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Décisions | Chambre civile

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C/25873/2019

ACJC/1469/2024 du 21.11.2024 sur JTPI/12595/2023 ( OO )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25873/2019 ACJC/1469/2024

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance le 31 octobre 2023 et intimée sur appel joint, représentée par Me Virginie JORDAN, avocate, JordanLex, rue de la Rôtisserie 4, case postale, 1211 Genève 3,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me Malek ADJADJ, avocat, AAA Avocats SA, rue du Rhône 118, case postale 3221, 1211 Genève 3,

2) Les mineures C______ et D______, domiciliées chez leur mère, Madame A______, ______ [GE], autres intimées, représentées par Maître E______,

 

 


Attendu, EN FAIT, que A______, née le ______ 1982 au Canada, et B______, né le ______ 1981 en Côte d'Ivoire, se sont mariés le ______ 2014 au Canada;

Qu'ils sont les parents de C______, née le ______ 2013, et de D______, née le ______ 2016;

Que B______ est également le père de F______, né le ______ 2020, et dont la mère est G______;

Que A______ et B______ se sont séparés le 16 août 2017;

Que B______ vit avec G______ et leur fils;

Que, par ordonnance du 2 novembre 2017, le Tribunal - statuant d'entente entre les parties sur mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale (C/1______/2017) initiée par l'épouse - a notamment attribué à celle-ci la garde des enfants et la jouissance exclusive du domicile conjugal et réservé au père un droit de visite à exercer un week-end sur deux du vendredi soir au dimanche soir, ainsi que deux soirs par semaine la semaine suivant le week-end de garde, en alternance avec un soir par semaine pour la semaine suivante;

Que, par jugement JTPI/1279/2018 du 26 janvier 2018, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale dans le cadre de la procédure C/1______/2017, le Tribunal a, notamment, attribué à A______ la garde de fait des mineures C______ et D______ et réservé à B______ un droit de visite à exercer largement et d'entente entre les parties, mais au minimum un week-end sur deux, du vendredi soir au dimanche soir, ainsi que les mercredis soirs et jeudi soirs la semaine consécutive au week-end de garde, en alternance avec le mardi soir de la semaine suivante;

Que, par ordonnance DTAE/1516/2019 du 14 mars 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant s'est déclaré incompétent pour statuer sur une requête par laquelle A______ sollicitait notamment l'autorisation de déplacer au Canada la résidence habituelle des enfants;

Que la cause a été transmise au Tribunal, qui entretemps avait été saisi par B______ d'une action en modification des mesures protectrices, enregistrée sous le n° C/2______/2019;

Que, dans cette procédure, B______ faisait valoir que, vu le déménagement envisagé par A______ à H______ (Canada), il était dans l'intérêt bien compris des enfants qu'elles soient mises sous sa garde;

Que, dans son rapport d'évaluation sociale du 20 janvier 2020, établi à la demande du Tribunal, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après: SEASP) - après avoir rencontré les parents, auditionné C______, seule, et s'être entretenu téléphoniquement avec l'enseignante de C______ et la maman de jour s'occupant des deux enfants - a estimé qu'il était conforme à l'intérêt des deux filles de ne pas accéder à la demande d'autorisation de modification de leur lieu de résidence, d'instaurer une garde alternée d'une semaine chez chaque parent avec échange des enfants le lundi matin à l'entrée à l'école, ainsi que la moitié des vacances scolaires en alternance, réparties par quinzaine durant l'été, de fixer le domicile légal des enfants chez A______ et d'exhorter les parents à entreprendre une médiation familiale;

Que, par jugement JTPI/15322/2020 du 8 décembre 2020, rendu dans la cause C/2______/2019, le Tribunal a interdit à A______ de modifier le lieu de résidence des enfants et maintenu les précédentes mesures protectrices;

Que, par acte du 12 novembre 2019, B______ a formé devant le Tribunal une demande unilatérale en divorce, en concluant notamment à l'attribution à lui-même de la garde des enfants et du droit de déterminer leur lieu de résidence (présente cause C/25873/2023);

Que A______ a conclu, principalement, au maintien de l'autorité parentale conjointe - sous réserve de la faculté de déterminer le lieu de résidence des enfants laquelle devait être retirée à son époux -, à l'attribution en sa faveur de la garde des mineures, à ce que leur lieu de résidence soit fixé à son domicile, à H______, et à ce qu'un droit de visite devant s'exercer pendant toutes les vacances scolaires des enfants, à l'exception de deux semaines en été, ainsi qu'à raison de deux appels téléphoniques (SKYPE) par semaine, soit accordé à B______;

Que, subsidiairement, A______ a conclu au maintien de l'autorité parentale conjointe sans restriction, à l'attribution à elle-même de la garde des enfants et à ce qu'un droit de visite devant s'exercer d'entente entre les parties mais au minimum un week-end sur deux, du vendredi soir au lundi à l'école, un soir par semaine et la moitié des vacances scolaires, soit accordé à B______;

Que, dans un rapport d'évaluation sociale complémentaire établi le 12 mai 2021 à la demande du Tribunal, le SEASP a repris les mêmes recommandations que celles formulées le 20 janvier 2020 dans le cadre de la procédure de modification des mesures protectrices;

Qu'à l'appui de ses recommandations, le SEASP a retenu que les enfants vivaient à Genève depuis plusieurs années, qu'elles avaient tissé des liens avec leur petit-frère et étaient bien prises en charge par leur père et sa compagne, que les parents présentaient tous deux de bonnes compétences parentales et étaient également investis auprès des enfants, que la communication entre eux méritait toutefois d'être travaillée dans le cadre d'une médiation familiale, que B______ offrait un cadre de vie agréable et cohérent aux enfants, que le rythme haché des visites élargies étant propice à générer de la fatigue chez les mineures, une garde alternée pouvait être instaurée et que le père n'était au demeurant pas opposé à ce que le domicile légal des enfants soit fixé chez leur mère;

Que, par ordonnance du 25 octobre 2021, le Tribunal a ordonné la représentation des enfants par Me E______;

Que, par ordonnance OTPI/501/2022 du 19 juillet 2022, confirmée par la Cour de justice par arrêt ACJC/368/2023 du 14 mars 2023, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles de divorce, a réservé à B______ un droit de visite sur ses filles C______ et D______, à exercer, à défaut d'accord contraire des parties, une semaine sur deux, du mercredi soir au lundi matin, lors de l'entrée à l'école et modifié le jugement n° JTPI/1279/2018 sur mesures protectrices de l'union conjugale du 26 janvier 2018 en conséquence;

Que, sur le fond, B______ a conclu, en dernier lieu, principalement, à ce qu'une garde partagée entre les parents soit instaurée, celle-ci devant s'exercer à raison d'une semaine chacun avec passage des enfants le lundi matin à l'école, ainsi que la moitié des vacances scolaires; que, subsidiairement, il a conclu à ce que la garde des enfants lui soit attribuée, avec un droit de visite devant s'exercer durant la moitié des vacances scolaires en faveur de la mère;

Que A______ a modifié ses conclusions subsidiaires, en ce sens que le droit de visite du père s'exercerait durant un week-end sur deux, du vendredi à 18h30 au dimanche à 18h, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, sauf accord contraire des parties;

Que, par la voix de leur curatrice de représentation, les mineures ont conclu au maintien de l'autorité parentale conjointe, à l'attribution de leur garde à la mère, et à ce qu'un droit de visite devant s'exercer jusqu'à la fin de l'année scolaire 2022-2023, sauf accord contraire des parties, une semaine sur deux du mercredi soir au lundi matin, retour à l'école, ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires en alternance, réparties par quinzaine durant l'été, et dès la rentrée scolaire 2023, pendant les périodes scolaires, à quinzaine du mardi soir au lundi matin de la semaine suivante à la rentrée des classes, soit réservé à B______;

Qu'elles ont fait valoir qu'un départ au Canada était prématuré;

Que, par jugement de divorce JTPI/12595/2023 du 31 octobre 2023, reçu le 2 novembre 2023 par A______, le Tribunal a notamment maintenu l'autorité parentale conjointe, interdit à la précitée de modifier le lieu de résidence des enfants, attribué la garde de celles-ci à la mère, dit que le domicile légal de C______ et D______ était au domicile de A______ et réservé à B______ un droit de visite sur les enfants à exercer, à défaut d'accord contraire des parties, une semaine sur deux, du mercredi soir au lundi matin, à l'entrée à l'école;

Que le Tribunal a considéré que, si les capacités parentales des parties étaient adéquates et équivalentes, il apparaissait néanmoins que, dans l'hypothèse d'un déménagement de la mère, l'option consistant à demeurer en Suisse offrirait en l'état plus de stabilité aux enfants, ce qui était sans aucun doute dans leur intérêt; qu'en effet, les mineures demeureraient dans un environnement familier en compagnie de personnes qu'elles connaissaient bien et qui partageaient leur quotidien, alors que, au Canada, tout serait à reconstruire, quand bien même elles seraient avec la mère; qu'en Suisse, elles auraient également la possibilité de continuer à investir leur rôle de grandes sœurs, ce qui serait inenvisageable à distance au vu notamment de l'âge des membres de la fratrie; que D______ serait en outre contrainte d'interrompre son suivi thérapeutique, ce qui ne serait pas conforme à son bien-être; que non seulement il n'était pas possible de déterminer le délai dans lequel un nouveau suivi pourrait être mis en place au Canada, mais en plus, il convenait de préserver le lien de confiance tissé jusque-là avec sa thérapeute, compte tenu du fait que la mineure semblait avoir de la peine à interagir avec les adultes;

Que la mère avait indiqué, dans le cadre de la procédure de mesures provisionnelles, qu'elle n'entendait pas vouloir partir au Canada sans ses enfants, de sorte que le Tribunal s'est limité à lui interdire de modifier le lieu de résidence des enfants de Genève au Canada;

Que, par acte du 4 décembre 2023, A______ a formé appel contre le jugement précité, en contestant notamment l'interdiction de modifier le lieu de résidence des enfants et le droit de visite accordé au père;

Qu'elle conclut, préalablement, à ce que la Cour ordonne l'établissement d'un rapport d'évaluation complémentaire par le SEASP et l'audition des enfants sur la question du départ au Canada;

Que les mineures, soit pour elles, leur curatrice, concluent, préalablement, à l'établissement d'un rapport complémentaire par le SEASP portant sur la question du projet de départ au Canada de leur mère et sur les mesures de protection nécessaires et/ou adéquates en cas de permanence en Suisse et, principalement, à la réserve des conclusions de la curatrice sur les questions du déplacement du lieu de résidence et du droit de visite du père;

Que B______ conclut au rejet des conclusions d'appel de A______; que, sur appel joint, il conclut, principalement, à l'instauration d'une garde alternée et, subsidiairement, à l'attribution à lui-même de la garde des enfants, à la fixation du domicile légal des enfants chez lui et à la réserve d'un droit de visite à la mère;

Que le père, principalement, s'oppose à l'établissement d'un rapport complémentaire d'évaluation par le SEASP; que, subsidiairement, il conclut à ce qu'un éventuel rapport soit immédiatement sollicité, afin de ne pas retarder davantage l'instruction de la procédure;

Que les parties ont déposé diverses déterminations spontanées, notamment au sujet des suivis thérapeutiques de la mineure D______;

Que ces échanges mettent en évidence la persistance de la mésentente des parents et de la difficulté de ceux-ci à communiquer;

Que les parties ont été informées le 5 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger;

Considérant, EN DROIT, que, saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC);

Que pour statuer sur le sort d'un enfant mineur, elle applique les maximes d'office et inquisitoire illimitée (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 CPC), de sorte qu'elle n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_841/2018 et 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2);

Que l'instance d'appel peut décider librement d'administrer des preuves (art. 316
al. 3 CPC), étant précisé que l'administration des preuves peut être déléguée à un ou plusieurs de ses membres (art. 155 al. 1 CPC);

Qu'en vertu de l'art. 298 al. 1 CPC, les enfants sont entendus personnellement et de manière appropriée par le tribunal ou un tiers nommé à cet effet, pour autant que leur âge ou d'autres justes motifs ne s'y opposent pas; qu'en principe, l'enfant doit être entendu dès l'âge de six ans révolus (ATF 133 III 553 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 5.1);

Qu'en l'espèce, le dernier rapport du SEASP remonte au mois de mai 2021, soit il y a plus de trois ans et demi; que depuis lors, la situation a pu évoluer, tant au niveau du projet de départ au Canada de la mère, que du point de vue des besoins des enfants, notamment de D______; qu'à cela s'ajoute que celle-ci est âgée de 8 ans, de sorte qu'il est désormais possible de procéder à son audition; qu'enfin, un complément de rapport est sollicité par la mère et la curatrice des enfants et que le père, à titre subsidiaire, ne s'y oppose pas;

Qu'au vu de ces différents éléments, l'établissement d'un nouveau rapport par le SEASP apparaît justifié;

Qu'en conséquence, ledit Service sera invité à rendre un rapport d'évaluation sociale complémentaire afin de renseigner utilement la Cour de céans sur l'évolution de la situation des enfants sur le plan familial, scolaire et médical;

Qu'en particulier, il appartiendra au SEASP d'entendre C______ et D______, ses parents et tout tiers utile, en particulier les professionnels en charge des suivis
- notamment thérapeutiques - des enfants, ainsi que de faire toute observation utile quant à la prise en charge de ceux-ci (déplacement de leur lieu de résidence à l'étranger, garde alternée ou exclusive, étendue, modalités et évolution prévisible des relations personnelles, mesures de protection, etc.);

Qu'un délai au 7 février 2025 sera imparti au SEASP pour remettre son rapport à la Cour de céans;

Que la suite de la procédure sera réservée;

Qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond (art. 104 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
Le juge délégué de la Chambre civile :

Statuant préparatoirement :

Invite le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) à rendre un rapport d'évaluation sociale complémentaire, dans le sens des considérants.

Lui fixe un délai au 7 février 2025 pour déposer son rapport d'évaluation à la Cour de justice.

Réserve la suite de la procédure.

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente ordonnance dans l'arrêt au fond.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, juge délégué; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.