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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/728/2002

ATA/59/2003 du 28.01.2003 ( IP ) , ADMIS

Descripteurs : ALLOCATION DE FORMATION; FORMATION PROFESSIONNELLE; ASSURANCE SOCIALE; IP
Normes : LOFP.116 al.1 litt.b
Résumé : La LOFP qui permet aux personnes ayant choisi la voie du perfectionnement professionnel d'obtenir des prêts et allocation ne comporte aucune disposition concernant la prescription. Il s'agit d'une lacune improprement dite qu'il n'y a pas lieu de combler.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 28 janvier 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur G. S.

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DES ALLOCATIONS D'ÉTUDES ET D'APPRENTISSAGE

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur G. S. est né en 1970 et est originaire du canton de Neuchâtel. Domicilié dans le canton de Genève, il est marié et père d'un enfant né en 1999.

 

2. Le 25 juin 1991, M. S. a obtenu le certificat de capacité de mécanicien en automobiles et au mois de septembre 1996, il a réussi l'examen d'électromécanicien d'automobiles avec brevet fédéral.

 

L'intéressé a ultérieurement entrepris une nouvelle formation complémentaire, celle menant à la maîtrise dans la profession de mécanicien d'automobiles. Il s'est présenté à la session d'examen qui se déroulait du 12 au 15 novembre 2001, mais a échoué.

 

3. Le 8 mars 2002, il a déposé auprès du service des allocations d'études et d'apprentissage (ci-après : le service ou le SAEA) une demande de remboursement de taxe de cours pour perfectionnement professionnel. Il y a indiqué avoir suivi des cours en vue d'obtenir la maîtrise durant les années scolaires 1999-2000, 2000-2001 et 2001-2002.

 

4. Le 10 mai 2002, le SAEA a rejeté partiellement la demande, motif pris de sa tardiveté. La demande de remboursement pour la première année d'études aurait dû parvenir au service avant le 31 août 2000 et celle pour la seconde, avant le 31 août 2001. L'intéressé a reçu dès lors des prestations à hauteur de CHF 3'413.- pour le remboursement des frais d'écolage (3ème module) et de CHF 1'937.- au titre des frais d'examen.

 

Par pli recommandé du 2 juillet 2002, M. S. a demandé au SAEA de rendre une décision sur réclamation.

 

Le 12 du même mois, le SAEA s'est exécuté, confirmant sa décision simple selon laquelle l'article 110 de la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens du 21 juin 1985 (LOFP - C 2 05) instituait une prescription d'un an à compter de la fin de la période scolaire pour laquelle la prestation était demandée.

 

5. Par pli daté du 30 juillet 2002, mais remis à un office postal le lendemain, M. S. a recouru contre la décision précitée. Il avait suivi des cours durant les années 1999, 2000 et 2001 en vue d'obtenir la maîtrise fédérale de mécanicien d'automobiles. Durant le premier cours, un formulaire officiel de demande de remboursement de taxe lui a été remis, qui ne contenait aucune indication relative à une éventuelle péremption du droit à des allocations.

La disposition à laquelle le SAEA faisait référence était comprise dans la section se rapportant aux allocations d'apprentissage et non dans celle relative aux allocations pour le perfectionnement professionnel. Il avait dès lors décidé de puiser d'abord dans ses économies avant de faire une seule demande, globale, de remboursement.

 

Il conclut au paiement de la somme restante soit CHF 5'550.-.

 

6. Le 10 octobre 2002, le SAEA a répondu au recours après avoir obtenu une prolongation du délai. Il avait refusé de prendre en charge les frais correspondants aux années 1998-1999 et 1999-2000, soit respectivement CHF 3350.- et 3'800.-, car les demandes portant sur ces années-là avaient été tardives. Le service avait toujours considéré que la prescription annale de l'article 110 LOFP s'appliquait tant aux apprentis qu'à d'autres requérants. Une disposition similaire figurait à l'article 47 de la loi sur l'encouragement aux études du 4 octobre 1989 (LEE - C 1 20) et le principe de la prescription annale serait également introduit dans la nouvelle loi qui résulterait de la fusion des deux précitées. Il appartenait donc à M. S. de supporter les coûts engendrés par les deux premières années de sa formation.

 

7. Le 18 octobre 2002, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La seule question qui divise les parties est celle de l'application de la prescription aux prétentions du recourant vis-à-vis de l'autorité intimée.

 

a. La LOFP comporte une troisième partie, consacrée aux dispositions complémentaires de droit cantonal. Le chapitre 2 est dédié aux mesures d'encouragement à la formation et au perfectionnement professionnel. Il comporte plusieurs sections. La première est intitulée "généralités", la troisième "allocations d'apprentissage" et elle comporte l'article 110 qui se lit ainsi :

 

"Prescription"

Tout droit à la réclamation d'une allocation due se prescrit par un an à partir de la fin de la période scolaire pour laquelle la prestation est réclamée.

 

La section suivante est intitulée "Exonération, remboursement de taxes, allocations et prêts pour le perfectionnement professionnel". Le recourant appartient précisément au cercle des bénéficiaires des mesures décrites dans cette section, au titre de l'article 116 alinéa premier lettre b LOFP, qui permet à des candidats en examen professionnel ou en examen professionnel supérieur de recevoir des prêts et des allocations pour la fréquentation de cours préparatoires, l'achat de manuels et d'outillage ainsi que pour couvrir les frais d'examen et de déplacement. Cette section comporte encore des dispositions sur les conditions d'octroi des prestations étatiques, sur leur montant, ainsi que sur leur éventuelle suppression ou restitution. En revanche, elle ne comporte aucune disposition concernant la prescription.

 

b. Quant à la LEE, elle inclut en son sein des dispositions diverses et finales, soit les articles 45 à 55. Il est exact qu'au nombre de ces dispositions "diverses", on peut lire un article 47 qui comporte également une prescription annale pour faire valoir des prétentions quant à des allocations ou des remboursements de taxes.

 

c. Selon une jurisprudence fournie, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De telles motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition ainsi que de la systématique de la loi (SJ 2002 I 489 consid. 2a p. 492 et les arrêts cités).

d. Il n'y a pas lieu de déroger à la règle précitée, car les dispositions concernant les prestations pour le perfectionnement professionnel ne comportent aucune règle ayant trait à la prescription et qui ne seraient pas claires. Reste à déterminer si le texte légal clair est lacunaire. Comme le législateur n'a pas prévu de règles particulières pour la prescription des prétentions à des prestations étatiques en matière de perfectionnement professionnel, il convient de décider s'il s'agit là d'un silence qualifié ou d'une lacune authentique (ou lacune proprement dite), ce qui suppose que le législateur se serait abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi.

 

e. Si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelle pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante.

 

3. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune authentique appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme, ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 125 V 439 consid. 2 p. 442-443).

 

En l'espèce, on ne saurait considérer que le texte clair de la loi offre une réponse à la question de la prescription, mais que celle-ci serait insatisfaisante. Il faut déterminer soit si l'on se trouve face à une situation de silence qualifié, soit s'il y a une lacune authentique que le juge doit combler.

 

4. La notion de prescription annale calculée à partir de la fin de la période scolaire considérée, a tout son sens en matière d'apprentissage (art. 110 LEE) ou d'études post-obligatoires ou supérieures (art. 47 LEE). Il faut remarquer à ce sujet qu'en matière d'apprentissage, le législateur cantonal a précisé que la période considérée commençait à courir à la fin de la période scolaire alors qu'en matière d'études, il a employé l'expression "période scolaire ou universitaire". Ces deux notions n'ont pas nécessairement le même sens en matière de perfectionnement professionnel, les cours dispensés dans ce but ne suivant pas tous la périodicité scolaire ou universitaire. La notion de prescription ne saurait donc se concevoir de manière identique dans ce domaine. Il ressort des travaux préparatoires à la LOFP que le Grand Conseil a très régulièrement modifié la loi, soit à vingt-quatre reprises depuis le premier septembre 1985, date de son entrée en vigueur, principalement pour indexer les montants des allocations et des franchises sur le revenu brut de l'allocataire, destinés à calculer le subside auquel un intéressé a droit. Si le législateur entendait donc introduire dans la section 5 de la LOFP une disposition équivalente à celle qui figure dans la section 4 consacrée aux apprentis, il aurait eu ainsi de très nombreuses occasions de le faire.

 

Il faut donc considérer qu'il a choisi de ne pas régler cette question pour les personnes qui empruntent la voie du perfectionnement professionnel, même s'il l'a fait pour les apprentis et les étudiants.

 

5. Il convient donc d'annuler la décision entreprise et d'inviter l'autorité intimée à verser à l'intéressé la somme totale de CHF 5'550.-, objet des conclusions, même si le SAEA, dans son écriture du 10 octobre 2002, fait mention de sommes supérieures qui auraient pu être versées au titre des années scolaires 1998-1999 et 1999-2000.

 

6. Quoiqu'il obtienne gain de cause, le recourant n'a pas droit à une indemnité de procédure, car il n'a pas conclu en ce sens et n'expose par ailleurs pas qu'il aurait dû engager des frais particuliers pour la défense de ses intérêts.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 31 juillet 2002 par Monsieur G. S. contre la décision du service des allocations d'études et d'apprentissage du 12 juillet 2002;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision de l'autorité intimée;

 

invite le service des allocations d'études et d'apprentissage à verser à Monsieur G. S. la somme de CHF 5'550.-;

 

l'y condamne en tant que de besoin;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité;

 

communique le présent arrêt à Monsieur G. S. ainsi qu'au service des allocations d'études et d'apprentissage.

 


Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, juges, M. Mascotto, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère


 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffier :