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Décisions | Chambre civile

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C/5275/2021

ACJC/1280/2024 du 15.10.2024 sur JTPI/15007/2023 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.18
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5275/2021 ACJC/1280/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 15 OCTOBRE 2024

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], et

Monsieur C______, domicilié ______ [GE],

tous trois représentés par Me Malek ADJADJ, avocat, AAA Avocats SA, rue du
Rhône 118, 1204 Genève, et

Monsieur D______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Swan MONBARON, avocat, Monbaron Avocats, rue du Purgatoire 1, case postale 3374, 1211 Genève 3,

tous appelants d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 décembre 2023,

et

Monsieur E______, domicilié ______ [VD], intimé, et

F______ SA, sise ______ [VD], autre intimée,

représentés par Me Julien FIVAZ, avocat, EVIDENTIA AVOCATS, rue Jacques-Grosselin 8, 1227 Carouge.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15007/2023 du 18 décembre 2023, communiqué pour notification aux parties le 19 décembre 2023, le Tribunal de première instance a condamné A______, C______, D______ et B______, pris conjointement et solidairement, à payer à E______ 26'600 fr. avec intérêts à 3,5 % dès le 13 décembre 2020 (ch. 1 du dispositif), 59'850 fr. avec intérêts à 3,5 % dès le 13 décembre 2021 (ch. 2), 59'850 fr. avec intérêts à 3,5 % dès le 13 décembre 2022 (ch. 3) et 14'663 fr. 25 au titre d'intérêts conventionnels (ch. 4), ainsi qu'à payer à F______ SA 30'800 fr. avec intérêts à 3,5 % dès le 13 décembre 2020 (ch. 5), 69'300 fr. avec intérêts à 3,5 % dès le 13 décembre 2021 (ch. 6), 69'300 fr. avec intérêts à 3,5 % dès le 13 décembre 2022 (ch. 7) et 16'978 fr. 50 au titre d'intérêts conventionnels (ch.8).

Le Tribunal a en outre mis les frais judiciaires, arrêtés à 20'240 fr. et partiellement compensés avec les avances fournies, à la charge de A______, C______, D______ et B______, pris conjointement et solidairement, étant précisé que la part de D______ était laissée à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve de la décision de l'Assistance juridique, et a condamné en conséquence A______, C______ et B______, pris conjointement et solidairement, à verser 6'240 fr. à F______ SA, 6'000 fr. à E______ et 1'140 fr. à l'Etat de Genève à titre de frais judiciaires (ch. 9), condamné A______, C______, D______ et B______, pris conjointement et solidairement, à payer à F______ SA et E______ 20'000 fr. à titre de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B. a. Le 1er février 2024, A______, C______, D______ et B______ ont formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et déboute E______ et F______ SA de toutes leurs conclusions. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que la Cour dise que la cession des actions G______ SA ne peut se faire qu'au prix calculé selon l'annexe 2 de la convention d'actionnaires des 1er et 3 mai 2014 et donne acte à E______ et F______ SA que ce prix est nul, le tout avec suite de frais et dépens.

C______ et A______ ont produit chacun une pièce nouvelle, à savoir leur avis de taxation 2022.

b. E______ et F______ SA ont conclu à ce que la Cour confirme le jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

Ils ont produit des pièces nouvelles.

c. A______, C______, D______ et B______ ont répliqué et persisté dans leurs conclusions.

d. E______ et F______ SA ont dupliqué et persisté dans leurs conclusions.

e. Les parties ont été informées le 19 septembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a.a G______ SA, sise à H______ (GE), est une société qui a pour but social toutes opérations dans le domaine du commerce et du courtage de ______, ______, ______ et autres denrées alimentaires.

Jusqu'en décembre 2017, la raison sociale de G______ SA était I______ SA et elle était sise à Fribourg.

a.b. Jusqu'en 2014, I______ SA a été exclusivement gérée et possédée par les membres de la famille B______/J______/K______, soit B______, feue son épouse J______ et feu K______, le père de celle-ci.

b.a En 2014, B______ a voulu procéder à une augmentation du capital-actions de I______ SA de 100'000 fr. à 165'000 fr. au moyen de l'apport de fonds d'une société tierce.

F______ SA, qui a notamment pour but la prise de participations dans des sociétés, et dont L______ et M______ sont administrateurs, a accepté d'investir dans I______ SA.

Au moment de cet investissement, L______ a demandé aux actionnaires de l'époque de signer une convention d'actionnaires, qui a été conclue les 1er et 3 mai 2014.

b.b Lors de la signature de ladite convention, le capital-actions de I______ SA a ainsi été augmenté à 165'000 fr., divisé en 165 actions nominatives de 1'000 fr. chacune.

Selon l'annexe 1 à la convention, B______ détenait 54 actions, J______ 66, K______ 25 et F______ SA 20, qu'elle avait acquises au prix de 270'000 fr.

c. Le préambule de cette convention prévoyait que "les parties à la présente Convention souhaitent régler leurs relations en tant que coactionnaires de I______ et les conditions d'un éventuel transfert ultérieur d'actions de I______".

Les dispositions pertinentes de la convention sont les suivantes :

Article 1 : "un "Actionnaire" désigne chacune des personnes mentionnées en tant que telle comme partie à la Convention de même que toute personne lui succédant dans cette qualité d'une manière autorisée par la Convention. L'"Actionnaire Majoritaire" est la personne qui détient au moins 50 % des actions plus une, ou un groupe d'Actionnaires qui détient collectivement au moins 50 % des actions plus une constitué même temporairement en vue de l'exercice d'un des droits prévus ci-après, si l'un ou l'autre existe". L'"Actionnaire Minoritaire" est une personne qui détient moins de 50 % des Actions et qui fait partie de la présente Convention". Le "Groupe I______" est le groupe comprenant les sociétés I______, N______ SA, O______ SA et P______ SA".

Article 7 intitulé "droit de préemption de l'Actionnaire Majoritaire": "l'Actionnaire Majoritaire a un droit de préemption sur les actions des autres parties, qui s'exercera de la manière suivante (al. 1). La partie qui désire, sous réserve du respect des dispositions de l'art. 12 al. 1, céder à un tiers de bonne foi, à titre gratuit ou onéreux et sous quelque forme que ce soit, tout ou partie de ses actions (la "Partie cédante") communiquera cette intention à l'Actionnaire Majoritaire par un avis de cession adressé par courrier recommandé. Cet avis de cession indiquera de manière détaillée toutes les clauses essentielles de l'offre de cession, soit notamment l'acquéreur envisagé, le nombre d'actions offertes à l'acquisition, les stipulations relatives au prix et aux modalités de paiement ainsi que d'éventuelles autres clauses essentielles, et sera accompagné d'une confirmation écrite de l'acquéreur envisagé" (al. 2).

"Le prix de cession est déterminé selon l'Annexe 2 de la présente Convention mais ne pourra pas être en-dessous du prix auquel la Partie a souscrit ses actions. Ce prix doit être payé par l'Actionnaire Majoritaire selon les modalités suivantes : 60 jours au plus tard à compter du moment où le prix aura été fixé conformément à cette annexe, l'Actionnaire Majoritaire versera une première tranche de 10 % du prix ; le solde du prix est payable en quatre tranches de 22,5 % chacune, qui arrivent à échéance à un rythme annuel à compter du paiement de la première tranche. Les Actions ainsi cédées ne donnent plus droit ni au vote et ni aux dividendes, par contre le solde à payer par l'Actionnaire Majoritaire porte un intérêt annuel de 3,5 %. Le non-paiement du prix ne donne pas droit à la résolution du contrat, mais uniquement aux actions en exécution et/ou en dommages-intérêts" (al. 5).

Article 12 intitulé "droit de sortie ou de cession d'Actions des Actionnaires Minoritaires" : "le droit de sortie ou de cession d'Actions par un Actionnaire Minoritaire ne pourra s'exercer qu'à partir du 5ème anniversaire de l'entrée en force de la présente Convention. Il s'exercera de la manière suivante (al. 1). Un Actionnaire Minoritaire, ou un groupe d'Actionnaires Minoritaires, pourra demander au Conseil d'Administration de lui fournir une évaluation de la valorisation du groupe I______ sur la base de la méthode décrite dans l'Annexe 2 et il pourra demander par écrit dans les trente (30) jours suivant réception de la valorisation l'exercice d'un droit de sortie sur la base du prix évalué. L'Actionnaire Majoritaire devra exercer son droit de préemption selon l'art. 7.


Si, de bonne foi, ses capacités financières ne le permettent pas, l'Actionnaire Majoritaire recherchera activement, et en collaboration avec l'Actionnaire Minoritaire ou le groupe d'Actionnaires Minoritaires ayant notifié l'exercice de son droit, un repreneur aux conditions de valorisation précitées
" (al. 2).

Article 20 : "Le décès d'une Partie ne met pas fin à la présente Convention; l'entité qui acquiert les Actions par voie successorale (soit d'abord l'hoirie, puis, après partage, un ou plusieurs héritiers) sont subrogées aux droits et obligations de la Partie décédée. La dissolution, la liquidation ou la faillite d'une Partie ne mettent pas fin à la présente Convention" (al. 2).

Article 21 intitulé "renégociation des rapports entre les parties": "les parties sont conscientes que les stipulations de la présente Convention, qui consacrent une situation dans laquelle un Actionnaire Majoritaire, historique, est en présence d'un ou plusieurs Actionnaires Minoritaires, pourraient ne plus se révéler adaptées dans l'hypothèse d'une restructuration du capital – suite à une cession de parts, une augmentation de capital, ou une fusion, par exemple – à l'issue de laquelle aucune des Partie à la présente Convention ne détiendrait plus la majorité absolue des Actions".

L'article 30 prévoit enfin l'application du droit suisse ainsi que la compétence des tribunaux de Genève pour tout litige en lien avec la convention.

L'annexe 2 à la convention d'actionnaires indique que "la présente annexe a pour but de définir le prix de cession des Actions en cas d'exercice du droit de préemption (art. 4) ou d'emption (art. 5) par l'Actionnaire Majoritaire, ainsi que les modalités pratiques de fixation de ce prix" (art. 1). "Le prix P de cession sera égal à la Valeur intrinsèque Vi multipliée par la part du capital action I______ à céder r : P = Vi x r. La Valeur intrinsèque Vi du groupe I______ sera calculée au moyen de la méthode dite des praticiens, et consistera donc en la moyenne arithmétique pondérée de la valeur substantielle réelle des comptes consolidés (en tenant compte des réserves latentes, des valeurs immatérielles et des impôts latents), comptant pour une fois, et de la valeur de rendement du groupe (à l'exclusion des revenus et charges extraordinaires) comptant pour deux fois :
Vi = (Vs + 2Vr) /3"
.

d. Avant la signature de la convention, soit en avril 2014, un échange écrit a eu lieu entre les parties cocontractantes, afin de discuter de la formulation de ses clauses. S'agissant ainsi de la définition de l'"Actionnaire majoritaire" au sens de l'art. 1 de la convention, Me Q______, en charge de l'élaboration de celle-ci, a indiqué dans un commentaire concernant le projet que "cette définition est parfaitement acceptable et a l'avantage d'être souple. Elle peut cependant poser quelques difficultés lors de l'exercice de certains mécanismes prévus par la convention car il n'est pas précisé à qui s'adresser lorsqu'une Partie doit traiter

avec l'Actionnaire Ma
(i. e. Majoritaire). Il est également envisageable de désigner spécifiquement les membres composant le groupe. Par exemple, "l'Actionnaire Majoritaire" désigne [B______], [J______], [E______] et Hoirie [R______] agissant conjointement et solidairement. Cela est cependant peu flexible et exige l'unanimité des membres de ce groupe".

L______ a indiqué sur le projet que c'était en ordre pour lui.

En outre, concernant le droit de préemption de l'actionnaire majoritaire et la détermination du prix de cession (art. 7), Me Q______ a commenté l'alinéa 5 par "est-ce ce prix dans tous les cas ou seulement si le prix offert au tiers est inférieur au prix de souscription?" (commentaire "s5"), ce à quoi L______ a répondu "c'est ce prix à moins que la valorisation soit inférieure au prix de souscription, si tel était le cas, le prix serait le prix de souscription" (commentaire "YC6").

e. En janvier 2015, I______ SA a, à nouveau, souhaité augmenter son capital-actions.

Dans ce cadre, B______ a fait savoir à L______ par courriel du 13 janvier 2015 que K______ ne pourrait pas bloquer la vente puisque lui-même, J______ et l'hoirie de R______, avaient la majorité.

Il a ajouté ce qui suit concernant l'article 7 de la convention : "ce prix ne pourra pas être en-dessous du prix auquel la Partie a souscrit ses actions" : "avec E______ qui entre, cette disposition – prévue pour toi en tant que premier entré – commence à être excessive. Non ? Si un nouveau entre plus tard à 30'000, je devrais aussi acheter à ce prix minimum là ! La notion économique du rendement lié au risque + ou – grand disparait".

e.a En mars 2015, I______ SA a augmenté son capital-actions à 181'000 fr. divisé en 181 actions nominatives de 1'000 fr. chacune par l'émission de 16 nouvelles actions. Il a ainsi été prévu que 14 actions seraient attribuées à E______, en tant que nouvel actionnaire, et deux actions à F______ SA. Le prix de souscription était de 266'000 fr. (14 x 19'000 fr.) pour le premier et de 38'000 fr. pour la seconde (2 x 19'000 fr.), soit un montant total libéré de 304'000 fr.

e.b Suite à cette augmentation de capital-social, B______, J______, K______, F______ SA, I______ SA et E______ ont signé, en mars 2015, un avenant à la convention d'actionnaires du 1er mai 2014.

L'avenant prévoyait notamment que l'article 12 de la convention était supprimé et remplacé par ceci (art. 3):

"Le droit de sortie ou de cession d'Actions par un Actionnaire Minoritaire ne pourra s'exercer qu'à partir du 5ème anniversaire de l'entrée en force de la

présente Convention, étant précisé que cette restriction ne s'applique pas à toute cession d'Actions au sein du groupe d'Actionnaires composé de [B______], [J______] et [E______]. Il s'exercera de la manière suivante : (i) Un Actionnaire Minoritaire, ou un groupe d'Actionnaires Minoritaires, pourra demander au Conseil d'Administration de lui fournir une évaluation de la valorisation du groupe I______ sur la base de la méthode décrite dans l'Annexe 2 et il pourra demander par écrit dans les trente (30) jours suivant réception de la valorisation l'exercice d'un droit de sortie sur la base du prix évalué. (ii) L'Actionnaire Majoritaire devra exercer son droit de préemption selon l'art. 7. Si, de bonne foi, ses capacités financières ne le permettent pas, l'Actionnaire Majoritaire recherchera activement, et en collaboration avec l'Actionnaire Minoritaire ou le groupe d'Actionnaires Minoritaires ayant notifié l'exercice de son droit, un repreneur aux conditions de valorisation précitées
" (pce 4 dem.).

f. L______ a déclaré lors de son audition par le Tribunal que F______ SA et E______ avaient envisagé par la suite de reprendre la société avec des fonds obtenus auprès de tiers, mais que les actionnaires majoritaires avaient refusé. B______ a confirmé cette déclaration, précisant que le prix offert n'était pas suffisant. Ces discussions avaient eu lieu entre 2016 et 2017.

g. Suite au décès de J______, survenu en 2017, B______, l'hoirie de feue J______, F______ SA et E______ ont conclu un contrat de vente d'actions le 23 juin 2017. Ces deux derniers se sont vu attribuer des actions supplémentaires, au prix de 1 fr. chacune, soit 13 actions pour E______ et neuf pour F______ SA, de sorte que le premier détenait 27 actions au total et la seconde 31 actions.

h. Le ______ décembre 2017, I______ SA est devenue G______ SA. Les statuts de la société prévoient notamment que la cession des actions, qui sont nominatives, s'opère par voie d'endossement et est subordonnée à l'approbation du conseil d'administration (art. 6). Ledit conseil peut refuser son approbation au transfert en invoquant un juste motif, soit la présence de concurrents de la société ou de personnes dont la réputation, l'éthique professionnelle ou l'activité ne sont pas compatibles avec celles de la société (art. 6bis).

i. Au 10 janvier 2018, B______ détenait ainsi 43 actions, l'hoirie de feue J______ 55 actions, F______ SA 31 actions et E______ 27 actions.

j. Suite au partage de la succession de J______, ses enfants, A______, C______ et D______ sont devenus actionnaires de G______ SA.

k. Une nouvelle augmentation du capital de celle-ci a eu lieu en août 2019, lors de laquelle 250 actions supplémentaires ont été émises. B______ est ainsi devenu le détenteur de 73 actions, F______ SA de 31 actions, E______ de 27 actions, A______ de 128 actions, D______ de 18 actions et C______ de 129 actions. L'hoirie de K______ détenait toujours 25 actions. Le total des actions de G______ SA est ainsi passé de 181 à 431 actions.

l. A la fin de l'année 2019, la société G______ SA a recherché un nouvel investisseur, mais en vain.

m. En date du 18 février 2020, B______ détenait 98 actions – les actions de feu K______ lui ayant été cédées -, F______ SA 31 actions, E______ 27 actions, A______ 128 actions, D______ 18 actions et C______ 129 actions.

n. Sur la base des comptes annuels de G______ SA pour 2020, l'administration fiscale cantonale a déterminé, le 15 octobre 2021, que la valeur fiscale des actions était nulle, tout comme la valeur de rendement et substantielle de l'entreprise, étant précisé que le bénéfice imposable de la société était de – 359'854 fr. en 2018, de – 151'998 fr. en 2019 et de 16'866 fr. en 2020.

o. Par lettre recommandée du 16 septembre 2020, F______ SA et E______ ont fait part à l'"Actionnaire Majoritaire de G______ SA", soit C______, A______, B______ et D______, ainsi qu'au conseil d'administration de G______ SA, de leur volonté d'exercer leur droit de sortie d'actionnaire minoritaire selon l'art. 3 (ii) de l'avenant à la convention d'actionnaires du 1er mai 2014 et les termes définis par l'art. 7 (5ème paragraphe) de la convention d'actionnaires.

p. Le 13 octobre 2020, les administrateurs de G______ SA, soit A______, S______, L______ et B______, ont tenu un conseil d'administration par voie de circulation pour se prononcer sur la valorisation des actions de la société en raison de la volonté de F______ SA et de E______ d'exercer leur droit de sortie.

Selon la méthode de calcul prévue par la convention d'actionnaires, la valeur substantielle et de rendement de la société, qui était surendettée, était nulle. Il en allait de même de la valeur de ses actions.

A______, B______ et L______ ont approuvé la valorisation à 0 fr. des actions de G______ SA, tandis que S______ ne s'est pas prononcé.

q. A______, D______, B______ et C______ ont envoyé en commun, le 3 novembre 2020, un courrier à F______ SA et un autre à E______, indiquant à ceux-ci qu'ils avaient pris note de leur volonté d'exercer leur droit de sortie, mais que leur capacité financière ne leur permettait pas de racheter leurs parts selon les termes définis par l'article 7 al. 5 de la convention d'actionnaires.

r. Par courriel du même jour adressé aux quatre membres de la famille B______/J______/K______ et à L______ en copie, E______ a indiqué que la première tranche de rachat de 10 %, qui correspondait à un montant de 30'800 fr. en faveur de F______ SA et de 26'000 fr. en sa faveur, était due au 16 novembre 2020.

s. Le 11 décembre 2020, par courriers adressés à l'"Actionnaire Majoritaire de G______ SA", soit C______, A______, B______ et D______, et au conseil d'administration de G______ SA, E______ et F______ SA ont réitéré leur demande, ont réclamé le paiement de la première tranche due et indiqué l'échéance des suivantes.

t. Par deux courriers du 24 décembre 2020, adressés à respectivement à F______ SA et à E______, dont le concerne était notamment intitulé "Sortie de l'Actionnaire Minoritaire", et signés par B______, A______ et C______, ceux-ci ont notamment fait valoir que la réserve du prix minimal ne s'appliquait qu'au droit de préemption et non au droit de sortie de l'actionnaire minoritaire. La valeur de la société était quasi nulle.

Ils précisaient ce qui suit : "le droit de sortie prévoit qu'il faut procéder à une évaluation, ce qui n'a pas eu lieu formellement, puis qu'une fois le prix défini, si l'Actionnaire Majoritaire n'est pas en mesure d'acquérir en raison de sa situation financière, il faut trouver un repreneur, ce à quoi, en particulier, il vous incombe de collaborer activement (…); il n'existe en aucun cas de droit direct de votre part vis-à-vis de l'Actionnaire Majoritaire et encore moins de créance (…)".

D. a. Par demande déposée en conciliation le 16 mars 2021 et introduite le 11 octobre 2021, E______ et F______ SA ont agi en paiement à l'encontre de A______, C______, D______ et B______, concluant en dernier lieu à ce que le Tribunal condamne ces derniers, conjointement et solidairement, à verser à E______ 26'600 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 novembre 2020, 59'850 fr. avec intérêts à 5 % dès le 16 novembre 2021, 59'850 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 novembre 2022, 14'663 fr. 25 au titre d'intérêts à 3,5 % l'an dès le 16 novembre 2020 sur les tranches 3 à 5 de l'échéancier de paiement et à verser à F______ SA 30'800 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 novembre 2020, 69'300 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 novembre 2021, 69'300 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 novembre 2022, et 16'978 fr. 50 au titre d'intérêts à 3,5 % l'an dès le 16 novembre 2020 sur les tranches 3 à 5 de l'échéancier de paiement.

b. A______, C______, D______ et B______, par le biais d'écritures aux contenus similaires, ont pris, en dernier lieu, les mêmes conclusions que celles figurant dans leur appel.

Ils ont notamment contesté leur qualité d'actionnaire majoritaire, alléguant qu'aucun élément ne permettait de retenir qu'ils constituaient une unité ou qu'ils avaient une volonté commune. Les actions de la société n'avaient plus de valeur et ils avaient entrepris tous les efforts nécessaires pour trouver une solution permettant à F______ SA et à E______ de sortir de la société. Leurs situations économiques ne leur permettaient pas de racheter les actions.

B______ avait prêté 1'1214'800 fr. environ à G______ SA. En qualité de directeur général de celle-ci, il avait perçu un salaire mensuel net moyen de 1'250 fr., ne lui permettant pas de revenir à meilleure fortune. C______ a allégué que son salaire mensuel net moyen était de l'ordre de 2'660 fr. en 2020, ce qui ne lui permettait pas de faire d'économies. Quant à A______, il a allégué qu'il n'avait pas d'économies et que son salaire mensuel net moyen était de l'ordre de 5'820 fr. en 2020. D______ n'avait pour sa part pas d'économies, travaillait occasionnellement pour des missions temporaires et émargeait à l'Hospice général. Aucun des précités n'a produit de pièce à l'appui de ces allégués, hormis D______ qui a fourni au Tribunal une copie de sa demande d'assistance judiciaire et d'un relevé de l'Hospice général du 29 avril 2022 lui octroyant des subsides en 1'915 fr. par mois.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Lors de l'audience de débats d'instruction du Tribunal du 31 janvier 2023, les consorts A___/B___/C___/D______ ont requis une expertise portant sur leur capacité financière à acquérir les actions offertes par leurs parties adverses. Celles-ci se sont opposées à cette mesure probatoire.

Le Tribunal a ensuite ouvert les débats principaux.

e. Lors de l'audience de débats principaux du 28 mars 2023, L______ et E______ ont déclaré qu'ils n'auraient pas signé la convention d'actionnaires s'ils n'avaient pas compris qu'elle leur garantissait au minimum le remboursement de leur investissement s'ils choisissaient de se retirer de la société après un délai de cinq ans. L______ n'aurait pas investi dans une société familiale non cotée s'il n'avait pas la possibilité d'en sortir. Les actionnaires historiques de la société, soit la famille B______/J______/K______, souhaitaient pouvoir garder en tout temps le contrôle du conseil d'administration et de l'actionnariat. Il lui paraissait ainsi équitable de pouvoir, en tant qu'actionnaire minoritaire, sortir de la société après cinq ans avec la garantie de son investissement; il avait pensé investir dans la société sous forme de contrat de prêt mais ne l'avait pas fait. A posteriori, il se rendait compte que cela aurait été plus clair. Il avait clairement exprimé sa position à B______ qui l'avait comprise. Il était évident pour lui, au moment de conclure la convention d'actionnaires, que "l'Actionnaire majoritaire" mentionné dans celle-ci était l'actionnaire majoritaire historique, soit à l'époque B______, J______ et K______.

B______ a déclaré que, au moment de la conclusion de la convention d'actionnaires, il n'avait pas conscience de former avec J______ et K______ un actionnaire majoritaire. Lors de la conclusion de l'avenant, il n'était pas actionnaire majoritaire et ne faisait pas partie d'un groupe d'actionnaires majoritaires. De ce fait, l'expression "l'Actionnaire Majoritaire, historique" ne désignait personne à l'art. 21 de la convention. Il en voulait pour preuve qu'au point 3 de l'avenant, il était question d'un groupe d'actionnaires composé de lui-même, J______ et K______ alors qu'ils auraient dû remplacer cette énumération par "Actionnaire Majoritaire" si l'actionnaire majoritaire était ces trois personnes. Si l'actionnaire majoritaire voulait forcer l'actionnaire minoritaire à lui vendre ses actions plutôt que de les vendre à un tiers, le prix minimum que l'actionnaire majoritaire devait payer était le prix de valorisation de l'annexe 2 même si le tiers était prêt à offrir plus. Le droit de préemption était un droit que seul l'actionnaire majoritaire pouvait choisir d'exercer et l'actionnaire minoritaire ne pouvait pas l'obliger à le faire. Le premier paragraphe de l'article 12 de la convention signifiait que l'actionnaire minoritaire pouvait vendre ses actions en tout temps à un tiers mais qu'il ne pouvait pas le faire aux conditions du paragraphe 2 de l'article 12. La référence à l'article 7 dans l'article 12 renvoyait à la procédure de l'article 7 et non au prix. Il n'avait pas compris que L______ pensait que les autres actionnaires lui garantissaient, au bout de cinq ans, son investissement en contrepartie de sa situation d'actionnaire minoritaire; L______ aurait alors dû faire un prêt à la société. L'actionnariat avait changé entre 2014 et 2023, de sorte que ce dernier pouvait devenir majoritaire s'il s'alliait avec d'autres actionnaires et n'était pas condamné à rester minoritaire. Le droit de sortie prévu à l'article 12 était conditionné à l'existence d'un actionnaire majoritaire, c'est-à-dire d'un actionnaire unique ou de plusieurs actionnaires qui désirent s'associer; en l'absence de cette volonté de plusieurs actionnaires de constituer une majorité, il n'y avait pas d'actionnaire majoritaire.

B______, C______ et A______ ont tous trois déclaré être actionnaires indépendants et prendre leurs propres décisions. B______ a ajouté que sa fortune immobilière était terriblement endettée et que sa fortune mobilière consistait dans les prêts postposés à la société. Il était usufruitier d'un appartement en ville de Genève d'une valeur de 2'000'000 fr. et d'une maison mitoyenne à T______ [GE] d'une valeur de 1'500'000 fr., hypothéqués à hauteur de 1'700'000 fr., dont ses fils étaient les héritiers. Il avait également une maison à H______ de 8 ou 9 pièces, hypothéquée à hauteur de 1'750'000 fr., d'une valeur de 1'400'000 fr.

f. Par ordonnance du 28 mars 2023, le Tribunal a notamment rejeté la requête des consorts A___/B___/C___/D______ tendant à l'expertise de leurs situations financières, au motif que les allégués y relatifs pouvaient être prouvés par la production de pièces.

g. Les parties ont déposé des plaidoiries finales le 15 juin 2023.

h. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'échéance du délai durant lequel les parties auraient été fondées à se déterminer spontanément sur les écritures de leurs parties adverses.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel a été formé en temps utile et selon les formes légales contre une décision susceptible d'appel, de sorte qu'il est recevable (art. 308 et 311 CPC).

1.2 La Cour dispose d'un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et la maxime des débats est applicable (art. 55 CPC).

2. Les parties ont produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

Les faits notoires ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC).

Les données du registre foncier librement accessibles sont des faits notoires (arrêt du Tribunal fédéral 5A_891/2021 du 28 janvier 2022 consid. 2.3.3).

2.2 En l'espèce, les avis de taxation pour l'année 2022 produits par C______ et A______ sont recevables puisqu'ils ont été notifiés le 23 janvier 2024, soit postérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

Les extraits du registre foncier produits par les intimés sont également recevables, puisqu'il s'agit de faits notoires.

3. Par ordonnance du 28 mars 2024, Tribunal a rejeté la requête d'expertise de leurs situations financières formée par les appelants, au motif que leurs allégués sur cette question pouvaient être prouvés par la production de pièces.

Les appelants font valoir que le Tribunal a écarté à tort leur requête d'expertise. Cependant, ils ne motivent pas cette critique, contrairement aux exigences de l'art. 311 CPC, qui prévoit que l'appel doit être motivé. Ils ne prennent de plus aucune conclusion en lien avec ce grief, en omettant notamment de réitérer leur demande tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée. Ce grief est dès lors irrecevable.

4. Le Tribunal a considéré que la convention d'actionnaire de mai 2014 devait être interprétée en se fondant sur les manifestations de volonté de L______ et de B______. En concluant cette convention, L______ voulait s'assurer de la possibilité de sortir de la société. Comme le prévoyait son art. 21, cette convention consacrait une situation dans laquelle un actionnaire majoritaire historique, soit les membres de la famille B______/J______/K______ (B______, J______ et le père de celle-ci) étaient en présence d'un actionnaire minoritaire, F______ SA, soit pour elle L______. Le fait que les précités étaient bien l'"Actionnaire majoritaire" mentionné par la convention était confirmé par la mention portée par l'avocat chargé de la rédaction de celle-ci, qui précisait que lesdits actionnaires pourraient également être désignés par leur nom, à savoir B______, J______, K______ et l'hoirie de feu son épouse, R______, étant précisé qu'ils agissaient conjointement et solidairement. B______ ne s'était pas opposé à la désignation nominale des membres composant le groupe d'actionnaire majoritaires et n'avait pas indiqué qu'il n'en faisait pas partie. L______ avait acquiescé pour sa part au commentaire de l'avocat, ce qui attestait du fait qu'il se considérait comme l'actionnaire minoritaire. Le droit de sortie de l'actionnaire minoritaire prévu par l'art. 12 de la convention impliquait forcément l'existence d'un actionnaire majoritaire. B______ ne pouvait ignorer que ce droit était une condition posée par l'investisseur pour son investissement, ni qu'il était inclus dans le groupe des actionnaires majoritaire. Le fait que ce groupe était bien composé de B______, J______ et K______ était confirmé par l'avenant conclu un an plus tard, qui désignait nommément ces derniers à son article 3. Les appelants s'étaient de plus comportés au moment des faits comme un groupe d'actionnaires majoritaires; ils n'avaient pas contesté revêtir cette qualité à réception du courrier qui leur avait été adressé par les intimés lors de l'exercice de leur droit de sortie, avaient répondu par un courrier commun que la condition de leur capacité financière n'était pas remplie et qu'il convenait de trouver un repreneur, admettant ainsi que les art. 3 de l'avenant et 7 de la convention étaient applicables. En tant qu'héritiers de J______, D______, C______ et A______ étaient également inclus dans le groupe des actionnaires majoritaires, ce qui était confirmé par leur attitude, notamment le fait qu'ils avaient adopté la même argumentation que leur père, B______. Les actionnaires minoritaires n'étaient pas tenus de demander une évaluation de la société avant d'exercer leur droit de sortie. Le courriel de B______ du 13 janvier 2015 démontrait que celui-ci avait bien compris que le prix de cession des actions lors de l'exercice du droit de sortie correspondrait au minimum au prix de souscription des actions. Cette solution avait de plus été entérinée par l'avenant qu'il avait signé. Il n'était pas contesté que le prix de cession déterminé selon l'annexe 2 était nul, de sorte que le prix de cession était celui auquel les intimés avaient acquis leurs actions, soit 308'000 fr. pour l'intimée et 266'000 fr. pour l'intimé.

Les appelants soutiennent que les parties n'avaient pas convenu que la mention "Actionnaire majoritaire" désignerait les membres de la famille B______/J______/K______. Alors que leur avocat avait indiqué au moment de la rédaction de la convention qu'il était possible de mentionner expressément les noms des actionnaires majoritaires, les parties y avaient renoncé. Cette optique avait été réaffirmée lors de la signature de l'avenant. Les membres de la famille B______/J______/K______ n'agissaient pas en commun, mais individuellement. Le prix de cession n'était pas le prix de souscription mais celui correspondant à la valeur des actions, car l'art. 12 de la convention était une "lex specialis de l'art. 7. L'absence de renvoi à ce dernier, s'agissant du prix de souscription [était] donc un silence qualifié volontaire des parties." Si les parties avaient voulu garantir le remboursement de l'investissement de intimés, elles n'auraient pas prévu un mécanisme aussi complexe. Les intimés auraient dû solliciter une évaluation du prix des actions conformément à l'annexe 2 de la convention. Le Tribunal avait rejeté à tort leur demande d'expertise qui aurait établi que la valeur des actions était nulle.

4.1.1 En droit de la société anonyme, les actionnaires peuvent chercher – au-delà des aménagements offerts par la loi – à assurer une certaine prévisibilité quant au comportement des actionnaires, à la composition de l'actionnariat et aux choix sociaux, tout cela en conservant de la flexibilité. La convention d'actionnaires vise à réaliser ces besoins, pour partie contradictoires (Chaix, Commentaire Romand, 2017, n. 22 ad art. 530 CO).

La convention d'actionnaires est une société simple, régie par les articles 530 et suivants du CO, donc un contrat. La société simple prend fin ex lege par la mort d'un des associés (art. 545 al. 2 CO), sauf si le contrat prévoit qu'elle continue avec tous les héritiers de l'associé défunt (article 545 al. 2 CO in fine), avec certains d'entre eux ou seulement entre les associés survivants (liberté contractuelle; Héritier Lachat, Les conventions d'actionnaires: quelques exemples pratiques in Les successions dans les entreprises, 2006, p. 89-90).

4.1.2 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO). Si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, alors même que des points secondaires ont été réservés (art. 2 al. 1 CO).

A teneur de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Confronté à un litige sur l'interprétation de dispositions contractuelles, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (interprétation subjective), sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 135 III 410 consid. 3.2).

Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (arrêts du Tribunal fédéral 4A_58/2018 du 28 août 2018 consid. 3.1 et 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.1). L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si sa recherche aboutit à un résultat positif, le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2016 du 2 décembre 2016 consid. 4.1.1.2).

Le juge établit la volonté des parties telle qu'elle existait au moment de la conclusion du contrat. Il ne s'intéresse pas au sens que l'on pourrait donner actuellement aux clauses en question (ex nunc) mais à l'intention subjective des parties lorsqu'elles se sont engagées (ex tunc; Winiger, Commentaire Romand, 2021, n. 17 ad art. 18 CO).

4.2 En l'espèce, le raisonnement du Tribunal exposé ci-dessus est convaincant.

L'examen du dossier permet de retenir comme établi que les volontés réelles et concordantes des parties à la convention d'actionnaire étaient que l'expression "Actionnaire majoritaire" désigne le groupe formé par la famille B______/J______/K______, à savoir l'actionnaire historique de la société avant la conclusion de la convention, conformément à l'art. 21 de celle-ci. Les membres de ce groupe étaient à l'époque B______, son épouse J______, le père de celle-ci K______ et l'hoirie de l'épouse de celui-ci. B______ était parfaitement conscient de ce fait, contrairement à ce qu'il a soutenu pour les besoins de sa cause dans le cadre de la présente procédure. En effet, au cours de négociations, l'avocat chargé de la rédaction de la convention a attiré son attention sur le fait que les membres du groupe d'actionnaires, composé des personnes précitées, pourraient aussi être désignées nommément dans la convention, mais que cette solution serait moins flexible.

Contrairement à ce que font valoir les appelants, le fait que, à l'époque, les parties à la convention aient renoncé à désigner nommément les membres du groupe d'actionnaires majoritaires n'implique pas un changement de la composition de celui-ci. Les parties ont choisi la solution la plus flexible proposée par leur avocat, sans que cela ait d'incidence sur la composition du groupe d'actionnaires en question.

L'art. 3 de l'avenant de mars 2015 confirme que, un an plus tard, ce groupe était toujours composé des mêmes personnes. Les actionnaires minoritaires au sens de cette disposition étaient les intimés et les majoritaires, désignés nommément dans cet art. 3, étaient B______, son épouse J______ et K______.

Par la suite, après le décès de J______, ses héritiers, A______, C______ et D______ ont été subrogés dans les droits de celle-ci et sont devenus membres du groupe d'actionnaires majoritaires, conformément à l'art. 20 de la convention d'actionnaires.

A cela s'ajoute que la version de B______, qui a indiqué lors de son audition que l'expression "Actionnaire majoritaire" figurant à l'art. 21 de la convention ne désignait personne, n'est pas crédible. L'interprétation qu'il propose aurait pour résultat que la convention précitée serait inapplicable dès sa conclusion, ce qui n'est certainement pas l'intention des parties.

Le Tribunal a en outre relevé à juste titre que, après la conclusion de la convention d'actionnaires et de son avenant, les appelants se sont comporté comme des actionnaires majoritaires au sens de la convention. Ils n'ont en particulier pas contesté agir comme tels au moment où les intimés ont exercé leur droit de sortie et ils ont fait valoir leurs droits en commun.

Ce n'est que dans le cadre de la présente procédure qu'ils ont, pour la première fois, contesté leur qualité d'actionnaires majoritaires, soutenant "agir individuellement". Ces affirmations, qui ne correspondent pas aux faits, ont cependant été faites pour les besoins de la cause puisque, même s'ils n'ont pas tous mandaté le même avocat, ils ont fait valoir, pour l'essentiel, les mêmes arguments.

C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a considéré que les appelants étaient "l'Actionnaire majoritaire" au sens de la convention de mai 2014 et de son avenant.

Le Tribunal a également correctement appliqué le droit en considérant que, puisque les parties étaient d'accord pour dire que, dans la mesure où le prix de cession déterminé conformément à l'art. 2 de la convention était nul, le prix à retenir était celui de souscription, conformément à l'art. 7 al. 5 de la convention.

Contrairement à ce que font valoir les appelants, l'art. 12 de la convention réglementant le droit de sortie des actionnaires minoritaires renvoie expressément à cet article 7 pour le calcul du prix de cession. Il n'y a dès lors là aucun "silence qualifié volontaire des parties". Le texte clair de l'art. 12 prévoit de plus que l'exercice du droit de sortie sur la base de la valeur des actions n'est qu'une faculté pour l'actionnaire minoritaire, et non une obligation.

Contrairement à ce qu'il prétend, B______ avait parfaitement compris ce mécanisme, puisqu'il a relevé, dans un courriel adressé à L______ en janvier 2015, que ces dispositions l'obligeaient à acheter les actions au prix minimum de souscription, ce qui avait pour effet de faire disparaître, pour les actionnaires minoritaires, la notion de risque liée à l'achat d'action.

B______ a confirmé quelques mois plus tard qu'il acceptait ce mécanisme, en dépit des risques que cela pouvait comporter pour les actionnaires majoritaires, en signant l'avenant à la convention d'actionnaires. Cet avenant reprend en effet à son article 3 les modalités prévues par l'art. 12 de la convention. Si les parties avaient décidé, en mars 2015, de modifier la manière de déterminer le prix de cession lors de l'exercice du droit de sortie de l'actionnaire minoritaire, elles auraient fait figurer cette modification dans l'avenant, ce qu'elles n'ont pas fait.

Par ailleurs, l'argument des appelants selon lequel les parties n'auraient pas prévu un mécanisme aussi complexe si elles avaient voulu garantir le remboursement des investissements des intimés ne convainc pas. En effet, les parties étaient libres de choisir les modalités applicables au remboursement de ceux-ci et aucun élément du dossier ne permet de retenir que les conventions conclues par les parties, qui n'ont pas été remises en cause par celle-ci pendant plusieurs années, ne correspondent pas aux volonté réelles de celles-ci.

Enfin, le Tribunal a, à juste titre, refusé d'ordonner l'expertise de la valeur des actions puisque cette mesure probatoire ne se justifie que s'il y a lieu d'éclaircir des faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC).

Or, les parties s'accordent à dire que la valeur des actions est nulle.

Les intimés étaient dès lors en droit de se prévaloir de la procédure prévue par l'art. 3 de l'avenant de 2015 pour exercer leur droit de sortie au prix de souscription de leurs actions.

5. Le Tribunal a retenu que les appelants n'avaient pas prouvé que leurs capacités financières respectives ne leur permettaient pas de racheter les actions au sens de l'art. 3 de l'avenant. Ils étaient donc tenus de racheter les actions des intimés au prix de souscription, conformément à l'art. 7 de la convention. Le fait que les intimés n'aient pas conclu à ce que le Tribunal ordonne le transfert des actions aux appelants n'était pas décisif, puisque, le conseil d'administration, au sein duquel les appelants étaient majoritaires, ne pourrait qu'approuver ce transfert, aucun juste motif de refus au sens des statuts n'étant réalisé.

Les appelants reprochent au Tribunal de n'avoir pas retenu qu'ils n'avaient pas les capacités financières de racheter les actions. C'était à tort qu'ils avaient été condamnés solidairement au paiement de celle-ci, alors même que le transfert en leur faveur desdites actions n'avait pas été ordonné.

Concernant ce dernier point, les intimés font valoir qu'il aurait incombé à leurs parties adverses de formuler une conclusion subsidiaire tendant au transfert des actions en leur faveur. Les actions n'avaient pas été émises et ils n'entendaient pas s'opposer à l'annotation d'un transfert sur le registre des actionnaires lorsque les actions leur auront été payées.

5.1.1 Selon l'art. 530 al. 1 CO, la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d’unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre un but commun. Les choses, créances et droits réels transférés ou acquis à la société appartiennent en commun aux associés dans les termes du contrat de société (art. 544 al. 1 CO). Les associés sont solidairement responsables des engagements qu’ils ont assumés envers les tiers, en agissant conjointement ou par l’entremise d’un représentant ; toutes conventions contraires sont réservées (art. 544 al. 3 CO).

Les engagements contractés par les associés – qu’ils soient de nature contractuelle, extracontractuelle ou pour enrichissement illégitime – donnent naissance à des dettes communes (Chaix, op. cit., n. 10 ad art. 544 CO).

5.1.2 Selon l'art. 144 al. 1 CO, le créancier peut, à son choix, exiger de tous les débiteurs solidaires ou de l’un d’eux l’exécution intégrale ou partielle de l’obligation. Les débiteurs demeurent tous obligés jusqu’à l’extinction totale de la dette (al.2).

A teneur de l'art. 147 al. 1 CO, celui des débiteurs solidaires dont le paiement ou la compensation éteint la dette en totalité ou en partie libère les autres jusqu’à concurrence de la portion éteinte. 

5.1.3 En l'absence d'une disposition spéciale instituant une présomption, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve. Il en résulte que la partie demanderesse doit prouver les faits qui fondent sa prétention, tandis que la partie adverse doit prouver les faits qui entraînent l'extinction ou la perte du droit. Ainsi, les faits qui empêchent la naissance d'un droit ou en provoquent l'extinction doivent être prouvés par la partie qui les allègue (ATF 139 III 7 consid. 2.2). 

5.2.1 En l'espèce, les appelants sont parties à une convention d'actionnaires et forment de ce fait une société simple. Conformément à l'art. 544 al. 3 CO, ils sont solidairement responsables envers les tiers des dettes de la société simple.

Ce qui précède est confirmé par le commentaire fait par l'avocat chargé de la rédaction de la convention d'actionnaire en lien avec la définition de l'"Actionnaire majoritaire". Ledit avocat a en effet précisé que les membres composant celui-ci, à savoir B______ et J______, K______ et l'hoirie de feu son épouse, agissaient conjointement et solidairement.

Cette constatation est confirmée par la lettre de l'art. 3 de l'avenant, qui mentionne l'"Actionnaire majoritaire" au singulier, et non au pluriel, le désignant ainsi en tant que groupe à l'égard des tiers. La capacité financière mentionnée à l'art. 3 est ainsi celle du groupe dans son ensemble, et non celle de chacun de ses membres individuellement.

Il en résulte que, pour déterminer si la dispense de paiement liée à la situation financière du groupe d'actionnaires majoritaires est réalisée, il convient d'examiner la situation des appelants dans leur ensemble, et non séparément. La situation financière défavorable de l'un des débiteurs ne saurait ainsi influer sur la position des autres débiteurs, puisque les appelants sont solidairement responsables de la dette envers les intimés.

Les allégués des appelants selon lesquels leurs situations financières respectives ne leur permettent pas racheter les actions ont été contestés en temps utile par les intimés, de sorte qu'il leur incombait de prouver la réalité desdits allégués.

Or, B______ n'a produit aucune pièce établissant sa situation financière, de sorte qu'ils convient de retenir que celle-ci lui permet de racheter les actions, ce qui est suffisant pour considérer que les intimés sont en droit de réclamer le paiement de celles-ci aux appelants pris solidairement.

De plus, il ressort des pièces produites par les intimés que B______ dispose de capacités financières conséquentes puisqu'il est propriétaire en son propre nom de deux immeubles et usufruitier de trois immeubles appartenant en copropriété à ses enfants A______, C______ et D______.

Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner la portée des avis de taxation pour 2022 produits en appel par C______ et A______. Il n'est pas non plus nécessaire de déterminer si l'impécuniosité de D______ est établie par le fait qu'il touche des subsides de l'Hospice général.

5.2.2 A cela s'ajoute que, puisque les intimés ont établi qu'ils avaient un droit au rachat de leurs actions, il incombait aux appelants de rapporter la preuve de l'extinction de ce droit.

Or, non seulement ceux-ci n'ont pas produit les pièces nécessaires à établir quelles étaient leurs situations financières, mais ils n'ont de plus présenté aucune allégation relative au seuil à partir duquel il faudrait considérer que les capacités financières du groupe d'actionnaires majoritaires ne lui permet pas de procéder au rachat des actions. Ils n'ont ainsi a fortiori pas prouvé que leur moyens étaient inférieurs à ce seuil.

Conformément à l'art. 8 CC, ils doivent supporter les conséquences de cette omission.

5.2.3 Enfin, le fait que les intimés n'aient pas conclu à ce que le Tribunal ordonne le transfert des actions aux appelants, après paiement de leur prix n'est pas déterminant. Si ces derniers souhaitaient que cet élément figure dans le dispositif du jugement, il leur aurait incombé de prendre des conclusions en ce sens, ce qu'ils n'ont pas fait.

En tout état de cause, les intimés ont expressément indiqué qu'ils n'entendaient pas s'opposer à l'annotation d'un transfert sur le registre des actionnaires après paiement de leurs actions.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement querellé sera confirmé, étant précisé que les montants retenus par le Tribunal et les intérêts de retard alloués ne sont pas contestés.

Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires des appelants tendant à ce que la Cour constate que la cession des actions doit se faire au prix calculé à l'annexe 2 de la convention d'actionnaires, puisque, comme cela a été constaté ci-dessus, la cession des actions litigieuses doit se faire au prix de souscription, ce prix étant supérieur à celui calculé selon l'annexe 2 de la convention d'actionnaires.

A cela s'ajoute qu'il n'est pas contesté que le prix actuel des actions est nul, de sorte que les appelants n'ont aucun intérêt actuel à ce qu'il soit constaté que tel est le cas.

6. Les frais judiciaires d'appel seront mis solidairement à la charge des appelants qui succombent, étant précisé que la part de D______, qui plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 106 et 123 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 18'000 fr. et partiellement compensé avec les avances fournies par les appelants en 13'500 fr., acquises à l'Etat de Genève (art. 13, 17, 35 RTFMC; 111 CPC). A______, C______ et B______ seront condamnés solidairement à verser le solde en 4'500 fr. à l'Etat de Genève.

Les appelants seront en outre condamnés solidairement à payer 15'000 fr. aux intimés à titre de dépens d'appel, débours et TVA inclus (art. 84 ss RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par B______, A______, C______ et D______ contre le jugement JTPI/15007/2023 rendu le 18 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5275/2021.

Au fond :

Confirme le jugement précité.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 18'000 fr., et partiellement compensés avec les avances versées, à la charge de B______, A______, C______ et D______, pris solidairement, étant précisé que la part de ce dernier est provisoirement laissée à la charge de l'Etat de Genève.

Condamne solidairement B______, A______ et C______ à verser 4'500 fr. à l'Etat de Genève au titre des frais judiciaires d'appel.

Condamne solidairement B______, A______, C______ et D______ à verser à F______ SA et E______, pris solidairement, 15'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.