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Décisions | Chambre civile

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C/13426/2022

ACJC/848/2024 du 25.06.2024 sur JTPI/11617/2023 ( OO ) , RENVOYE

En fait
En droit

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13426/2022 ACJC/848/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 25 JUIN 2024

 

Entre

A______ AG, c/o Me B______, ______ [ZG], appelante d'un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 octobre 2023, représentée par Me Bernard LACHENAL, avocat, MLL FRORIEP SA, rue
du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

et

1) C______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Delphine ZARB,
DGE AVOCATS, rue Bartholini 6, case postale, 1222 Vésenaz,

2) Monsieur D______, domicilié E______, ______ [VD], autre intimé, représenté par Me Bernard LACHENAL, avocat, MLL FRORIEP SA, rue du Rhône 65, case
postale 3199, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11617/2023 du 10 octobre 2023, notifié aux parties le 13 octobre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur la recevabilité et la légitimation active, a déclaré recevable la demande en paiement formée le 30 janvier 2023 par D______ et A______ AG contre C______ SA (ch. 1 du dispositif), constaté que D______ avait la légitimation active (ch. 2), rejeté les conclusions formées par A______ AG (ch. 3), laissé les frais judiciaires – arrêtés à 1'200 fr. – à la charge de A______ AG, compensé ces frais à due concurrence avec l'avance de frais fournie par celle-ci, ordonné la restitution à A______ AG du solde de son avance (ch. 4), condamné A______ AG à verser à C______ SA le montant de 6'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5), réservé la décision sur les frais pour la procédure entre D______ et C______ SA (ch. 6), réservé la suite de la procédure (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par mémoire expédié le 13 novembre 2023 au greffe de la Cour civile (ci-après : la Cour), A______ AG a formé appel de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres n° 3 à 6 et 8 du dispositif. Principalement, elle a conclu à ce qu'il soit constaté que A______ AG possède la légitimation active et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour instruction au fond.

b. Dans sa réponse, C______ SA a conclu au rejet de l'appel formé par A______ AG.

c. Par courrier du 5 février 2024, D______ a indiqué soutenir et appuyer les conclusions prises par A______ AG. Il a conclu à ce que la recevabilité de l'acte d'appel déposé le 13 novembre 2023 soit admise et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de A______ AG.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

e. Elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 10 mai 2024.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ AG est une société active dans l'acquisition, l'administration et la vente de biens immobiliers.

b. D______ en est l'unique actionnaire.

c. A______ AG est propriétaire depuis plus de 15 ans d'un chalet sis à F______ (BE) dénommé G______, situé au no. ______ rue 1______ (ci-après : le chalet).

d. Ce chalet est doté d'une zone de détente qui se trouve au rez-de-chaussée inférieur. La pièce mesure 50 m2 et comprend une piscine intérieure chauffée de 23 m2, un sauna, un petit fitness ainsi que des douches et des toilettes.

e. Le chalet est utilisé par D______ en tant que résidence secondaire. Il y séjourne en principe trois fois par année pendant les vacances, généralement accompagné de sa famille et d'amis.

f. H______, aujourd'hui décédé, était intendant de D______ à l'époque des faits litigieux.

g. C______ SA est une société spécialisée dans la construction et la maintenance de tous types d'infrastructures de type wellness.

h. I______ en est le président du conseil d'administration.

i. D______ et C______ SA sont liés contractuellement depuis plusieurs années.

j. Les relations contractuelles entre D______ et C______ SA ont été mises à jour le 4 février 2021, par un contrat intitulé "Abonnement de base pour le contrôle de votre installation de filtration et de traitement top-clean – Année 2021". Il ressort de l'introduction du contrat que cet abonnement "assure un contrôle préventif et [un] suivi de votre installation pour son maintien en bon état de fonctionnement électromécanique". Il était prévu que C______ SA effectue six visites de contrôle techniques planifiées dans l'année civile, à environ deux mois d'intervalle.

k. C______ SA s'est rendue au chalet le 24 juillet 2021.

l. Les 13 et 14 août 2021, D______ et I______ se sont échangés des messages sur WhatsApp. Le premier a expliqué que le chauffage de la piscine avait été enclenché sans la ventilation, ce qui avait provoqué une buée dans le local et des dégâts sur le bois. Le second a répondu qu'il s'était rendu sur place et que la déshumidification devait fonctionner puisque l'atmosphère de la pièce était normale. Il lui demandait où se trouvait la commande de la ventilation.

m. Le 30 janvier 2023, D______ et A______ AG ont déposé une demande en paiement au greffe du Tribunal. Ils ont conclu, principalement et sous suite de frais et dépens, à la condamnation de C______ SA à payer à A______ AG le montant de 522'490 fr. 35, avec intérêts à 5% l'an dès le 24 juillet 2021, à titre d'indemnisation pour les dommages matériels causés au chalet ainsi que la somme de 3'564 fr. 85 TTC, avec intérêts à 5% l'an dès le 2 juin 2022, à titre d'indemnisation pour les frais d'huissier judiciaire engagés. Ils ont conclu également à la condamnation de C______ SA à payer à D______ le montant de 20'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 22 avril 2022, à titre d'indemnisation pour la perte de jouissance du chalet et de ses infrastructures ensuite du sinistre. Finalement, ils ont conclu à ce que C______ SA paye à D______ et A______ AG la somme de 1'500 fr. au titre de frais judiciaires et dépens arrêtés dans le cadre de la procédure de preuve à futur (C/2______/2022).

D______ et A______ AG ont allégué que I______ s'était rendu le 24 juillet 2021 au chalet, afin de faire un contrôle du bassin de la piscine intérieure et d'enclencher son système de chauffage, à la demande de D______. Le système de ventilation, qui devait être mis en route manuellement lorsque le chauffage de la piscine était activé, n'avait cependant pas été enclenché, contrairement à ce qui avait été fait lors des précédentes mises en service de la piscine par C______ SA et alors qu'elle en avait la charge. Le 13 août 2021, D______ s'était rendu sur place et avait constaté que le local piscine était saturé d'humidité et que la ventilation n'était pas enclenchée. Ce n'était qu'à partir du mois de novembre 2021 qu'il avait été possible pour D______ et A______ AG d'apprécier la véritable étendue du dommage causé par la négligence de I______, respectivement C______ SA, lorsque J______, architecte paysagiste, et H______, s'étaient rendus dans le chalet et avaient constaté la présence d'importants dégâts dans l'espace détente ainsi que dans les pièces à vivre situées à son rez supérieur. Selon eux, C______ SA répondait à la fois d'une responsabilité contractuelle vis-à-vis de D______ et délictuelle vis-à-vis de A______ AG en raison du sinistre causé dans le chalet, dès lors que l'omission d'enclencher le système de ventilation constituait une violation fautive du contrat de maintenance conclu avec D______, respectivement un acte fautif commis à l'encontre de A______ AG.

n. Dans sa réponse, C______ SA a conclu au déboutement de D______ et A______ AG de toutes leurs conclusions.

Elle a allégué s'être rendue, par l'intermédiaire de I______ et K______, au chalet le 24 juillet 2021 à la demande de H______, afin d'effectuer un contrôle de la piscine. H______ leur avait alors demandé d'enclencher le chauffage de la piscine en raison de l'arrivée prochaine de D______. Selon C______ SA, la mise en route du chauffage de la piscine ne faisait pas partie de ses attributions et était gérée par H______; néanmoins, vu la demande de H______, elle avait proposé de se rendre au chalet pour procéder selon les instructions données. Aucune responsabilité ne pouvait lui être imputée, dans la mesure où l'abonnement qui la liait à D______ était limité à la maintenance électromécanique des appareils de la marque de C______ SA, à savoir le pompage, la filtration et la désinfection Top-Clean et Pool-Manager. Elle n'avait cependant jamais eu à se préoccuper du système de ventilation de l'espace détente, cette tâche incombant à H______. C'était donc en toute bonne foi que I______ avait indiqué à D______ qu'il n'avait pas enclenché la ventilation, puisqu'il n'avait pas à le faire. C______ SA a ajouté avoir toujours rempli ses obligations contractuelles sans qu'aucun manquement ne lui soit reproché durant plus de dix ans et qu'il appartenait à H______ d'assurer l'intendance du chalet et de mettre en route la ventilation, de même que le chauffage, avant que D______ ne se rende dans le chalet.

o. Dans leur réplique, D______ et A______ AG ont augmenté les prétentions de la seconde à hauteur de 624'724 fr. 65 à l'encontre de C______ SA, à titre d'indemnisation pour les dommages matériels causés au chalet, sous réserve d'amplification.

Ils ont réitéré que, compte tenu de son statut de professionnel dans l'entretien des piscines intérieures, il revenait à C______ SA de s'assurer de l'activation de la ventilation de l'espace détente "avant d'enclencher le chauffage de la piscine", et ont répété que cette omission constituait une violation fautive du contrat de maintenance conclu avec D______, respectivement un acte fautif commis à l'encontre de A______ AG. Selon eux, cette omission d'enclencher la ventilation dans l'espace piscine lors de la mise en marche de son chauffage avait provoqué une saturation d'humidité dans la pièce, générant ainsi une évaporation de l'eau de la piscine chargée en chlore.

p. Dans sa duplique, C______ SA a persisté dans ses conclusions.

Elle a réaffirmé que lors de l'intervention du 24 juillet 2021, I______ et K______ n'avaient pas manipulé le système de ventilation, dès lors qu'ils n'avaient pas soupçonné que le système de déshumidification ne fonctionnait pas, faute d'indices ou d'informations à cet égard.

q. Lors de l'audience du 31 mai 2023, le Tribunal a proposé de limiter la procédure à la question de la légitimation active de A______ AG, dans la mesure où le contrat dont la violation était alléguée liait C______ SA à D______, à l'exclusion de A______ AG, et qu'une partie du dommage allégué avait été subi par cette dernière.

C______ SA ne s'y est pas opposée, tandis que D______ et A______ AG ont estimé que cela n'était pas nécessaire, dans la mesure où A______ AG avait subi le dommage.

r. Par ordonnance du 5 juin 2023, le Tribunal a limité la procédure à la question de la recevabilité de la demande et à celle de la légitimation active.

s. Le 8 septembre 2023, D______ et A______ AG ont déposé une écriture sur faits nouveaux. Ils ont augmenté leurs prétentions à hauteur de 704'724 fr. 65 en faveur de A______ AG, à titre d'indemnisation pour les dommages matériels causés au chalet, sous réserve d'amplification, ainsi qu'à hauteur de 44'000 fr. en faveur de D______, à titre d'indemnisation pour la perte de jouissance du chalet et de ses infrastructures ensuite du sinistre, sous réserve d'amplification.

t. Lors de l'audience du 13 septembre 2023, les parties ont plaidé sur la question de la légitimation active, persistant dans leurs conclusions.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que A______ AG ne disposait pas de la légitimation active, dès lors qu'elle n'était pas parvenue à alléguer et prouver les faits étant à l'origine de l'acte illicite dont elle se prévalait. L'omission que reprochait A______ AG à C______ SA, à savoir de ne pas s'être assurée, compte tenu de son activité professionnelle d'entretien des piscines intérieures, de l'activation de la ventilation de l'espace détente avant d'enclencher le chauffage de la piscine, ne pouvait être considéré comme un acte illicite en l'absence d'une atteinte à un droit absolu, le seul statut de professionnel dans l'entretien des piscines intérieures ne plaçant pas C______ SA dans une position de garant vis-à-vis des tiers.

En outre, A______ AG n'avait pas décrit de circonstances propres à fonder une obligation d'agir de C______ SA, autres que les obligations découlant du contrat qui liait cette dernière à D______. Si des normes de comportement destinées à protéger contre les atteintes, et dont la violation est constitutive d'un acte illicite, pouvaient trouver leur fondement dans l'ensemble de l'ordre juridique suisse, cela n'incluait toutefois par les obligations contractuelles liant des tiers. Faute d'obligation d'agir de C______ SA à l'encontre de A______ AG, l'omission reprochée à la précitée ne constituait pas un acte illicite et A______ AG n'était pas titulaire d'un droit à faire valoir en justice en son nom et contre C______ SA.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 CPC, l'appel est recevable, notamment, contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance. La décision finale, selon l'art. 236 al. 1 CPC, est celle que le Tribunal rend pour mettre fin au procès par une décision d'irrecevabilité ou par une décision au fond.

A la différence de la LTF, le CPC ne définit pas la décision partielle qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF).

Est une décision partielle celle qui tranche seulement une partie des conclusions prises, dans la mesure où celles-ci pouvaient être jugées indépendamment des autres et auraient donc pu faire l'objet d'un procès séparé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_7/2007 consid. 2.2.1 cité par Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2755 p. 494).

Dans le cadre du CPC, les décisions partielles sont assimilées par la doctrine à des décisions finales puisqu'elles mettent un terme à l'instance relativement aux demandes ou aux consorts concernés; elles s'en distinguent cependant puisqu'elles ne mettent pas fin à la procédure dès lors que l'instance perdure à raison de la partie non tranchée du litige (Hohl, op. cit., n. 2336 p. 426; Jeandin, in CPC commenté, 2011, n. 8 ad art. 308 CPC; Retornaz, L'appel et le recours, in Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, 2010, n. 22 à 25 p. 358, 359). Un tel jugement partiel est attaquable immédiatement (Jeandin, op. cit., n. 8 ad art. 308 CPC).

En l'espèce, en ce qui concerne l'appelante, la décision est une décision partielle finale, puisqu'elle met fin à la procédure la concernant, le litige se poursuivant pour les autres parties devant le premier juge. La voie de l'appel est donc ouverte contre une telle décision, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

1.2 L'appel, motivé et formé par écrit dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision dans une affaire patrimoniale où la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., est dès lors recevable (art. 130, 131, 145 al. 1 let. a et 311 al. 1 CPC).

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. Le grief de la constatation incomplète des faits soulevé par l'appelante et relatif à des faits portant sur la réalisation des conditions matérielles de l'acte illicite ne sera pas examiné à ce stade, vu l'issue du litige.

3. 3.1 L'appelante reproche au Tribunal de lui avoir dénié la qualité pour agir (légitimation active) sur l'ensemble de ses conclusions.

3.1.1 La qualité pour agir (légitimation active) relève du fondement matériel de l'action ; elle appartient au sujet du droit invoqué en justice (ATF 142 III 782 consid. 3.1.2.1; 139 III 504 consid. 1.2; 136 III 365 consid. 2.1; 130 III 417 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_114/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.1). Elle se détermine selon le droit au fond et son défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention litigieuse (ATF 136 III 365 consid. 2.1). Elle s'examine d'office et librement, dans les limites des faits allégués et établis lorsque le litige est soumis à la maxime des débats (ATF 130 III 550 consid. 2; 126 III 59 consid. 1.a). Le défaut de qualité pour agir ou pour défendre n'est en principe pas susceptible de rectification ; il entraîne le rejet de la demande (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_114/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.1; 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 3.3).

Il appartient au demandeur de prouver les faits desquels il tire sa qualité pour agir (art. 8 CC; ATF 130 III 417 consid. 3.1; 123 III 60 consid. 3a).

Selon le droit matériel, la qualité pour agir est un fait implicite, soit un fait qui est contenu, sans aucun doute, dans un autre allégué expressément invoqué. Le fardeau de l'allégation et le fardeau de la preuve de ce fait n'incombe à la partie demanderesse que lorsque sa partie adverse l'a contesté. Ainsi, ce n'est que si le défendeur conteste la qualité pour agir du demandeur que celui-ci en supporte le fardeau de l'allégation et le fardeau de la preuve : il lui appartient alors d'alléguer et d'offrir les moyens de preuve nécessaires pour établir l'existence de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_114/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.1).

3.1.2 Aux termes de l'art. 41 al. 1 CO, celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.

A la qualité pour agir en responsabilité contre l'auteur d'un acte illicite au sens de cette disposition le lésé, soit celui qui subit le dommage. Conformément aux principes généraux du droit de la responsabilité civile, seul est lésé celui qui subit un dommage direct dans son patrimoine. Le dommage direct est celui qui découle directement de l'atteinte (Werro/Perritaz in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd., 2021, n. 13 ad. art. 41 CO). Le tiers qui n'éprouve qu'un préjudice réfléchi – ou indirect – en raison d'une relation particulière avec le lésé direct ne possède en principe aucun droit contre le responsable du dommage (ATF 131 III 306 consid. 3.1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_114/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.1.2).

3.2 En l'espèce, le premier juge a limité, dans son ordonnance du 5 juin 2023, la procédure à la question de la recevabilité de la demande ainsi qu'à celle de la légitimation active de l'appelante. Dans ce cadre, il lui appartenait de déterminer si l'appelante était sujet du droit invoqué à l'art. 41 CO, à savoir si elle avait subi un dommage direct dans son patrimoine du fait des agissements qu'elle reproche à l'intimée.

Or, il n'est pas contesté, ni par l'appelante ni par C______ SA, que l'appelante est propriétaire du chalet où ont eu lieu les dommages allégués et objets du litige. Cet élément, allégué et prouvé, suffit à fonder sa légitimation active. Autre est cependant la question de savoir si, à l'aune de l'examen des conditions relatives à l'art. 41 CO, l'appelante pourra obtenir les montants réclamés à titre de dommages-intérêts, et notamment s'il convient de retenir – ou non – l'existence d'un acte illicite commis par C______ SA à son égard.

C'est donc à tort que le Tribunal s'est proposé d'examiner directement toutes les conditions matérielles de l'art. 41 CO, notamment en tranchant négativement la question relative à l'existence d'un acte illicite et en considérant, de son point de vue, que l'appelante n'avait pas suffisamment allégué et prouvé l'existence d'une norme de comportement destinée à la protéger, respectivement si l'intimée se trouvait dans une position de garante vis-à-vis d'elle. En effet, à ce stade de la procédure, l'instruction de la cause n'avait pas commencé, de sorte que les parties n'avaient pas eu la possibilité de prouver leurs allégations par le biais de l'administration des moyens de preuve proposés, notamment des auditions de parties et de témoins s'agissant de l'existence ou de l'inexistence d'un acte illicite. Dès lors, les considérations relatives à la réalisation des conditions matérielles de l'art. 41 CO devront être tranchées dans le cadre de l'examen matériel des prétentions de l'appelante, c'est-à-dire dans le cadre du jugement au fond final, et non pas dans le cadre d'une décision partielle rendue à la suite d'une ordonnance limitant la procédure à la question de la recevabilité et de la légitimation active de l'appelante.

La légitimation active de l'appelante devant lui être reconnue, il restera donc au Tribunal à déterminer, dans son jugement au fond, et après avoir effectué les actes d'instruction nécessaires et administré les moyens de preuve sollicités par les parties, si l'appelante a réussi – ou non – à démontrer la réalisation de l'ensemble des conditions relatives à l'art. 41 CO et, partant, à obtenir gain de cause – ou non – quant à ses prétentions en dommages-intérêts.

Au vu de ce qui précède, c'est donc à tort que le premier juge a dénié la légitimation active de l'appelante.

Par conséquent, les chiffres 3 à 5 et 8 du dispositif du jugement querellé seront annulés et il sera constaté que l'appelante dispose de la légitimation active en ce qui concerne ses conclusions principales n° 2, 4 et 5 ainsi que concernant l'ensemble de ses conclusions subsidiaires.

4. 4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur les frais judiciaires ainsi que sur les dépens fixés par le Tribunal, lesquels seront réglés avec le jugement final de première instance (104 al. 1 CPC).

4.2 Les frais judiciaires relatifs à la procédure d'appel seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 2, 17 et 35 RTFMC) et compensés par l'avance de frais fournie par l'appelante, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge de C______ SA, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et celle-ci sera condamnée à en rembourser le montant à l'appelante (art. 111 al. 2 CPC).

Eu égard à la valeur litigieuse, au caractère non final de la procédure d'appel et à l'activité déployée par les conseils de l'appelante, les dépens d'appel seront arrêtés à 2'000 fr., débours et TVA inclus (art. 95 al. 3 CPC; art. 85, 87 et 90 RTFMC; art. 20 al. 1, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC). C______ SA, qui succombe, sera condamnée à les verser à l'appelante.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 novembre 2023 par A______ AG contre le jugement JTPI/11617/2023 rendu le 10 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13426/2022.

Au fond :

Annule les chiffres 3 à 5 et 8 du dispositif de ce jugement, et statuant à nouveau sur ces points :

Constate que A______ AG dispose de la légitimation active en ce qui concerne ses conclusions n° 2, 4 et 5 ainsi qu'en ce qui concerne l'ensemble de ses conclusions subsidiaires.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour suite de l'instruction de la cause au fond.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., les met à la charge de C______ SA et les compense avec l'avance de frais versée par A______ AG, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ SA à verser 1'200 fr. à A______ AG.

Condamne C______ SA à verser à A______ AG 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sandra CARRIER, greffière.

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.