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Décisions | Chambre civile

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C/2043/2021

ACJC/1221/2025 du 09.09.2025 ( OA ) , ADMIS

Normes : CPC.319.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2043/2021 ACJC/1221/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 SEPTEMBRE 2025

 

Pour

Monsieur A______, domicilié ______ (Vaud), recourant contre le Tribunal de première instance, représenté par Me Aude LONGET-CORNUZ, avocate, LBR Legal, rue Verdaine 13, case postale 3231, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           a. Le 3 février 2021, A______ a formé devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une demande unilatérale en divorce, non motivée, laquelle comportait sept pages de conclusions.

La procédure a été attribuée à la 9ème chambre du Tribunal.

b. Une audience de conciliation s'est tenue le 1er juin 2021, B______ ayant sollicité le report de l'audience précédemment fixée, pour raisons de santé.

Au terme de cette audience, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 7 juillet 2021 pour déposer une demande motivée.

c. Le conseil de A______ a sollicité plusieurs prolongations dudit délai, qui lui ont été accordées.

Le 14 septembre 2021, A______ a déposé une demande unilatérale de divorce motivée comprenant 109 pages.

d. Le conseil de B______ a sollicité plusieurs prolongations du délai pour répondre.

Le 17 janvier 2022, elle a formé une réquisition de production de pièces. La liste desdites pièces comprend 25 pages.

Le 17 janvier 2022 également, B______ a répondu à la demande sur 124 pages.

e. A______ a répliqué le 30 mai 2022 sur 106 pages et a sollicité l'audition de cinq témoins.

f. B______ a sollicité une prolongation de délai pour dupliquer au
31 octobre 2022, puis au 1er décembre 2022, au 15 janvier 2023 et au
6 février 2023.

g. Le 12 octobre 2022, A______ a déposé une requête de mesures provisionnelles portant sur la modification de la garde sur l'un des deux enfants mineurs des parties, ainsi que sur la suppression de la contribution à son entretien.

Cette requête a donné lieu à une audience devant le Tribunal le 25 novembre 2022, au terme de laquelle la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

h. Le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale a rendu son rapport le 15 décembre 2022.

Le Tribunal, par ordonnance du 9 janvier 2023, a imparti un délai de dix jours aux parties pour se déterminer sur celui-ci.

i.      Le 16 janvier 2023, B______ a formé une nouvelle réquisition de production de pièces, la liste desdites pièces comportant 27 pages. Elle a par ailleurs sollicité l'audition de dix-sept témoins.

A la même date, elle a déposé son mémoire de duplique, lequel comprend
88 pages.

j. Le 29 mars 2023, le Tribunal a rendu une ordonnance sur mesures provisionnelles.

k. Le 29 mars 2023, A______ s'est déterminé sur la duplique de sa partie adverse.

l. Le 29 mars 2023 également, B______ s'est déterminée sur des allégués complémentaires de A______ du 17 février 2023 et a formulé de nouveaux allégués.

m. Le 29 mars 2023, le Tribunal a tenu une audience de débats d'instruction, débats principaux et premières plaidoiries.

n. Le 4 mai 2023, B______ a déposé devant le Tribunal un bordereau de preuves comportant 42 pages, dont 6 de conclusions.

o. Le 5 mai 2023, le Tribunal a convoqué une audience de suite de débats d'instruction et de premières plaidoiries.

Au terme de l'audience, le Tribunal a réservé la suite de la procédure et gardé la cause à juger sur production de pièces.

p. Le 12 septembre 2023, A______ a déposé une nouvelle requête de mesures provisionnelles, portant sur le renouvellement des documents d'identité suisses des deux enfants mineurs des parties.

q. Par ordonnances du 27 septembre 2023, le Tribunal a cité les parties à comparaître à une audience fixée au 20 octobre 2023, ladite audience devant porter sur la nouvelle requête de mesures provisionnelles, ainsi que sur des faits nouveaux allégués par B______ le 15 septembre 2023.

r. Le conseil de A______ a sollicité le report de l'audience, motif pris d'un voyage à l'étranger.

L'audience a été reportée au 15 novembre 2023.

s. Le 12 octobre 2023, A______ a formé une nouvelle requête de mesures provisionnelles, portant sur la garde du second enfant des parties et la suppression de la contribution à son entretien.

t. Une audience consacrée aux requêtes de mesures provisionnelles a eu lieu le
15 novembre 2023.

Au terme de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur les deux requêtes de mesures provisionnelles et a réservé la suite de la procédure sur le fond, après la tenue de débats d'instruction.

u. Le 6 mars 2024, le Tribunal a rendu deux ordonnances sur mesures provisionnelles.

v. Le Tribunal a tenu des audiences de débats d'instruction les 8 mai, 5 juin et
25 septembre 2024, la suite de la procédure ayant été réservée.

w. Les deux enfants des parties sont devenus majeurs le 19 décembre 2024.

x. Par courrier du 9 janvier 2025, A______ a sollicité du Tribunal qu'il rende, à très brève échéance, l'ordonnance de preuves attendue depuis le
5 mai 2023. A défaut, il se verrait contrait d'agir en déni de justice.

Le Tribunal a transmis ce courrier à B______, en lui impartissant un délai pour se déterminer.

y. Par courrier du 22 janvier 2025, B______ a sollicité, pour sa part, que le Tribunal rende une ordonnance de preuves "partielle", en ordonnant la production des pièces requises en mains de A______, subsidiairement en mains de tierces personnes, le Tribunal pouvant réserver la suite de la procédure pour le surplus.

z. Par courrier du 7 février 2025, A______ s'est opposé à ce qu'une ordonnance de preuves partielle soit rendue. Il a rappelé qu'une ordonnance de preuves complète était attendue depuis le 5 mai 2023.

Il a réitéré sa position par courrier du 4 mars 2025, indiquant que si une ordonnance de preuves n'était pas rendue dans les meilleurs délais, il invoquerait un retard injustifié.

aa. B______ a allégué des faits nouveaux le 6 mars 2025, son écriture ayant été transmise à A______, un délai de 30 jours lui ayant été imparti pour se déterminer.

Elle a encore allégué des faits nouveaux le 21 mars 2025, un délai de 30 jours ayant été imparti à sa partie adverse pour se déterminer.

bb. Par ordonnance du 31 mars 2025, la cause opposant les époux A______/B______ a été attribuée à la 28ème Chambre du Tribunal, présidée par la juge C______, à compter du 1er avril 2025, le précédent magistrat en charge de l'instruction de la cause ayant pris sa retraite.

cc. Par courrier du 3 avril 2025, A______ a sollicité de la juge précitée qu'elle fasse diligence afin de rendre dans les meilleurs délais l'ordonnance de preuves attendue. Il indiquait par ailleurs que compte tenu de la reprise du dossier, il avait décidé de surseoir au dépôt d'un recours pour retard injustifié.

dd. Tout au long de l'instruction de la cause, les parties ont adressé au Tribunal de nombreuses écritures spontanées portant notamment sur des faits nouveaux, lesquelles ont généré de multiples échanges entre elles ainsi qu'avec le Tribunal et le prononcé d'ordonnances par celui-ci, portant notamment sur la recevabilité de certaines écritures. Chacune des écritures recevables a donné lieu à une ordonnance du Tribunal impartissant à la partie adverse un délai pour se déterminer, délai dont la prolongation a souvent été sollicitée, essentiellement par le conseil de B______, invoquant "une surcharge extrêmement massive de travail" (sic).

Actuellement, la procédure et les pièces y relatives sont contenues dans trois cartons.

B.            a. Le 25 juin 2025, A______ a formé auprès de la Cour de justice
(ci-après : la Cour) un recours pour retard injustifié, concluant à ce qu'il soit constaté que le Tribunal avait fait preuve de retard injustifié dans la cadre de la cause C/2043/2021 et à ce qu'il lui soit ordonné de rendre son ordonnance de preuves dans un délai de 30 jours, les frais judiciaires et les dépens devant être mis à la charge de l'Etat de Genève.

A______ a rappelé qu'une audience de suite de débats d'instruction et de premières plaidoiries s'était tenue le 5 mai 2023 devant la 9ème Chambre du Tribunal, à l'issue de laquelle la suite de la procédure avait été réservée et la cause gardée à juger sur production de pièces. Depuis lors, soit depuis plus de deux ans, l'ordonnance de preuves était attendue. Il avait interpellé à plusieurs reprises la 9ème Chambre du Tribunal, soit par écrit, soit oralement lors des audiences, sans succès. En l'absence de réaction du Tribunal, il avait à nouveau sollicité le prononcé de l'ordonnance de preuves par courrier du 9 janvier 2025, lequel avait, contre toute logique procédurale, été transmis à sa partie adverse pour détermination. Après la réattribution de la cause, il s'était empressé d'écrire à la présidence, afin de l'informer de la situation. Il n'avait toutefois eu aucun retour de la 28ème Chambre du Tribunal. L'allongement inacceptable de la procédure engendrait des conséquences négatives, puisqu'il continuait de verser une contribution de 2'290 fr. par mois à son épouse, conformément à la décision rendue sur mesures protectrices de l'union conjugale, et qu'il était impossible de procéder à la liquidation du régime matrimonial, composé notamment de biens immobiliers non occupés lesquels généraient des charges.

b. Le Tribunal s'en est rapporté à justice, tant sur la recevabilité que sur le fond du recours formé par A______. Il a relevé que la procédure comportait plus de 1000 allégués et qu'elle avait été réattribuée moins de trois mois auparavant; une audience de débats d'instruction visant à fixer la suite de la procédure serait prochainement convoquée.

c. Par avis du greffe de la Cour du 9 juillet 2025, le recourant a été informé de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours pour retard injustifié (art. 319 let. c CPC) peut être formé en tout temps (art. 321 al. 4 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable, le recourant se plaignant d'un retard injustifié du Tribunal à rendre une ordonnance de preuves.

2. 2.1 Il y a déni de justice [formel] lorsqu'une autorité refuse expressément de rendre une décision bien qu'elle y soit tenue (ATF 135 I 6 consid. 2.1;
124 V 130 consid. 4). Il y a, en revanche, retard injustifié à statuer lorsque l'autorité compétente ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Ce qui doit être considéré comme une durée raisonnable s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité et l'urgence de l'affaire, au comportement des autorités et des parties, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 135 I 265 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_670/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1; 5A_684/2013 du 1er avril 2014 consid. 6.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal est saisi depuis le 3 février 2021 de la procédure de divorce opposant les époux A______/B______. La multiplication des écritures, les principales comportant plus d'une centaine de pages chacune, les nombreuses pièces d'ores et déjà produites ainsi que les multiples écritures spontanées des parties rendent l'instruction de la cause particulièrement malaisée et permettent d'expliquer une certaine lenteur dans l'avancement de l'instruction, lenteur à laquelle les parties ont largement contribué en sollicitant la prolongation de la plupart des délais judiciaires fixés.

Cela étant, la 9ème Chambre du Tribunal a tenu une audience de suite de débats d'instruction et de premières plaidoiries le 5 mai 2023. Au terme de celle-ci, le Président de la 9ème Chambre a réservé la suite de la procédure, tout en gardant la cause à juger sur production de pièces.

Depuis lors, soit depuis plus de deux ans, aucune ordonnance n'a été rendue sur production de pièces.

S'il paraît compréhensible que ladite ordonnance n'ait pas été rendue à bref délai après l'audience du 5 mai 2023 compte tenu de l'étendue des conclusions des parties sur ce point et de la nécessité de prendre connaissance des pièces déjà versées à la procédure afin de déterminer la pertinence de celles dont la production était demandée, l'absence de toute ordonnance à fin mars 2025, date à laquelle l'ancien Président de la 9ème Chambre du Tribunal a pris sa retraite, est constitutive d'un retard injustifié à statuer, lequel sera constaté, même si les parties, par leur attitude procédurale, ont contribué à enliser la procédure.

En revanche, le même reproche ne saurait être retenu à compter du 1er avril 2025. Au moment du dépôt du recours pour retard injustifié, la juge C______ était en effet en charge de la procédure depuis moins de trois mois. Il ne saurait par conséquent lui être fait grief de ne pas avoir encore pris connaissance de l'intégralité des écritures et pièces du dossier, compte tenu de leur volume, et de ne pas avoir pris position sur la requête de production de pièces. Le Tribunal sera toutefois invité à faire diligence, notamment en fixant rapidement l'audience de débats d'instruction annoncée dans ses déterminations (art. 327 al. 4 CPC).

3. Les frais judiciaires du recours, arrêtés à 1'000 fr. (art. 42 RTFMC), seront laissés à la charge de l'Etat de Genève, compte tenu de l'issue du recours.

Des dépens, à hauteur de 800 fr., seront par ailleurs mis à la charge de l'Etat de Genève (ATF 139 III 471 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_378 2013 consid. 2.2), au vu de l'issue de la procédure, étant relevé que le recours comporte moins de 9 pages utiles.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ le 25 juin 2025 pour retard injustifié à l'encontre du Tribunal de première instance dans la cause C/2043/2021.

Au fond :

Constate le retard injustifié à statuer du Tribunal de première instance à fin mars 2025.

Invite le Tribunal de première instance à faire diligence dans le sens des considérants.

Déboute le recourant de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., à la charge de l'Etat de Genève.

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ la somme de 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Sylvie DROIN et
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Paola CAMPOMAGNANI

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.