Décisions | Assistance juridique
DAAJ/95/2024 du 09.09.2024 sur AJC/3064/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/388/2024 DAAJ/95/2024 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU LUNDI 9 SEPTEMBRE 2024 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée c/o B______, ______ [GE],
contre la décision du 7 juin 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Le 28 juillet 2017, A______ (ci-après : la recourante), en sa qualité d'acquéreur, et C______ et feu D______, en leur qualité de vendeurs, ont signé par-devant notaire, un acte de vente portant sur la parcelle n° 1______, sise avenue 2______ no. ______, [code postal] E______ [GE].
La vente de l'immeuble a été consentie pour un prix total de 1'350'000 fr., composé d'un bouquet en capital de 455'000 fr. et d'une rente viagère mensuelle de 3'500 fr. indexée à l'indice genevois des prix à la consommation.
Le paragraphe 5 de l'acte de vente stipulait ce qui suit : "en sa qualité d'usufruitier, le vendeur continuera d'acquitter l'ensemble des charges fiscales ordinaires et l'impôt sur la valeur locative. Toutefois, l'acquéreur s'engage à verser annuellement au vendeur, pendant toute la durée du droit d'usufruit, le montant réel d'impôt sur la fortune et l'impôt immobilier complémentaire sur la base du bordereau de taxation émis par l'Administration fiscale cantonale. Ce montant est payable au plus tard le premier février de chaque année".
b.a Cette disposition a fait l'objet de discussions entre les parties en amont de la conclusion de l'acte de vente. Dans un courriel daté du 12 juillet 2017, la recourante a ainsi confirmé au notaire en charge de la vente ce qui suit : "nous rembourserons la partie fortune de la maison. Si vous augmentez la valeur de la maison, les époux C______/D______ paieront plus d'impôts. Nous ne souhaitons pas de montant fixe indiqué dans l'acte de vente mais la mention d'un montant calculé selon l'avis de taxation fiscale".
b.b Le 25 juillet 2017, la recourante a également indiqué par courriel au notaire : "M. et Mme A______ paient 2 impôts sur 3 (fortune et millième), M. et Mme C______/D______ paient l'impôt sur le revenu locatif".
c. A la suite de l'établissement de leur taxation définitive pour l'année 2017, les époux C______/D______ ont fait parvenir à la recourante le détail de l'impôt sur la fortune et de l'impôt immobilier complémentaire en lien avec l'immeuble. Ils lui ont réclamé, à ce titre, la somme de 5'560 fr. 40.
d. Le 2 août 2019, la recourante leur a répondu en ces termes : " pour calculer, je vais regarder encore. Parce que je ne suis pas propriétaire de la maison total l'année 2017, seulement septembre-décembre".
e. D______ est décédé le ______ 2019, laissant C______ seule usufruitière de l'immeuble.
f. Le 17 octobre 2019, Me E______ a adressé un courrier à C______, l'informant se constituer à la défense des intérêts de la recourante. Cette dernière entendait invalider pour erreur essentielle le contrat de vente du 28 juillet 2017, sous l'angle du caractère exorbitant de son paragraphe 5, de sorte qu'elle n'assumerait pas les impôts mis à sa charge par cette disposition.
g. Le 10 janvier 2020, la recourante a été mise en demeure d'acquitter le montant de 12'601 fr. 05, correspondant à l'impôt sur la fortune et l'impôt immobilier complémentaire pour les périodes fiscales 2017 (5'560 fr. 40) et 2018 (7'040 fr. 65).
h. Suite à une rencontre avec C______ le 20 avril 2021, la recourante a sollicité un récapitulatif des montants dus au 1er mai 2021, lequel lui a été transmis par courriel le même jour. Il était indiqué que faute de paiement de la somme correspondante de 36'359 fr. 65 dans le délai accordé, des poursuites seraient introduites à l'encontre de la recourante sans autre préavis.
i. Le 6 mai 2021, la recourante s'est engagée, sous la plume de son nouveau conseil, Me F______, à verser l'intégralité de la somme précitée sur le compte de C______ le 10 mai 2021 au plus tard.
j. La recourante a effectué trois versements distincts en faveur de C______ les 3 et 14 mai 2021, pour une somme totale de 36'672 fr. 03.
k. Le 14 mai 2021, C______ a confirmé la réception des fonds à la recourante, précisant que ces derniers couvraient le total de ses arriérés, y compris le remboursement du montant réel d'impôt sur la fortune et d'impôt immobilier complémentaire.
l. Par courrier du 3 juin 2021, la recourante a, sous la plume de son nouveau conseil, Me G______, exposé qu'elle avait effectué les trois versements en règlement de la rente viagère jusqu'au 31 décembre 2021, et non de l'impôt foncier.
m. Le 9 juin 2021, le conseil de C______ a répondu à la recourante que cette contestation subséquente n'était qu'une "pirouette consistant à payer d'avance les rentes jusqu'au 31 décembre 2021 pour un montant total presque similaire, soit à satisfaire à la mise en demeure quant à la somme mais pas à la cause des paiements réclamés".
n. A la demande de C______, H______, expert fiduciaire et réviseur diplômé, a établi une attestation aux fins de récapituler les montants dus par la recourante au titre du remboursement des impôts fonciers pour les périodes fiscales 2017 à 2021. A teneur de cette attestation, la recourante était débitrice des montants suivants : 5'560 fr. 40 pour l'année 2017, 7'040 fr. 65 pour l'année 2018, 10'039 fr. 50 pour l'année 2019, 8'636 fr. 57 pour l'année 2020 et 8'471 fr. 55 pour l'année 2021.
o. Par courrier du 9 février 2023, C______ a transmis l'attestation précitée à la recourante et lui a réclamé les montants en souffrance.
p. La recourante ne s'en est pas acquittée.
q. Par requête du 17 mai 2023, déclarée non conciliée, et portée devant le Tribunal civil le 15 août 2023, C______ et l'hoirie de feu D______ ont déposé une demande en paiement à l'encontre de la recourante, lui réclamant notamment la somme de 38'963 fr. 57 à titre de l'impôt sur la fortune et de l'impôt immobilier complémentaire, ainsi qu'un montant de 36'856 fr. 85 à titre de frais d'avocat.
La cause a été inscrite sous le numéro C/3______/2023.
B. a. Le 8 février 2024, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour sa défense dans le cadre de l'action en paiement susmentionnée.
b. Aux fins d'instruire la cause, le greffe de l'assistance juridique a sollicité l'apport de la procédure C/3______/2023.
Il ressort du dossier de procédure que la recourante a – partiellement - répondu à la demande en paiement en date du 16 février 2024. Elle s'y oppose, estimant, en substance, avoir fait les frais d'une erreur du notaire, lequel aurait omis de supprimer le paragraphe 5 de l'acte de vente, après que les parties s'étaient entendues pour remplacer le droit d'habitation initialement prévu par un droit d'usufruit.
C. Par décision du 7 juin 2024, notifiée le 13 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause de la recourante était dénuée de chances de succès.
En substance, elle a retenu que la recourante n'avait produit aucun titre ni offert de prouver par d'éventuels témoins l'allégation selon laquelle le notaire aurait omis de supprimer le paragraphe 5 de l'acte de vente. Au contraire, il semblait ressortir des courriels échangés entre les parties avant la conclusion de l'acte de vente que la recourante elle-même avait proposé de s'acquitter des impôts sur la fortune et de l'impôt immobilier complémentaire, de sorte qu'elle ne saurait invoquer une erreur essentielle. En outre, il semblait qu'elle ait accepté de payer la somme de 36'672 fr. 03 au titre des impôts fonciers pour les années 2017 à 2019, quand bien même elle avait, par la suite et après avoir changé d'avocat pour la cinquième fois, indiqué s'être acquittée de ce montant en règlement de la rente viagère. Pour le surplus, la recourante ne contestait pas le montant calculé de l'impôt.
D. a. Recours est formé contre cette décision, par acte réceptionné le 24 juin 2024 à la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi de l'assistance juridique.
A son sens, le paragraphe 5 de l'acte de vente serait injuste et comprendrait plusieurs imprécisions. Le notaire en charge de la vente de la parcelle aurait omis de le supprimer après avoir modifié le droit d'habitation en droit d'usufruit, ce que la recourante n'aurait pas vu d'emblée, du fait de sa mauvaise maîtrise de la langue française. La recourante conteste également que le paiement des 36'672 fr. 03 ait été affecté au règlement des impôts fonciers et affirme qu'il s'agit là d'une erreur de son conseil de l'époque, lequel n'avait pas compris ses réelles intentions.
La recourante produit une pièce nouvelle.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
c. Par pli du 2 juillet 2024, la recourante a été informée de ce que la cause était gardée à juger.
d. Par courrier du 29 août 2024, reçu au greffe universel le 2 septembre 2024, la recourante a notamment exposé qu'une audience était appointée devant le Tribunal civil le 12 septembre 2024. Elle priait ainsi la Cour de céans de lui octroyer l'assistance d'un avocat et sollicitait que Me I______ soit désigné à cette fin.
1. 1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.
3. 3.1.
3.1.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.
Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).
La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).
L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).
S'agissant du défendeur à une action, les chances de succès s'examinent de la même manière que pour un demandeur, à moins que la procédure ne commande de spécifiquement prendre en compte son rôle de partie. Il peut en effet être également exigé du défendeur de ne pas procéder de manière inutile (arrêts du Tribunal fédéral 4A_314/2013, in JdT 2015 II 247; 5A_590/2009 du 6 janvier 2010 consid. 3.1.3).
3.1.2 Un contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).
3.1.3 Aux termes de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention. Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2018 consid. 3.1).
Selon les règles d'interprétation des contrats déduites de l'art. 18 CO, le juge doit d'abord rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 consid. 4).
3.2. En l'espèce, la clause litigieuse, soit le paragraphe 5 de l'acte de vente, a fait l'objet de négociations entre les parties avant la conclusion du contrat. Il ressort en effet des échanges écrits entre le notaire et la recourante que cette dernière a elle-même proposé de s'acquitter en mains des vendeurs de l'impôt sur la fortune et de l'impôt immobilier complémentaire. Les parties semblent ainsi avoir réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté de mettre les impôts fonciers à la charge de l'acquéreur, soit de la recourante.
Pour le surplus, l'affirmation de la recourante selon laquelle le notaire aurait lui-même commis une erreur en omettant de supprimer la clause litigieuse de l'acte de vente ne repose sur aucun élément et n'est pas étayée. En particulier, la recourante n'offre pas, à ce stade, de prouver son allégation. Au reste, le paragraphe 5 comporte bien les termes "droit d'usufruit" et non "droit d'habitation", de sorte qu'il n'apparaît pas que le notaire aurait omis de supprimer la clause, comme le soutient la recourante.
Il est également le lieu de relever que lorsque le décompte relatif à la période fiscale 2017 a été remis pour la première fois à la recourante, celle-ci n'a pas contesté devoir rembourser les vendeurs. Elle a, au contraire, déclaré qu'elle allait vérifier le calcul effectué, admettant ainsi le remboursement à tout le moins sur son principe. Il semble par ailleurs qu'elle se soit acquittée de la somme de 36'672 fr. 03 en mains de C______, reconnaissant là encore le fondement de sa dette. Son affirmation selon laquelle ces versements seraient intervenus en règlement des rentes viagères et non de l'impôt foncier est peu convaincante et a été formée pour les besoins de la cause, après avoir changé une nouvelle fois de conseil.
Aussi, tant les circonstances antérieures à la conclusion de l'acte de vente que le comportement postérieur de la recourante tendent à démontrer que cette dernière avait bien pour intention initiale de prendre en charge les impôts fonciers des vendeurs et se savait débitrice des montants réclamés à ce titre.
Il s'ensuit que les perspectives de la recourante de gagner le procès sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, de sorte que la vice-présidence du Tribunal civil n'a pas violé la loi en rejetant sa requête d'assistance juridique.
Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
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PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 7 juin 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/388/2024.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.