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Décisions | Assistance juridique

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AC/2113/2022

DAAJ/66/2024 du 01.07.2024 sur AJC/1135/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2113/2022 DAAJ/66/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 1ER JUILLET 2024

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 26 février 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 15 mars 2020, A______ (ci-après : le recourant), chauffeur indépendant, a été victime d'un accident de la circulation, précisant avoir subi un "coup du lapin", dans un contexte de collision en chaîne : la conductrice C______, arrêtée à un feu, avait démarré prématurément et était rentrée dans le véhicule de D______, lequel avait ensuite embouti celui du recourant.

b. Par demande du 16 mars 2022, le recourant a assigné le BUREAU NATIONAL SUISSE D'ASSURANCE (ci-après : BNA) par-devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) en paiement d'une somme totale de 92'958 fr. 55 (perte de gain en fonction de ses différents taux d'incapacité de travail, frais médicaux, indemnité pour tort moral et dommage ménager), sous déduction d'une somme déjà perçue (C/1______/2022).

c. L'assistance juridique lui a été accordée pour cette procédure et Me B______, avocat, a été nommé d'office à cette fin.

d. Par réponse du 22 décembre 2022, le BNA a conclu au déboutement du recourant des fins de sa demande en paiement. Préalablement, il a requis une expertise médicale.

A l'appui de son acte, le BNA a produit l'expertise privée de chirurgie orthopédique dressée le 2 juillet 2020 à la demande de sa représentante E______ SA, délivrée par le Dr F______ à Genève, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, de la colonne vertébrale et membre, notamment, de la Société Suisse de Chirurgie Spinale, de la Société Suisse de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie, expert en assurances Swiss Insurance Medicine et de l'Association Romande des Praticiens en Expertise Médicale. Il a retenu le diagnostic "de status post contusion musculaire de la face postérieure du cou sans lésion anatomique décelée" le jour de l'accident, pathologie guérie au 30 avril 2020 et sans séquelles. Il a admis une contracture de deux muscles, lesquels justifiaient une incapacité de travail totale du jour de l'accident jusqu'au 30 avril 2020, le recourant recouvrant ensuite sa pleine capacité de travail.

e. Par ordonnance de preuve rendue sur le siège le 15 mars 2023, le Tribunal a ordonné l'audition des témoins C______ et D______, ainsi qu'une expertise judiciaire, au sujet de laquelle les parties seraient interpellées.

f. Par ordonnance de preuve du 21 décembre 2023, reçue le lendemain par le recourant, le Tribunal, "considérant qu'à la suite des preuves administrées" (audition du tém. C______) et "qu'à l'issue de l'audition [du recourant], se pos[ait] la question de l'existence et la quotité du dommage", a décidé de limiter la procédure à cette question, a renoncé à mettre en œuvre l'expertise judiciaire et à procéder à l'audition du témoin D______, et a ordonné les plaidoiries finales.

B. a. Par courrier déposé au Tribunal le 2 janvier 2024, le recourant a requis la récusation de G______, [juge auprès] de la 22ème Chambre du Tribunal, au motif qu'il était "hautement vraisemblable" qu'elle ait pris parti pour le BNA, puisqu'en l'absence de fait nouveau, elle avait renoncé à mettre en œuvre l'expertise judiciaire et à procéder à l'audition du témoin D______, sans en expliquer les raisons, alors que ces preuves étaient nécessaires à l'établissement de son dommage.

Une avance de frais de 600 fr. a été requise pour cette procédure (C/2______/2024).

b. Le 9 février 2024, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour la procédure de récusation.

C. Par décision du 26 février 2024, notifiée le 29 février 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée.

En substance, elle a considéré que le Tribunal disposait d'une marge d'appréciation pour limiter le procès à certaines questions déterminées et son refus d'ordonner une expertise judiciaire ne signifiait pas que la magistrate aurait pris parti pour le BNA, puisque cet acte d'instruction entrait dans ses prérogatives.

Enfin, si le recourant avait estimé que son droit d'être entendu avait été violé par le prononcé de cette ordonnance non motivée, il lui eût appartenu de former un recours à l'encontre de celle-ci, ce qu'il n'avait pas fait.

D a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 11 mars 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

Le recourant conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens en 600 fr., à l'annulation de la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 26 février 2024, à l'octroi de l'assistance juridique avec effet au 9 février 2024, et à la désignation de son conseil en qualité d'avocat d'office. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'Autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Le recourant, à l'appui des art. 47 al. 1 let. f, 49 al. 1, 1ère phr. et 51 al. 1 CPC, conteste l'absence de prévention retenue par l'Autorité de première instance à l'endroit de la magistrate, alors qu'elle avait renoncé à l'expertise ordonnée le 15 mars 2023, en l'absence de fait nouveau et de justification, alors que celle-ci est nécessaire à la détermination de son dommage.

2.1.1 Aux termes de l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).

Selon la jurisprudence prévalant tant pour l'art. 29 al. 3 Cst. que pour l'art. 117 CPC, une cause est vouée à l'échec, respectivement dépourvue de toute chance de succès, lorsque la perspective d'obtenir gain de cause est notablement plus faible que le risque de succomber et qu'elle ne peut donc être considérée comme sérieuse, de sorte qu'une personne raisonnable disposant des ressources financières nécessaires renoncerait à engager la procédure en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. En revanche, l'assistance judiciaire doit être accordée lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux seconds. La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête d'assistance judiciaire, sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 396 consid. 1.2; 138 III 217 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2023 du 17 avril 2024 consid. 3.1).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera ainsi refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés. Il en sera de même si, en droit, la démarche du requérant paraît d'emblée irrecevable, ou juridiquement infondée. L'autorité chargée de statuer sur l'assistance judiciaire ne doit pas se substituer au juge du fond; tout au plus doit-elle examiner s'il y a des chances que le juge adopte la position soutenue par le demandeur, chances qui doivent être plus ou moins équivalentes aux risques qu'il parvienne à la conclusion contraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2023 du 17 avril 2024 consid. 3.1 et les références citées).

2.1.2 Selon l'art. 124 al. 1 CPC, le tribunal conduit le procès. Il prend les décisions d’instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapides de la procédure.

Selon l'art. 125 let. a CPC, pour simplifier le procès, le tribunal peut limiter la procédure à des questions ou des conclusions déterminées.

Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application de l’art. 125 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2016 du 10 octobre 2016 consid. 4.2).

2.1.3 Selon l'art. 47 al. 1 let. f CPC, les magistrats se récusent lorsqu'ils pourraient être prévenus de toute autre manière que celles mentionnées aux let. a à e.

L'art. 47 al. 1 let. f CPC concrétise les garanties découlant de l'art. 30 al. 1 Cst., qui a, de ce point de vue, la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH. La garantie d'un juge indépendant et impartial permet de demander la récusation d'un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité (ATF
140 III 221 consid. 4.2; 134 I 20 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_151/2023 du 25 août 2023 consid. 3.1.2; 5A_674/2016 du 20 octobre 2016 consid. 3.1; 5A_171/2015 du 20 avril 2015 consid. 6.1).

Aux termes de l'art. 50 CPC, si le motif de récusation invoqué est contesté, le tribunal statue (al. 1); la décision peut faire l'objet d'un recours (al. 2).

Selon la jurisprudence, la procédure de récusation n'a pas pour but de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. Ainsi, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement la suspicion de partialité, même lorsque ces erreurs sont établies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_225/2023 du 3 mai 2024 consid. 3). En effet, le risque de prévention ne saurait être admis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normal des tribunaux (ATF 144 I 159 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_998/2018 du 25 février 2019 consid. 6.2; 5A_98/2018 du 10 septembre 2018 consid. 4.2).

C'est aux juridictions de recours normalement compétentes qu'il appartient de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_998/2018 du 25 février 2019 consid. 6.2; 1B_545/2018 du 23 avril 2019 consid. 5.1; 5A_749/2015 du 27 novembre 2015 consid. 4.1).

En revanche, des fautes particulièrement lourdes ou répétées, qui doivent être considérées comme des violations graves des devoirs du magistrat, peuvent avoir cette conséquence, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_225/2023 du 3 mai 2024 consid. 3). Au même titre, des décisions ou des actes de procédure viciés, voire arbitraires, ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention (arrêt du Tribunal fédéral 5A_225/2023 du 3 mai 2024 consid. 3 et les références citées).

La partie qui entend obtenir la récusation d'un magistrat ou d'un fonctionnaire judiciaire doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande (art. 49 al. 1, 2ème phr., CPC). Le fardeau de la preuve qui lui incombe vaut tant pour le(s) motif(s) de récusation invoqué(s) que pour les autres conditions légales de la récusation, dont fait partie le respect du délai prévu à l'art. 49 al. 1, 1ère phr., CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_226/2023 du 3 mai 2024 consid. 4.2; 4A_576/2020 précité consid. 3.1.6 et les références citées).

2.2. En l'espèce, il s'agit de déterminer si la procédure introduite par le recourant en récusation de la magistrate de première instance serait susceptible d'avoir des chances de succès, parce qu'elle a décidé d'annuler la mise en œuvre d'une expertise judiciaire précédemment ordonnée, ainsi que l'audition d'un témoin, actes d'instruction que le recourant considère comme étant nécessaires à l'établissement de son dommage, et dont la renonciation dénoterait une prévention de la magistrate en faveur de la partie défenderesse au fond.

En application des art. 124 al. 1 et 125 let. a CPC, la conduite du procès, comprenant la nécessité ou le refus d'ordonner des preuves, appartient au Tribunal et il dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour limiter la procédure à certaines questions ou conclusions déterminées.

De plus, selon les jurisprudences sus-évoquées, un risque de prévention ne doit pas être admis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normal du Tribunal, d'une part, et, d'autre part, il appartient à la juridiction de seconde instance de constater et redresser les erreurs éventuellement commises par le premier juge.

Ainsi et a priori, la magistrate de première instance a agi dans le cadre de ses attributions en renonçant à des mesures d'instruction qu'elle avait préalablement ordonnées et il n'apparaît pas que son revirement afin de limiter l'objet du litige à l'existence et à la quotité du dommage puisse être assimilé à une faute particulièrement lourde constitutive d'une grave violation de ses devoirs permettant de retenir une possible apparence objective de prévention. En effet, contrairement à l'argumentation du recourant, l'ordonnance du 21 décembre 2023 est sommairement motivée, puisque la magistrate a décidé de limiter l'objet du litige en raison des preuves déjà administrées, à savoir l'audition d'un témoin, ainsi qu'à la suite de l'audition du recourant. Dès lors, il ne paraît pas s'agir d'une volte-face de sa part, empreinte de partialité, comme le recourant l'expose, mais d'une décision prise consécutivement aux faits nouvellement portés à sa connaissance, à la suite de l'avancement de l'instruction de la cause.

Il s'ensuit que les chances de succès de la requête en récusation paraissent extrêmement faibles, de sorte que la vice-présidence du Tribunal civil n'a pas violé la loi en rejetant la requête d'assistance juridique.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 11 mars 2024 par A______ contre la décision rendue le 26 février 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2113/2022.

Préalablement :

Ordonne l'apport de la procédure au fond C/1______/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.