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DAAJ/147/2024 du 17.12.2024 sur AJC/4596/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/1189/2024 DAAJ/147/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MARDI 17 DECEMBRE 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée ______ [VD],
contre la décision du 26 août 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Feu B______ était l'actionnaire unique de C______ SA, dont D______, fils de sa seconde épouse, A______ (ci-après : la recourante), était administrateur unique.
b. Le 3 février 2015, il a conclu avec la recourante une convention de donation/partage - cession d'actions prévoyant qu'il lui cédait la moitié du capital-actions de C______ SA et la moitié des droits et obligations qu'il possédait dans C______ SA, ainsi que la moitié de tous les droits rattachés à la propriété du capital-actions à l'encontre de la SA.
c. B______ est décédé le ______ 2018, laissant quatre héritières, à savoir la recourante et ses trois filles issues de son premier mariage, E______, F______ et G______.
d. Par décision de la Justice de paix du 26 août 2019, confirmée par la Chambre de surveillance le 31 octobre 2019, Me H______ a été nommé représentant de la communauté héréditaire de feu B______ (ci-après : la communauté héréditaire).
e. Par jugement JTPI/9268/2023 rendu le 24 août 2023 (cause C/1______/2023), le Tribunal de première instance a notamment constaté la situation de carence de C______ SA (ci-après également : la société), ordonné la dissolution de ladite société et sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite, dit que D______ n'avait plus qualité d'administrateur avec signature individuelle de la société et nommé un liquidateur.
Par arrêt ACJC/1710/2023 du 20 décembre 2023, la Cour a annulé ledit jugement et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour nomination à C______ SA d'un commissaire, instruction et nouvelle décision.
f. Par ordonnance ORTPI/74/2024 du 18 janvier 2024, le Tribunal de première instance a désigné Me I______ en qualité de commissaire chargé de représenter C______ SA dans la procédure C/1______/2023 jusqu'à droit jugé définitif, et imparti à la société un délai de dix jours pour verser 5'000 fr. à l'Etat de Genève à titre de provision pour les frais et honoraires du commissaire, sous peine de dissolution. Cette ordonnance a été notifiée le 19 janvier 2024 à Me I______ et à Me H______, représentant de l'hoirie de feu B______, et le 24 janvier 2024 à C______ SA.
f.a A l'issue du délai de dix jours, la provision de 5'000 fr. n'a pas été versée.
f.b Un bref délai supplémentaire a été imparti le 11 mars 2024 à C______ SA pour procéder à cette avance, l'attention des parties étant encore expressément attirée sur le fait que le non versement de l'avance entraînerait la dissolution de la société.
f.c L'avance n'a pas été versée dans le délai supplémentaire.
g. Par acte du 5 février 2024, la recourante et C______ SA ont formé appel contre l'ordonnance précitée du 18 janvier 2024, dont elles ont sollicité l'annulation.
Elles ont fait valoir que cette ordonnance était contraire au droit, dans la mesure où une gérance légale avait été instaurée pour gérer l'immeuble, de sorte que la société était privée de tous ses revenus et ne pouvait s'acquitter du montant de 5'000 fr. En outre, la société était dépourvue d'organe pour la représenter, de sorte qu'aucune assemblée générale des actionnaires ne pouvait être convoquée afin de discuter du paiement dudit montant. En tout état de cause, le délai de 10 jours était trop court pour prendre une telle décision, étant rappelé qu'une assemblée générale devait être convoquée au moins 20 jours avant la date à laquelle elle devait avoir lieu. La société se retrouvait, dans la pratique, privée de ses droits et était condamnée à la dissolution, faute de pouvoir s'acquitter du montant dû dans le temps imparti. La recourante a en outre invoqué une violation de son droit d'être entendue, puisqu'elle n'avait pas été invitée à se déterminer sur le choix du commissaire, alors qu'elle détenait la moitié du capital-actions de la société et qu'elle devrait encore hériter de 25% en sus, soit 75% en tout. Or, Me I______ travaillait dans la même Etude que Me J______, lequel représentait les intérêts des enfants de feu B______ (issus d'une précédente relation) qui formaient l'hoirie avec elle, de sorte qu'il n'était pas indépendant.
Par arrêt ACJC/202/2024 du 14 février 2024, la Cour a rejeté la requête de la recourante et C______ SA tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à ladite ordonnance.
La procédure d'appel est encore pendante devant la Cour.
h. Par jugement JTPI/4427/2024 du 8 avril 2024, notifié le 11 avril 2024 à Me H______, représentant de l'hoirie de feu B______, et le 18 avril 2024 à C______ SA, le Tribunal de première instance a notamment constaté la situation de carence de C______ SA, ordonné la dissolution de celle-ci et sa liquidation au motif que la provision de 5'000 fr. pour les frais et honoraires du commissaire nommé n'avait pas été versée dans le délai imparti et prolongé. Me I______, avocat, a été nommé en qualité de liquidateur de la société.
i. Par acte expédié le 29 avril 2024, la recourante a formé appel contre ce jugement auprès de la Cour de justice.
Dans cet acte, elle formule à nouveau des critiques à l'égard de l'ordonnance rendue par le Tribunal le 18 janvier 2024. Elle a par ailleurs fait valoir que son droit d'être entendue avait été violé, dès lors qu'elle n'avait pas pu se déterminer dans le cadre de la procédure en carence de la société, ni dans le cadre de la désignation de Me I______, lequel avait été nommé une première fois en qualité de commissaire, puis en qualité de liquidateur, deux fonctions totalement opposée, étant précisé qu'il n'agissait pas dans l'intérêt de la société.
j. Parallèlement à cet appel du 29 avril 2024, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour être dispensée du paiement des avances, des frais judiciaires et des sûretés en garantie des dépens.
j.a Par décision du 8 mai 2024, l'assistance juridique lui a été refusée, au motif que les chances de succès de l'appel paraissaient faibles, puisque l'acte semblait avoir été déposé tardivement.
j.b Par décision du 6 août 2024, l'autorité de céans a annulé la décision de refus précitée et renvoyé la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour nouvelle décision sur les chances de succès au fond de l'appel.
B. Par décision du 26 août 2024, notifiée le 29 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a à nouveau rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause de la recourante était dénuée de chances de succès.
En substance, il a été retenu que la recourante invoquait essentiellement des arguments – violation de l'arbitraire et violation de son droit d'être entendue - ayant trait à la contestation de l'ordonnance du 18 janvier 2024, qui faisait l'objet d'une procédure distincte. Les griefs y relatifs n'avaient ainsi pas à être examinés dans le cadre de l'appel interjeté contre le jugement du 8 avril 2024. Pour le surplus, la recourante a fait valoir, sans motivation suffisante, que Me I______ n'agirait pas dans l'intérêt de la société et serait en conflit d'intérêts avec cette dernière. Enfin, la recourante ne contestait pas que l'avance de 5'000 fr. n'avait pas été versée et que cela entraînait, de facto, la dissolution de la société.
C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 9 septembre 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure d'appel contre le jugement JTPI/4427/2024 du 8 avril 2024.
La recourante invoque des faits qui ne résultent pas du dossier de première instance.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. 2.1
2.1.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.
Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).
Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).
La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).
L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).
2.1.2 En vertu de l'art. 731b al. 1bis ch. 2 CO, en cas de carence dans l'organisation de la société, le tribunal peut notamment nommer l'organe qui fait défaut ou un commissaire.
Si le tribunal nomme l'organe qui fait défaut ou un commissaire, il détermine la durée pour laquelle la nomination est valable; qu'il astreint la société à supporter les frais et à verser une provision aux personnes nommées (art. 731b al. 2 CO).
La décision de désigner un commissaire à une société aux fins de la représenter dans une procédure est une décision incidente sur mesures provisionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 4A_234/2023 du 8 août 2023 consid. 1.1)
Le versement d'une provision pour les frais et honoraires du commissaire (art. 731b al. 2 CO) sous peine de dissolution, est une mesure qui permet d'empêcher que la nomination du commissaire échoue pratiquement, du fait que la société bloquée ne verse pas la provision pour le mandant correspondant (ATF 138 III 294 consid. 3.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_4/2013 du 13 mai 2013 consid. 3.2 et 4A_411/2012 du 22 novembre 2012 consid. 2.2.3). Une telle procédure permet au tribunal de dissoudre directement la société après l'expiration du délai non utilisé, sans être renvoyé à une nouvelle requête du préposé au registre du commerce, d'un associé ou d'un créancier. Cela permet de tenir compte à la fois du principe de proportionnalité et de l'économie de procédure (arrêt précité 4A_411/2012 consid. 2.2.3).
2.1.3 A teneur de l'art. 741 al. 2 CO, à la requête d'un actionnaire et s'il existe de justes motifs, le tribunal peut évoquer des liquidateurs et, au besoin, en nommer d'autres.
L'art. 741 al. 2 CO a pour but de protéger les intérêts de la minorité. Par justes motifs, il faut entendre doutes circonstances des quelles on peut déduire objectivement que la liquidation ne sera pas exécutée de manière régulière, de telle sorte que les intérêts des actionnaires et de la société pourraient être mis en péril ou lésés. Il peut s'agir par exemple de l'incapacité d'un liquidateur, de sa négligence, de son absence, de son manque de probité ou encore de sa dépendance prévisible à l'égard d'une majorité qui prendrait des décisions abusives. Il peut aussi y avoir un juste motif lorsqu'un liquidateur occupe une double fonction, par exemple liquidateur de la société dissoute et administrateur d'une société nouvellement créée qui doit reprendre les valeurs patrimoniales de l'ancienne société ou s'il est en conflit avec un actionnaire ou un groupe d'actionnaires. A l'instar d'un administrateur, le liquidateur dispose d'une marge de manœuvre étendue, qui est toutefois limitée par le fait qu'il doit garantir les intérêts de la société, et non agir dans son propre intérêt ou dans celui d'actionnaires déterminés ou de tiers. L'art. 717 CO lui est applicable, de sorte qu'il doit veiller à un traitement égal de tous les actionnaires. Le respect de cette exigence pose problème en cas de conflit d'intérêts (ATF 132 III 758 consid. 3.3).
2.2 En l'espèce, les griefs formulés par la recourante dans le cadre du présent recours se rapportent essentiellement à l'ordonnance rendue par le Tribunal le 18 janvier 2024, de sorte qu'ils sont exorbitants à la présente procédure.
En soit, il n'est pas contesté que l'absence de paiement de la provision requise pour les frais et honoraires du commissaire désigné pour représenter la société avait pour conséquence de conduire à une décision de dissolution de ladite société. La recourante n'invoque aucun élément permettant de remettre en cause la validité de la décision sur ce point.
Par ailleurs, la recourante ne rend pas vraisemblable que le liquidateur nommé se trouverait dans une situation de conflit d'intérêts, étant relevé que dans les faits, il n'a jamais exercé la fonction de commissaire de la société.
C'est donc à juste titre que l'autorité de première instance a rejeté la requête d'aide étatique de la recourante au motif que sa cause paraissait dénuée de chances de succès.
Partant, le recours, infondé, sera rejeté.
3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 9 septembre 2024 par A______ contre la décision rendue le 26 août 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1189/2024.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.