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Décisions | Chambre civile

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C/3055/2019

ACJC/814/2022 du 14.06.2022 sur JTPI/1985/2022 ( SDF ) , CONFIRME

Normes : LDIP.10; LDIP.65; LDIP.27
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3055/2019 ACJC/814/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 14 JUIN 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 février 2022, comparant par Me Razi ABDERRAHIM, avocat, place d'Armes 19, 1227 Carouge GE, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par
Me Katarzyna KEDZIA RENQUIN, avocate, Keppeler Avocats, rue
Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1985/2022 du 22 février 2022, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la requête en modification des mesures protectrices de l'union conjugale formée le 12 février 2019 par A______ (chiffre 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., en les laissant provisoirement à la charge de l'Etat sous réserve d'une décision contraire de l'assistance judiciaire (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte du 7 mars 2022, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut à ce que sa requête en modification des mesures protectrices soit déclarée recevable et, cela fait, à l'attribution en sa faveur de la garde exclusive et de l'autorité parentale sur l'enfant mineur C______, à ce qu'un droit de visite restreint soit réservé au père, B______, à raison d'une heure par semaine au sein d'un Point Rencontre et à ce que ce dernier soit condamné à lui verser une contribution d'entretien de 1'180 fr. par mois pour elle-même et de 2'659 fr. par mois, mais au minimum à 800 fr. par mois, pour l'enfant.

A l'appui de son appel, A______ produit une pièce nouvelle.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel.

c. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 13 avril 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. B______, né en 1984, de nationalité marocaine et française, et A______, née en 1995, de nationalité marocaine, se sont mariés le ______ 2016 à D______, au Maroc.

b. A______ a rejoint son époux à Genève, en 2017.

c. Les parties se sont séparées au mois de juin 2017, A______ étant alors enceinte de quelques semaines.

d. Par jugement du 20 décembre 2017, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a constaté que les époux vivaient séparés et condamné B______ à verser à A______, à titre de contribution à son entretien, 1'180 fr. par mois avec effet au 1er juillet 2017.

Ce jugement ayant été rendu avant la naissance de l'enfant des parties, il ne se prononce pas sur le sort de celui-ci.

e. Le ______ 2018, A______ a donné naissance à l'enfant C______, né à Genève.

Ce dernier est né prématurément et a présenté dès sa naissance un souffle systolique empêchant le flux normal du sang. Un syndrome de Williams Beuren a par la suite été diagnostiqué.

Dans le courant de l'année 2018, l'enfant a subi deux interventions chirurgicales, une relative à une hernie inguinale G qui l'empêchait de digérer correctement et l'autre sur le plan cardiaque. L'état de l'enfant a nécessité plusieurs hospitalisations. Depuis l'opération, il se porte mieux, devant néanmoins toujours suivre des contrôles réguliers.

f. B______ a entamé, le 1er novembre 2017, une procédure de divorce par-devant les autorités marocaines. Dans le cadre de cette procédure, A______, par l'entremise de son conseil, a formulé des prétentions en entretien à titre reconventionnel tant pour elle-même que pour l'enfant mineur.

Par jugement rendu le 21 juin 2018, le Tribunal de première instance de D______ (Maroc) a prononcé le divorce des parties pour cause de discorde, condamné B______ à verser à A______ la somme de 2'000 dirhams par mois du 27 juin 2017 au 20 juin 2018 et déclaré irrecevables, à défaut de tout document justificatif, les conclusions formées par A______ en lien avec l'enfant C______.

A teneur de ce jugement, les parties étaient toutes deux représentées par avocat.

A______ a interjeté appel contre ce jugement. Le dossier ne comporte pas d'indication quant au sort de cet appel.

g. Le 16 novembre 2018, A______ a déposé, par l'intermédiaire de son conseil, une requête devant le Tribunal de première instance de D______ (Maroc), sollicitant une contribution d'entretien en faveur de son fils en raison du fait que le juge du divorce avait écarté ses conclusions sur ce point car elle n'avait pas produit le certificat de naissance de son enfant.

Par jugement du 23 janvier 2019, le Tribunal marocain a partiellement donné suite à sa requête et condamné B______ à lui verser à une contribution d'entretien pour son fils, comprenant 800 dirhams par mois pour les frais indispensables dès la naissance de l'enfant, 200 dirhams par mois pour les frais de garde, ainsi que de 800 dirhams par mois au titre de frais de logement, avec effet au jour du dépôt de la requête, soit le 16 novembre 2018.

A______ a interjeté appel contre ce jugement. Là encore, le sort de l'appel n'est pas connu.

h. Par requête du 12 février 2019, A______ a formé devant le Tribunal de première instance de Genève la présente procédure en modification des mesures protectrices prononcées le 20 décembre 2017 (cf. let. d supra), assortie de mesures provisionnelles.

A titre provisionnel, elle a sollicité la garde exclusive de l'enfant, la suspension du droit de visite du père et une contribution de 1'939 fr. par mois pour l'entretien de l'enfant.

Au fond, elle a conclu à l'attribution de la garde et l'autorité parentale sur l'enfant C______, à la fixation d'un droit de visite en faveur de B______ à raison d'une heure par semaine au sein d'un Point Rencontre, à la condamnation de ce dernier au versement d'une contribution mensuelle de 1'180 fr. en sa faveur et de 2'659 fr. en faveur de son fils, avec effet au jour de sa naissance.

i. Lors de l'audience du 4 avril 2019, A______ a persisté dans sa requête.

B______ a consenti à ce que la garde de l'enfant soit confiée à la mère et à ce que son droit de visite soit fixé par le biais du Point de rencontre à raison d'une heure par semaine, ainsi qu'avec la désignation d'un curateur d'organisation et de surveillance du droit de visite, à charge pour ce dernier d'évaluer un élargissement des visites.

j. Le 26 juillet 2019, le Service de protection des mineurs (ci-après : le SPMi) a signalé la situation de l'enfant au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant en recommandant l'instauration d'une curatelle d'assistance éducative en faveur de C______.

Le SPMi a notamment relevé que les parents disposaient de l'autorité parentale conjointe, mais que le père n'entretenait aucune relation avec son fils. La mère habitait en foyer avec l'enfant et bénéficiait d'une place de crèche pour l'accueil de jour afin de l'aider dans la prise en charge importante que nécessitait C______ en raison de ses problèmes de santé. A______ peinait à tenir compte du rythme et des besoins de l'enfant, dans la mesure où elle sortait beaucoup avec des amis et emmenait son fils partout avec elle. L'équipe éducative avait relevé qu'elle était au foyer de manière très irrégulière, restant parfois plusieurs jours chez des amis. La collaboration avec A______ était compliquée car celle-ci s'opposait toujours aux observations faites, rejetant toute responsabilité sur les tiers tels que les professionnels, son ex-mari ou encore les médecins. Dans ce contexte, il était difficile d'accompagner A______ et un cadre plus contenant semblait nécessaire.

k. Lors de l'audience du 8 octobre 2019, B______ a déclaré que le divorce marocain prononcé le 21 juin 2018 avait été reconnu en France, où il était désormais domicilié, et qu'il s'était remarié au Maroc. Il a produit l'acte de mariage marocain et un extrait du service central d'état civil français, précisant avoir fait les démarches au Maroc pour obtenir le certificat d'entrée en force du jugement de divorce.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a invité A______ à verser toutes informations en lien avec l'action alimentaire intentée par son conseil au Maroc, notamment sur la suite qui lui a été réservée.

l. Aucune suite n'ayant été donnée à ladite demande, le Tribunal a, par ordonnance du 26 novembre 2019, imparti un nouveau délai à A______ pour produire les informations sollicitées concernant l'avancée de l'action alimentaire.

m. Le conseil de A______ a sollicité une prolongation du délai à deux reprises. Aucun document n'ayant été produit, le Tribunal lui a octroyé un ultime délai au 10 juillet 2020. Vu les difficultés à obtenir des informations en provenance du Maroc en raison de la crise sanitaire, un nouveau délai a été accordé au 12 août 2020, reporté au 28 août 2020.

n. A l'issue de l'audience du 12 janvier 2021, le Tribunal a imparti un dernier délai aux parties pour produire leurs pièces complémentaires et renvoyé la cause pour plaider.

o. Par courrier du 15 mars 2021, A______ a produit une attestation de son frère, datée du 28 janvier 2021, confirmant qu'il avait reçu une décision judiciaire destinée à sa sœur, notifiée par un huissier de justice, qu'il avait acceptée et signée sans toutefois pouvoir en informer sa sœur, ne sachant ni lire ni écrire.

p. Les deux parties ont encore sollicité un délai supplémentaire pour produire des pièces complémentaires en provenance du Maroc, accordé et prolongé à plusieurs reprises.

q. Aucun document complémentaire n'ayant été versé au dossier, le Tribunal a fixé la cause à plaider au 2 novembre 2021.

r. Lors de l'audience de plaidoiries, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A______ a exposé que le jugement de divorce marocain ne saurait être reconnu en Suisse car il était contraire à l'ordre public et que le caractère définitif et exécutoire dudit jugement n'avait pas été établi. Elle a indiqué qu'elle n'avait pas été convoquée et qu'elle ne connaissait pas l'avocat qui la représentait.

B______ a, pour sa part, exposé que le jugement de divorce avait fait l'objet d'un appel de la part de A______, uniquement sur les conclusions financières, le principe du divorce n'ayant pas été remis en cause. A cet égard, il a souligné que tant le divorce que son remariage avaient été reconnus en France et que si les autorités suisses devaient considérer que le divorce contrevenait à l'ordre public suisse, il se trouverait dans une situation de bigamie. Quant au second jugement fixant la contribution d'entretien pour l'enfant C______, il avait également fait l'objet d'un appel, le montant de la contribution d'entretien étant contesté.

s. La situation financière des parties s'établit comme suit.

s.a A______ vit en foyer avec son fils depuis la séparation des parties et est entièrement prise en charge par l'aide sociale, qui assume notamment les frais du foyer ainsi que la prise en charge de la crèche de l'enfant. Encore étudiante lorsqu'elle a quitté le Maroc, A______ semble n'avoir jamais exercé d'emploi et ne dispose d'aucun revenu propre.

Elle allègue des charges mensuelles à hauteur de 4'208 fr., comprenant son minimum vital (1'350 fr.), ses frais de logement (2'400 fr.), son assurance-maladie, subside déduit (388 fr.) et ses frais de transport (70 fr.).

Concernant les besoins de l'enfant, elle les chiffre à 2'659 fr. par mois, comprenant son minimum vital (400 fr.), ses frais de logement (1'200 fr.), son assurance-maladie, subside déduit (109 fr.) et les frais de crèche (950 fr).

s.b Par le passé, B______ a travaillé en tant que technicien dans le domaine ______ et percevait un salaire, indemnités pour frais inclus, de l'ordre de 4'600 fr. nets par mois. Ayant perdu son emploi en juillet 2018, il allègue ne plus disposer de ressources depuis lors, n'ayant perçu aucune allocation de chômage, et bénéficier de l'aide de sa famille.

t. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que dans la mesure où une procédure en divorce était actuellement pendante devant les autorités marocaines, ainsi qu'une procédure en fixation d'entretien pour l'enfant, et que la démonstration du caractère exécutoire de ces jugements marocains n'était pas apportée, il n'y avait pas de place pour l'octroi de mesures protectrices. Par ailleurs, il paraissait peu vraisemblable que le divorce marocain, dont le principe n'avait pas été contesté, ne puisse être reconnu en Suisse.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est dirigé à l'encontre d'une décision de première instance prise sur mesures protectrices de l'union conjugale qui doivent être considérées comme des mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., compte tenu des prétentions relatives aux contributions d'entretien réclamées (art. 92 al. 2 et 308 al. 2 CPC), et a été interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 248 let. d et 314 al. 1 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131, 252 et 311 CPC).

Il est ainsi recevable.

1.2 Les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables aux questions concernant l'enfant mineur (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et art. 296 CPC), ce qui a pour conséquence que la Cour n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC).

Les maximes de disposition et inquisitoire simple sont en revanche applicables s'agissant de la contribution d'entretien due à l'épouse (art. 58 et 272 CPC; ATF 129 III 417 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_315/2016 du 7 février 2017 consid. 9.1).

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La procédure sommaire étant applicable, la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2; 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).

2. Le litige revêt un caractère international compte tenu de la nationalité des époux ainsi que des procédures menées à l'étranger. Il y a en particulier lieu de tenir compte de la demande de divorce initiée devant les juridictions marocaines et de vérifier la compétence locale des tribunaux genevois pour statuer sur le sort de la cause au vu de ces éléments.

2.1 En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291), sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 let. a et b et al. 2 LDIP).

2.1.1 Dès qu'une action en divorce est pendante devant un tribunal compétent, des mesures protectrices de l'union conjugale ne peuvent plus être prononcées pour la période postérieure à la litispendance, seules des mesures provisoires pouvant encore être ordonnées pour la durée de la procédure de divorce, règle qui s'applique aussi dans les causes à caractère international (ATF 134 III 326 consid. 3.2, JdT 2009 I 215). Ainsi, seules des mesures provisoires au sens de l'art. 10 LDIP peuvent être ordonnées. Les mesures protectrices peuvent toutefois, comme la jurisprudence en admet la possibilité, être converties en de telles mesures provisoires (ATF 134 III 326 consid. 3.4 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_929/2016 du 11 mai 2017 consid. 2.2 et 3.3).

En vertu de l'art. 10 LDIP, sont compétents pour prononcer des mesures provisoires soit les tribunaux ou les autorités suisses qui sont compétents au fond (let. a), soit les tribunaux ou les autorités suisses du lieu de l'exécution de la mesure (let. b).

Le but de l'art. 10 LDIP est d'assurer, dans certaines circonstances particulières, une protection immédiate et sans lacune, alors même que le juge suisse ne serait pas compétent sur le fond du litige (ATF 134 III 326 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2011 du 4 septembre 2012 consid. 5.3.5). Cette disposition ne s'applique toutefois que si les mesures requises sont urgentes et nécessaires, circonstances qu'il appartient au demandeur d'établir (ibid.). Il en est ainsi, notamment, lorsqu'il y a péril en la demeure ou quand on ne saurait espérer que le tribunal étranger saisi prendra une décision dans un délai convenable (ATF
134 III 326 consid. 3.5.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_801/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.3.3; 5A_588/2014 du 12 novembre 2014 consid. 4.4; 5A_762/2011 du 4 septembre 2012 consid. 5.3.4).

2.1.2 Si toutefois le juge des mesures protectrices constate d'emblée que le jugement de divorce étranger ne pourra manifestement pas être reconnu en Suisse, la compétence des autorités suisses pour rendre des mesures protectrices de l'union conjugale est donnée (ATF 134 III 326 consid. 3.2 et 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_214/2016 du 26 août 2016 consid. 5.1, 5A_588/2014 du 12 novembre 2014 consid. 4.4).

A teneur de l'art. 65 al. 1 LDIP, un jugement de divorce étranger est reconnu en Suisse lorsqu'il a été rendu dans l'Etat du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l'Etat national de l'un des époux, ou s'il est reconnu dans l'un de ces Etats. Cette disposition doit être lue en relation avec les normes générales posées aux art. 25 ss LDIP, qui prévoient en substance qu'une décision étrangère est reconnue en Suisse pour autant que les autorités judiciaires de l'Etat dont émane la décision étaient compétentes, que celle-ci n'est plus susceptible d'un recours ordinaire et qu'elle n'est pas manifestement incompatible avec l'ordre public suisse (ATF 126 III 327 consid. 2a p. 330).

Selon l'art. 27 LDIP, la sauvegarde de l’ordre public de l’Etat requis peut porter sur le fond du litige (ordre public «matériel»; art. 27 al. 1 LDIP) ou sur les aspects fondamentaux de la procédure (ordre public «procédural»; art. 27 al. 2 LDIP) (Bucher, in Commentaire romand LDIP, n. 1 ad art. 27 LDIP).

Une décision peut ainsi être incompatible avec l'ordre public suisse non seulement à cause de son contenu, mais également en raison de la procédure dont elle est issue (ATF 126 III 327 consid. 2b; 116 II 625 consid. 4a). A cet égard, l'ordre public suisse exige le respect des règles fondamentales de la procédure déduite de la Constitution, tels que le droit à un procès équitable et celui d'être entendu (ATF 126 III 101 consid. 3b; 122 III 344 consid. 4). En particulier, la reconnaissance doit être refusée notamment si une partie établit qu'elle n’a été citée régulièrement, ni selon le droit de son domicile, ni selon le droit de sa résidence habituelle, à moins qu’elle n’ait procédé au fond sans faire de réserve ou que ladite partie n’a pas eu la possibilité de faire valoir ses moyens (art. 27 al. 2 LDIP).

En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public est d'interprétation restrictive. Tel est le cas, en particulier, dans le domaine de la reconnaissance et de l'exécution des actes ou jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public). La reconnaissance de la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 142 III 180 consid. 3.1; 126 III 101 consid. 3b).

2.2 En l'espèce, les autorités marocaines ont été saisies d'une demande en divorce des parties le 1er novembre 2017, soit antérieurement à la présente procédure en modification des mesures protectrices, formée le 12 février 2019.

Les parties admettent toutes deux que la procédure en divorce initiée au Maroc est toujours pendante, compte tenu de l'appel formé par l'appelante. Aucune d'entre elles n'a d'ailleurs été en mesure d'apporter la preuve du caractère définitif ou exécutoire du jugement de divorce rendu par le Tribunal de D______ le 21 juin 2018, malgré les nombreuses prolongations de délai accordées par le Tribunal.

Par conséquent, au vu de la procédure de divorce préalablement introduite à l'étranger et vraisemblablement encore pendante, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'il n'y avait plus de place pour le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, respectivement pour leur modification.

2.2.1 Dans un premier moyen, l'appelante soulève avec raison que le Tribunal demeurait éventuellement compétent pour ordonner des mesures provisoires au sens de l'art. 10 LDIP, aux conditions restrictives rappelées ci-dessus, ce qu'il n'a pas examiné, étant pourtant rappelé que les mesures protectrices peuvent être converties en de telles mesures provisoires.

Cette disposition, qui vise une protection immédiate et sans lacune, ne s'applique toutefois que si les mesures requises sont urgentes et nécessaires. Or, l'appelante ne parvient à rendre vraisemblable qu'il y aurait péril en la demeure sur les mesures sollicitées. Concernant la protection de l'enfant, celui-ci se trouve depuis sa naissance auprès de sa mère. L'intimé consent à ce que la garde de C______ soit maintenue chez l'appelante et à ce que son droit de visite soit fixé selon les modalités proposées par cette dernière. Bien que l'enfant souffre d'importants problèmes de santé, il n'est pas établi, même sous l'angle de la vraisemblance, que la situation actuelle relative aux droits parentaux entrave le suivi et la prise en charge de l'enfant, ce que l'appelante n'allègue, au demeurant, pas. Le SPMi, qui a évalué la situation de la famille notamment sur ce point, n'a émis aucune recommandation à cet égard s'agissant en particulier de l'autorité parentale.

Quant aux questions d'entretien, l'appelante réside en foyer et bénéficie d'une place en crèche pour son fils, dont le coût est entièrement pris en charge par l'aide sociale. Elle est également soutenue par des amis chez qui elle séjourne par périodes plus ou moins longues. Cette situation perdure depuis la séparation des parties en 2017, sans que l'appelante ne fasse valoir de circonstances nouvelles propres à justifier une urgence à statuer sur ce point. De plus, les aspects financiers font expressément l'objet des procédures marocaines dont aucun élément ne permet de retenir que les décisions ne seront pas rendues dans un délai convenable. Au contraire, il sied de relever que les procédures de première instance étrangères ont été menées de manière diligente, dans des délais adéquats.

Ainsi, il n'est pas rendu vraisemblable qu'il y ait urgence à régler provisoirement la situation, que ce soit sur les droits parentaux ou l'entretien de la famille.

Infondé, l'appel sera rejeté sur ce point.

2.2.2 Dans un second moyen, l'appelante soutient que la décision de divorce étrangère ne peut être reconnue en Suisse, alléguant ne pas en avoir été informée ni atteinte par le jugement.

Quoi qu'en dise l'appelante, il ressort du jugement de divorce étranger que les deux parties étaient valablement représentées. L'appelante a d'ailleurs pu faire valoir ses moyens en prenant position et en formulant des prétentions reconventionnelles. Le fait qu'elle n'aurait pas mandaté personnellement le conseil qui la représentait ne repose que sur ses propres allégations formulées pour la première fois devant la Cour, sans être corroboré par aucun élément du dossier. Ces explications paraissent du reste peu crédibles dans la mesure où l'appelante a fait appel aux services de ce même conseil pour entamer l'action en aliments subséquente, ce qu'elle n'aurait vraisemblablement pas fait si ce dernier l'avait représentée à son insu, comme elle le soutient.

Quant à la notification du jugement de divorce, c'est en vain que l'appelante tente de se prévaloir de l'attestation établie par son frère le 28 janvier 2021, selon laquelle ce dernier avait bien réceptionné le jugement de divorce destiné à sa sœur, mais n'avait pas été en mesure de l'en informer, ne sachant ni lire ni écrire. En effet, il n'était pas nécessaire que ce dernier comprenne la teneur de la décision pour communiquer à sa sœur qu'un acte judiciaire lui avait été envoyé. A cet égard, il reconnait dans son attestation que la décision a été remise par un huissier judiciaire, ce qui devait le rendre attentif sur la nature et l'importance de l'envoi. Par ailleurs, l'appelante a initié une action alimentaire quelques mois plus tard précisément en raison du fait que le juge du divorce avait écarté ses prétentions en entretien pour l'enfant, ce qui prouve qu'elle en a bien eu connaissance.

Ses griefs concernant une prétendue violation à l'ordre public suisse ne sont dès lors pas rendus vraisemblables, de sorte que l'on ne saurait constater d'emblée que le jugement de divorce étranger ne pourra manifestement pas être reconnu en Suisse. La compétence du juge pour statuer sur mesures protectrices ne peut dès lors être maintenue à ce titre.

2.3 En définitive, c'est à bon droit que le premier juge s'est déclaré incompétent pour statuer sur la requête de l'appelante. Le jugement entrepris sera donc confirmé.

3. Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 800 fr. (art. 31 al. 1 et 35 RTFMC) et seront mis à la charge des parties pour moitié chacune, compte tenu de la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

Dès lors que les deux parties plaident au bénéfice de l'assistance judiciaire (art. 122 al. 2 CPC), aucune avance de frais n'a été payée. Les frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève, qui pourra en demander le remboursement ultérieurement (art. 123 CPC).

Au vu de la nature du litige, il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 7 mars 2022 par A______ contre le jugement JTPI/1985/2022 rendu le 22 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3055/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr. et les met à la charge des parties pour moitié chacune.

Dit que les frais sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.