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Décisions | Chambre civile

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C/8392/2023

ACJC/285/2025 du 11.02.2025 sur ORTPI/1335/2024 ( OO ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8392/2023 ACJC/285/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 FEVRIER 2025

 

Entre

A______, sis c/o B______, représenté par C______, ______ [VD], recourant contre une ordonnance rendue par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2024, représenté par Me Philippe EIGENHEER, avocat, DGE Avocats, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4,

Et

Monsieur D______, Madame E______, ainsi que leurs enfants mineurs F______ et G______, représentés par leurs parents D______ et E______, tous domiciliés ______ [GE], intimés représentés par Me Marc LIRONI, avocat, LIRONI AVOCATS SA, rue du Conseil-Général 18, case postale 423, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. a. Le 21 juin 2023, les époux D______ et E______, ainsi que leurs enfants mineurs F______ et G______ ont saisi le Tribunal de première instance d'une demande dirigée contre le A______ en réparation du préjudice en lien avec l'accident de la circulation routière survenu le 12 septembre 2018.

b. Dans sa réponse du 23 octobre 2023, le A______ a conclu au rejet de la demande.

c. Un second échange d'écritures a été ordonné par le Tribunal. Dans leurs écritures de réplique et de duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Dans le cadre de leurs offres de preuve, les parties ont toutes deux sollicité la mise en œuvre d'une expertise à l'appui de certains de leurs allégués.

e. Le Tribunal a tenu des débats d'instruction et ouvert les débats principaux le
25 juin 2024.

f. Par ordonnance ORTPI/1335/2024 du 1er novembre 2024, le Tribunal de première instance a, notamment, ordonné une expertise portant sur les aspects et allégués énumérés sous chiffre B.I de l'ordonnance (ch. 2 du dispositif), soit sur l'état de santé actuel de D______ en comparaison avec celui qui a été constaté en 2019, sur le dommage lié à la nécessité de soins dentaires, sur le dommage lié à la nécessité de sois ophtalmiques, sur l'état psychique de D______ et l'existence d'un lien de causalité avec l'accident du 12 septembre 2018 et ses suites, sur les capacités de D______ à travailler, à effectuer des tâches ménagères, administratives, les gestes du quotidien pour lesquels il indique que l'aide de son épouse est nécessaire, à s'occuper de ses enfants et à se déplacer, de même que sa capacité à effectuer une activité professionnelle adaptée. Il a par ailleurs imparti aux parties un délai au 4 décembre 2024 pour se prononcer sur les questions qu'elles souhaitaient voir poser aux experts (ch. 3) en leur donnant diverses instructions quant à la présentation de leurs questions en vue de l'expertise (ch. 4).

Relevant que les ordonnances de preuve pouvaient être modifiées en tout temps, le Tribunal a réservé l'interrogatoire des parties et les autres moyens de preuve à un stade ultérieur de la procédure.

B. a. Le 14 novembre 2024, le A______ a recouru contre cette ordonnance, qu'il a reçue le 4 novembre 2024. Il conclut à l'annulation des chiffres 2 du dispositif, s'agissant de la portée de l'expertise, ainsi que 3 et 4, et à ce qu'une expertise soit ordonnée portant sur les allégués des parties pour lesquels l'expertise a été offerte et dans la mesure où ils ont été contestés, à savoir les allégués 161, 187, 234, 269, 270, 276, 282, 657, 658, 681 et 700 dem., ainsi que les allégués 373 à 384, 386 à 416, 418 à 423, 424 à 435, 438 à 457, 568 à 577, 580, 750 à 757, 778, 796 et 797 déf, et à la confirmation de l'ordonnance pour le surplus, subsidiairement à l'annulation du chiffre 2 s'agissant de la portée de l'expertise et des chiffres 3 et 4 et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

b. La requête en suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée a été rejetée par la Chambre civile le 12 décembre 2024.

c. Dans leur réponse du 16 décembre 2024, D______, E______, F______ et G______ ont conclu au rejet du recours.

d. Par avis du 20 janvier 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre des décisions et ordonnances d’instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision pour les ordonnances d’instruction (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 En l'espèce, l'ordonnance querellée, aux termes de laquelle le premier juge a ordonné la mise en œuvre d'une expertise, est une ordonnance d'instruction, ce qui n'est pas remis en cause par les parties.

Interjeté dans le délai imparti et suivant la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et CPC), le recours est recevable sous cet angle.

2.             Reste à déterminer si l’ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au recourant au sens de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC.

2.1 Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378
consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2; Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC et les références citées).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1051/2020 du 28 avril 2021 consid. 3.1).

La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités). La règle comporte toutefois des exceptions. Il en va ainsi, notamment, lorsqu'un moyen de preuve risque de disparaître ou que la sauvegarde de secrets est en jeu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_240/2024 du 17 mai 2024 consid. 4.3; 5A_1058/2019 du 4 mai 2020 consid. 1; 4A_108/2017 du 30 mai 2017 consid. 1.2).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 134 III 426 consid. 1.2 par analogie).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (BRUNNER, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2016, n. 13
ad art. 319 CPC).

2.2 En l'espèce, le recourant reproche au Tribunal d'avoir ordonné une expertise sur des allégués pour lesquels les parties n'avaient pas sollicité cette mesure probatoire tout en la refusant sur des éléments pour lesquels elle avait été requise en violation de articles 8 CC, 55 al. 1, 152 sl. 1 et 183 al. 1 CPC et d'exposer ainsi les parties au risque d'obtenir une expertise dont les conclusions seraient inexploitables.

Le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il soutient qu'il lui serait quasiment impossible d'obtenir, dans le cadre d'une éventuelle procédure d'appel contre le jugement à rendre sur le fond du litige, une modification de la portée de l'expertise mise en œuvre par le Tribunal. Il sera tout d'abord relevé que le premier juge a, dans l'ordonnance querellée, réservé d'éventuelles autres mesures probatoires. Rien ne permet ensuite de retenir que le recourant ne serait pas en mesure d'obtenir que l'administration des preuves soit complétée s'il établit que son droit à la preuve n'a pas été respecté, ou encore qu'il ne soit pas tenu compte de moyens probatoires par hypothèse ordonnés sans avoir été valablement requis. Le recourant ne fait par ailleurs valoir aucun risque lié à la disparition d'un moyen de preuve ou d'une atteinte à ses intérêts qu'une décision rendue à l'issue de la procédure ne serait pas en mesure de réparer.

Ces circonstances conduisent à retenir que le recourant ne subit aucun préjudice difficilement réparable en lien avec l'ordonnance attaquée.

Son recours est en conséquence irrecevable.

3. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 41 RTFMC), mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais fournie, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera en outre condamné à verser la somme de 1'200 fr. aux intimés, créanciers solidaires, à titre de dépens de recours (art. 95 al. 1 et 3; art. 106 al. 1 CPC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable l'appel interjeté par le A______ contre l'ordonnance ORTPI/1335/2024 rendue le 1er novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8392/2023.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'200 fr., les met à la charge du A______ et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquises à l'Etat de Genève.

Condamne le A______ à verser la somme de 1'200 fr. à D______, E______, F______ et G______, créanciers solidaires.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, qui ne constitue pas une décision finale, peut être portée, dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (art. 72 LTF), aux conditions de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.