Décisions | Assistance juridique
DAAJ/49/2025 du 01.04.2025 sur AJC/300/2025 ( AJC ) , RENVOYE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/111/2025 DAAJ/49/2025 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MARDI 1er AVRIL 2025 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée c/o B______, ______, représentée par Me C______, avocate,
contre la décision du 20 janvier 2025 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. A______ (ci-après : la recourante) et D______ (ci-après : l'époux), tous deux de nationalité afghane, se sont mariés le ______ 2015. Aucun enfant n'est issu de cette union.
La recourante vit à Genève depuis le 25 juin 2023 et a obtenu le statut de réfugiée en date du 31 octobre 2023.
B. Le 16 janvier 2025, la recourante a sollicité le bénéfice de l'assistance juridique avec désignation, en qualité d'avocate d'office, de Me C______, en vue de déposer une requête de mesures protectrices de l'union conjugale à l'encontre de son époux, voire une requête de divorce.
Il résulte notamment des pièces que la recourante a produites à l'appui de sa demande d'assistance juridique, que des prestations d'aide financière lui seraient allouées par l'Hospice général dès le mois de février 2025, à hauteur de 1'522 fr. 85 par mois.
C. Par décision du 20 janvier 2025, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la nomination d'un avocat n'était pas nécessaire pour les démarches envisagées.
La situation familiale de la recourante ne présentait aucune difficulté particulière, s'agissant d'un mariage sans enfant. Elle devrait ainsi être en mesure de rédiger un courrier, seule ou avec l'aide d'un organisme à vocation sociale ou en utilisant les formulaires-types disponibles sur le site internet du Pouvoir judiciaire, et d'exposer sa situation matrimoniale et financière ainsi que sa volonté de se séparer de son conjoint, tout en demandant, cas échéant, une pension alimentaire à fixer par le tribunal selon ses propres besoins et la capacité contributive de son époux. Il en allait de même s'agissant d'un éventuel divorce sur requête commune, le mariage des époux étant sans enfant ni liquidation de régime particulière.
La recourante n'a pas retiré à l'office de poste le pli recommandé contenant cette décision. Celle-ci lui a été réexpédiée le 14 février 2025 par pli simple. Une copie de la décision a été notifiée à Me C______ en date du 24 janvier 2025.
D. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 31 janvier 2025 à la Présidence de la Cour de justice.
La recourante conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la(les) procédure(s) envisagée(s), avec suite de frais et dépens, comprenant une indemnité de 1'000 fr. pour l'activité déployée par son conseil dans le cadre de la procédure de recours.
La recourante produit une pièce nouvelle, soit son certificat de mariage du 8 août 2015.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrits par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.
3. 3.1
3.1.1 En vertu de l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).
Ces conditions correspondent à celles découlant du droit à l'assistance judiciaire garanti par l'art. 29 al. 3 Cst. (ATF 142 III 131 consid. 4.1 et la jurisprudence citée), l'art. 6 §1 CEDH n'accordant pas de prérogatives plus étendues que ces dispositions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_101/2022 du 12 avril 2022 consid. 5.2.2).
L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances et de sûretés (art. 118 al. 1 let. a CPC), l'exonération des frais judiciaires (let. b) et la commission d'office d'un conseil juridique par le Tribunal lorsque la défense des droits du requérant l'exige (let. c, 1ère phrase).
D'après la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 144 III 299 consid. 2.1; 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 4A_331/2021 du 7 septembre 2021 consid. 4.1; 4A_301/2020 du 6 août 2020 consid. 3.1 et les réf. citées).
Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, de la personnalité du requérant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; 123 I 145 consid. 2b/cc; 122 I 49 consid. 2c/bb; 122 I 275 consid. 3a et les arrêts cités).
L'assistance juridique ne s'étend pas aux activités relevant de l'assistance sociale ou dont d'autres organismes peuvent se charger à moindre frais (art. 4 al. 4 RAJ).
La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_27/2020 du 11 mai 2020 consid. 4.1).
3.1.2 La procédure qui régit les mesures protectrices de l'union conjugale (procédure sommaire; art. 271 let. a CPC) est simple et peu formaliste : une lettre mentionnant les parties, l'objet du litige et les conclusions de la partie requérante est suffisante; il n'est pas nécessaire de présenter des allégués par numéros d'ordre, avec l'indication des moyens de preuve, ni même d'exposer une motivation juridique. La maxime inquisitoire sociale prévue à l'art. 272 CPC – applicable à cette procédure – doit permettre aux parties de procéder sans l'assistance d'un avocat et d'éviter les frais relatifs à l'homme de loi. Certes, le Tribunal fédéral considère que, même dans les litiges régis par la maxime précitée, le recours à un avocat d'office peut se révéler nécessaire; mais il faut alors que la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances tenant à la personne du requérant ou l'importance des intérêts en jeu l'exigent (ATF 122 III 392 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2 et les références citées; DAAJ/63/2024 du 18 juin 2024 consid. 3.1.2).
3.1.3 La procédure ordinaire s'applique au divorce, lequel peut être requis par les époux (art. 112 CC) ou par l'un d'entre eux en cas d'opposition de l'autre conjoint, après une séparation de deux ans (art. 114 CC). Avant l'expiration de cette durée, un époux peut demander le divorce lorsque des motifs sérieux qui ne lui sont pas imputables rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC).
Selon l'art. 277 CPC, la maxime des débats s'applique à la procédure concernant le régime matrimonial et les contributions d'entretien après le divorce (al. 1). Dans le reste de la procédure, le tribunal établit les faits d'office (al. 3).
3.2 En l'espèce, la recourante reproche tout d'abord à l'autorité de première instance d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits, soit d'avoir considéré qu'elle entendait, outre une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, éventuellement introduire une requête commune de divorce. Ce faisant, la recourante remet principalement en cause l'appréciation des faits faite par le premier juge, sans démontrer au demeurant en quoi celle-ci serait erronée. Cela étant, la recourante n'ayant pas indiqué à l'appui de sa requête qu'elle serait séparée de son époux depuis plus de deux ans et, dès lors qu'elle sollicitait également l'octroi de l'assistance judiciaire aux fins d'introduire une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, le premier juge pouvait raisonnablement comprendre qu'elle envisageait un divorce sur requête commune. En tout état, la nature exacte de la procédure que la recourante entend introduire est, au regard des circonstances qui seront exposées ci-après, sans incidence sur l'issue du litige.
Le grief tiré de la violation de l'art. 320 let. b CPC est, dès lors, infondé.
Ensuite, contrairement à ce que soutient la recourante, il n'apparaît pas que la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale envisagée présenterait des difficultés de fait ou de droit particulières, aucun enfant n'étant issue de cette union et la situation financière des époux apparaissant vraisemblablement très modeste. Le seul fait que la recourante bénéficie d'un statut de réfugiée et qu'elle et son époux soient de nationalité étrangère n'est pas de nature à empêcher qu'une telle procédure puisse être menée sans le concours d'un avocat. Il n'en va pas autrement en raison du fait qu'elle méconnaîtrait le droit suisse et ne maîtriserait pas la langue française; ces faits, invoqués pour la première fois au stade du recours et par conséquent irrecevables (cf. ch. 2 supra), n'étant de toute manière pas déterminants.
En effet, il sied de rappeler que le dépôt d'une requête de mesures protectrices ne nécessite pas de motivation juridique et que la maxime inquisitoire sociale s'applique, de sorte que le juge établit d'office les faits pertinents. Il suffira ainsi à la recourante d'exposer en des termes simples les raisons pour lesquelles elle souhaite la séparation et ses éventuelles prétentions. Pour ce faire, la recourante pourra, si nécessaire, se faire assister par des juristes et autres membres des organismes sociaux, non-inscrits au barreau, la procédure de mesures protectrices étant une procédure simple, rapide et non formaliste. Dans l'éventualité où la recourante entendrait introduire une procédure de divorce rien ne permet de penser que la situation serait davantage complexe, la recourante n'ayant au demeurant ni allégué ni rendu vraisemblable que les conditions pour l'introduction d'un divorce – sur requête commune ou unilatérale – seraient réalisées en l'espèce.
Enfin, une absence de connaissance de la langue française ne saurait justifier la commission d'un avocat d'office, le rôle de l'avocat consistant à conseiller et à défendre juridiquement les intérêts de la personne qu'il assiste et non de pallier d'éventuelles lacunes linguistiques. Si la recourante n'est pas en mesure de s'exprimer en français devant le juge des mesures protectrices, elle pourra solliciter la présence d'un interprète.
La recourante soutient enfin que lui refuser l'assistance juridique aux fins de mesures protectrices de l'union conjugale voire de divorce reviendrait à la priver de toute possibilité de se séparer de son époux, ce qui contreviendrait à son droit d'accéder à la justice (art. 6 CEDH), à son droit au respect de sa vie privée et familiale (art. 8 CEDH) ainsi qu'à son droit au mariage, respectivement à ne pas être mariée (art. 12 CEDH). En l'absence de motivation suffisante, le grief sera rejeté. En tout état, en invoquant une violation de son droit d'accès à la justice, garanti par la Constitution fédérale et l'art. 6 CEDH, la recourante perd de vue que l'assistance judiciaire a pour but de garantir l'accès à la justice, pour autant toutefois que les conditions prévalant à son octroi soient réalisées, tel n'étant pas établi en l'espèce.
Compte tenu des faits portés à la connaissance de l'autorité de première instance, c'est à juste titre qu'elle a considéré que la désignation d'un avocat rémunéré par l'Etat ne se justifiait pas dans le cas d'espèce. L'autorité de première instance a cependant omis d'examiner si la recourante pouvait, au regard de sa situation financière, prétendre à être exonérée de l'avance de frais et des frais judiciaires qu'implique une telle procédure, y compris d'éventuels frais d'interprète (cf. art. 118 al. 1 let. a et b CPC). En effet, contrairement à ce que plaide la recourante, la décision querellée n'a pas admis son indigence, cette question n'ayant pas été examinée.
En conséquence, la décision litigieuse sera dès lors annulée et la cause renvoyée au premier juge, afin qu'il détermine si la recourante remplit les conditions d'octroi d'une assistance juridique partielle.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, aucune indemnité de dépens ne sera allouée, la recourante succombant sur le principe du droit au bénéfice de l'assistance juridique pour la couverture des frais d'avocat (art. 106 al. 1 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 31 janvier 2025 par A______ contre la décision rendue le 20 janvier 2025 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/111/2025.
Au fond :
Annule partiellement la décision entreprise.
Renvoie la cause à la Vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants de la présente décision.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me C______ (art. 137 CPC).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.