Décisions | Assistance juridique
DAAJ/112/2023 du 18.10.2023 sur AJC/2271/2023 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/3200/2022 DAAJ/112/2023 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MERCREDI 18 OCTOBRE 2023 |
Statuant sur le recours déposé par :
Monsieur A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,
contre la décision du 2 mai 2023 de la vice-présidence du Tribunal de première instance.
A. a.a Par décision du 10 novembre 2022, la vice-présidence du Tribunal de première instance a octroyé l'assistance juridique à A______ (ci-après : le recourant), avec effet au 4 novembre 2022, pour sa défense à une action alimentaire et en fixation des droits parentaux formée le 6 octobre 2022 par C______ pour leurs filles, D______, E______ et F______ (cause C/1______/2022), cette action étant accompagnée d'une requête de mesures provisionnelles (C/2______/2022). Ledit octroi a été limité à la première instance et à 12 heures d'activité d'avocat (hors courriers, téléphones et audiences), Me B______, avocat, ayant été désigné pour défendre les intérêts du recourant.
a.b Par courrier du 24 novembre 2022, le recourant a sollicité une extension de l'assistance juridique pour se défendre dans le cadre de la procédure sur mesures provisionnelles susvisée.
Par pli du 28 novembre 2022, le Greffe de l'assistance juridique lui a répondu que la décision d'octroi du 10 novembre 2022 couvrait également ladite procédure.
c.a Par acte du 9 décembre 2022, le recourant a répondu à la requête de mesures provisionnelles, concluant notamment à ce que la procédure soit suspendue jusqu'à droit jugé sur l'action en modification du jugement de divorce avec requête de mesures provisionnelles qu'il avait lui-même déposée le 2 décembre 2022. Au fond, il a demandé d'être dispensé de contribuer à l'entretien de D______, E______ et F______.
Cette écriture comporte cinq pages de détermination aux allégués de la demande, neuf pages d'allégués propres du recourant et trois pages de développements en droit.
Le contenu de l'état de fait porte essentiellement sur la situation personnelle et financière du recourant et des siens (en résumé: premier mariage dont sont issus trois filles, divorce prononcé le 20 janvier 2022, trois filles issues d'une nouvelle relation, séparation d'avec la mère des trois filles cadettes, demande de modification du jugement de divorce).
Le mémoire réponse était accompagné d'un bordereau de 15 pièces.
c.b Par ordonnance du 23 janvier 2023, le Tribunal a fixé, sur mesures provisionnelles, les pensions alimentaires dues par le recourant en faveur de ses trois filles cadettes. Cette décision comporte huit pages.
c.c Par ordonnance du 13 avril 2023, le Tribunal a fixé un délai au recourant pour répondre à l'action au fond (cause C/1______/2022).
d. Le 19 avril 2023, le recourant, agissant par son conseil, a à nouveau sollicité une extension de l'aide étatique.
A l'appui de sa requête, il a exposé que les 12 heures allouées dans la décision du 10 novembre 2022 avaient d'ores et déjà été dépassées. Son avocat avait consacré un total de 23h35 d'activité du 23 novembre 2022 au 2 février 2023 pour sa défense dans les procédures susmentionnées, dont 18h00 avaient été dédiées (par un avocat-stagiaire) à la rédaction du mémoire de réponse dans le cadre des mesures provisionnelles, 2h00 à la préparation (par l'avocat-stagiaire) d'un chargé de pièces, 15 minutes à l'examen du dossier en vue d'une audience fixée le 12 décembre 2022 et 40 minutes pour l'analyse (par l'avocat-stagiaire) de l'ordonnance du Tribunal du 23 janvier 2023. Dans la mesure où son avocat devait encore répondre à l'action au fond et que la quantité d'heures allouées avait été dépassée, une extension de l'assistance judiciaire était nécessaire.
Le conseil du recourant a par ailleurs demandé d'être indemnisé pour l'activité déployée du 4 novembre 2022 au 2 février 2023.
B. Par décision du 2 mai 2023, notifiée le 5 du même mois, la vice-présidence du Tribunal de première instance a octroyé au recourant une extension de 6 heures d'activité d'avocat, ce qui revenait ainsi à un total de 18h00 pour les deux causes susmentionnées, sous réserve de l'appréciation des heures nécessaires en vertu de l'art. 16 al. 2 RAJ au moment de la taxation de l'état de frais.
Il a été retenu que l'épuisement des 12 heures d'activité octroyées le 10 novembre 2022 apparaissait excessif compte tenu de l'état d'avancement des procédures, l'action alimentaire n'étant qu'à son commencement tandis que la procédure sur mesures provisionnelles était terminée. Le temps consacré à la préparation du chargé de pièces et à la rédaction du mémoire réponse dans le cadre des mesures provisionnelles ne semblait pas justifié, dès lors que l'affaire ne présentait pas de complexité particulière. Il en allait de même du temps dédié aux autres postes mentionnés dans l'état de frais intermédiaire de l'avocat. Dans ces circonstances, il a été considéré qu'un maximum de 8 heures de travail d'avocat étaient nécessaires à ce stade, ce qui laissait encore un solde de 4 heures à consacrer à la défense des intérêts du recourant. Dans la mesure où la procédure au fond n'en était qu'à ses débuts, il se justifiait cependant d'ores et déjà d'accorder une extension de 6 heures supplémentaires, hors forfaits courriers, téléphones et hors audiences.
C. a. Par acte déposé le 15 mai 2023 au greffe de la Cour de justice, recours est formé contre cette décision. Le recourant conclut à l'annulation de la décision précitée en tant qu'elle limite à un total de 18 heures d'activité d'avocat l'assistance juridique qui lui a été octroyée. Il sollicite que cet octroi soit porté à un total de 38h35 (soit 23h35 pour l'activité déjà déployée ainsi qu'une extension de 15 heures pour la suite de la procédure) et à ce que son avocat son indemnisé pour l'activité déployée du 4 novembre 2022 au 2 février 2023.
b. La vice-présidence du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. Les décisions de la vice-présidence du Tribunal de première instance en matière d'assistance judiciaire, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice
(RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. 2.1. A teneur de l'art. 118 al. 2 CPC, l'assistance judiciaire peut être accordée totalement ou partiellement, ce qui signifie qu'elle doit être accordée, conformément au principe de proportionnalité, à la mesure de sa véritable nécessité (Message du Conseil fédéral relatif au Code de procédure civile, FF 2006, p. 6912, ad art. 116 du projet CPC; Huber, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Brunner/Gasser/Schwander, 2ème éd., 2016, n. 17 ad art. 118 CPC), soit en quelque sorte "à la carte" (Ruegg, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, Spühler/Tenchio/Infanger, 2ème éd., 2013, n. 2 ad art. 118 CPC). L'octroi partiel peut ainsi prendre diverses formes, selon les prestations accordées, l'étendue de celles-ci ou encore la phase de procès concernée (Tappy, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy, 2011, n. 24 ad art. 118 CPC).
En application du principe de proportionnalité ainsi rappelé, l'art. 3 al. 1 première phrase RAJ, prévoit que l'assistance juridique peut être limitée à certains actes de procédure ou démarches déterminées, ainsi que dans la quotité des heures nécessaires à l'activité couverte. La limitation de l'activité de l'avocat désigné à un certain nombre d'heures d'activité est ainsi conforme tant à l'art. 3 al. 1 RAJ précité qu'au principe de proportionnalité consacré à l'art. 118 al. 2 CPC.
2.2. En l'espèce, contrairement à ce que fait valoir le recourant, sa situation familiale ne présente pas de complexité particulière. La circonstance qu'il soit le père de six enfants issus de deux relations différentes et qu'il ait agi en modification du jugement de divorce prononcé en 20 janvier 2022 en raison des faits nouveaux liés à sa séparation d'avec sa dernière compagne n'est pas de nature à remettre en cause ce qui précède.
A noter que les faits présentés par le recourant à l'appui de sa demande de modification du jugement de divorce déposée le 2 décembre 2022 sont pour l'essentiel les mêmes que ceux invoqués dans le cadre des mesures provisionnelles sollicitées par la mère de ses filles cadettes (et seront à nouveau similaires dans la réponse à déposer dans la cause C/1______/2022). Rien ne justifiait dès lors que le conseil du recourant consacre 18 heures d'activité à la rédaction de l'écriture déposée le 9 décembre 2022. Par ailleurs, il est largement exagéré de dédier 2 heures de temps à la préparation d'un chargé de 15 pièces ou 40 minutes à la prise de connaissance d'une ordonnance du Tribunal de quelques pages.
L'autorité de première instance n'a dès lors pas excédé son pouvoir d'appréciation en estimant que seules 8 heures d'activité d'avocat avaient été nécessaires (hors courriers, téléphones et audiences) à ce stade d'avancement des procédures pour lesquelles l'aide étatique avait été accordée.
Par ailleurs, aucun élément ne permet de retenir que les 6 heures supplémentaires qui ont été accordées dans la décision présentement querellée seraient insuffisantes pour la suite des démarches qui seront nécessaires pour la défense des intérêts du recourant. Ce dernier garde au demeurant la possibilité de solliciter une nouvelle extension de l'assistance judiciaire dans l'hypothèse où le nombre d'heures nouvellement fixé devrait par la suite s'avérer insuffisant.
Partant, le recours, infondé, sera rejeté.
3. Le recourant a pris des conclusions visant à ce que son avocat soit indemnisé pour l'activité déployée du 4 novembre 2022 au 2 février 2023.
3.1. La défense d'office est une relation de droit public entre l'Etat et l'avocat, qui fonde une prétention en règlement d'honoraires du défenseur envers l'Etat, et non envers la personne défendue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2012 du 1er juin 2012 consid. 5).
3.2. En l'occurrence, la décision entreprise ne traite pas de la demande d'indemnisation formulée par le conseil du recourant dans le même acte que la demande d'extension de l'aide étatique.
A supposer que le recourant entendait se plaindre de déni de justice, au motif que l'autorité de première instance n'a pas statué sur la demande de son avocat visant à obtenir une avance sur taxation, il est douteux qu'il dispose pas de la qualité pour agir sur ce point, puisque l'avocat d'office qui demande à être rémunéré fait valoir une prétention qui lui appartient en propre.
Quoi qu'il en soit, l'attention du recourant sera attirée sur l'art. 16 al. 2 RAJ, qui dispose qu'une avance n'est accordée que lorsque l'activité déployée au moment de la demande
correspond à une indemnité supérieure à 5'000 fr., condition qui n'est pas réalisée en l'occurrence.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 2 mai 2023 par la vice-présidence du Tribunal de première instance dans la cause AC/3200/2022.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Etude de Me B______ (art. 137 CPC).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
La vice-présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Maïté VALENTE |
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.