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Décisions | Assistance juridique

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AC/1041/2023

DAAJ/86/2024 du 07.08.2024 sur AJC/2690/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1041/2023 DAAJ/86/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 7 AOÛT 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______, représentée par Me E______, avocate,

 

contre la décision du 21 mai 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Par acte déposé en conciliation le 22 septembre 2022, le mineur B______, représenté par sa mère, A______ (ci-après : la recourante), a formé une action alimentaire à l'encontre de C______.

b. Lors de l'audience de conciliation du 26 avril 2023, les parties sont parvenues à un accord partiel sur mesures provisionnelles quant à la garde et les relations personnelles.

c. Par acte déposé le 4 mai 2023, le mineur, représenté par sa mère, a déposé une action alimentaire assortie d'une requête de mesures provisionnelles, par laquelle il concluait, notamment, à ce que son père soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales en sus, dès le 1er mars 2023, 4'800 fr. à titre de contribution d'entretien. La cause a été attribuée à la ______ chambre du Tribunal de première instance, présidée par la juge D______.

d. Par ordonnance du 21 septembre 2023, statuant sur mesures provisionnelles, le Tribunal de première instance a débouté le mineur des fins de sa requête de mesures provisionnelles, considérant, notamment, que la garde était exercée pratiquement à parts égales entre les parents, qu'il n'y avait pas de place pour une contribution de prise en charge, dès lors que l'enfant fréquentait la crèche lorsqu'il était sous la garde de sa mère et qu'il n'était pas démontré que cette dernière avait arrêté de travailler pour s'occuper exclusivement de son fils. Une contribution d'entretien à la charge du père ne se justifiait pas au stade des mesures provisionnelles, dès lors qu'il assumait déjà plus de la moitié des charges du mineur, payant son assurance-maladie, ses frais médicaux non remboursés, sa part de loyer et la moitié de son entretien de base. Le Tribunal de première instance a par ailleurs relevé qu'aucune des parties n'avait collaboré de manière entièrement satisfaisante à l'administration des preuves et que, s'il n'entendait pas leur imputer de revenu hypothétique à ce stade, il attirait néanmoins leur attention- sur le fait que tel pourrait être le cas dans le jugement au fond s'ils ne démontraient pas avoir entrepris toutes les mesures raisonnablement exigibles de leur part pour trouver des emplois rémunérés, conformes à leurs formations et expériences, précisant, en outre, que "les enquêtes dans la procédure au fond détermineraient le salaire que les parents devraient raisonnablement pouvoir réaliser compte tenu de leurs jeunes âges, de leurs formations et de leurs expériences professionnelles respectives et, partant, établir si le père devrait contribuer financièrement à l'entretien de B______ dans une mesure plus importante que la mère".

e. Selon le procès-verbal de l'audience de débats d'instruction et de premières plaidoiries du 15 avril 2024, le Tribunal de première instance a interrogé les parties sur les modalités d'exercice de la garde alternée et questionné C______ sur sa situation professionnelle. Les parties ont, de part et d'autre, persisté dans leurs conclusions initiales, notamment, pour la recourante, dans ses conclusions nos 15 et 16 visant au paiement d'une contribution rétroactive dès septembre 2021. C______ a déclaré qu'il avait procédé à des calculs et estimait que plus rien n'était dû à ce titre. En guise de "note du Tribunal", il a été protocolé que la recourante ne se sentait pas bien et qu'elle était sortie de la salle d'audience. Les parties se sont ensuite déterminées sur les pièces requises de part et d'autre et ont, en sus, requis la production de nombreuses pièces complémentaires. A l'issue de l'audience, le Tribunal de première instance a indiqué qu'il fixerait la suite de la procédure par voie d'ordonnance.

f. Par acte du 16 avril 2024, la recourante a saisi la Présidente D______ d'une demande de récusation à son encontre. Elle lui a reproché de s'être d'ores et déjà forgé une opinion définitive sur l'issue de la procédure au fond, eu égard aux propos tenus et aux expressions désapprobatrices qu'elle avait utilisées lors de l'audience de débats d'instruction et premières plaidoiries du 15 avril 2024. La magistrate avait débuté l'audience en examinant de manière critique les conclusions prises par les parties, notamment celles de la recourante, puis avait attiré l'attention de cette dernière sur le fait qu'elle avait déjà jugé, dans son ordonnance du 21 septembre 2023, qu'il n'y avait pas lieu d'accorder une contribution de prise en charge, eu égard à la garde alternée exercée, et qu'en conséquence, une telle conclusion ne serait pas admise au fond. Elle avait ensuite préjugé en affirmant que les revenus des parties étaient équivalents et que, partant, les frais du mineur devaient être répartis par moitié, et ce alors même que la production d'un nombre important de pièces avait été requise afin d'établir les revenus respectifs des parties. Le conseil de la recourante avait par ailleurs dû interpeller la magistrate sur le fait qu'elle avait également conclu au versement des contributions d'entretien avec effet rétroactif dans sa demande initiale. La magistrate l'avait alors interrogée sur le fondement de ces prétentions, remettant en cause leur légitimité, puis avait demandé à la partie adverse de se déterminer sur la demande d'effet rétroactif, vraisemblablement dans le but qu'elle soutienne son désaccord. Au cours des discussions sur les arriérés d'entretien, la magistrate avait, à plusieurs reprises, montré qu'elle désapprouvait les conclusions prises par la recourante. Dépitée et choquée de ce parti pris en faveur de la partie adverse, la recourante avait été contrainte de quitter l'audience.

B.            Le 1er mai 2024, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour la procédure de récusation initiée à l'encontre de la juge D______.

C.           Par décision AJC/2690/2024 du 21 mai 2024, notifiée le 27 mai 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause de la recourante était dénuée de chances de succès.

Selon cette décision, eu égard au stade de la procédure, à l'ordonnance d'instruction à venir et aux intentions exprimées dans l'ordonnance sur mesures provisionnelles quant aux pièces qui devaient être produites pour statuer au fond, il n'apparaissait pas, prima facie, que la magistrate en charge ne serait pas capable, une fois les preuves administrées, de conclure qu'il se justifiait d'allouer une contribution d'entretien en faveur du mineur. La recourante pourrait, pour le surplus, faire valoir l'ensemble de ses arguments dans le cadre des plaidoiries finales, voire d'un éventuel appel. En l'absence d'indices de prévention fondés sur des circonstances objectivement constatées, il apparaissait que la demande de récusation ne présentait guère de chances de succès.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 3 juin 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision AJC/2690/2024 du 21 mai 2024 rendue par la Vice-Présidence du Tribunal civil et, cela fait, à l'admission de la requête d'assistance juridique formée par A______ le 1er mai 2024 et à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             2.1.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter ; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.1.2. Les magistrats et les fonctionnaires judiciaires se récusent lorsqu'ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant (art. 47 al. 1 let. f CPC). La partie qui entend obtenir la récusation d'un magistrat doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande (art. 49 al. 1 CPC).

L'apparence de partialité peut résulter de déclarations formulées avant ou pendant un procès, qui permettent d'en conclure que le membre du tribunal s'est déjà forgé une opinion ferme sur l'issue de la procédure (ATF 137 I 227 consid. 2.1; 134 I 238 consid. 2.1 in JdT 2009 II 95). Tel est le cas lorsqu'une déclaration va au-delà de ce qui est nécessaire et permet de conclure au moins indirectement qu'une certaine opinion est définitivement forgée, parce qu'il manque la distance nécessaire. Pour autant toutefois que le membre du tribunal laisse entendre que les intentions exprimées sont de nature provisoire et que selon l'état de la procédure, elles pourront être réexaminées et adaptées, ces dernières ne mènent pas à devoir se récuser (ATF 133 I 89 consid. 3.3 in JdT 2007 I 219 ; 127 I 196 consid. 2e in JdT 2006 IV 240; arrêt du Tribunal fédéral 5A_462/2016 du 1er septembre 2016 consid. 3.2).

2.2. En l'espèce, la recourante reproche à la Vice-Présidence du Tribunal civil d'avoir violé les principes jurisprudentiels en soutenant que, une fois les preuves administrées, la magistrate serait à même de changer d'avis et de décider d'octroyer une contribution d'entretien en faveur de l'enfant. Elle soutient, au contraire, que la magistrate était catégorique dans les propos qu'elle avait tenus lors de l'audience, de sorte que tout le monde pouvait comprendre le sort qui serait donné à la procédure, cela indépendamment du résultat de l'administration des preuves. En outre, elle trouve choquant que l'autorité précédente ait indiqué que la recourante pourrait au besoin faire valoir ses arguments dans le cadre des plaidoiries finales, voire d'un éventuel appel. Une telle argumentation reviendrait à rejeter toute demande de récusation formée en cours de procédure sous prétexte que d'autres voies de droit seraient encore à disposition.

2.2.1. La recevabilité du premier grief apparait d'emblée douteuse. En effet, la recourante ne fait que présenter sa propre version des faits sans démontrer un établissement arbitraire des faits par l'autorité inférieure.

Quoi qu'il en soit, sa critique manque sa cible. En effet, l'on ne discerne, à la lecture du procès-verbal de l'audience du 15 avril 2024, aucun propos de la magistrate susceptible de fonder une apparence de prévention. En particulier, ledit procès-verbal indique clairement que la magistrate a demandé aux deux parties si celles-ci confirmaient leurs conclusions respectives, de sorte qu'il n'apparaît pas qu'elle se soit adressée uniquement à la recourante. En outre, la "note du tribunal" figurant dans ledit procès-verbal mentionnant que la recourante "ne se sent pas bien, elle sort de la salle", ne fournit aucune indication sur les raisons du malaise de la recourante. Par ailleurs, à l'issue de l'audience, la magistrate a indiqué qu'elle fixerait la suite de la procédure par ordonnance. Autrement dit, qu'elle rendrait une ordonnance de preuve sur les pièces requises de part et d'autre, ce qui ne fait pas non plus apparaître un parti pris de la magistrate à ce stade. A cela s'ajoute que, comme relevé par l'autorité inférieure, la magistrate a relevé, dans son ordonnance sur mesures provisionnelles, que "les enquêtes dans la procédure au fond détermineraient le salaire que les parents devraient raisonnablement pouvoir réaliser compte tenu de leur jeune âge, de leurs formations et de leurs expériences professionnelles respectives, et, partant, établir si le père devrait contribuer financièrement à l'entretien du mineur dans une mesure plus importante que la mère", ce qui ne permet pas non plus de retenir une vraisemblance de partialité de la part de la magistrate. Même si la magistrate avait laissé entendre oralement son intention de statuer dans un certain sens – ce qui n'est pas rendu vraisemblable compte tenu de ce qui précède –, plusieurs éléments au dossier permettaient encore de retenir, comme l'a relevé la Vice-Présidence du Tribunal civil, que, prima facie, la magistrate ne faisait qu'émettre une intention provisoire qui, selon l'état de la procédure au moment où la cause serait gardée à juger, pourrait être amenée à changer.

Faute d'éléments objectifs suffisants pour fonder une demande de récusation, c'est à juste titre que la Vice-Présidence du Tribunal civil a refusé d'octroyer à la recourante l'assistance juridique pour ce volet de la procédure.

2.2.2. Enfin, en tant que la recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir indiqué qu'elle pourrait faire valoir ses arguments dans le cadre des plaidoiries finales, voire en appel, elle ne démontre pas que cela reviendrait à écarter toute demande de récusation formée en cours de procédure. En effet, l'élément déterminant pour fonder une demande de récusation est l'apparence de prévention du magistrat, laquelle peut intervenir en cours de procédure, à tout moment, ce qui n'a vraisemblablement pas été le cas en l'espèce. Cela ne prive en aucun cas la recourante de former une nouvelle demande de récusation par la suite si des éléments objectifs suffisants apparaissent dans l'intervalle.

2.3. Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 21 mai 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1041/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me E______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.