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Décisions | Assistance juridique

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AC/2743/2022

DAAJ/83/2024 du 13.08.2024 sur AJC/2562/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2743/2022 DAAJ/83/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 13 AOÛT 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

 

contre la décision du 13 mai 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           Par décision du 9 novembre 2022, la vice-présidence du Tribunal civil a octroyé l'assistance juridique à A______ (ci-après : la recourante) pour la défense à une action en partage (cause C/1______/2021), limitée à la première instance et avec effet rétroactif au 23 septembre 2022.

B.            a. Par courrier du 15 avril 2024, le greffe de l'assistance juridique (ci-après: le GAJ) a indiqué à la recourante qu'il avait été porté à sa connaissance qu'elle serait propriétaire d'un bien immobilier situé à B______, en Espagne, libre de toutes charges, bien immobilier qu'elle n'avait pas annoncé lors du dépôt de sa requête d'assistance juridique. A la dénonciation à l'origine de ce courrier était jointe une copie de l'extrait du Registre foncier de B______ relatif à ce bien immobilier, de laquelle il ressortait que la recourante aurait acheté en pleine propriété un appartement situé au 11ème étage de l'immeuble sis à C______ d'une superficie de 88.69m2 (bâtie) et 48.19m2 (utile). Le GAJ a dès lors invité la recourante à se déterminer sur la possession de cet appartement et à lui transmettre tout renseignement utile à ce propos.

b. Par pli du 29 avril 2024, la recourante a répondu au GAJ ne pas être propriétaire d'un appartement de 88.69m2 situé à C______, B______, Espagne. En revanche, son père décédé lui aurait donné un studio situé dans l'immeuble "Torre de B______", à l'adresse Avenida 2______ [code postal] au 11ème étage, soit le lot n° 2114. Son frère aurait reçu un bien similaire de son père, à savoir le lot voisin. La recourante n'avait toutefois jamais reçu le titre de propriété de ce studio, malgré la démarche qu'elle avait entreprise auprès de la mairie locale, de sorte qu'elle n'avait pas la certitude d'être propriétaire du bien et n'avait ainsi pas les moyens d'en disposer en le vendant, par exemple. La recourante ignorait également la valeur de ce bien et devrait contacter une régie locale pour pouvoir la déterminer. Même si elle était en mesure de vendre ce bien, sa valeur n'étant pas significative, celle-ci ne lui permettrait pas de faire face à toutes ses obligations, dont notamment les poursuites dont la recourante faisait l'objet, en sus des frais judiciaires en 30'000 fr. qui lui étaient réclamés. Par ailleurs, la recourante ne bénéficiait pas des liquidités nécessaires pour pouvoir faire face à toutes ses obligations, précisant manquer de liquidités mais non de fortune, laquelle n'était toutefois pas immédiatement disponible vu l'action en partage pendante. Elle avait sollicité d'être dispensée de l'avance de frais judiciaires dans l'attente d'être en mesure de les rembourser une fois les actifs de la succession en sa possession. Son frère, qui avait dénoncé au GAJ l'existence du bien immobilier, tentait de lui faire perdre le bénéfice de l'assistance juridique tout en lui réclamant le paiement de sûretés de plus de 75'000 fr. qu'elle ne serait pas en mesure d'acquitter si l'assistance juridique devait lui être révoquée. L'exécuteur testamentaire avait accepté de s'engager à effectuer une distribution partielle en faveur des deux héritiers à l'occasion de la vente d'un appartement à D______ [France], bien immobilier faisant partie de la succession, lequel était estimé à 650'000 fr. La vente était en cours, étant précisé néanmoins que la somme devant lui revenir ne lui permettrait toujours pas de faire face à toutes ses obligations et encore moins d'acquitter les droits de greffe pour faire valoir ses droits. Aucune pièce n'était jointe à ce courrier.

C.           Par décision du 13 mai 2024, notifiée le 23 mai 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a retiré l'assistance juridique accordée à la recourante avec effet au 23 septembre 2022 et communiqué la décision aux Services financiers du Pouvoir judiciaire. Il a été retenu que la recourante était bien propriétaire d'un bien immobilier situé à B______, en pleine propriété et libre d'hypothèque, et qu'elle n'avait pas annoncé cet élément lors du dépôt de sa requête d'assistance juridique, élément qui n'était pas compatible avec la notion d'indigence, et qu'elle avait amplement le temps de réaliser pour financer ses procédures judiciaires. Il lui appartenait quoi qu'il en soit d'éclaircir cette question immobilière depuis 2003 à tout le moins (date du décès de son père, si c'était bien lui qui l'avait acquis pour elle). En outre, la recourante était sur le point de recevoir une distribution de l'exécuteur testamentaire de feu sa mère liée à la vente d'un appartement à D______, laquelle était en cours, de sorte qu'elle disposerait prochainement d'un montant suffisant pour s'acquitter des frais judiciaires de 30'000 fr., vu la valeur estimée de l'appartement de 650'000 fr.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 3 juin 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à ce que l'effet suspensif soit accordé au recours, à ce que la procédure sur assistance juridique soit suspendue en attendant que la situation concernant un éventuel studio à B______ soit clarifiée, voir qu'un tel studio puisse être vendu, et que l'on soit en mesure d'établir la situation précise des actifs et passifs de la recourante et à ce que la décision du 13 mai 2024 soit annulée.

A son sens, elle ne dispose actuellement pas des ressources nécessaires lui permettant de faire valoir ses droits. Dans l'attente d'un jugement statuant sur le partage de la succession, elle n'est pas en mesure de faire face aux dépenses occasionnées par la procédure, à savoir les droits de greffe de 30'000 fr. et les sûretés réclamées par sa partie adverse de 75'000 fr. Elle admet être vraisemblablement propriétaire d'un studio de 40m2 à B______ mais soutient que la vente de ce bien n'interviendrait pas suffisamment rapidement pour lui permettre de s'acquitter des droits de greffe précités et ne pourrait lui procurer qu'une somme entre 120'000 fr. et 140'000 fr., montant qui lui permettrait, certes, d'assumer les droits de greffe précités mais méconnaîtrait toutes ses autres dettes faisant l'objet de poursuites et totalisant 322'699 fr. 30. S'agissant de la vente de l'appartement à D______, le prix de vente articulé de 650'000 fr. n'était pas un prix net mais brut. Celui-ci tomberait en tout état dans la maîtrise de l'exécuteur testamentaire de feu sa mère et ne serait pas en sa possession. En outre, cette somme ne permettrait pas non plus de s'acquitter des frais judiciaires et de l'intégralité des dettes précitées.

La recourante produit des pièces nouvelles.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. En tant qu'elle retire l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure en sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 et 11 RAJ; arrêt publié DAAJ/93/2016 du 16 août 2016 consid. 1.1), compétence expressément déléguée à la présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515, p. 453).

2.             À teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Par conséquent, la conclusion nouvelle tendant à la suspension de la procédure d'assistance judiciaire jusqu'à éclaircissement de la situation du studio à B______ ainsi que les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             3.1.1. Selon l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (b).

Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).

L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 124 I 1 consid. 2a; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a).

Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (ATF 135 I 221 consid. 5.1; art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ).

La fortune d'un requérant est prise en compte dans la mesure où l'on peut exiger qu'il entame, aliène ou gage ses biens, mobiliers ou immobiliers, pour financer la défense juridique de ses intérêts (ATF 124 I 1 consid. 2d ; 120 Ia 179 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_147/2011 du 20 juin 2011).

3.1.2. Selon les art. 120 CPC et 9 RAJ, l'assistance juridique retire l'assistance judiciaire lorsque les conditions d'octroi ne sont plus remplies ou qu'il s'avère qu'elles ne l'ont jamais été.

En principe, ce retrait n'intervient que pour l'avenir (ATF 141 I 241 consid. 3.1). Le retrait rétroactif (ex tunc) ne s'applique qu'exceptionnellement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2013 du 19 août 2013 consid. 3.5), par exemple parce que la partie a fourni des indications fausses ou incomplètes sur sa situation financière ou s'est comportée d'une autre façon de manière téméraire, trompeuse, fallacieuse ou abusive (arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.5).

3.1.3. Le tribunal impartit un délai pour la fourniture des avances et des sûretés (art. 101 al. 1 CPC). Si les avances ou les sûretés ne sont pas fournies à l'échéance d'un délai supplémentaire, le tribunal n'entre pas en matière sur la demande ou la requête (art. 101 al. 3 CPC).

Les délais fixés judiciairement peuvent être prolongés pour des motifs suffisants, lorsque la demande en est faite avant leur expiration (art. 144 CPC).

Comme tout délai judiciaire, les délais fixés selon l'art. 101 al. 1 CPC sont prolongeables (Tappy, Commentaire romand, CPC, 2ème éd. 2019, n. 20 ad art. 101 CPC).

3.2.1. En l'espèce, la recourante admet, dans son recours, être propriétaire d'un studio à B______, en Espagne, mais soutient qu'elle ne parviendrait pas à le vendre dans le délai imparti par le Tribunal pour s'acquitter des frais judiciaires et des sûretés demandés, de sorte qu'elle serait actuellement indigente.

Dès lors que la recourante possède un bien immobilier à l'étranger, elle a également la possibilité de le vendre, l'hypothéquer ou le mettre en location pour s'acquitter de ses frais de justice. Le fait que la mise en œuvre de ces démarches prendrait du temps à la recourante est incontestable. En revanche, la recourante pourrait obtenir une prolongation du délai imparti pour s'acquitter des frais judiciaires et des sûretés demandés, puisque les délais fixés par l'autorité judiciaire sont des délais prolongeables en cas de motifs suffisants et que la nécessité de devoir vendre un bien immobilier en est un. Sa situation de fortune ne permet ainsi pas de retenir qu'elle serait indigente. Partant, son grief est dénué de fondement.

3.2.2. La recourante soutient que le montant qu'elle pourrait retirer en cas de vente du studio ainsi que les fonds qu'elle percevra de l'exécuteur testamentaire suite à la vente de l'appartement à D______ ne seraient pas suffisants pour couvrir ses frais de justice ainsi que toutes ses dettes faisant l'objet de poursuites à son encontre.

Cet argument ne porte pas non plus. La recourante admet elle-même que le produit net de la vente du studio lui rapporterait entre 120'000 euros et 140'000 euros, ce qui est déjà largement suffisant pour couvrir les 30'000 fr. de frais judiciaires demandés et même les 75'000 fr. de sûretés réclamés par sa partie adverse. Il peut être exigé de la recourante qu'elle affecte en priorité ses ressources à ses frais de justice, une fois ses besoins vitaux couverts, le cas échéant en négociant le remboursement du solde de ses dettes avec ses créanciers, ce d'autant plus compte tenu du fait qu'elle percevra prochainement, comme relevé plus haut, en sus du produit de la vente du studio, une partie de la succession de sa mère.

3.2.3. Enfin, en tant que la recourante soutient qu'elle s'est retrouvée dans cette situation en raison de sa désorganisation personnelle et que l'assistance judiciaire demandée n'est que temporaire puisqu'elle remboursera l'aide accordée dès qu'elle percevra sa part de l'héritage, ces arguments ne sont pas pertinents, seule l'indigence au moment du dépôt de la demande étant examinée pour l'octroi, le refus ou le retrait de l'assistance judiciaire.

3.2.4. La recourante ne conteste pas en soi l'effet rétroactif du retrait de l'assistance judiciaire ordonnée par l'autorité inférieure. Quoi qu'il en soit, la recourante ayant omis, voire caché, un élément de sa fortune dans sa demande d'assistance juridique, il se justifie de confirmer l'effet rétroactif au jour du dépôt de la demande, à savoir le 23 septembre 2022.

3.3. Au vu des éléments qui précèdent, c'est à juste titre que la Vice-Présidence du Tribunal civil a retiré l'assistance juridique à la recourante avec effet au 23 septembre 2022, date du dépôt de la demande.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté. Il n'y a, en conséquence, pas lieu de statuer sur l'effet suspensif sollicité par la recourante.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 13 mai 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2743/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.