Décisions | Chambre civile
ACJC/1637/2024 du 10.12.2024 sur OTPI/472/2024 ( SCC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/6416/2024 ACJC/1637/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 10 DECEMBRE 2024 |
Entre
1) Madame A______, domiciliée ______,
2) B______ SA, sise ______,
toutes deux recourantes contre une ordonnance rendue par une délégation du Tribunal civil de ce canton le 24 juillet 2024, représentées par Me C______, avocate,
et
COMMUNE DE D______, sise ______, intimée, représentée par Me Boris LACHAT, avocat, Lachat Marconi Muller Avocats, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219,
1211 Genève 8.
A. a. E______, juge au Tribunal civil, est en charge des procédures C/1______/2022, C/2______/2022 et C/3______/2022 opposant A______ et B______ SA, locataires, d'une part, à la COMMUNE DE D______, bailleresse, d'autre part, pendantes devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après le Tribunal). La première procédure porte sur la validation d'une consignation de loyer par les locataires, comportant des conclusions en exécution de travaux dans les locaux loués, en réduction de loyer et en paiement d'un montant de l'ordre de 3'000'000 fr. Les deux autres procédures portent sur des contestations de congés donnés par la bailleresse.
b. Le Tribunal a ouvert les débats principaux dans la cause C/1______/2022 à l'issue d'une audience de débats d'instruction s'étant tenue le 19 septembre 2023.
c. Par citation du 21 novembre 2023, le Tribunal a convoqué une audience de débats principaux dévolue à l'audition, voire l'interrogatoire des parties, devant se tenir le 16 janvier 2024 à 10h15.
L'avocate de A______ et de B______ SA, admet que son Etude a égaré cette citation et ne l'a pas retranscrite dans l'agenda.
d. Le 16 janvier 2024, le Tribunal siégeait dans une composition constituée de la juge E______ en qualité de présidente de chambre, des juges assesseurs bailleur et locataire, ainsi que de la greffière de chambre.
Les représentants de la COMMUNE DE D______ et leurs conseils se sont présentés à l'huissier du Tribunal quelques minutes avant l'heure de l'audience et se sont installés à proximité de la salle d'attente.
A 10h15, ni A______, ni B______ SA, ni leur avocate n'étaient présentes.
Le Tribunal a tenté d'atteindre cette dernière par téléphone, sans succès.
Les représentants de la COMMUNE DE D______ et leurs conseils ont alors quitté les locaux du Tribunal, tout en demandant à l'huissier de pouvoir annoncer au Tribunal, sans entrer dans la salle d'audience, qu'ils partaient.
Lorsque le Tribunal a appelé la cause à 10h30, aucune des parties n'a comparu. Il en a fait mention au procès-verbal, précisant qu'il avait tenté en vain d'atteindre l'avocate de A______ et de B______ SA par téléphone. Il a rayé la cause du rôle en application de l'art. 234 al. 2 CPC, décision qu'il a également inscrite au procès-verbal.
Le Tribunal a communiqué le procès-verbal d'audience le jour même par pli recommandé aux parties, lesquelles l'ont reçu le lendemain.
e. Le 17 janvier 2024, le Tribunal a notifié aux parties un avis, reçu le lendemain, de "rayé du rôle" JTBL/39/2024, avec mention du défaut des deux parties à l'audience du 16 janvier 2024, de l'art. 234 al. 2 CPC et de la voie du recours au sens des art. 319 et ss CPC.
f. Par courrier du 17 janvier 2024, A______ et B______ SA ont sollicité du Tribunal le relief de leur défaut et la restitution de l'audience. Elles ont allégué que leur conseil avait omis de reporter la convocation dans l'agenda de l'Etude, raison pour laquelle personne ne s'était présenté à l'audience. Par ailleurs, leur conseil était alitée le 16 janvier 2024, ce qui expliquait que celle-ci n'avait pas pu être atteinte par téléphone.
g. Elles ont également demandé au Tribunal, par courrier du 19 janvier 2024, des détails du déroulement des faits le 16 janvier 2024, notamment si la COMMUNE DE D______ s'était présentée au Tribunal ou si elle avait été également absente, comme le laissait penser le procès-verbal. Elles avaient en effet "acquis la conviction que [la COMMUNE DE D______ avait] bel et bien été présente à l'audience". Le Tribunal n'a pas répondu à ce courrier.
h. La COMMUNE DE D______ s'est opposée à la restitution de l'audience dans des déterminations du 19 janvier 2024.
i. Les parties se sont encore exprimées les 31 janvier et 2 février 2024, persistant dans leurs conclusions.
j. Par décision JTBL/266/2024 du 11 mars 2024, le Tribunal a rejeté la demande de restitution de l'audience du 16 janvier 2024. Il a en substance considéré que l'omission de reporter une audience dans l'agenda de l'Etude n'était pas une faute légère de l'avocate permettant la restitution au sens de l'art. 148 CPC et que la maladie de l'avocate n'était pas non plus un motif de restitution, ce d'autant plus que "la maladie n'[était] pas établie".
Le Tribunal a notamment précisé, dans l'état de fait de sa décision, que "la partie défenderesse a[vait] délibérément choisi de ne pas comparaître à l'audience, ce dont elle avait informé le Tribunal oralement, avant le début de l'audience et sans entrer dans la salle d'audience; […] ainsi, à 10h30, lorsque le Tribunal a[vait] voulu débuter l'audience, aucune des parties n'était ni présente, ni représentée".
k. A______ et B______ SA ont recouru le 19 février 2024 contre l'avis de "rayé du rôle" JTBL/39/2024.
Dans leur recours, elles ont reproché au Tribunal d'avoir indûment considéré comme non comparante une partie qui s'était rendue à l'audience afin de permettre la radiation de la cause du rôle et d'avoir, de surcroît, couvert sa complaisance par un procès-verbal mensonger.
l. Parallèlement à leur tentative d'obtenir le relief de leur défaut, A______ et B______ SA ont déposé, le 19 février 2024, une plainte pénale dénonçant un faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques et abus d'autorité à l'encontre de la greffière de chambre. Elles soutenaient dans cette plainte que l'avocat de la COMMUNE DE D______ était bien à l'audience du 16 janvier 2024, au su et au vu du Tribunal, de sorte que le procès-verbal indiquait faussement qu'il n'aurait pas été là, de manière à laisser croire à la partie adverse que toutes les parties avaient été absentes.
m. Au vu de cette plainte, les conseils de la COMMUNE DE D______ ont adressé le 6 mars 2024 à la greffière de chambre une description des faits survenus le 16 janvier 2024 afin qu'elle puisse s'en prévaloir dans la procédure pénale.
Ils déclaraient être arrivés au Tribunal à 10h05 et s'être annoncés à l'huissier présent dans les couloirs. Ils ont ajouté : "constatant vers 10h20 que les demanderesses et leur conseil n'étaient pas présentes, nous avons conseillé, vu la teneur de l'art. 234 al. 2 CPC, à notre mandante (…) de ne pas se présenter à l'audience convoquée et de quitter le bâtiment avant que l'audience ne soit ouverte, soit de faire défaut. Une fois cette décision prise, le soussigné de gauche a demandé vers 10h25 à l'huissier d'ouvrir la porte de la salle d'audience, pour en informer par courtoise oralement le Tribunal sans entrer dans la salle et avant que l'audience ne soit ouverte. Nous avons ensuite directement quitté le bâtiment, accompagnés [des représentants de la COMMUNE DE D______]".
B. a. Par acte expédié le 15 mars 2024 au Tribunal, A______ et B______ SA ont demandé la récusation de la juge E______ dans les causes C/1______/2022, C/2______/2022 et C/3______/2022, dépens à la charge de l'Etat de Genève.
Elles ont en substance soutenu que la juge E______ s'était montrée prévenue à leur encontre. Elle avait manifesté de la sympathie envers leur partie adverse au cours de l'audience du 19 septembre 2023. Suite à l'audience du 16 janvier 2024, elle avait refusé de collaborer lorsqu'elles avaient demandé des précisions sur le déroulement de l'audience du 16 janvier 2024 par courrier du 19 janvier 2024, laissant planer le doute sur le fait que leur adverse partie avait été présente à l'audience nonobstant la teneur du procès-verbal. Elles n'avaient appris ce qui s'était réellement passé le 16 janvier 2024 que par le courrier du 6 mars 2024 des avocats de la COMMUNE DE D______ à la greffière et la motivation de la décision du Tribunal du 11 mars 2024. Il en découlait qu'il y avait eu connivence entre le Tribunal et la COMMUNE DE D______ pour faussement admettre que cette dernière n'avait pas comparu, afin de provoquer artificiellement la radiation de la cause du rôle. A______ et B______ SA soulignaient le fait que, sans le dépôt d'une plainte pénale, la fausseté de la teneur du procès-verbal n'aurait pas été révélée et la vérité n'aurait jamais jailli sous la plume des conseils de la COMMUNE DE D______ dans leur courrier du 6 mars 2024 et sous celle du Tribunal dans sa décision du 11 mars 2024. A cet égard, elles reprochaient encore à la juge E______ de s'être entendue avec les conseils de la COMMUNE DE D______ sur la version des faits à exposer. Elles ont finalement relevé que le Tribunal avait adopté une attitude désobligeante et attentatoire à la probité de leur avocate dans la décision du 11 mars 2024 en considérant que la maladie de l'intéressée n'était pas établie.
b. Dans ses observations du 8 mai 2024, la COMMUNE DE D______ a conclu à l'irrecevabilité de la demande de récusation pour tardiveté et, en tout état, à son rejet, contestant en substance tout entente entre elle et le Tribunal pour créer artificiellement les conditions d'une radiation de la cause du rôle pour défaut de toutes les parties et ensuite développer un narratif mensonger coordonné.
c. Dans ses déterminations du 23 avril 2024, la juge E______ a principalement conclu à l'irrecevabilité de la demande de récusation pour tardiveté. Sur le fond, elle a conclu à son rejet contestant toute concertation avec la COMMUNE DE D______ en vue de radier de la cause du rôle pour défaut de toutes les parties. Elle a notamment relevé qu'elle n'avait pas à mentionner au procès-verbal que la partie défenderesse avait été présente dans les locaux du Tribunal avant l'ouverture de l'audience, seule l'absence à l'ouverture des débats étant pertinente. Elle avait de surcroît tenté de prendre contact avec l'avocate de A______ et de B______ SA afin de l'avertir de la tenue de l'audience, attitude qui permettait d'exclure toute prévention à l'encontre de A______ et B______ SA, ainsi que de leur conseil.
d. Par ordonnance OTPI/472/2024 du 24 juillet 2024, reçue le 26 juillet 2024 par les parties, la délégation du Tribunal civil chargée de statuer sur la demande de récusation a déclaré celle-ci irrecevable et mis les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., à la charge de A______ et de B______ SA.
Formée le 19 mars 2024, la demande de récusation était tardive, car A______ et B______ SA disposaient de tous les éléments suffisants pour la motiver le 19 février 2024, date à laquelle elles avaient été en mesure de déposer un recours et une plainte pénale faisant état de toutes les circonstances invoquées à l'appui de la récusation. Par surabondance de moyens, la délégation a considéré que les griefs de A______ et B______ SA auraient dû être invoqués par les voies de recours ordinaires prévues par le CPC, les éventuelles erreurs de procédure de la juge E______ n'étant pas suffisamment graves pour fonder une suspicion de prévention et la récusation.
C. a. Par acte expédié le 5 août 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ SA ont formé un recours contre cette ordonnance, concluant à son annulation, puis, cela fait, à ce que la juge E______ soit récusée dans les causes C/1______/2022, C/2______/2022 et C/3______/2022, à ce que son remplacement par un autre juge du Tribunal civil soit ordonné, à ce qu'il soit dit que les dépens de la cause resteraient à la charge de l'Etat de Genève et à ce que tout opposant soit débouté de toutes autres conclusions. Subsidiairement, elles ont conclu à l'annulation de l'ordonnance entreprise et au renvoi de la cause à la délégation du Tribunal civil en charge de la récusation.
Elles ont allégué avoir déposé, le 22 mars 2024, un complément à leur plainte pénale du 19 février 2024, étendant celle-ci à la juge E______ (allégué nouveau n° et pièce nouvelle n° 22).
b. Dans sa réponse au recours du 11 septembre 2024, la COMMUNE DE D______ a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité des faits et moyens preuves nouveaux invoqués par les recourantes et, principalement, au rejet du recours, à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation des recourantes aux dépens de recours.
c. Dans ses observations du 16 septembre 2024, la juge E______ a renvoyé à ses déterminations devant le Tribunal. Elle a complété son argumentation sur le fond et conclu au rejet du recours.
d. Par avis du 10 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
D. Par arrêt ACJC/1166/2024 du 25 septembre 2024, la Cour de justice a confirmé l'avis de "rayé du rôle" JTBL/39/2024 contre lequel A______ et B______ SA avaient recouru le 19 février 2024. Elle a notamment considéré que la mention au procès-verbal d'audience du 16 janvier 2024 de l'absence de toutes les parties n'était pas fausse. Le fait que la COMMUNE DE D______ avait été présente dans les locaux du Tribunal n'impliquait pas qu'elle avait été présente au moment où la cause avait été appelée, puisqu'elle avait alors quitté les lieux. Ce choix procédural de quitter le Tribunal lui incombait et elle n'avait pas à s'en justifier, étant relevé que le Tribunal ne pouvait contraindre la COMMUNE DE D______ à comparaître à l'audience.
Cet arrêt fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral actuellement pendant.
1. 1.1 Les décisions statuant sur une demande de récusation sont uniquement susceptibles de faire l'objet d'un recours, écrit et motivé, auprès de la Chambre civile de la Cour de justice dans un délai de 10 jours à compter de leur notification (art. 50 al. 2 et 321 al. 1 et 2 CPC; art. 13 al. 2 LaCC).
1.2 La procédure sommaire est applicable (ATF 145 III 469 consid. 3.3).
1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, dans la mesure des griefs motivés soulevés par les parties (ATF 145 III 469 consid. 3.3 relatif à l'appel, applicable au recours selon arrêt du Tribunal fédéral 5A_437/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.2.1 et 4.2.2).
1.4 Ci-après, A______ et B______ SA seront désignées comme "les recourantes", la COMMUNE DE D______ comme "l'intimée" et la juge E______ comme "la juge intimée".
2. L'allégué nouveau n° 5 et la pièce nouvelle n° 22 des recourantes ne sont pas recevables dans une procédure de recours (art. 326 al. 1 CPC). En tout état, ils ne sont pas pertinents pour l'issue du litige.
3. 3.1 Le juge est dessaisi de la cause à partir du moment où il a rendu son jugement. Sous réserve de diverses exceptions, il voit alors sa compétence s'éteindre relativement à la cause jugée. Si un motif de récusation n'est découvert qu'après la clôture de la procédure et que la décision du juge est entrée en force, les dispositions sur la révision sont applicables (art. 51 al. 3 et 328 ss CPC). Si le motif de récusation apparaît entre le prononcé de la décision et son entrée en force, il doit être invoqué dans le cadre de l'appel ou du recours (ATF 139 III 120 consid. 2 et 3.1).
3.2 En l'occurrence, la juge intimée avait purgé sa saisine au moment du dépôt de la demande de récusation. Des voies de recours étaient ou avaient été ouvertes contre ses décisions. Les motifs de récusations auraient par conséquent dû être invoqués dans le cadre du recours contre la décision de "rayé du rôle" ou du recours contre la décision de refus de restitution de l'audience, et non pas devant le Tribunal sous la forme d'une demande de récusation. Dans l'hypothèse où il aurait été trop tard pour invoquer ces motifs dans le cadre de l'un de ces deux recours, une demande de révision aurait dû être déposée devant le Tribunal.
La demande de récusation déposée devant le Tribunal est par conséquent irrecevable pour ce motif déjà.
4. Les recourantes reprochent à la délégation du Tribunal civil d'avoir déclaré leur demande de récusation irrecevable en raison de sa tardiveté.
4.1 La partie qui entend obtenir la récusation d'un magistrat judiciaire la demande au tribunal aussitôt qu'elle a eu connaissance du motif de récusation. Elle doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande (art. 49 al. 1 CPC).
Même si la loi ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la demande de récusation doit être formée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_277/2008 du 13 novembre 2008 consid. 2.3; 2C_239/2010 du 30 juin 2010 consid. 2.1).
En matière pénale, le Tribunal fédéral a retenu qu'une demande de récusation déposée six à sept jours après la connaissance du motif de récusation est déposée à temps. En revanche, il n'est pas admissible d'attendre deux ou trois semaines (arrêts du Tribunal fédéral 1B_274/2013 du 19 novembre 2013 consid. 4.1; 1B_499/2012 du 7 novembre 2012 consid. 2.3).
Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question de l'application analogique de l’art. 51 al. 1 CPC à la demande de récusation, ce qui aurait exclu tout délai supérieur à 10 jours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_600/2015 du 1er avril 2016 consid. 6.3; 4A_104/2015 du 20 mai 2015 consid. 6).
Un délai de 40 jours entre le moment de la connaissance du motif de récusation et celui du dépôt de la demande de récusation ne peut en revanche manifestement pas être considéré comme compatible avec la notion de "aussitôt" (arrêt du Tribunal fédéral 4A_104/2015 du 20 mai 2015 consid. 6).
La partie demanderesse ne devant rendre que vraisemblables les faits qu’elle allègue à l'appui de la récusation (art. 49 al. 1, 2ème phrase, CPC), elle doit agir sans plus attendre dès qu'elle est en mesure de le faire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_843/2019 du 8 avril 2020 consid. 4.2.3).
Si plusieurs incidents ne fondent qu'ensemble un motif de récusation, le délai pour invoquer la récusation intervient lorsque de l'avis du demandeur la "dernière goutte a fait déborder le vase" (arrêt du Tribunal fédéral en matière pénale 1B_357/2013 du 24 janvier 2014 consid. 5.3.1 et 5.3.3).
4.2 En l'espèce, ainsi que l'a retenu la délégation du Tribunal civil, les recourantes ont exprimé dès le 19 janvier 2024 des doutes sur le fait que l'intimée aurait été présente à l'audience du 16 janvier 2024, contrairement à ce que mentionnait le procès-verbal selon leur lecture de cet acte. Le 19 janvier 2024, elles ont affirmé que tel avait été le cas dans le cadre de la plainte pénale déposée contre la greffière ayant siégé le 16 janvier 2024, dans laquelle elles exposaient déjà tous les faits reprochés ultérieurement à la juge intimée dans la demande de récusation. Le 19 février 2024 toujours, elles ont recouru contre l'avis de "rayé du rôle" JTBL/39/24 en évoquant à nouveau les mêmes circonstances. Dès cette date, les éléments justifiant la récusation étaient par conséquent connus des recourantes et le délai pour la solliciter courait. Le dépôt de la demande de récusation le 15 mars 2024, près d'un mois plus tard, était par conséquent tardif.
Le fait que la juge intimée et les conseils de l'intimée n'aient formellement exposé le déroulement des faits survenus le 16 janvier 2024, la première dans sa décision du 11 mars 2024 et les seconds dans leur courrier à la greffière du Tribunal du 6 mars 2024, ne permet pas de faire courir à nouveau le délai pour solliciter la récusation dès ces dates, s'agissant de la confirmation par les intéressés de faits déjà dénoncés. Or, la récusation doit être demandée dès que les motifs à l'appui sont connus et vraisemblables, et non pas prouvés.
Il ne saurait non plus être retenu que le délai pour demander la récusation n'aurait couru que dès la décision de la juge intimée du 11 mars 2024, rejetant la demande de restitution de l'audience, parce que la précitée y aurait tenu des propos désobligeants envers l'avocate des recourantes en considérant sa maladie alléguée comme non prouvée. On ne voit pas en quoi ces propos seraient désobligeants et seraient le signe d'une prévention de la juge intimée. Il est constant que l'avocate n'a pas fourni de preuve de sa maladie.
De même, on ne peut soutenir que le délai n'aurait couru que dès la décision du 11 mars 2024 de la juge intimée ou dès le courrier du 6 mars 2024 à la greffière, au motif qu'ils seraient le reflet d'une entente entre la juge intimée et l'intimée en vue d'exposer une version coordonnée et mensongère du déroulement des faits du 16 janvier 2024. L'existence d'une telle entente ne repose que sur des suppositions des recourantes et ne trouve appui sur aucun indice concret.
Il résulte de ce qui précède que la délégation du Tribunal civil a retenu à raison l'irrecevabilité de la demande de récusation pour tardiveté.
5. Le recours contre la décision de la délégation du Tribunal civil OTPI/472/2024 du 24 juillet 2024 sera par conséquent rejeté.
6. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 800 fr. (art. 95 al. 1 et 2, 96 CPC; art. 19 et 41 RTFMC), seront mis à la charge des recourantes qui succombent (art. 106 al. 1 CPC) et compensées avec les avances fournies qui sont acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Pour les mêmes motifs, des dépens de recours en 1'000 fr. seront alloués à la partie intimée (art. 95 al. 3, 106 al. 1, 111 al. 2 CPC; art. 86 et 90 RTFMC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2024 par A______ et B______ SA contre l'ordonnance OTPI/472/2024 rendue le 24 juillet 2024 par la délégation du Tribunal civil dans la cause C/6416/2024.
Au fond :
Le rejette.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 800 fr., les met à la charge à la charge de A______ et B______ SA et les compense avec l'avance de frais de même montant qui est acquise à l'Etat de Genève.
Condamne solidairement A______ et B______ SA à verser à la COMMUNE DE D______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.