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Décisions | Chambre civile

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C/22291/2022

ACJC/915/2024 du 09.07.2024 sur JTPI/15111/2023 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CC.134.al2; CC.276; CC.285; CC.286.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22291/2022 ACJC/915/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 JUILLET 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 décembre 2023, représenté par Me Patrick BOLLE, avocat, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2,
1207 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, Autriche, intimée, représentée par
Me Sirin YÜCE, avocate, Charles Russell Speechlys SA, rue de la Confédération 5, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPI/17993/2018 du 16 novembre 2018, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur requête commune de divorce avec accord partiel, a dissous par le divorce le mariage contracté le ______ 2009 en Turquie par A______, né le ______ 1981, originaire de Genève et B______, née [B______] le ______ 1985 en Turquie, de nationalité turque (chiffre 1 du dispositif), attribué à l’épouse la jouissance exclusive de l’appartement conjugal, avec tous les droits et obligations découlant du contrat de bail y relatif (ch. 2), constaté que A______ et B______ ne formaient l’un contre l’autre aucune prétention tirée de leur propre entretien après le divorce et de la liquidation de leur régime matrimonial, d’ores et déjà intervenue à l’amiable (ch. 3), ordonné le partage partiel de la prévoyance professionnelle accumulée par les parties durant le mariage ; ordonné en conséquence à la Caisse de pension C______ de prélever 7'430 fr. 20 du compte de prévoyance de A______ et de transférer ce montant sur le compte auprès de la Fondation de libre passage D______, au bénéfice de B______ (ch. 4), maintenu l’exercice en commun de l’autorité parentale sur les enfants E______, née le ______ 2010 et F______, né le ______ 2016 (ch. 5), attribué la garde des enfants à la mère (ch. 6), réservé au père un droit de visite devant s’exercer d’entente entre les parties ou, à défaut, chaque mercredi après-midi, chaque week-end et pendant la moitié des vacances scolaires (ch. 7), condamné A______ à verser en mains de B______, à titre de contribution à l’entretien des enfants E______ et F______, par mois, par enfant et d’avance, allocations familiales en sus, 400 fr. jusqu’à l’âge de 12 ans révolus, puis 350 fr. jusqu’à l’âge de 16 ans, puis 500 fr. jusqu’à l’obtention par l’enfant concerné d’une formation professionnelle appropriée (ch. 8) et condamné A______ à prendre à sa charge exclusive tous les frais consécutifs aux besoins extraordinaires imprévus futurs des enfants E______ et F______ (ch. 9) ; le Tribunal a enfin arrêté et réparti les frais judiciaires, sans allouer de dépens et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10 à 12).

b. Au moment du prononcé de ce jugement, la situation des parties et de leurs enfants, qui vivaient tous à Genève, était la suivante :

b.a A______, employé à plein temps dans la restauration, percevait un salaire de l’ordre de 4'150 fr. nets par mois ; il n’avait aucune fortune.

Ses charges mensuelles s’élevaient à 2'865 fr. par mois, correspondant à son entretien de base LP en 1'200 fr., son loyer en 1'205 fr., son assurance maladie de base, subside déduit, en 260 fr. et des frais d’essence estimés à 200 fr.

b.b Dépourvue de formation, d’emploi et de revenus, n’ayant pratiquement jamais travaillé et ne maîtrisant pas le français, B______ dépendait principalement de l’aide de l’Hospice général pour son entretien courant.

Ses charges mensuelles s’élevaient à 2'440 fr. par mois (entretien de base LP : 1'350 fr. ; 70% du loyer, hors parking, allocation de logement déduite : 700 fr. ; assurance maladie de base, subside déduit : 320 fr. ; frais de transports : 70 fr.).

b.c Les charges mensuelles des enfants E______ et F______ s’élevaient, après déduction des allocations familiales, à 260 fr. par enfant (entretien de base LP : 400 fr. ; 15% chacun de part de loyer, allocation de logement déduite : 150 fr. ; assurance maladie de base, subside déduit : 10 fr., sous déduction de 300 fr. d’allocations familiales).

c. Le jugement du 16 novembre 2018 a qualifié les contributions d’entretien en faveur des enfants d’adéquates, proportionnées et largement suffisantes.

B. a. Le 10 novembre 2022, A______ a soumis au Tribunal une demande en modification du jugement de divorce, concluant à l’annulation des chiffres 8 et 9 du dispositif du jugement JTPI/17993/2018 du 16 novembre 2018 et cela fait, à la suppression de toute contribution d’entretien en faveur des enfants E______ et F______, dès le 10 novembre 2022, ainsi que de toute contribution d’entretien extraordinaire en leur faveur, les frais de la procédure devant être partagés par moitié entre les parties.

En substance, A______ a allégué qu’à la fin du mois de novembre 2019, B______ (désormais B______), qui s’était remariée, avait déménagé en Autriche avec les enfants E______ et F______. Par ailleurs, sa propre situation financière s’était péjorée depuis le prononcé du jugement de divorce. En effet, dans le courant de l’année 2019, il avait perdu son emploi et bénéficié d’indemnités de chômage jusqu’au mois de mars 2022. En avril 2022, il avait retrouvé un emploi de serveur à 80% au sein du restaurant G______, pour un revenu mensuel net de 2'929 fr., treizième salaire compris. Il s’était par ailleurs remarié le ______ 2022 avec H______, dont il avait eu une fille, I______, née le ______ 2022. H______ ne travaillait plus depuis la naissance de sa fille et était donc sans revenus.

A______ a fait valoir les charges mensuelles suivantes (tous les chiffres sont arrondis) : 850 fr. de minimum vital OP ; 40% du loyer, charges comprises, de 1'192 fr., soit 477 fr. ; place de parking : 51 fr. (il a soutenu avoir besoin d’un véhicule compte tenu de ses horaires tardifs et pour aller chercher et raccompagner ses enfants en Autriche, deux ou trois fois par année, pour les vacances) ; 200 fr. de frais d’essence ; 56 fr. d’assurance véhicule ; 39 fr. d’impôts voiture ; 222 fr. de prime pour l’assurance maladie, subside déduit, pour un total de 1'895 fr. par mois.

Dans la mesure où son épouse ne travaillait pas, il lui appartenait également de payer les charges de celle-ci, à savoir : 850 fr. de minimum vital ; 477 fr. de part de loyer ; 312 fr. de prime d’assurance maladie, subside déduit ; 70 fr. de frais de transports, soit 1'709 fr.

Il lui incombait en outre de prendre en charge l’entier des impôts, en 414 fr., de ses propres frais de téléphone portable (92 fr.) et de ceux de son épouse (50 fr. estimés) et de l’entier de la prime d’assurance RC/ménage (196 fr.).

Les charges de sa fille I______ étaient les suivantes : 400 fr. de minimum vital ; 238 fr. de part de loyer (correspondant au 20% de celui-ci) ; 111 fr. de prime d’assurance maladie, le tout sous déduction de 300 fr. d’allocations familiales, pour un total non couvert de 449 fr. A______ a également allégué payer 8 fr. par mois pour une assurance complémentaire en faveur de I______.

Il devait par conséquent faire face à un déficit mensuel de l’ordre de 1'123 fr. Il ignorait par ailleurs tout de la situation de sa précédente épouse et de ses enfants E______ et F______, sous réserve du fait que le coût de la vie en Autriche correspondait à la moitié de celui en Suisse.

b. Lors de l’audience du 19 janvier 2023, A______ s’est engagé à payer 100 fr. par mois et par enfant à compter du jour-même.

Le conseil de B______ a indiqué que sa mandante était « prête à faire un effort », mais la proposition de sa partie adverse était insuffisante.

c. Dans sa réponse du 24 février 2023, B______ a conclu principalement au rejet de la demande et subsidiairement à ce que sa partie adverse soit condamnée à payer 835 fr. par mois pour l’entretien de l’enfant E______ dès le 1er février 2022, jusqu’à sa majorité, voire jusqu’à la fin de ses études, sérieuses et suivies, mais au plus tard jusqu’à ses 25 ans, et la somme de 600 fr. pour l’entretien du mineur F______ dès le 1er février 2022 puis 835 fr. dès octobre 2026, avec les mêmes limites que pour sa sœur.

B______ a en outre, sur demande reconventionnelle, conclu à l’annulation des chiffres 5 et 7 du dispositif du jugement de divorce, à l’attribution en sa faveur de l’autorité parentale exclusive sur les enfants E______ et F______, avec attribution au père d’un droit de visite devant s’exercer durant une semaine chaque été, avec suite de frais à la charge de ce dernier.

Sur le fond, elle a allégué que A______ n’avait vu E______ et F______ qu’à deux reprises durant les quatre dernières années. Pour le surplus et s’agissant de sa propre situation financière, elle a allégué souffrir d’un handicap à un bras en raison d’un grave accident dont elle avait été victime. Elle travaillait à 20% (taux d’activité maximum en raison de son handicap) dans le domaine du nettoyage. Elle avait donné naissance, le ______ octobre 2021, à un enfant prénommé J______ et resterait en congé maternité jusqu’au ______ octobre 2023. Elle percevait une allocation maternité de EUR 407 par mois en moyenne. En 2021, son salaire mensuel moyen s’était élevé à EUR 1'167 et en 2020 à EUR 1'467.

Elle a fait valoir des charges pour elle-même de 1'340 fr., soit 850 fr. de minimum vital OP, 415 fr. de loyer (soit le 30% du total du loyer) et 74 fr. de frais de télécommunications.

Les charges de la mineure E______ s’élevaient à 1'003 fr. par mois, soit à 837 fr. après déduction de 166 fr. d’allocations familiales (400 fr. de minimum vital ; 208 fr. de participation au loyer (soit le 15% de celui-ci) ; 87 fr. de frais d’essence pour qu’elle puisse se rendre à l’école en voiture, accompagnée par sa mère ; 44 fr. pour ses cours de danse ; 7 fr. pour des cours « en digital » ; 257 fr. de frais de répétiteur).

Les charges de l’enfant F______ s’élevaient à 744 fr., soit à 598 fr. après déduction de 146 fr. d’allocations familiales (400 fr. de minimum vital ; 208 fr. de loyer ; 87 fr. de frais d’essence pour qu’il puisse se rendre à l’école en voiture, accompagné par sa mère ; 50 fr. de frais de karaté).

S’agissant de A______, elle a allégué que le restaurant G______ dans lequel il travaillait était exploité par son frère, de sorte qu’il pouvait certainement « s’arranger » s’agissant tant de ses horaires que de son taux d’activité et de sa rémunération. Elle a également exposé que A______ n’avait plus versé la moindre contribution à l’entretien de E______ et de F______ depuis le mois de septembre 2019.

d. Lors de l’audience du 23 mars 2023, A______ a conclu au rejet des conclusions reconventionnelles de sa partie adverse. Il a par ailleurs indiqué qu’à compter du 1er mai 2023, il travaillerait à plein temps, pour un salaire mensuel net de 3'736 fr., treizième salaire compris.

e. Par pli du 24 avril 2023, B______ a retiré ses conclusions reconventionnelles.

f. A______ a répliqué le 28 avril 2023. Il a conclu à ce que le montant mensuel des contributions d’entretien dues pour ses deux enfants soit réduit à 100 fr. par mois et par enfant dès le 10 novembre 2022 et à la suppression de toute contribution d’entretien extraordinaire en leur faveur. Il a notamment soutenu que le minimum vital allégué par B______ était trop important, compte tenu de la résidence des mineurs en Autriche. Il avait vu ses deux enfants trois fois en trois ans, dont une année avait été affectée par la pandémie du Covid. Il a également soutenu que B______ percevait, pour ses deux enfants, d’autres subsides que les allocations familiales, soit : EUR 17, EUR 20, EUR 100 de rentrée scolaire et EUR 58 de crédit d’impôts ; le montant mensuellement perçu s’élevait par conséquent, au total, à EUR 245 pour E______ et à EUR 226 pour F______.

g. B______ a dupliqué le 1er juin 2023. Elle a allégué ne percevoir que EUR 71 d’allocations familiales par enfant, alors que dans sa précédente écriture, elle avait mentionné le montant de 166 fr. pour E______ et de 146 fr. pour F______.

h. Lors de l’audience du 12 septembre 2023, le conseil de B______ a précisé que cette dernière percevait EUR 261 par mois et par enfant au titre des allocations familiales.

La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

C.           a. Par jugement JTPI/15111/2023 du 21 décembre 2023, le Tribunal a rejeté la demande en modification du jugement de divorce déposée le 10 novembre 2022 par A______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 600 fr., mis à la charge des parties par moitié chacune et dit qu’ils sont provisoirement supportés par l’Etat de Genève, sous réserve d’une décision de l’Assistance juridique ; aucun dépens n’a été alloué (ch. 2) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

Dans ce jugement, le Tribunal s’est contenté de reprendre les chiffres allégués par les parties s’agissant de leurs revenus, de leurs charges et de celles des mineurs, sans mentionner quels montants il entendait, in fine, retenir ou au contraire écarter. Pour le surplus, il a considéré, en se fondant sur l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_623/2022 du 7 février 2023, que même si le niveau de vie en Autriche était inférieur à celui en Suisse, « impliquant une réduction du montant de base de 293 fr. par mois pour F______ et de 440 pour E______ », la contribution d’entretien fixée par le jugement de divorce permettait à peine de couvrir les charges des mineurs eu égard aux allocations familiales et à leur participation aux frais de logement, ainsi qu’à leurs frais de transport, sans tenir compte des autres frais de loisirs ou de formation, qui n’avaient pas été pris en compte dans le calcul des charges dans le cadre du jugement de divorce. D’autre part, selon le Tribunal, l’on ne pouvait considérer que A______ avait fourni tous les efforts nécessaires pour augmenter sa capacité contributive de manière à pouvoir faire face à ses obligations d’entretien. Le fait qu’il se soit remarié et ait eu un autre enfant ne permettait pas encore de retenir qu’il n’aurait plus été en mesure d’honorer ses obligations d’entretien à l’égard de ses deux aînés, compte tenu de ses charges mensuelles estimées à 1'895 fr., de celles de I______ de 450 fr. et de ses revenus mensuels « qui pourraient s’élever à 4'875 fr. (gain mensuel assuré selon les décomptes de l’assurance chômage et salaire hypothétique retenu) », les besoins des mineurs étant prioritaires par rapport aux besoins de l’épouse de l’intéressé. Seuls les frais engendrés par les droits de visite à l’étranger pouvaient avoir un impact sur le budget de A______. Il apparaissait toutefois qu’il ne faisait que rarement le trajet jusqu’en Autriche pour exercer son droit aux relations personnelles.

b. Le 19 février 2024, A______ a formé appel contre ce jugement, reçu le 19 janvier 2024, concluant à son annulation, à ce que la contribution d’entretien due en faveur des enfants E______ et F______ soit réduite à 100 fr. par mois et par enfant, à ce que toute contribution extraordinaire en faveur des enfants soit supprimée, les frais de la procédure devant être partagés par moitié entre les parties.

Dans son appel, A______ a reproché au Tribunal d’avoir rendu son jugement sur la base d’un état de fait sommaire. L’appelant a également fait grief au Tribunal d’avoir retenu un minimum vital LP trop important pour les enfants E______ et F______, le coût de la vie en Autriche étant de moitié inférieur à celui de la Suisse. Ceci était d’autant plus vrai que l’intimée et les deux mineurs vivaient dans une petite ville de l’ordre de 65'000 habitants, dont le niveau de vie était très différent de celui d’une grande ville comme Vienne. Ainsi, le minimum vital aurait dû être fixé à 300 fr. par mois pour E______ et à 200 fr. par mois pour F______. Au demeurant, le premier juge n’avait pas déterminé l’entretien convenable des enfants. Par ailleurs, si le montant des contributions d’entretien en faveur des enfants avait été qualifié de « largement suffisant » par le juge du divorce, il était a fortiori plus que suffisant pour couvrir leurs charges depuis qu’ils étaient installés en Autriche. L’appelant a également soutenu que les frais de loisir et de formation ne faisaient pas partie des charges indispensables, alors que le Tribunal les avait mentionnés. Or, si l’appelant devait certes contribuer à l’entretien de ses enfants mineurs avant de prendre en charge celui relatif à son épouse, il devait néanmoins aider celle-ci à payer ses charges incompressibles, en 1'709 fr., avant d’assumer les frais de loisirs et de répétiteur de E______ et F______, qui devaient être couverts seulement s’il y avait un excédent. Le Tribunal avait énoncé le fait que l’appelant avait les moyens de payer les contributions d’entretien mises à sa charge, sans toutefois le démontrer. L’appelant a enfin contesté le revenu hypothétique mis à sa charge et le fait que le Tribunal n’en ait pas fait de même s’agissant de l’intimée.

c. Dans sa réponse du 25 mars 2024, B______ a conclu au déboutement de l’appelant de ses conclusions et à la confirmation du jugement attaqué.

d. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

e. Par avis du greffe de la Cour du 17 juin 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur les contributions d'entretien en faveur des enfants, dont la valeur litigieuse, calculée conformément à l'art. 92 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai de trente jours (art. 311 al. 1 et 145 al. 1 let. b CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés à son encontre
(ATF
142 III 413 consid. 2.2.2 et les références citées).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne les enfants mineurs des parties (art. 296 al. 1 et 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2).

2. Le litige présente un élément d'extranéité en raison de la nationalité étrangère de l'intimée et de son domicile à l’étranger.

Les parties ne contestent pas, à juste titre, la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 59 et 64 al. 1 LDIP) et l'application du droit suisse au présent litige (art. 64 al. 2 et 83 al. 1 LDIP; art. 4 de la Convention de La Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires du 2 octobre 1973).

3. 3.1 Selon l'art. 286 al. 2 CC, applicable à l'action en modification du jugement de divorce par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant.

3.1.1 La modification de la contribution à l'entretien de l'enfant suppose donc que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente. La procédure de modification n'a en effet pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles intervenant chez les parents ou l'enfant. Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles mais exclusivement le fait que la pension ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures. On présume néanmoins que la contribution d'entretien a été fixée en tenant compte des modifications prévisibles, soit celles qui, bien que futures, sont déjà certaines ou fort probables. Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est la date du dépôt de la demande de modification (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1; 138 III 289 consid. 11.1.1;
137 III 604 consid. 4.1.1 et 131 III 189 consid. 2.7.4).

Parmi les circonstances nouvelles figurent une modification des besoins de l'enfant, un changement important de la situation économique du débiteur et/ou une modification de la situation familiale, telle que la naissance de demi-frères ou demi-sœurs (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; 120 II 177 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_66/2011 du 7 juin 2011 consid. 5.1; 5A_487/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1.; 5C_78/2001 du 24 août 2001 consid. 2a; 5P_26/2000 du 10 avril 2000, publié in FamPra.ch 2000 p. 552; Perrin, Commentaire romand, Code civil I, n° 8 ad art. 286 CC).

Ce sont les constatations de fait et le pronostic effectués dans le jugement de divorce, d'une part, et les circonstances actuelles ou futures prévisibles, d'autre part, qui servent de fondement pour décider si la situation s'est modifiée de manière durable et importante (arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1.1).

Ce n'est que si la charge d'entretien devient déséquilibrée entre les parents qu'une modification ou suppression de la contribution d'entretien selon l'art. 286 al. 2 CC peut entrer en considération (ATF 137 II 604 consid. 4.1.1; 134 III 337 consid. 2.2.2).

3.2 En l'espèce, il est établi que la situation des parties et de leurs enfants s’est modifiée de façon importante et durable depuis le prononcé du jugement de divorce. En effet, l’appelant s’est remarié et a eu un autre enfant. L’intimée pour sa part s’est non seulement remariée et a également eu un autre enfant, mais elle s’est de surcroît installée en Autriche avec les mineurs E______ et F______.

C’est par conséquent à juste titre que le Tribunal est entré en matière sur la demande de modification du jugement de divorce.

4.             4.1.1 Lorsque le juge admet que les conditions susmentionnées sont remplies, il doit en principe fixer à nouveau la contribution d'entretien après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC). Pour que le juge puisse procéder à cette actualisation, il n'est pas nécessaire que la modification survenue dans ces autres éléments constitue également un fait nouveau (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1).

4.1.2 Selon l’art. 276 al. 1 CC, applicable par renvoi de l’art. 134 al. 2 CC, l’entretien est assuré par les soins, l’éducation et des prestations pécuniaires (al. 1). Les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de l’enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 CC).

Selon l’art. 285 al. 1 CC, la contribution d’entretien doit correspondre, d’une part, aux besoins de l’enfant et, d’autre part, à la situation des parents ainsi qu’à leur capacité de paiement.

Il faut traiter sur un pied d'égalité tous les enfants crédirentiers d'un même père ou d'une même mère (ATF 140 III 337 consid. 4.3; 137 III 59 consid. 4.2.1 et 4.2.2).

4.1.3 La loi ne prescrit pas de méthode de calcul particulière pour arrêter une contribution d'entretien. Sa fixation relève de l'appréciation du juge, lequel est néanmoins lié par une méthode uniformisée posée par le Tribunal fédéral (art. 4 CC; ATF 147 III 265 consid. 6, 147 III 293 et ATF 147 III 201;
144 III 481 consid. 4.1; 140 III 337 consid. 4.2.2; cf. communiqué de presse du Tribunal fédéral du 9 mars 2021).

Selon cette méthode, dite "du minimum vital avec répartition de l'excédent" ou "en deux étapes", on examine d'abord les ressources, à savoir les revenus effectifs ou hypothétiques (tirés du travail, de la fortune ou de prestations sociales), et les besoins des personnes dont l'entretien est concerné. Puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille, selon un certain ordre de priorité, de manière à couvrir le minimum vital du droit des poursuites, respectivement, en cas de moyens suffisants, le minimum vital du droit de la famille. L'éventuel excédent – après retranchement de la part des revenus dévolue à l'épargne, qui ne participe pas à l'entretien de la famille – est ensuite réparti en principe par "grandes et petites têtes" (la part pour un parent représente le double de celle pour un enfant mineur); de multiples raisons fondées sur les particularités du cas d'espèce permettent toutefois de déroger à cette répartition, notamment la répartition de la prise en charge des enfants, un taux d'activité excédant les pourcentages imposés par la jurisprudence, des besoins particuliers, etc. (ATF 147 III 265 consid. 7, 7.3 et 8.3.2).

Les besoins de l'enfant doivent être répartis entre les père et mère en fonction de leurs capacités contributives respectives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1; 5A_119/2017 du 30 août 2017 consid. 7.1). Si l'enfant est sous la garde exclusive de l'un des parents, vit dans le ménage de ce dernier et ne voit l'autre parent que dans le cadre de l'exercice du droit aux relations personnelles, le parent gardien apporte sa contribution à l'entretien de l'enfant "en nature", en s'occupant de l'enfant et en l'élevant. Dans un tel cas, le versement d'une contribution d'entretien incombe en principe entièrement à l'autre parent (ATF 147 III 265 consid. 5.5 et 8.1). Toutefois, le juge peut, selon son appréciation, astreindre le parent qui prend (principalement) en charge l'enfant à couvrir également une partie de l'entretien en espèces, lorsque l'intéressé a une capacité contributive plus importante que celle de l'autre parent (ATF 147 III 265 consid. 8.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3 et les références).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 consid. 7.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

4.1.4 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties pour établir leurs ressources.

Les parties peuvent se voir imputer un revenu hypothétique supérieur à leurs revenus effectifs. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer s'il peut être raisonnablement exigé de la personne concernée qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).

Si le juge entend exiger d'une partie la prise ou la reprise d'une activité lucrative, ou encore l'extension de celle-ci, il doit généralement lui accorder un délai approprié pour s'adapter à sa nouvelle situation (ATF 144 III 481 consid. 4.6; 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 5A_253/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1.2).

4.1.5 Les charges des enfants se calculent en se fondant sur le minimum vital du droit des poursuites (cf. à Genève les normes d'insaisissabilité fixées chaque année par l'autorité de surveillance des Offices des poursuite et faillites in RS/GE E 3 60.4 – ci-après NI) qui comprend un montant de base mensuel (alimentation, vêtements et linge y compris leur entretien, soins corporels et de santé, etc.), les frais raisonnables de logement (part à déduire des coûts de logement du parent gardien), les primes d'assurance-maladie obligatoire, les frais de transports publics, les éventuels frais de prise en charge par des tiers, les frais scolaires et des frais particuliers de santé. Si la situation financière de la famille est plus favorable, il y a lieu d'ajouter au minimum vital du droit des poursuites des suppléments permettant d'atteindre le minimum vital du droit de la famille comme la part d'impôt générée par la contribution à l'entretien de l'enfant, la participation aux frais de logement effectifs supérieurs aux frais raisonnables de logement et les primes d'assurance-maladie complémentaire; en revanche, les frais de loisirs, de voyages et de vacances ne font pas partie du minimum vital du droit de la famille (ATF 147 III 265 consid. 7.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.1).

4.2 En l’espèce, le Tribunal a admis à juste titre que la situation des parties s’était modifiée de façon importante et durable depuis le prononcé du jugement de divorce. Une fois ce constat effectué, il aurait par conséquent dû fixer à nouveau les contributions d'entretien dues par l’appelant, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul de celles-ci dans le jugement précédent, conformément à la méthode préconisée par le Tribunal fédéral et reprise sous 4.1 ci-dessus, ce qu’il s’est abstenu de faire. En lieu et place, le premier juge s’est contenté de considérations toutes générales, non étayées par des chiffres précis, puisqu’il a renoncé à établir le budget des parties et de leurs enfants, pour retenir que même si la situation des uns et des autres avait changé, les contributions fixées par le juge du divorce demeuraient néanmoins adéquates et devaient être maintenues.

Le Tribunal a certes considéré, en se fondant sur un arrêt du Tribunal fédéral du 7 février 2023, que le coût de la vie en Autriche était inférieur à celui en Suisse. Pour le surplus, les charges des enfants, telles que présentées par l’intimée, n’ont fait l’objet d’aucune discussion, quand bien même elles étaient contestées par l’appelant. Le premier juge n’a pas davantage indiqué quel montant d’allocations familiales devait être retenu pour les deux mineurs, alors que l’intimée a fourni, sur ce point, des indications variables et contradictoires. Or, la détermination du montant des allocations familiales est essentielle, puisqu’elle permet de connaître la part non couverte des charges des enfants.

Les mêmes manquements doivent également être relevés s’agissant de la situation de l’appelant. Le premier juge a certes retenu un revenu hypothétique de 4'875 fr. par mois, correspondant au gain mensuel assuré selon les décomptes de l’assurance chômage, similaire à celui que percevait l’intéressé au moment du prononcé du divorce. En revanche, le Tribunal n’a, à nouveau, pas établi le budget de l’appelant et n’a fourni aucune explication utile sur le fait qu’il ne semble avoir tenu aucun compte des charges inhérentes à sa nouvelle épouse, alors que celle-ci n’exerce aucune activité lucrative et est la mère d’un enfant en bas âge, se contentant d’affirmer que les besoins des mineurs (non établis précisément) étaient prioritaires par rapport à ceux de l’épouse (non établis non plus).

Enfin, le Tribunal n’a pas davantage déterminé les charges incompressibles de l’intimée, ni ne s’est concrètement prononcé sur sa capacité de gain éventuelle.

Au vu de ce qui précède, la Cour n’est pas en mesure de contrôler si le Tribunal a constaté les faits de manière inexacte ou a violé le droit. Par ailleurs et sauf à priver les parties du double degré de juridiction, il n’appartient pas à l’instance de recours de procéder, sur la base des pièces produites, à l’établissement du budget précis des parties et de leurs enfants. Pour ce motif, le jugement attaqué sera annulé ; la cause sera retournée au Tribunal pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.             5.1.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC).

Le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l’équité l’exige (art. 107 al. 2 CPC).

5.1.2 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance.

5.2.1 Le jugement attaqué étant intégralement annulé, il appartiendra au Tribunal de statuer à nouveau sur les frais judiciaires et dépens de la procédure de première instance.

5.2.2 Les frais judiciaires de la procédure d’appel seront arrêtés à 500 fr. et, compte tenu de l’issue de la procédure, ils seront laissés à la charge de l’Etat.

L’affaire relevant du droit de la famille, chaque partie supportera ses propres dépens d’appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/15111/2023 rendu le 21 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22291/2022.

Au fond :

Annule le jugement attaqué et cela fait :

Retourne la procédure au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d’appel à 500 fr. et les laisse à la charge de l’Etat.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.