Décisions | Chambre civile
ACJC/1244/2023 du 26.09.2023 sur JTPI/14379/2022 ( OO ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/2013/2020 ACJC/1244/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er décembre 2022, comparant par Me Eric BEAUMONT, avocat, Eardley Avocats, rue De-Candolle 16, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,
et
Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.
A. Par jugement JTPI/14379/2022, reçu par les parties le 5 décembre 2022, le Tribunal de première instance a annulé les chiffres 2 et 3 du jugement JTPI/14313/2012 du 9 octobre 2012, attribué à A______ et B______ l'autorité parentale conjointe sur l'enfant C______, né le ______ 2007, laissé à A______ la garde principale de C______, réservé à B______ un droit de visite s'exerçant, sauf accord contraire entre les parties, à raison d'un weekend sur deux, du vendredi soir au dimanche soir, ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires (ch. 1 du dispositif), annulé le chiffre 5 du jugement précité avec effet au 1er avril 2020 et libéré B______ de toute obligation de contribuer à l'entretien de A______ depuis le 1er avril 2020 (ch. 2), confirmé, pour le surplus, le jugement JTPI/14313/2012 du 9 octobre 2012 (ch. 3), mis à la charge des parties par moitié chacune les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., étant précisé que A______, plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, était provisoirement dispensée du paiement de sa part (ch. 4), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).
B. a. Le 20 janvier 2023, A______ a formé appel contre le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et confirme le ch. 5 du jugement JTPI/14313/2012 du 9 octobre 2012, lequel donnait acte à B______ de ce qu'il s'engageait à lui verser, par mois et d'avance, 1'500 fr. à titre de contribution à son entretien jusqu'au moment où elle disposerait d'un travail fixe et serait en mesure de pourvoir, de manière convenable, à son entretien. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la Cour condamne B______ à lui verser une contribution d'entretien de 1'500 fr. jusqu'à ce qu'elle dispose d'un travail fixe et soit en mesure de pourvoir, de manière convenable, à son entretien, mais au plus tard jusqu'au ______ 2027.
b. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.
c. Elles ont été informées le 23 juin 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. Par jugement JTPI/14313/2012 du 9 octobre 2012, le Tribunal de première instance, statuant sur requête commune des parties, a notamment dissout par le divorce le mariage contracté le ______ 2006 à D______ (GE) par A______, née le ______ 1980, et B______, né le ______ 1978 (ch. 1), attribué à A______ l'autorité parentale et la garde de C______, né le ______ 2007 (ch. 2), réservé au père un droit de visite (ch. 3), donné acte à ce dernier de son engagement de verser à A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de C______, 1'500 fr. dès l'âge de 12 ans et jusqu'à la majorité, voire au-delà mais jusqu'à 25 ans au plus, si l'enfant bénéficiaire poursuivait une formation professionnelle ou des études sérieuses et régulières (ch. 4), et de verser à A______, par mois et d'avance, "la somme de 1'500 fr. à titre de contribution à son entretien jusqu'au moment où cette dernière disposera d'un travail fixe et sera en mesure de pourvoir de manière convenable à son entretien" (ch. 5).
Ce jugement ne comporte pas de motivation. Son chiffre 5 reprend exactement les termes de la convention de divorce signée par les parties.
b. A______ a donné naissance le ______ 2015 à E______, né hors-mariage. Elle assume la garde alternée de cet enfant, suite à la séparation d'avec le père en 2017.
c. Le 27 janvier 2020, B______ a déposé une action en modification du jugement de divorce. Il a notamment conclu, sur le seul point encore litigieux en appel, à la suppression de la contribution due pour l'entretien de A______ avec effet au 1er janvier 2020.
A l'appui de sa demande, B______ a notamment allégué que ses revenus mensuels avaient baissé. Son ex-épouse n'avait pas cherché du travail et avait eu un second enfant. Un revenu hypothétique devait lui être imputé.
d. Dans sa réponse du 8 juillet 2020, A______ a conclu principalement à ce que le Tribunal déboute son ex-mari de toutes ses conclusions.
e. La situation financière des parties est la suivante.
e.a Le Tribunal a retenu, sans que cela ne soit contesté en appel, que B______ travaille en qualité de garde-frontière et perçoit un revenu mensuel net de 9'645 fr. Il vit en couple, sa partenaire prenant en charge notamment la moitié du loyer de 1'020 fr. au total. Sa prime d'assurance-maladie est de 600 fr.
Il n'est pas contesté que son solde disponible est supérieur à ce qu'il était en 2012, puisque ses revenus sont restés stables et qu'il vit désormais en couple.
e.b A______ n'a jamais travaillé depuis le divorce et touche des subsides de l'Hospice général depuis 2019. Elle a effectué un stage d'évaluation à l'emploi d'une durée d'un mois en février 2020. L'assistante sociale qui la suit à l'Hospice générale a attesté, le 18 juin 2020, qu'elle "n'était pas si éloignée du marché du travail". Elle souhaitait "aller de l'avant" et montrait de la "bonne volonté". Si elle était sans emploi ce n'était "pas par manque de volonté mais plutôt à cause d'un manque d'expérience professionnelle et de formation en Suisse". L'assistante sociale relevait que sa protégée était suivie depuis juin 2020 par une conseillère en insertion professionnelle et par le centre d'action sociale de F______ [GE] et soulignait qu'elle avait "toute confiance en les capacités de Madame A______ ainsi qu'en sa motivation". En avril 2021, la conseillère en insertion de A______ a attesté avoir suivi cette dernière entre juin et septembre 2020, précisant qu'elle lui avait conseillé de suivre des cours de français écrit et que l'intéressée s'était montrée collaborante, responsable et soucieuse de respecter ses engagements.
A______ indiqué lors de son interrogatoire par le Tribunal qu'elle avait suivi une formation d'infirmière en Ukraine. Son diplôme n'était pas reconnu en Suisse car elle avait laissé s'écouler le délai pour obtenir une équivalence. Pour travailler en tant qu'infirmière en Suisse, elle devrait faire trois ans d'études à plein-temps. Elle cherchait du travail dans le domaine du nettoyage ou de la restauration. Elle a indiqué dans la réponse à la demande qu'elle ignorait quand elle pourrait reprendre un travail "malgré ses efforts et l'aide de l'Hospice général". Elle n'a produit aucune preuve de recherche d'emploi.
Elle a allégué supporter des charges incompressibles de 2'174 fr. arrondis.
Outre la contribution versée par l'intimé pour l'entretien de C______ en 1'500 fr. par mois, elle perçoit une contribution de 370 fr. par mois, allocations familiales en sus, pour l'entretien de son fils cadet E______.
f. Lors des plaidoiries finales du 31 mai 2022, les parties ont persisté dans leurs précédentes conclusions.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). ![endif]>![if>
Compte tenu de la capitalisation du montant de la contribution d'entretien litigieuse, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 2 CPC) de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.2. L'appel a été interjeté devant l'autorité compétente, dans le délai et selon la forme prescrits par loi (art. 311 CPC). Il est donc recevable.![endif]>![if>
2. Le Tribunal a considéré, sans que cela ne soit critiqué en appel, que la situation financière de l'intimé ne s'était pas péjorée depuis le prononcé du divorce. La convention des parties devait être interprété à la lumière de sa lettre et "du bon sens", puisque le dossier ne contenait aucun élément concret sur le contexte dans lequel elle avait été signée. Dans ce cadre, l'on ne pouvait considérer que l'intimé s'était potentiellement engagé, au moment du divorce, à prendre en charge à vie une partie des besoins financiers de l'appelante. Cette dernière n'avait que 32 ans au moment du divorce et le mariage avait duré six ans. L'engagement pris en 2012 l'avait nécessairement été pour une durée raisonnable. Compte tenu de l'âge de l'enfant et des potentielles difficultés de l'appelante à trouver un emploi, il se justifiait que l'intimé s'engage à l'aider financièrement. L'appelante ne pouvait toutefois pas partir du principe que cet engagement était pris sans limite de temps et indépendamment de la question de savoir si elle faisait les démarches nécessaires pour trouver un emploi et subvenir seule à ses besoins à l'avenir. En fondant une nouvelle famille, l'appelante avait volontairement reporté de plusieurs années une éventuelle formation qui lui aurait permis de pouvoir exercer en Suisse son métier d'infirmière. Si elle avait débuté cette formation au moment du divorce, elle serait en mesure actuellement de subvenir convenablement à ses besoins en exerçant une activité à 80%. C'était avant tout la naissance de son second enfant qui expliquait le fait qu'elle était dans l'incapacité de subvenir à ses besoins.
L'appelante fait valoir que les conditions prévues pour la suppression de la contribution ne sont pas réalisées car elle ne dispose pas d'un travail fixe et n'est pas en mesure de pourvoir de manière convenable son entretien. Elle avait déployé des efforts pour retrouver du travail, mais ses recherches étaient entravées par son origine étrangère, la non reconnaissance en Suisse de ses diplômes, son français imparfait et la naissance de son second enfant. En tout état de cause, le Tribunal aurait dû lui accorder un délai raisonnable pour s'adapter à la situation. Elle ne pouvait pas espérer travailler à 80%, taux minimum pour obtenir un niveau convenable de rémunération, avant que son fils E______, né le ______ 2015, ait atteint l'âge de 12 ans.
2.1.1 L’art. 126 al. 3 CC permet aux parties, dans leur convention, de subordonner la contribution d’entretien à certaines conditions, par exemple à une condition résolutoire, qui permet de réduire ou de supprimer la contribution d’entretien en cas de réalisation d'un événement futur (Pichonnaz, Commentaire romand, 2010. n. 34 et 44 ad art. 126 CC).
Selon la jurisprudence, une convention sur les effets accessoires du divorce est une manifestation de volonté qui doit être interprétée selon les mêmes principes que les autres contrats. Le juge doit recourir en premier lieu à l'interprétation subjective, c'est-à-dire rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la véritable nature de la convention. Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer cette volonté réelle des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves - qu'il doit recourir à l'interprétation objective, à savoir rechercher la volonté objective des parties, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (arrêt du Tribunal fédéral 5A_760/2012 du 27 février 2013 consid. 5.3.1)
Dans ce dernier arrêt, les parties avaient convenu du versement d'une contribution à l'épouse jusqu'à l'âge de la retraite. Tribunal fédéral a considéré que ce qui était décisif pour savoir si cette contribution devait être supprimée en cas de concubinage n'était pas de savoir si le concubinage était un événement prévisible, mais si les parties avaient envisagé cette hypothèse et l'avaient expressément réglée. Tel n'était pas le cas, de sorte qu'il y avait lieu de retenir que les époux n'avaient pas convenu que l'existence d'un concubinage futur de l'épouse n'aurait aucune incidence sur la contribution d'entretien (arrêt précité, consid. 5.2 et 5.3.2).
Les clauses ambiguës doivent en principe être interprétées d'une manière qui correspond à la législation. Comme celle-ci a, en règle générale, opéré une pesée des intérêts en présence, la partie qui veut s'en écarter doit l'exprimer de façon suffisamment claire dans le contrat (ATF 126 III 388, consid. 9).
2.1.2 Aux termes de l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable. Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, l'obligation d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 148 III 161 consid. 4.1; 147 III 293 consid. 4.4; 138 III 289 consid. 11.1.2).
Cette disposition concrétise deux principes: d'une part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce, qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir à ses propres besoins; d'autre part, celui de la solidarité, qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par l'union et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien (ATF 137 III 102 consid. 4.1.1; 132 III 598 consid. 9.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_78/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1).
2.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties. Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2).
Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Tout d'abord, il doit déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé, en précisant le type d'activité professionnelle que cette personne peut raisonnablement devoir accomplir. Ensuite, il doit établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.2.1).
On est en principe en droit d'attendre du parent se consacrant à la prise en charge des enfants qu'il recommence à travailler à 50% dès l'entrée du plus jeune enfant à l'école obligatoire, à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire et à 100% dès la fin de sa seizième année (ATF 144 III 481 consid. 4.7.6).
2.2 En l'espèce, la portée exacte de la disposition de la convention de divorce prévoyant que l'intimé verserait à l'appelante une contribution de 1'500 fr. par mois jusqu'à ce que celle-ci dispose d'un travail fixe et soit en mesure de pourvoir de manière convenable à son entretien doit être déterminée à la lumière de la volonté objective des parties, puisque le dossier ne contient aucune information permettant de déterminer leur volonté subjective au moment du divorce.
Le divorce est intervenu en 2012 alors que l'enfant des parties avait 5 ans.
L'appelante n'a pas établi avoir fait de recherche sérieuse d'emploi depuis. Elle a attendu 2020 pour effectuer un stage d'évaluation à l'emploi d'un mois qui n'a abouti à rien de concret. Les conseils prodigués par les assistantes sociales qui l'ont suivie de juin à septembre 2020 n'ont pas non plus permis d'améliorer la situation. Même si lesdites assistantes sociales ont attesté, en 2021, de la bonne volonté de l'intéressée, il n'en demeure pas moins que celle-ci n'a produit aucun document attestant d'une quelconque recherche de travail de sa part, comme par exemple une réponse à une offre d'emploi ou une candidature spontanée. L'appelante n'a par ailleurs entrepris aucune formation alors qu'elle reconnaît elle-même que ses connaissances de français devraient être améliorées et qu'une formation complémentaire de trois ans est nécessaire pour lui permettre d'exercer en Suisse son métier d'infirmière.
Comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, l'appelante ne pouvait pas, de bonne foi, comprendre la clause litigieuse du jugement de divorce en ce sens que l'intimé acceptait de lui verser une contribution d'entretien à vie, sans qu'il soit nécessaire qu'elle effectue des démarches sérieuses et concrètes pour se réinsérer dans la vie active.
Conformément à la jurisprudence précitée, la portée de l'engagement de l'intimé doit être interprétée à la lumière des conditions de l'art. 125 CC. Or, au vu des circonstances du cas d'espèce, cette disposition n'aurait pas permis de fonder un droit à l'entretien de l'appelante illimité dans sa durée.
Au moment du divorce, l'intimée n'avait que 32 ans et le mariage n'était pas de longue durée, puisqu'il avait duré six ans. Comme l'a relevé pertinemment le Tribunal, l'origine étrangère de l'appelante et le jeune âge du fils des parties justifiaient que l'intimé s'engage à l'aider financièrement après le divorce. L'intéressée ne pouvait cependant partir du principe que cet engagement était pris sans limite de temps et indépendamment de la question de savoir si elle ferait les démarches nécessaires pour trouver un emploi et subvenir seule à ses besoins à l'avenir.
La capacité de gain de l'appelante a probablement été entravée par le fait qu'elle a eu un second enfant en 2015. Il n'apparaît cependant pas que les parties ont, au moment de la signature de leur convention de divorce, envisagé cette possibilité et convenu qu'en cas de naissance d'un nouvel enfant, l'intimé assumerait les conséquences financières qui en découleraient pour l'appelante.
Il incombe au contraire au père du second enfant de l'appelante, et non à l'intimé, d'assumer, cas échéant par le biais du versement d'une contribution de soutien, le fait que la capacité de gain de l'appelante est significativement diminuée en raison des soins qu'elle prodigue à son fils cadet, à supposer que tel soit le cas, ce qui n'est pas établi.
Le fait que, selon l'appelante, il ne lui soit pas possible de travailler à 80% avant ______ 2027, mois au cours duquel son fils cadet aura atteint ses 12 ans n'est dès lors par pertinent pour l'issue du litige. Il en va de même du fait que l'intimé n'ait pas agi en modification du jugement de divorce immédiatement après la naissance du fils cadet de l'appelante, contrairement à ce que celle-ci soutient.
L'arrêt du Tribunal fédéral 5A_1027/2020 du 16 juillet 2020 cité par l'appelante à l'appui de sa thèse n'est pas non plus décisif car il concerne un cas différent. Dans cette affaire, les parties avaient explicitement prévu que la contribution à l'entretien de l'épouse était due quoiqu'il advienne et n'était pas révisable, de sorte que l'ex-époux renonçait à demander une modification de ladite contribution d'entretien, quelles que soient les circonstances nouvelles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les seules exceptions prévues dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt précité étaient celles de l'art. 130 CC (décès ou remariage) et le cas où le revenu net total de l'ex-époux tomberait en dessous d'un montant de 6'000 fr. par mois suite à une maladie ou un accident (arrêt précité, ch. A de la partie en fait).
Il résulte de ce qui précède que, si l’appelante avait fait les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part, elle aurait été, au jour du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce, en mesure de subvenir convenablement à ses besoins en exerçant une activité à 80% lui permettant de couvrir ses charges en 2'174 fr. par mois et de disposer d'un montant supplémentaire, comme l'a retenu le Tribunal. Elle pourrait notamment trouver un emploi dans le domaine du nettoyage ou dans celui de la restauration, secteurs dans lesquels elle allègue, sans le prouver, avoir fait des recherches d'emploi infructueuses. L'appelante ne conteste au demeurant pas dans son appel qu'un travail de ce type lui permettrait de pourvoir de manière convenable à son entretien.
C'est par conséquent à juste titre que le Tribunal a retenu que la contribution d'entretien litigieuse devait être supprimée.
3. Le Tribunal a supprimé la contribution dès avril 2020, à savoir le mois suivant la date à laquelle l'appelante a eu connaissance de la demande en modification du jugement de divorce.
L'appelante fait valoir qu'un "délai raisonnable" au ______ 2027 doit lui être accordé pour lui permettre de "s'adapter à la nouvelle situation".
3.1 Le juge de l'action en modification d'un jugement de divorce peut fixer le moment à partir duquel son jugement prend effet selon son appréciation et en tenant compte des circonstances du cas concret. En principe, la jurisprudence retient, au plus tôt, la date du dépôt de la demande. Lorsque le motif pour lequel la modification est demandée se trouve déjà réalisé à ce moment, il ne se justifie normalement pas, du point de vue de l'équité, de faire remonter l'effet de la modification à une date ultérieure. Le créancier de la contribution doit en effet tenir compte d'un risque de réduction ou de suppression de la rente dès l'ouverture d'action. Selon les circonstances, il est toutefois possible de retenir une date ultérieure, par exemple le jour du jugement, notamment lorsque la restitution des contributions accordées et utilisées pendant la durée du procès ne peut équitablement être exigée (ATF 117 II 368 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_290/2010 du 28 octobre 2010 consid. 9.2 in SJ 2011 I p. 177).
3.2 En l'espèce, la procédure a duré plus de deux ans. Compte tenu du fait que l'appelante n'a toujours aucun revenu et vit avec deux enfants âgés respectivement de 16 et 8 ans, le remboursement des contributions versées pendant la durée de la procédure serait une charge excessivement lourde pour elle. Il serait d’autant plus inéquitable d’exiger un tel remboursement qu’il n'est pas contesté que l'intimé, dont le solde disponible est supérieur à ce qu'il était en 2012, a les moyens de s'acquitter de cette contribution pour toute la durée de la procédure.
La contribution due pour l'entretien de l'appelante sera dès lors supprimée avec effet au 1er décembre 2022, date du prononcé du jugement querellé.
Celui-ci sera modifié en conséquence.
4. La modification de la date de prise d'effet de la suppression de la contribution ne justifie pas de revoir le sort des frais de première instance.
Compte tenu de l'issue du litige et de sa nature familiale, les frais d'appel seront mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).
Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 30 et 35 RTFMC). Dans la mesure où l'appelante plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part sera provisoirement prise en charge par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 et 123 CPC). L'intimé sera condamné à verser 750 fr. à l'Etat de Genève au titre des frais judiciaires.
Chaque partie gardera ses propre dépens d'appel à sa charge.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/14379/2022 rendu le 1er décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2013/2020.
Au fond :
Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé et, statuant à nouveau :
Annule le chiffre 5 du jugement JTPI/14313/2012 du 9 octobre 2012 avec effet au 1er décembre 2022.
Libère B______ de toute obligation de contribuer à l'entretien de A______ depuis le 1er décembre 2022.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Met les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'500 fr., à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.
Dit que la part des frais due par A______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.
Condamne B______ à verser 750 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, au titre des frais judiciaires d'appel.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.