Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/25602/2019

ACJC/856/2021 du 29.06.2021 sur JTPI/9934/2020 ( OO ) , RENVOYE

Descripteurs : PAIEMENT;ARRIERES CONTRIBUTION;DECISION NON EXECUTABLE;PAS D'AUTORITE DE FORCE JUGEE;DEMANDE RECEVABLE
Normes : CPC.59; CPC.60; CPC.336.al1.leta; CPC.335.al2; CP.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25602/2019 ACJC/856/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 JUIN 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 août 2020, comparant par Me Jean-Marie FAIVRE, avocat, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Cyril AELLEN, avocat, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/9934/2020 du 17 août 2020, reçu le 21 août 2020 par A______, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré irrecevable la demande en paiement déposée le 11 février 2020 par A______ à l'encontre de B______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., les a mis à la charge de A______ et les a laissés, en l'état, à la charge de l'Etat étant donné que A______ était au bénéfice de l'assistance judiciaire et dit que A______ pourrait être tenue au remboursement de ces frais judiciaires dans la mesure de l'art. 123 CPC (ch. 2). Le Tribunal a ensuite condamné A______ à payer à B______ un montant de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 4)

B. a. Par acte du 21 septembre 2020, A______ a formé appel de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Principalement, elle a conclu au renvoi de la cause au premier juge pour instruction et nouveau jugement ainsi qu'au déboutement de B______ de toutes ses conclusions. Subsidiairement, elle a conclu à ce que B______ soit condamné à lui payer la somme de 28'866 fr. 60 plus intérêts, sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse du 9 novembre 2020, B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué persistant dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger par plis du greffe de la Cour du 11 janvier 2021.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement JTPI/14444/2013 du 30 octobre 2013, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné en son chiffre 5 B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de sa famille, un montant de 6'400 fr. à compter du 1er janvier 2013 - sous déduction des montants déjà versés à ce titre entre le 1er janvier 2013 et le prononcé du jugement -, les montants se décomposant de la manière suivante : 3'400 fr. en faveur de A______ et 3'000 fr. en faveur des enfants E______ et F______, nées le ______ 1996, et G______, né le ______ 2002.

Dans la partie "EN FAIT" de sa décision, le Tribunal a retenu notamment que "depuis la séparation, B______ s'ét[ait] acquitté de l'entier des charges de la famille et a[ait] également versé à son épouse un montant de 320 fr. par semaine pour la nourriture jusqu'au 6 février 2013. En mars 2013, il a[ait] encore versé un montant de CHF 400.-."

Dans sa motivation, le Tribunal a considéré "qu'il se justifi[ait] de donner un effet rétroactif à la présente décision, et ce au 1er janvier 2013, sous déduction des montants déjà versés par le requérant à titre de contribution à l'entretien de sa famille (tels que loyer, frais relatifs à l'immeuble sis en France, et contribution pour la nourriture)."

Le chiffre 5 du jugement susmentionné a été confirmé par arrêt de la Cour ACJC/265/2014 de justice du 28 février 2014.

b. En date du 13 septembre 2016, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, à titre d'"arriéré de pensions alimentaires pour l'année 2013 selon jugement du 30 octobre 2013 et arrêt de la Cour de justice du 28 février 2014" pour un montant de 21'475 fr. 60, avec intérêts à 5 % dès le 1er décembre 2013, auquel il a été fait opposition.

c. Statuant sur la requête en mainlevée définitive formée le 30 mars 2017 par A______, le Tribunal de première instance, par jugement JTPI/10969/2017 du 1er septembre 2017, a débouté l'intéressée de ses conclusions, considérant que le jugement dont elle se prévalait ne chiffrait pas les montants déjà versés à déduire du montant des contribution d'entretien et qu'il ne constituait, en conséquence, pas titre de mainlevée définitive.

d. A la suite de l'introduction par B______ d'une requête en divorce le 10 décembre 2014, le Tribunal a prononcé, par jugement JTPI/17646/2019 du 10 décembre 2019, le divorce de A______ et B______. Il a notamment condamné A______ à verser à B______ les sommes de EUR 3'680.- et de 68'893 fr. (chiffre 7 du dispositif) et dit que, pour le surplus, le régime matrimonial des parties était liquidé (ch. 8).

La liquidation du régime matrimonial a porté principalement sur la villa de C______ (France), propriété de A______. Le Tribunal a retenu que B______ avait investi certains montants en vue de l'acquisition et de l'amélioration de ladite villa de sorte que les sommes de EUR 3'680.- et de 68'893 fr. lui étaient dues par A______, au titre de la restitution de ses apports.

Il ne ressort pas du jugement entrepris que A______ ait sollicité des arriérés de contributions d'entretien à titre de dettes entre époux.

e. Par arrêt ACJC/190/2021, la Cour a modifié le chiffre 7 du jugement de divorce et condamné A______ à verser à B______ les sommes de 1'400 euros et 51'139 fr. 80, à titre de liquidation du régime matrimonial et des rapports patrimoniaux entre les époux et a confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

f. Par acte adressé au Tribunal de première instance le 12 novembre 2019 en vue de conciliation, A______ a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que B______ soit condamné à lui payer un montant de 21'475 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2013.

g. A la suite de la tentativeéchouée de conciliation, A______ a conclu, par acte introduit le 11 février 2020 au Tribunal, à ce que B______ soit condamné à lui verser un montant de 28'866 fr. 30, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2013 à titre d'arriérés des contributions d'entretien fixées pour l'année 2013, sous suite de frais et dépens.

Dans sa demande, elle a indiqué qu'à la suite de l'audience de conciliation, elle avait "repri[s] méticuleusement l'analyse des versements effectués par Monsieur B______ en vue de l'introduction d'une demande en paiement" et qu'elle s'était "aperç[u] ainsi que Monsieur B______ ne s'était pas acquitté des mensualités du crédit en lien avec le prêt consenti par [la banque] D______, ceci avec effet dès 2013". Ainsi, la somme réclamée était augmentée de 7'388 fr. 90, ce qui portait à 28'866 fr. 30 l'arriéré de pension dû pour 2013.

Elle a renvoyé le Tribunal aux décomptes établis par ses soins à l'appui de sa requête relatant les versements effectués par B______ de janvier 2013 à décembre 2013.

h. Par mémoire responsif du 27 avril 2020, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. Il a notamment soulevé le défaut de légitimation active de A______ concernant ses deux filles devenues majeures avant le dépôt de la demande et la prescription des prétentions de ces dernières (non interrompue par le dépôt du commandement de payer par leur mère après leur majorité) ainsi que l'absence d'arriérés de contribution d'entretien pour l'année 2013, B______ s'étant acquitté d'un montant de 70'703 fr. 98 en 2013 à titre de contribution à l'entretien de la famille.

i. Par ordonnance du 12 mai 2020, le Tribunal a refusé d'ordonner un second échange d'écritures et a fixé des débats d'instruction.

j. Lors de l'audience de débats d'instruction du 29 mai 2020, A______ a réduit ses prétentions à la somme de 27'447 fr. 88. Elle a exposé que les paiements non effectués auprès de la banque D______ étaient réclamés dans la procédure de divorce pendante entre les parties. La somme de 7'000 fr. correspondante avait ainsi été prise en compte par le Tribunal dans la fixation du montant de 69'000 fr. auquel il était parvenu, concernant la liquidation du régime matrimonial. Les parties ont sollicité l'audition de B______ sur certains de leurs allégués, sur quoi le Tribunal a réservé la suite de la procédure.

k. Par ordonnance ORTPI/492/2020, le Tribunal a rejeté les offres de preuve des parties et fixé une audience de plaidoiries finales, qu'il a transformé en plaidoiries écrites.

l. Dans ses plaidoiries finales écrites du 14 juillet 2020, A______ a notamment indiqué qu'elle avait faussement attribué à B______ des paiements effectués au titre de la propriété de C______ (France), exposant qu'un montant de l'ordre de 7'000 fr. avait été retenu par le juge du divorce au titre d'investissement de B______ dans ladite propriété.

L'arriéré dû à titre de contribution d'entretien pour l'année 2013 était donc de 21'475 fr. se décomposant à hauteur de 16'529 fr. 18 en faveur d'elle-même, 1'073 fr. 91 en faveur de G______ et 984 fr. 60 en faveur de E______ et F______, soit 1'969 fr. 20 pour les deux (montant totalisant en réalité une somme de 19'571 fr. 38).

m.
Dans ses plaidoiries finales écrites du 14 juillet 2020, B______ a persisté dans ses conclusions.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a considéré que la demande en paiement de l'appelante portait sur le même objet que le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 30 octobre 2013, ce qui rendait la demande irrecevable au sens de l'article 59 al. 1 et 2 let. e CPC.

Le Tribunal a ensuite relevé quemême s'il fallait considérer que les 7'388 fr. 90 réclamés ne constituaient pas un arriéré de contribution d'entretien, ce qui n'était pas clair étant donné que la demanderesse indiquait, d'une part, qu'il s'agissait d'un arriéré de contribution d'entretien dû pour l'année 2013 et, d'autre part, qu'il s'agissait de mensualités de crédit en lien avec un prêt de D______, la demande serait tout autant irrecevable s'agissant de ces 7'388 fr. 90. En effet, si ce dernier montant ne constituait pas un arriéré de contribution d'entretien, il ne saurait y avoir connexité avec la demande principale au sens de l'art. 227 al. 1 CPC.

Dans ces circonstances, il n'y avait pas lieu d'examiner la problématique de la légitimation active ni celle de la prescription ni la question de savoir si en ne réclamant pas le paiement de 28'866 fr. 30 dans le cadre de la procédure de divorce au titre de dettes entre époux, la demanderesse avait renoncé à sa créance.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes non patrimoniales et dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse est, comme en l'espèce, supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Le jugement qui admet l'irrecevabilité est une décision finale mettant fin au procès (Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 9 ad art. 308 CPC).

Interjeté dans le délai légal et selon la forme prescrite (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC).

2. 2.1.1 Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, notamment que le litige ne fasse pas l'objet d'une décision entrée en force (art. 59 al. 1 et al. 2 let. e CPC).

Une décision a l'autorité de la chose jugée lorsqu'elle est obligatoire, c'est-à-dire qu'elle ne peut plus être remise en discussion ni par les parties ni par les tribunaux. Il s'ensuit que les parties ne peuvent plus engager un nouveau procès sur le même objet (ATF 139 III 126 consid. 3.1; Hohl, Procédure civile, Tome I, 2016, n. 2323-2325).

Le Tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

2.1.2 Selon l'art. 336 al. 1 let. a CPC une décision est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu l'exécution (art. 325 al. 2, et 331 al. 2 CPC).

La jurisprudence a précisé que pour être exécutoire au sens de l'art. 336 CPC, la décision doit décrire l'obligation à exécuter avec une précision suffisante sous l'angle matériel, local et temporel, de façon à ce que le juge chargé de l'exécution n'ait pas à élucider lui-même ces questions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_269/2012 consid. 3.2 et 5A_880/2015 du 3 juin 2016 consid. 2 in fine). Une décision peu claire doit faire l'objet d'une interprétation ou d'une rectification (art. 334 al. 1 CPC). Si le vice ne peut pas être levé par cette voie et que la décision n'est donc toujours pas exécutoire, une nouvelle action doit être intentée. Le principe de l'autorité de chose jugée ne s'y oppose pas, puisqu'une décision non exécutable ne déploie pas d'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 2.2 et les références citées).

2.1.3 L'art. 334 CPC règle la demande d'interprétation et de rectification d'une décision judiciaire. Une telle demande tend à remédier à une formulation du dispositif qui serait peu claire, incomplète, équivoque ou contradictoire en elle-même ou avec les motifs. L'intérêt à interprétation peut apparaître digne de protection lorsque l'exécution forcée a échoué, même partiellement (ATF
143 III 564 consid. 4.3.2 et les références citées). Néanmoins, si le dispositif d'un jugement n'a pas le degré de précision nécessaire pour qu'une exécution forcée aboutisse, une demande d'interprétation ne sera en général d'aucun secours. En effet, l'interprétation est réservée aux cas où le dispositif ne reflète pas, ou pas exactement, la volonté réelle du tribunal, mais non à ceux où un point n'a pas du tout été tranché ou en tout cas pas avec la précision nécessaire pour l'exécution. La portée du dispositif devra être interprétée dans le cadre de la procédure d'exécution forcée à la lumière des considérants (ATF 143 III 420 consid. 2.2,
143 III 564 consid. 4.3.2).

2.1.4 Les décisions portant sur le versement d'une somme sont exécutées selon les dispositions de la LP (art. 335 al. 2 CPC).

Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 LP).

La mainlevée définitive de l'opposition n'est accordée que si le jugement condamne le poursuivi à payer une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée. Le juge de la mainlevée doit vérifier que la prétention déduite en poursuite ressort du jugement qui lui est présenté. Il ne lui appartient toutefois pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement. Si ce jugement est peu clair ou incomplet, il appartient au juge du fond de l'interpréter (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1; 135 III 315 consid. 2.3; 134 III 656 consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2011 du 2 septembre 2011 consid. 3.1).

Néanmoins, ce pouvoir d'examen limité du juge de la mainlevée ne signifie pas que ce magistrat ne pourrait tenir compte que du dispositif du jugement invoqué. Il peut aussi prendre en considération les motifs du jugement pour décider si ce dernier constitue un titre de mainlevée au sens de l'art. 80 al. 1 LP (ATF
138 III 583 consid. 6.1.1; 134 III 656 consid. 5.3.2); ce n'est que si le sens du dispositif est douteux et que ce doute ne peut être levé à l'examen des motifs que la mainlevée doit être refusée. Le juge peut aussi prendre en considération à cette fin d'autres documents, dans la mesure où le jugement y renvoie (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1; 135 III 315 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2011 du 2 septembre 2011 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, lorsque le dispositif du jugement condamne le débiteur au paiement de contributions d'entretien d'un montant déterminé, tout en réservant néanmoins les prestations d'entretien déjà versées, et que le montant qui reste dû à titre d'arriéré ne peut pas être déduit des motifs, ce jugement ne vaut pas titre de mainlevée, faute d'une obligation de payer claire (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1, 135 III 315 consid. 2).

Il en découle que, si le débirentier prétend avoir déjà versé des prestations d'entretien au crédirentier depuis la séparation des époux, il est nécessaire que le juge du fond statue sur les montants qui doivent être déduits de l'arriéré, sur la base des allégués et des preuves offertes en procédure. Il ne peut pas se contenter de réserver dans sa décision l'imputation des prestations déjà versées sans en chiffrer le montant; sinon le jugement rendu ne sera pas susceptible d'exécution forcée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_860/2011 du 11 juin 2012 consid. 6.3; ATF 138 III 583 consid. 6.1.1).

2.1.5 Le créancier à la poursuite duquel il est fait opposition agit par la voie de la procédure civile ou administrative pour faire reconnaître son droit. Il ne peut requérir la continuation de la poursuite qu'en se fondant sur une décision exécutoire qui écarte expressément l'opposition (art. 79 LP).

Il s'agit d'une action de pur droit matériel. Le créancier qui exerce cette action sort ainsi de l'exécution forcée et n'y rentrera à nouveau qu'après avoir obtenu un jugement exécutoire, qui non seulement statuera sur le fond du droit, mais accessoirement écartera également «expressément l'opposition». (Schmidt, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 11 ad art. 79 LP).

Le créancier ne peut ouvrir action en reconnaissance de dette si la prétention a déjà fait l'objet d'un jugement (étatique ou arbitral) valant titre de mainlevée définitive (res iudicata : art. 59 al. 2 let. e CPC; Abbet, La mainlevée de l'opposition, n. 4 ad art. 79 LP).

L'action est admissible en revanche si la mainlevée a été rejetée faute de décision valant titre de mainlevée définitive (Abbet, op cité, n. 4 ad art. 79 LP; ATF
135 III 315 consid. 2.6 et les références citées).

2.2 En l'espèce, il est constant que l'intimé a été condamné, par jugement du 30 octobre 2013, à payer en mains de l'appelante par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de sa famille, un montant de 6'400 fr. à compter du 1er janvier 2013, sous déduction des montants déjà versés à ce titre entre le 1er janvier 2013 et le prononcé dudit jugement.

L'appelante a cherché à faire exécuter le jugement précité par la voie de la poursuite, sans succès. Sa requête en mainlevée d'opposition au commandement de payer qu'elle a fait notifier à l'intimé a été rejetée, au motif que le jugement ne valait pas titre de mainlevée définitive, dès lors qu'il ne chiffrait pas les déductions qui devaient être opérées des contributions d'entretien fixées. Ces déductions étaient énumérées dans la motivation du jugement de mesures protectrices de manière vague ("tels que loyer, frais relatifs à l'immeuble en France, et contribution pour la nourriture"), rendant le dispositif du jugement non exécutoire sur cette question. Le Tribunal n'ayant pas arrêté les diverses sommes déjà versées dans la motivation dudit jugement, une interprétation ou rectification de ce jugement n'aurait pas permis de déterminer le montant total qui devait être déduit desdites contributions. Selon la jurisprudence précitée, si le vice ne peut pas être levé par la voie de l'interprétation et que la décision n'est toujours pas exécutoire, une nouvelle action peut être intentée. Le principe de l'autorité de chose jugée ne s'y oppose pas, puisqu'une décision non exécutable ne déploie pas d'autorité de chose jugée. Ainsi, l'appelante était fondée à déposer une demande en paiement pour les montants qu'elle considérait impayés et le Tribunal ne devait pas, pour ce motif, déclarer sa demande irrecevable mais entrer en matière sur la demande.

3. L'intimé a soulevé devant le Tribunal plusieurs objections et exceptions, soit notamment l'absence de qualité pour agir de l'appelante au nom de ses filles et la prescription de certaines prétentions. Il soutient également qu'il n'existe aucun arriéré de contributions d'entretien pour l'année 2013.

3.1
Selon l'art. 318 al. 1 let. c CPC, l'instance d'appel peut renvoyer la cause à la première instance lorsqu'un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé (ch. 1), ou lorsque l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (ch. 2).

Selon le principe du double degré de juridiction, le tribunal cantonal supérieur ne peut pas trancher un litige avant que le tribunal inférieur ait statué (ATF 99 Ia 317 consid. 4a). Le principe n'exclut cependant pas que l'instance de recours complète l'état de fait et statue à nouveau, pour autant que la cause ne doive pas être renvoyée au premier juge parce qu'un élément essentiel de la demande n'a pas été jugé ou car l'état de fait doit être complété sur des points essentiels (ATF
143 III 42 consid. 5.4).

3.2 En l'espèce, le Tribunal, considérant à tort la demande irrecevable pour identité d'objet avec le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 30 octobre 2013, a indiqué qu'il n'examinerait pas les questions de légitimation active, de prescription et d'absence d'allégation devant le juge du divorce des prétentions en paiement des arriérés de contributions d'entretien. Le Tribunal ne s'est donc pas prononcé sur des questions importantes pour l'issue du litige. La Cour ne peut se prononcer à sa place sans violer le double degré de juridiction, de sorte que la cause sera renvoyée au Tribunal de première instance pour qu'il statue sur ces points, avant d'aborder le fond du litige, dès lors que la réponse à ces problématiques sont susceptibles de sceller tout ou partie du sort de la cause.

4. Au vu de ce qui précède, le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et la cause sera renvoyée au Tribunal pour qu'il soit statué au sens des considérants.

5. Dès lors que la cause est renvoyée au premier juge pour nouvelle décision, il se justifie d'annuler les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement entrepris. Le Tribunal sera invité à statuer sur l'ensemble des frais judiciaires et dépens de première instance dans le jugement qu'il rendra au terme de la procédure de renvoi.

Le dispositif du jugement entrepris est ainsi entièrement annulé.

6. Vu les circonstances du cas d'espèce, la Cour renoncera à la perception de frais judiciaires d'appel, qui seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC).

Chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. f CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 septembre 2020 par A______ contre le jugement JTPI/9934/2020 rendu le 17 août 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25602/2019.

Au fond :

Annule le jugement.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance dans le sens des considérants pour nouvelle décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Renonce à la perception de frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.