Skip to main content

Décisions | Assistance juridique

1 resultats
AC/3495/2023

DAAJ/70/2024 du 26.06.2024 sur AJC/1071/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3495/2023 DAAJ/70/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 26 JUIN 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocate,

 

contre la décision du 22 février 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           Le 5 février 2024, A______ (ci-après : le recourant) a sollicité l'assistance juridique pour des procédures concernant la pension alimentaire et la garde de ses deux filles jumelles nées le ______ 2023 (Tribunal de première instance [ci-après : le Tribunal] : C/1______/2023 et C/2______/2023 et Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant [ci-après : TPAE] : C/3______/2023).

Il a déclaré posséder un véhicule [SUV de marque] "C______ année 2021", d'une valeur de 50'000 fr., qu'il utilise pour ses déplacements professionnels à Genève, en qualité d'éducateur AEMO (Action Educative en Milieu Ouvert) et être "copropriétaire" d'un appartement à D______ (Valais), d'une valeur de 355'000 fr. Il s'était endetté auprès de [la banque] E______, en raison de la prise d'une hypothèque (237'600 fr.), soit des mensualités de 430 fr., de F______, son père, avec lequel il avait conclu un contrat de prêt concédé à titre d'"aide de départ" (22'544 fr.), soit des mensualités de 500 fr., qu'il lui verse, et G______ (17'560 fr.), soit des mensualités de leasing (385 fr. 65).

B.            Par décision du 22 février 2024, notifiée le 29 février 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée.

En substance, elle a retenu que le recourant ne remplissait pas la condition d'indigence, en sa qualité de "propriétaire" d'une résidence secondaire en Valais, dont il n'avait pas démontré avoir tenté de la vendre, d'augmenter son prêt hypothécaire ou de la louer afin de dégager des liquidités pour assumer les coûts des procédures sus évoquées.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 8 mars 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

Le recourant conclut, avec suite de dépens, à l'annulation de la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 22 février 2024, à l'octroi de l'assistance judiciaire avec effet au 8 décembre 2023 dans les trois procédures sus évoquées et à ce que son avocate soit désignée comme conseil d'office.

Subsidiairement, il conclut à ce que la décision en cause soit renvoyée à l'Autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il invoque une constatation manifestement inexacte des faits en tant qu'il n'est pas propriétaire dudit appartement, mais seulement copropriétaire de celui-ci, avec son ex-compagne. Il ne peut pas décider seul d'augmenter le prêt hypothécaire et n'obtiendrait pas de prêt en raison de sa situation financière. Il n'est pas envisageable d'obtenir l'accord de son ex-compagne pour le mettre en location, vu le contexte conflictuel de la séparation. Seule sa vente pourrait être envisagée, mais nécessiterait une longue procédure.

Par ailleurs, son budget mensuel déficitaire (tous les chiffres sont arrondis) en 1'040 fr. ne lui permet pas d'assumer les coûts des procédures, compte tenu d'un revenu mensuel net (5'642 fr.) et de ses charges mensuelles (6'682 fr.), soit minimum vital OP (1'500 fr., augmentation de 25% du montant de base incluse), loyer (1'395 fr.), assurance-maladie LAMal (665 fr.), impôts (521 fr.), leasing (386 fr.), frais de repas pris à l'extérieur (217 fr.), remboursement des dettes : E______ (430 fr.), F______ (500 fr.), 100% du loyer de l'ex-domicile commun, l'ex-compagne ayant refusé d'y participer (592 fr., pro rata temporis jusqu'au 15 février 2024), impôt foncier et "frais de gérance" de l'appartement à D______ (476 fr.), non compris les contributions mensuelles d'entretien à venir.

Le recourant produit un bordereau de pièces, lesquelles figurent au dossier de première instance.

b. Dans ses observations déposées le 20 mars 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a confirmé son refus d'assistance juridique et a conclu au rejet du recours. A son sens, par substitution de motif et en tant que de besoin, elle a estimé que le disponible mensuel du recourant dépassait de 1'935 fr. son minimum vital élargi en retenant les chiffres suivants : revenu mensuel net, treizième salaire inclus (6'274 fr.), loyer, dès février 2024 et sans le garage, qui n'est pas de stricte nécessité (1'175 fr.), assurance-maladie (664 fr.), impôts (1'000 fr.) et entretien de base, majoré (1'500 fr.). Le leasing, qui n'est pas de stricte nécessité, ainsi que les frais liés à la résidence valaisanne, incompatibles avec la notion d'indigence, ont été exclus des charges mensuelles précitées.

EN DROIT

1.             1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidence soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. 2.1. Selon l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire à condition a) qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes et b) que sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès.

Selon l'art. 119 al. 2 CPC, le requérant justifie de sa situation de fortune et de ses revenus et expose l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer. Il peut indiquer dans sa requête le nom du conseil juridique qu'il souhaite.

Selon l'art. 7 RAJ, la personne requérante doit fournir les renseignements et les pièces nécessaires à l'appréciation des mérites de sa cause et de sa situation personnelle (al. 1). Elle doit justifier de sa situation financière (al. 2, 1ère phr.). Si la personne requérante ne respecte pas ces obligations ou ne fournit pas dans les délais impartis les renseignements ou pièces qui lui sont réclamés, sa requête sera déclarée infondée (al. 3).

2.1.1. Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.1). Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité de ses revenus (gains accessoires compris), sa fortune, ses éventuelles créances contre des tiers et, d'autre part, les charges d'entretien et les engagements financiers auxquels il ne peut échapper (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.1 et la référence citée).

Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 121 III 20 consid. 3a; arrêt 4A_480/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1). Une dette ne peut être prise en compte que si elle concerne un bien ou un service de stricte nécessité et qu'elle fait l'objet d'un remboursement régulier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.1), ce qui doit être établi par une pièce (DAAJ/85/2018 du 30 octobre 2018; 36/2014 du 14 mai 2014 consid. 2.2).

Il appartient au justiciable sollicitant l'aide de l'État d'adapter son train de vie aux moyens financiers dont il dispose en donnant priorité aux dépenses relevant du strict minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2010 du 2 février 2011 consid. 4).

La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la satisfaction des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est requise. Celle-ci n'est pas accordée lorsque le solde disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1 ;
135 I 221 consid. 5.1).

2.1.2. La fortune d'un requérant est prise en compte dans la mesure où l'on peut exiger qu'il entame, aliène ou gage ses biens, mobiliers ou immobiliers, pour financer la défense juridique de ses intérêts (ATF 124 I 1 consid. 2a ; 120 Ia 179 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_147/2011 du 20 juin 2011).

2.2.1. En l'espèce, selon le calcul du minimum vital élargi, respectivement strict, le recourant ne remplit pas la condition d'indigence.

En effet, son salaire mensuel net est d'au moins 6'275 fr., treizième salaire inclus, et il assume des charges mensuelles retenues à concurrence de 3'930 fr. (base mensuelle d'entretien augmentée de 25% : 1'500 fr., loyer, charges incluses, sans le garage : 1'175 fr., assurance-maladie : 665 fr., impôts, montant admis par le recourant : 520 fr. et frais de transports publics à ajouter, pour ses déplacements : 70 fr.), soit un disponible mensuel de 2'345 fr., respectivement de 2'645 fr. en s'en tenant à son minimum vital strict.

Les frais de leasing ont été écartés avec raison, puisque les déplacements du recourant effectués au moyen d'une voiture d'une valeur de 50'000 fr. sont exorbitants à la notion d'indigence, d'une part, et, d'autre part, il ne rend pas vraisemblable qu'il ne pourrait pas effectuer ses déplacements professionnels au moyen du réseau, dense, des transports publics genevois.

L'appartement en Valais est une résidence secondaire, de sorte que les intérêts hypothécaires, l'impôt foncier et les "frais de gérance" ne peuvent pas être considérés, puisqu'ils sont incompatibles avec la notion d'indigence.

La nécessité des repas pris à l'extérieur n'a pas été justifiée et le loyer de l'ancien appartement commun est une charge qui a pris fin le 15 février 2024, selon le recourant.

Quant au prêt du père, que le recourant rembourse à raison de 500 fr. par mois, la prise en compte de ces mensualités, le cas échéant, conduirait à une réduction du disponible mensuel du recourant au montant de 1'845 fr. (minimum vital élargi), respectivement à celui de 2'145 fr. (minimum vital strict), de sorte qu'il dispose en tout état de cause d'un disponible mensuel suffisant pour assumer les honoraires et frais des procédures du Tribunal et au TPAE, en rémunérant, si nécessaire, son conseil par mensualités.

Il n'est donc pas nécessaire que le recourant entame sa fortune afin de se procurer les liquidités nécessaires pour acquitter les honoraires de son conseil et les frais judiciaires.

2.2.2. Cela étant, il sera relevé que le recourant ne peut pas se contenter d'affirmer que l'obtention de ressources financières en relation avec son appartement en Valais ne serait pas envisageable, mais il devait, en raison de son obligation de collaborer et des conditions légales relatives à l'octroi de l'assistance juridique, démontrer cette absence concrète de possibilité. Cela signifie qu'il devait, en particulier, produire un refus de la banque d'augmenter le montant du prêt hypothécaire, respectivement de grever sa seule part de copropriété. A cet égard, sa qualité de copropriétaire ou de propriétaire de l'appartement ne change rien du point de vue de son obligation d'établir qu'il a entrepris des démarches pour obtenir un financement au moyen de son bien immobilier, avant de solliciter l'aide de l'Etat. En effet, l'Assistance juridique ne peut pas financer des procédures judiciaires sur la base des seules affirmations des justiciables, mais doit disposer de justificatifs permettant de démontrer que l'octroi a été accordé en connaissance de cause et dans le respect des conditions légales.

Quant à l'affirmation du recourant, selon laquelle la location dudit appartement serait "inenvisageable" en raison de la séparation conflictuelle du couple, il ne peut pas être aussi catégorique sans avoir posé la question à son ex-compagne et devait, là encore, produire un refus de celle-ci. En effet, son affirmation se concilie difficilement avec les "frais de gérance" de cet appartement, dont il a demandé la prise en compte dans ses charges mensuelles, d'une part. D'autre part, son ex-compagne pourrait accéder à une telle proposition afin de réduire ses charges mensuelles, lesquelles ont probablement augmenté à la suite de la séparation du couple.

2.2.3. Il résulte de ce qui précède que la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté avec raison la requête d'assistance juridique.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

3.  Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé le 8 mars 2024 par A______ contre la décision rendue le 22 février 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3495/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.