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Décisions | Chambre civile

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C/2965/2021

ACJC/1061/2024 du 03.09.2024 sur JTPI/15109/2023 ( OO )

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2965/2021 ACJC/1061/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 3 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], intimé et requérant sur requête de sûretés, représenté par Me Mark BAROKAS, avocat, rue de l'Athénée 15, case postale 368, 1211 Genève 12,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], appelant et cité sur requête de sûretés, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/15109/2023 du 21 décembre 2023, le Tribunal de première instance a condamné B______ à payer à A______ un montant de 67'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2021 (chiffre 1 du dispositif), condamné B______ à payer à A______ un montant de 10'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 7 août 2020 (ch. 2), prononcé la mainlevée définitive de l’opposition formée par B______ aux commandements de payer poursuites n° 1______ et 2______ (ch. 3), mis les frais à la charge de B______ (ch. 4), si la motivation écrite de la décision était demandée : arrêté les frais judiciaires à 5'200 fr. (frais de conciliation inclus), compensés avec les avances fournies, condamné B______ à payer à A______ 5'000 fr. à ce titre et invité les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le montant de 200 fr. (ch. 5); si la motivation écrite de la décision n’était pas demandée : arrêté les frais judiciaires à 1'200 fr. (frais de conciliation inclus), compensés avec les avances fournies, condamné B______ à payer à A______ 1'000 fr. à ce titre et invité les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le montant de 4'200 fr. (ch. 6), condamné B______ à payer à A______ 5'000 fr. au titre de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

La motivation du jugement ayant été sollicitée, elle a été communiquée pour notification aux parties le 12 avril 2024.

B.            a. Le 14 mai 2024, B______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à ce que la Cour prononce l’invalidité du contrat de reprise du cabinet médical conclu entre B______ et A______, constate l’inexistence de la dette de 70'000 fr. de B______ à l’égard de A______, constate l’inexistence de la dette de 10'000 fr. de B______ à l’égard de A______, constate que B______ ne doit pas la somme de 56'840 fr. conformément au commandement de payer dans la poursuite n° 3______ (recte : 1______), constate que B______ ne doit pas la somme de 2'500 fr. dans la poursuite n° 2______, sous suite de frais judiciaire et dépens.

Il a également pris des conclusions subsidiaires visant au constat de la résolution partielle du contrat de reprise dudit cabinet médical "pour motif de mauvaise exécution" et à la réduction du prix de vente "à un prix équitable à titre de réduction du prix", en maintenant pour le surplus ses autres conclusions en constat de l’inexistence des dettes.

b. Par avis du 17 mai 2024, le greffe de la Cour de justice a informé A______ de ce que B______ avait formé appel contre le jugement du 21 décembre 2023. L’acte d’appel lui serait communiqué après le paiement de l’avance de frais par l’appelant.

c. Par avis du greffe de la Cour du 2 juillet 2024, un délai de 30 jours a été imparti à A______ afin de répondre à l'appel.

d. Ce dernier a répondu par acte du 8 juillet 2024, concluant à la confirmation du jugement du Tribunal du 21 décembre 2023, sous suite de frais et dépens de seconde instance.

A______ a par ailleurs conclu, préalablement, à ce que l’appelant soit condamné au versement de sûretés en garantie des dépens en 12'000 fr., ou sous forme de garantie d’une banque établie en Suisse, ou d’une société d’assurance autorisée à exercer en Suisse, dans un délai de trente jours, au motif que B______ serait en état d’insolvabilité manifeste, des actes de défaut de biens pour plus d'un million de francs ayant été délivrés à son encontre. Il a également conclu, sur le fond, à la libération des sûretés constitués en sa faveur, à hauteur des dépens alloués.

e. Le 24 juillet 2024, l’appelant a répondu à la requête de sûretés, concluant à son rejet, pour cause de tardiveté. En cas d'admission de la requête, il se justifiait, quoiqu'il en soit, de réduire le montant des sûretés.

f. Par avis du greffe de la Cour du 12 août 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de sûretés.

C.           Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. A______, en qualité de locataire, et B______, en qualité de sous-locataire, ont conclu un contrat de bail de sous-location portant sur les locaux d'un cabinet médical situés au rez inférieur de l'immeuble sis no. ______ route 4______ à Genève, pour la somme mensuelle, charges incluses, de 4'390 fr.

b. A______, en qualité de vendeur, et B______, en qualité d'acheteur, ont signé le 31 juillet 2020 un contrat de reprise du cabinet médical du premier nommé, pour la somme de 70'000 fr., plus le coût du mobilier arrondi à 10'000 fr., soit 80'000 fr. au total, l'acquéreur versant le jour de la reprise la somme de 50'000 fr, le solde étant payable par acomptes mensuels de 2'500 fr. chacun, la première mensualité étant exigible le 31 juillet 2020.

c. Le 7 août 2020, A______ a mis en demeure B______ de s'acquitter de la somme de 50'000 fr. et de la première mensualité de 2'500 fr., laquelle fut payée le 10 août 2020.

d. Le 16 septembre 2020, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 56'840 fr., incluant la somme de 50'000 fr. pour la reprise du cabinet médical, le solde du sous-loyer de juillet 2020 (2'280 fr.) et le sous-loyer d'août 2020 (4'560 fr.), ainsi qu'un commandement de payer n° 2______, portant sur le montant de 2'500 fr. relatif à la seconde tranche mensuelle de paiement du solde de la reprise du cabinet médical, auxquels B______ a fait opposition le 18 septembre 2020.

e. Le bail de sous-location a été résilié le 28 septembre 2020 pour le 30 juin 2021, résiliation déclarée valable par jugement du Tribunal des baux et loyers du 31 mars 2022, qui a octroyé au sous-locataire une unique prolongation de bail au 30 juin 2023, constaté que les sous-loyers des mois de juillet à septembre 2020 avaient été réglés par B______ et annulé partiellement la poursuite n° 1______ en tant qu'elle portait sur les sous-loyers des mois de juillet et août 2020, soit sur les montants de 2'280 fr. et 4'560 fr.

f. Par acte du 27 mai 2021, A______ a assigné B______ devant le Tribunal, concluant principalement à ce que ce dernier soit condamné à lui verser les sommes de 62'500 fr. et 10'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 7 août 2020, ainsi qu'au prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées par B______ aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et 2______, sous suite de frais et dépens.

A l'appui de sa demande, A______ a notamment précisé que B______ était "criblé de dettes", indiquant qu'au 15 avril 2021, il comptait 112 actes de défaut de biens pour un montant total de 803'534 fr. 17 (allégué 12). Il a produit en pièce 11 un extrait du registre des poursuites de B______ au 15 avril 2021. Il a également allégué que B______ ne payait pas régulièrement le sous-loyer du cabinet médical et qu'il devait le mettre en demeure presque tous les mois, sept mises en demeure lui ayant été notifiées entre le mois d'août 2020 et le mois de mai 2021 (allégué 13). Il a produit en pièce 12 diverses mises en demeure relatives à cette période.

g. Par mémoire de réponse du 30 septembre 2021, B______ a principalement conclu au prononcé de l'invalidité partielle du contrat de reprise du cabinet médical conclu entre les parties et à la réduction du prix du contrat de reprise à 10'000 fr. Il a également pris des conclusions subsidiaires.

Il a fait valoir différentes violations du contrat de reprise, soit notamment l'absence de transfert des dossiers médicaux de A______, la coupure de la ligne téléphonique, l'absence de transfert de bail à son nom et la violation de l'interdiction de faire concurrence.

h. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, les 10 novembre et 16 décembre 2021, persistant chacune dans leurs conclusions.

i. Le Tribunal a tenu une audience de débats d'instruction le 4 février 2022 et a entendu les parties lors de l'audience de débats principaux du 29 avril 2022.

j. Le Tribunal a également procédé à l'audition de témoins lors des audiences des 29 novembre 2022 et 27 juin 2023, dernière audience à l'issue de laquelle les parties ont plaidé et la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

EN DROIT

1.             1.1.1 L'article 99 al. 1 CPC prévoit que le demandeur doit, sur requête du défendeur et pour autant que l'une ou l'autre des conditions énumérées sous lettres a à d soient remplies, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens.

L'art. 99 al. 1 CPC prévoit notamment la possibilité pour le défendeur de solliciter des sûretés en garantie des dépens si le demandeur paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens (let. b).

L’institution des sûretés, connue avant l'entrée en vigueur du CPC sous la dénomination de cautio judicatum solvi, a pour but de donner au défendeur une assurance raisonnable que, s'il gagne son procès, il pourra effectivement recouvrer les dépens qui lui seront alloués à la charge de son adversaire : le procès implique en effet des dépenses que le défendeur n'a pas choisi d'exposer et dont il est juste qu'il puisse se faire indemniser si la demande dirigée contre lui était infondée (TAPPY, CR CPC, 2019, n. 3 ad art. 99 CPC; SUTER/VON HOLZEN, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), SUTTER-SOMM/hasenböhler/leuenberger (éd.), 3ème éd. 2016, n. 2 ad art. 99 CPC.

A teneur du texte de loi, seul le défendeur de première instance peut requérir des sûretés du demandeur. Néanmoins des sûretés peuvent également être exigées en deuxième instance, pour les frais futurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2 et les références citées; rüegg, in Basler Kommentar, 2010, Schweizerische Zivilprozessordnung, spühler/tencio/infanger (éd.), 2017, n° 5 ad art. 99 CPC; sterchi, in Berner Kommentar ZPO, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, 2012, n° 10 ad art. 99 CPC).

1.1.2 Selon le Tribunal fédéral, un recourant ne peut demander des sûretés en déposant simultanément sa réponse sur le recours, car il n'a plus d'intérêt à les obtenir, ayant déjà exposé en réalité tous les frais susceptibles de justifier des dépens en sa faveur, de telle sorte que sa requête est irrecevable (ATF 118 II 87 consid. 2, JdT 1993 I 316; ATF 79 II 295 consid.3, JdT 1954 I 528; arrêt du Tribunal fédéral 4A_188/2007 du 13 septembre 2007 consid. 1.4).

Le Tribunal fédéral a appliqué la jurisprudence précitée au cas d'une demande de sûretés présentée par l'intimé à un appel ou un recours selon les art. 308 ss ou 319 CPC (ATF 141 III 554). Comme cependant, alors que le délai pour se déterminer sur un recours au Tribunal fédéral est un délai judiciaire, qui peut être prolongé jusqu'à droit connu sur une telle demande (Corboz, in LTF, n. 27 ad art. 62), les délais de réponse à un appel ou un recours des art. 319 ss CPC sont des délais légaux non prolongeables (art. 312 et 322 et 144 al. 2 CPC), le même arrêt a considéré qu'il n'était pas non plus possible de déposer dans lesdits délais seulement une requête de sûretés. Le Tribunal fédéral a dès lors choisi d'imposer à celui qui, ayant gagné en tout ou partie en première instance et pouvant donc s'attendre à un appel ou un recours de son adversaire de demander, s'il y a lieu, des sûretés avant la notification de l'éventuel appel ou recours, par un acte présentant une certaine ressemblance avec un mémoire préventif (Tappy, op. cit. n. 15 et 16 ad art. 99 CPC).

1.2 En l’espèce, le requérant a été informé, par avis du greffe de la Cour du 17 mai 2024, de ce que le cité avait formé appel contre le jugement du Tribunal du 21 décembre 2023. Il savait depuis le début de la procédure de première instance que le cité avait de nombreuses dettes, puisqu'il avait relevé, déjà dans sa demande en paiement et en mainlevée définitive du 27 mai 2021, l'existence de 112 actes de défaut de biens à l'encontre du cité, pour un montant total de plus de 800'000 fr., et produit un extrait du registre des poursuites au 15 avril 2021 concernant celui-ci, sur lequel figuraient également, outre les actes de défaut de biens précités, d'autres poursuites et des saisies sur salaire. Le requérant se plaignait également dans sa demande devant le Tribunal de devoir mettre en demeure régulièrement, soit presque chaque mois, le cité pour le paiement des loyers des locaux commerciaux. Le requérant, qui connaissait la situation financière du cité, aurait par conséquent dû, dès réception de l’avis l’informant du dépôt d’un appel, prendre des conclusions en fourniture de sûretés, sans attendre qu’un délai pour répondre au fond lui soit imparti.

Dès lors, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral mentionnée ci-dessus, la demande de sûretés formée dans le cadre du mémoire réponse doit être considérée comme tardive et, partant, déclarée irrecevable.

2.      Il sera statué sur les frais judiciaires et dépens de l'incident avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête en constitution de sûretés en garantie des dépens :

Déclare irrecevable la requête en constitution de sûretés formée le 8 juillet 2024 par A______ dans la cause C/2965/2021.

Dit qu'il sera statué sur les frais judiciaires et dépens de l'incident avec la décision sur le fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Monsieur Ivo BUETTI et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.