Décisions | Chambre civile
ACJC/450/2025 du 31.03.2025 sur JTPI/14285/2024 ( OO )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/4633/2022 ACJC/450/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 31 MARS 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié c/o B______ Ltd, ______, Chypre, appelant d'un jugement rendu par la 26ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 novembre 2024, cité sur requête de fourniture de sûretés en garantie des dépens, représenté par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat, Schmidt & Associés, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève,
et
C______, sise ______ [GE], intimée et requérante sur requête de fourniture de sûretés en garantie des dépens, représentée par Me Delphine ZARB, avocate, DGE Avocats, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4.
Attendu, EN FAIT, que par jugement JTPI/14285/2024 du 15 novembre 2024, le Tribunal de première instance a débouté A______ de toutes ses conclusions (tendant en particulier au paiement par [l'agence immobilière] C______ des sommes de 53'850 fr. et 46'619 fr.) et mis les frais de la procédure à la charge de ce dernier, ordonnant notamment aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la libération des sûretés à hauteur de 11'780 fr. en faveur de C______;
Que par acte déposé à la Cour de justice le 23 décembre 2024, A______ a formé appel contre ce jugement; qu'il a conclu, avec suite de frais, à son annulation et à la condamnation de C______ à lui verser la somme de 53'850 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2021 et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite n° 1______ à concurrence de ce montant;
Que le 30 décembre 2024, C______ a formé une requête de sûretés en garantie des dépens; qu'elle a conclu à ce que A______ dépose à ce titre une somme de 12'110 fr.; qu'elle s'est prévalue du fait que le précité était domicilié à Chypre et que la valeur litigieuse était de 99'999 fr. 95;
Qu'invité à se déterminer, A______ a conclu, avec suite de frais, au rejet de cette requête; qu'il a soutenu que s'il était domicilié à Chypre, il était néanmoins propriétaire d'un bien immobilier dans le canton de Genève lui procurant un revenu locatif annuel de 28'200 fr., lequel pourrait, le cas échéant, être saisi; que la valeur litigieuse en appel s'élevait à 53'850 fr. seulement, de sorte que les sûretés qu'il devrait éventuellement verser s'élèveraient à 2'717 fr. 30;
Que C______ a répliqué, relevant qu'au vu de la valeur litigieuse énoncée par A______, le montant de sûretés devrait être fixé à 8'151 fr.;
Que A______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions;
Que les parties ont été informées par la Cour le 20 mars 2025 de ce que la cause était gardée à juger sur requête de sûretés en garantie des dépens;
Considérant, EN DROIT, qu'à teneur de l'art. 99 al. 1 let. a CPC – applicable en vertu de l'art. 11b LDIP –, le demandeur qui n'a pas de domicile ou de siège en Suisse doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens; qu'à teneur du texte de la loi, seul le défendeur de première instance peut requérir des sûretés du demandeur; que néanmoins, des sûretés peuvent également être exigées en deuxième instance (ATF 141 III 554 consid. 2.5.1; Hofman/Baeckert, in Basler Kommentar, 4ème éd., 2025, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 13 ad art. 99 CPC);
Que l'art. 17 de la Convention de la Haye relative à la procédure civile du 1er mars 1954 (RS 0.274.12) et l'art. 14 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice (RS 0.274.133) excluent la perception de sûretés en raison du domicile à l'étranger d'un demandeur;
Que Chypre, qui est partie à ces conventions, comme la Suisse, a émis une réserve concernant l'art. 17 CLaH54 ("La République de Chypre se réserve le droit de limiter l'application de l'article 17 aux nationaux des États contractants ayant leur résidence habituelle sur son territoire") ainsi que l'art. 14 CLaHa80 ("La République de Chypre se réserve le droit de ne pas appliquer le chapitre II à la non-exigence d'une caution pour les dépens pour des personnes ayant leur résidence habituelle dans un Etat contractant, qui seront demandeurs ou intervenants devant les tribunaux d'un autre Etat contractant");
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le cité est domicilié à l'étranger; que celui-ci ne soutient pas qu'il serait dispensé de fournir des sûretés en application de l'art. 17 CLaH54 ou 14CLaH80, mais qu'il est propriétaire d'un bien immobilier dans le canton de Genève dégageant un revenu locatif annuel de 28'200 fr, qui pourrait être saisi; que la possibilité de saisir des biens de la partie condamnée à verser des dépens, qui nécessiterait pour la partie créancière d'intenter une procédure, ne constitue toutefois pas un motif de dispense de fournir des sûretés, lesquelles visent précisément à éviter à cette dernière de devoir procéder au recouvrement du montant alloué à titre de dépens; que Chypre est par ailleurs indépendante du Royaume-Uni depuis 1960, de sorte que le cité ne peut se prévaloir de l'application de l'art. 3 let. b de la Convention du 3 décembre 1937 en matière de procédure civile entre la Suisse et la Grande-Bretagne (RS 0.274.183.671), en l'absence de disposition similaire applicable en l'espèce;
Que le principe de la fourniture de sûretés en garantie des dépens par le cité doit donc être admis;
Que les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que l'appelant aurait à verser à l'intimé en cas de perte totale du procès (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 7 ad art. 100 CPC);
Que le tarif des frais, qui comprend celui des dépens, est fixé par les cantons (art. 95 al. 1 et 96 CPC);
Que dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; qu'il est fixé, dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'État, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [(LaCC – E 1 05]); que lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 LaCC);
Que selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10), le défraiement est, sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC);
Que pour une valeur litigieuse au-delà de 40'000 fr. et jusqu'à 80'000 fr., le défraiement d'un représentant professionnel est de 6'100 fr., plus 9% de la valeur litigieuse dépassant 40'000 fr. (art. 85 RTFMC); que le défraiement peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'article 84 RTFMC;
Que pour les procédures d'appel ou de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC (art. 90 RTFMC);
Que les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC); que la juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC);
Qu'en l'espèce, la valeur litigieuse pertinente pour le calcul des sûretés peut être chiffrée à 53'850 fr. au vu des conclusions prises par le cité devant la Cour; qu'en application de l'art. 85 RTFMC, le défraiement auquel la requérante pourrait prétendre en cas de gain du procès pour une telle valeur litigieuse serait, en chiffres ronds, de 7'346 fr.;
Qu'après réduction selon l'art. 90 RTFMC, le montant du défraiement est compris entre 2'448 fr. et 4'897 fr., auquel s'ajoutent les débours et la TVA de 8,1%, soit un montant compris entre 2'725 fr. et 5'452 fr.;
Qu'a vu de ce qui précède, le montant des sûretés en garantie des dépens sera fixé à 4'000 fr., compte tenu de l'ensemble des critères à prendre en compte et des circonstances du cas d'espèce, soit notamment la valeur litigieuse, la difficulté et l'ampleur du travail impliqué; que même si la cause ne présente pas de difficulté particulière, il ne se justifie pas, à ce stade, de fixer un montant qui correspondrait au montant minimum qui pourrait être fixé à titre de dépens, comme le réclame le cité;
Que les sûretés ainsi fixées devront être fournies par le cité en espèces, auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse (art. 100 al. 1 CPC) et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt (art. 101 al. 1 CPC);
Que si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel (art. 101 al. 1 et 3 CPC);
Que la requérante obtient gain de cause sur le principe du versement de sûretés en garantie des dépens et le montant à verser est par ailleurs fixé entre celui réclamé en dernier lieu par la requérante (qui n'avait initialement pas connaissance du montant réclamé en appel) et celui proposé par le cité; que les frais seront donc mis à la charge de chaque partie pour moitié, au vu de l'issue du litige;
Que les frais judiciaires liés à la présente décision seront arrêtés à 300 fr. (art. 21 RTFMC) et compensés avec l’avance versée par la requérante, de sorte que le cité sera condamné à lui verser 150 fr. à ce titre;
Que chaque partie supportera ses propres dépens.
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La Chambre civile :
Statuant sur requête en constitution de sûretés en garantie des dépens:
Déclare recevable la requête en constitution de sûretés en garantie des dépens formée par C______ contre A______ le 30 décembre 2024 dans la cause C/4633/2022.
Au fond :
Impartit à A______ un délai de 30 jours dès notification du présent arrêt pour fournir aux Services financiers du Pouvoir judiciaire des sûretés d'un montant de 4'000 fr., en espèces ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse.
Dit que si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour de justice n'entrera pas en matière sur l'appel.
Déboute les parties de toutes autres conclusions
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de la présente décision à 300 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune et les compense avec l'avance versée par C______, qui reste acquise à l'État de Genève.
Condamne A______ à verser 150 fr. à C______ à titre de frais judiciaires.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
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Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.