huit ans de séjour maximal pour études aurait été dépassée s'il avait pu poursuivre ses études supérieures.

16) Le 1er février 2013, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours.

Le TAPI avait établi les faits de manière inexacte, avait fait preuve d'arbitraire et de formalisme excessif. En outre, il avait excédé et abusé de son pouvoir d'appréciation, violé le principe de proportionnalité et commis un déni de justice en ne motivant pas suffisamment sa décision.

La limite supérieure de la formation n'était pas le bachelor. Pour appréhender la notion de perfectionnement, il était important d'analyser les directives de Bologne. Dans ce cadre, le master était la suite logique du bachelor. Il était encore jeune et une demi-formation risquait de compromettre ses chances de trouver un emploi qualifié en Russie. Son plan d'études était cohérent puisque l'Institut des Hautes Etudes de Glion n'offrait pas de master consécutif à sa formation initiale.

Pour ce qui était de la durée de ses études, ses années d'études en tant que mineur ne devait pas être prises en compte dans le calcul de la durée ordinaire maximale de huit ans.

Son changement d'orientation, suite à la décision de l'OCPM, n'était qu'un accident de parcours et une réorientation en aucun cas une manière de contourner les règles sur le séjour en Suisse.

La nécessité de prendre des cours de français pour accéder au programme de l'UNIGE était avérée ; apprendre une langue dans un pays dans lequel elle était parlée était un atout indéniable. La demande de poursuivre ses cours à Ekaterinbourg était disproportionnée.

Aucun indice ne permettait d'émettre des doutes sur sa volonté de quitter la Suisse après la fin de son cursus.

Finalement, la personne qui partageait son logement était dans une situation similaire à la sienne et avait obtenu son autorisation de séjour pour études.

17) Le 15 février 2013, le recourant a, par l'intermédiaire de son conseil, demandé un délai pour compléter son recours.

18) Le 1er mars 2013, le recourant a fait parvenir la preuve de son inscription à la faculté des sciences économiques et sociales de l'UNIGE pour l'année académique 2013-2014.

19) Le 19 mars 2013, le recourant a fait suivre un courrier de l'UNIGE qui indiquait que la confirmation de son immatriculation ne pouvait être délivrée qu'à partir de juin 2013.

20) Le 18 avril 2013, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

A la fin des études envisagées, le recourant aurait dépassé les huit ans de séjour ordinaire maximal. Il avait déjà atteint le but qu'il s'était fixé à sa venue en Suisse par l'obtention d'un bachelor. Compte tenu des changements d'orientation du recourant, il ne pouvait pas être exclu qu'il cherchait à contourner les règles sur le séjour en Suisse. Les diplômes acquis permettraient au recourant d'intégrer relativement facilement le marché du travail en Russie. La nécessité de suivre le master à l'UNIGE n'était pas démontrée car le système de Bologne avait justement été mis en place pour permettre une mobilité internationale. Finalement, la situation de Mme B______ était différente de celle du recourant.

21) Le 24 juin 2013, dans le délai imparti, le recourant a répliqué.

Il persistait sur le calcul de la durée de son séjour en Suisse. Même s’il devait être admis qu'il dépasserait les huit ans de séjour à la fin de sa formation, une dérogation se justifierait. Son plan d'études était cohérent et il ne pouvait pas lui être reproché de ne pas l'avoir déjà fixé à son arrivée à 16 ans. Les doutes sur sa volonté de quitter la Suisse étaient infondés. S'il avait désiré s'installer en Suisse, il aurait fait usage de la possibilité de chercher un emploi à la suite de son bachelor. La comparaison de l'OCPM avec un autre cas de jurisprudence était erronée. Sa situation était différente, car il n'avait pas changé d'orientation et avait achevé ses différentes études dans les temps.

Le recourant a joint à sa réplique un échange de courriels qui confirmait que la procédure d'inscription auprès de l'UNIGE suivait son cours.

22) Le 29 juillet 2013, l 'OCPM a persisté sur le calcul de la durée du séjour en Suisse.

23) Le 7 août 2013, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre administrative ne peut pas revoir l’opportunité de la décision attaquée. En revanche, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA).

3) L’art. 27 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr – RS 142.20) dispose, dans sa teneur postérieure au 1er janvier 2011, qu’un étranger peut être admis en vue d’une formation ou d’un perfectionnement aux conditions suivantes : la direction de l’établissement confirme qu’il peut suivre la formation ou le perfectionnement envisagés (let. a) ; il dispose d’un logement approprié (let. b) ; il dispose des moyens financiers nécessaires (let. c) ; il a le niveau de formation et les qualifications personnelles requis pour suivre la formation ou le perfectionnement prévus (let. d).

Cet article précise ainsi les conditions d'obtention d'une autorisation de séjour pour formation et perfectionnement, sans pour autant conférer un droit à ceux qui les rempliraient. Autrement dit, l'autorisation doit être refusée lorsque ces conditions ne sont pas remplies, mais lorsqu'elles le sont, l'autorité n'en dispose pas moins d'un large pouvoir d'appréciation pour statuer sur la requête (ATA/718/2013 du 29 octobre 2013 ; ATA/487/2013 du 30 juillet 2013 consid. 3).

4) Selon l’art. 23 al. 2 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), les qualifications personnelles sont suffisantes au sens de l’art. 27 al. 1 let. d LEtr, « notamment lorsqu’aucun séjour antérieur, aucune procédure de demande antérieure ni aucun autre élément n’indique que la formation ou le perfectionnement invoqués visent uniquement (« lediglich » selon le texte allemand et « esclusivamente » selon le texte italien) à éluder les prescriptions générales sur l’admission et le séjour des étrangers ».

5) Une formation ou un perfectionnement est en principe admis pour une durée maximale de huit ans. Des dérogations peuvent être accordées en vue d'une formation ou d'un perfectionnement visant un but précis (art. 23 al. 3 OASA).

6) Les étrangers qui viennent étudier en Suisse, dans un autre établissement qu’une Haute école suisse, restent soumis à la règle générale de l’art. 5 al. 2 LEtr selon laquelle tout étranger séjournant temporairement en Suisse doit apporter la garantie qu’il quittera ce pays à l’issue de ses études (ATA/97/2013 du 19 février 2013 et la jurisprudence citée).

7) L’autorité cantonale compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation, l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit de séjour en Suisse fondé sur l’art. 27 LEtr (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_802/2010 du 22 octobre 2010 ; 2D_14/2010 du 28 juin 2010 ; ATA/718/2013 précité ; ATA/487/2013 précité ; ATA/97/2013 précité et la jurisprudence citée). Elle doit également se montrer restrictive dans l’octroi ou la prolongation des autorisations de séjour pour études afin d’éviter les abus, d’une part, et de tenir compte, d’autre part, de l’encombrement des établissements d’éducation ainsi que de la nécessité de sauvegarder la possibilité d’accueillir aussi largement que possible de nouveaux étudiants désireux d’acquérir une première formation en Suisse (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C- 925/2009 du 9 février 2010).

8) Dans sa jurisprudence constante, le Tribunal administratif fédéral a retenu qu'il convenait de procéder à une pondération globale de tous les éléments en présence afin de décider de l'octroi ou non de l'autorisation de séjour (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3139/2013 du 10 mars 2014 consid. 7.2 ; C-2291/2013 du 31 décembre 2013 consid. 7.2).

Dans l'approche, la possession d'une formation complète antérieure (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5718/2013 précité ; C-3143/2013 du 9 avril 2014 ; C-2291/2013 précité), l'âge de la personne demanderesse (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5718/2013 précité ; C-3139/2013 précité), les échecs ou problèmes pendant la formation (C-3170/2012 du 16 janvier 2014), la position professionnelle occupée au moment de la demande (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5871/2012 du 21 octobre 2013), les changements fréquents d'orientation (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6253/2011 du 2 octobre 2013), la longueur exceptionnelle du séjour à fin d'études (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-219/2011 du 8 août 2013) sont des éléments importants à prendre en compte en défaveur d'une personne souhaitant obtenir une autorisation de séjour pour études.

9) En l'espèce, le recourant est arrivé en Suisse en 2006, à l'âge de 16 ans. Il a d'abord suivi une formation secondaire au Collège Alpin Beau-Soleil à Villars-sur-Ollon, à la suite de laquelle, il a reçu un « High School Diploma », soit un diplôme de fin d'études secondaires. Il a ensuite obtenu en décembre 2011 un baccalauréat en gestion hôtelière et marketing à l'Institut de Hautes Etudes de Glion. Il a effectué ces formations sans rencontrer d'échec et dans une durée normale pour ce type d'études. Il a dès lors désiré compléter sa formation supérieure par un diplôme en finance. Il a modifié ensuite ce choix pour s'orienter vers un master en communication et media à l'UNIGE. Afin de pouvoir être admis dans ce master, il a entrepris des cours de français pour atteindre le niveau DELF B2 requis. Il vit actuellement dans un appartement sis à Versoix. Ses frais et ses dépenses quotidiennes sont assurées par son père.

Au vu de ce qui précède, les points suivants plaident en faveur du recourant. Il a un logement et des ressources financières suffisantes pour vivre en Suisse. Il a effectué un parcours de formation sans échec suivant une structure logique (collège, bachelor puis master). Les cours de français qu'il a entrepris entrent dans cette structure car ils lui donnent accès au master poursuivi. Il n'est âgé aujourd'hui que de 24 ans, 22 ans au moment de la décision de l'autorité. Il s'est engagé à retourner dans son pays à l'issue de ses études, même si ce n'est plus une condition d'octroi de l'autorisation de séjour.

En revanche, le recourant a changé d'orientation suite à la décision de l'OCPM, comportement pouvant soulever un doute sur sa volonté réelle. Des masters qui pourraient compléter la formation supérieure du recourant existent ailleurs en Europe. Il pourrait prendre des cours de français dans sa ville natale en Russie.

Le recourant a certes un diplôme de fin d'études secondaires et un bachelor, mais pas une formation complète comme dans les cas cités précédemment (bachelor et masters, deux bachelors, voire plusieurs masters) (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5718/2013 précité ; C-3143/2013 du 9 avril 2014 ; C- 291/2013 précité). Il a certes effectué une réorientation, mais cette dernière est cohérente et admissible, et ne dénote pas une volonté délibérée d'échapper aux règles concernant le séjour en Suisse. En outre, son jeune âge l'écarte notablement des jurisprudences précitées (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5718/2013 précité ; C-3139/2013 précité). Finalement, si des cours de français existent en Russie et que d'autres universités proposent des formations proches de celle recherchée, vu son parcours en Suisse, il serait disproportionné de demander au recourant de retourner en premier lieu en Russie avant d'envisager la suite de sa formation.

Ses éléments pris dans leur globalité démontrent que non seulement le recourant remplit les conditions de l'art. 27 LEtr, mais font aussi pencher la balance dans le sens de la délivrance d'une autorisation de séjour pour études.

10) L'OCPM soulève le problème des huit années maximales d'études pour obtenir le permis (art. 23 al. 3 OASA). Le Tribunal administratif fédéral a laissé ouverte la question de savoir si les années passées en Suisse avant l'âge de 18 ans devaient être prises en compte (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5478/2009 du 15 juillet 2010). Elle peut demeurer ouverte, car l'Office fédéral des migrations (ci-après: ODM) indique que les formations suivant une structure logique étaient une exception à la règle des huit ans. L'exemple « internat, gymnase, études menant à un diplôme, doctorat » est donné (Directives LEtr de l'ODM, octobre 2013, p. 208 ch. 5.1.2). La formation du recourant s'approche de cet exemple. Elle suit bien une structure logique. La situation du recourant entre donc dans les exceptions de l'art. 23 al. 3 OASA.

11) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le dossier renvoyé à l’OCPM pour qu’il délivre le permis de séjour sollicité après avoir obtenu, si nécessaire, l’approbation de l’ODM au sens des art. 99 LETr et 85 OASA.

12) Au vu de cette issue, aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2013 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2012 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2012 ainsi que la décision du 26 avril 2012 de l’office cantonal de la population et des migrations ;

renvoie la cause à l’office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1’000.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gustavo Da Silva, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.