Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/406/2025 du 26.05.2025 sur ONMMP/1791/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/14656/2024 ACPR/406/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 26 mai 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Janelise FAVRE, avocate, ARCHIPEL, ruelle du Couchant 11, case postale 6009, 1211 Genève 6,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 8 avril 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 22 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 avril 2025, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés dans sa plainte contre B______.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public auquel il doit être ordonné d'ouvrir une instruction pénale contre B______ et de procéder à tous les actes d'instruction requis notamment dans sa plainte du 17 juin 2024.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ est le président et fondateur de C______ SA.
b. Le 17 juin 2024, il a déposé plainte pénale contre B______. Dans le cadre de ses affaires, il avait collaboré avec l'intéressé, qui avait été un très bon ami durant de nombreuses années, avant qu'un litige ne les oppose au sujet de l'exploitation, par l'une de ses sociétés, du D______ à E______ (Vaud) dont B______ était propriétaire, sis sur une parcelle propriété de la société F______ SA. Le 21 mars 2024, une réunion réunissant d'une part les codirecteurs de F______ SA, soit B______, G______ et H______ ainsi que leur conseil Me I______, et ses collaborateurs (à lui) J______ et K______ d'autre part, s'était tenue au sujet du loyer dudit hôtel. En effet, au vu d'une rentabilité de cet établissement inférieure à celle escomptée, l'augmentation (doublement) de loyer prévue contractuellement pour le mois d'avril 2024 faisait augurer des difficultés de paiement.
Or, lors de cette réunion et selon ce qui lui avait été rapporté par ses collaborateurs, B______ s'était mis très en colère et s'était livré à des attaques personnelles à son encontre. En résumé, B______ l'avait menacé: de tout lui prendre, à lui comme à sa femme et à ses enfants, et de le "mettre à la rue", ce qui l'avait alarmé au vu des ressources financières et de l'importante influence de l'auteur de ces propos; de ne pas recourir à la garantie de loyer mais d'aller "le chercher sur le reste", menace qui s'était concrétisée par le dépôt d'une requête en faillite sans poursuite préalable à l'encontre des sociétés exploitant l'hôtel. Ce n'était qu'une fois les loyers payés que B______ avait retiré sa requête. Ces procédés avaient eu pour objectif principal de nuire à sa réputation et de porter atteinte à ses intérêts financiers, ainsi que de servir de moyen de pression pour obtenir davantage que ce à quoi l'intéressé pouvait prétendre contractuellement. Lors de cette réunion, B______ avait encore dit de lui qu'il était le responsable des pertes financières subies dans le cadre de leurs affaires communes, en affirmant que lui-même signait ses contrats sans les lire et en employant le terme "arnaque", alors qu'il savait que ces accusations étaient fausses.
B______ était un homme d'affaires influent dont la fortune familiale était estimée entre 2 et 3 milliards de francs et occupant une place proéminente dans le monde du commerce. Lui-même avait "naturellement" été effrayé de potentielles conséquences d'une "vendetta" à son égard.
À l'appui de sa plainte, A______ a déposé copie: d'un courrier non daté à l'attention de F______ SA, rappelant l'existence d'une garantie locative ainsi que le fait qu'une requête en faillite sans poursuite préalable serait mal fondée; d'une telle requête, déposée le 24 avril 2024 contre ses sociétés; de son courrier du 21 mai 2023 (recte: 2024) informant le Tribunal de première instance (TPI) du fait que ses sociétés s'étaient acquittées de leurs dettes à l'égard de F______ SA et sollicitant la radiation de la cause du rôle; de l'écriture complémentaire déposée au TPI par F______ SA le 22 mai 2024; de son retrait de requête du 26 mai 2024; du jugement du TPI du 30 mai 2024 donnant acte à F______ SA du retrait de sa requête, ainsi que d'un échange d'emails entre son conseil et celui de F______ SA.
c. Le 28 juin 2024, les trois sociétés de A______ concernées par le bail portant sur D______, comme locataires, respectivement garante, ont déposé devant la Commission préfectorale de conciliation de la Préfecture de L______ [VD] une requête de conciliation en validation de la consignation du loyer intervenue du fait d'un défaut de la chose louée (l'absence de délivrance d'autorisations d'inscrire les clients de l'hôtel au contrôle des habitants) en lien avec l'affectation des chambres telle que prévue contractuellement. Le défaut causait aux locataires une perte effective de leur chiffre d'affaires de CHF 93'750.- nets par mois.
d. Entendue par la police en qualité de témoin le 13 septembre 2024, K______ a déclaré que dès le début de la discussion du 21 mars 2024, elle avait évoqué avec J______ les difficultés financières qu'une augmentation de loyer pourrait provoquer, l'objectif étant de trouver un accord sur cette question.
Or B______ avait rapidement pris la parole en élevant le ton et s'était exprimé de manière très virulente à l'encontre de A______. Il ne se souvenait pas exactement des termes employés mais B______ avait exprimé le fait qu'il irait "jusqu'au bout" pour être payé, propos qu'elle avait perçus comme menaçants et ne laissant pas de choix. Il avait mélangé les choses, en évoquant notamment, sans les détailler, d'anciennes affaires qui s'étaient mal déroulées avec A______. Elle ne se souvenait pas avoir entendu B______ dire qu'il "irait chercher [A______] sur le reste" ni qu'il aurait employé le mot "arnaque". B______ avait fait allusion à des "documents signés sans les lire" en lien avec les garanties personnelles sur lesquelles A______ s'était engagé. Il avait évoqué la femme et les enfants de A______, sans qu'elle se souvînt dans quels termes ni l'avoir entendu dire qu'il les mettrait à la rue.
Après ce monologue virulent d'une dizaine de minutes, la discussion s'était apaisée et les participants à la réunion avaient pu se concentrer sur les solutions possibles plutôt que de discuter des "mauvaises expériences personnelles passées".
e. Entendu par la police le 5 novembre 2024 comme prévenu, B______ a déclaré que A______ était un ami de très longue date, dont il était très proche, et avec lequel il avait traversé de "nombreuses situations personnelles et professionnelles". La réunion du 21 mars 2024 étant particulièrement importante, il avait été fortement surpris en constatant que A______ y avait délégué deux de ses collaborateurs plutôt que de s'y présenter. Il avait donc dû expliquer l'"historique", essentiel pour comprendre la situation et traiter l'ordre du jour. Les collaborateurs de A______ avaient commencé par expliquer que la partie "hôtellerie et restaurant" du groupe C______ était en proie à de grosses difficultés financières et qu'un assainissement des sociétés était en cours afin de se reconcentrer sur l'immobilier. Ils avaient requis une baisse significative du loyer, de 50%, sur l'année qui démarrait. Ils lui avaient également proposé de reprendre l'exploitation, vu le risque de dépôt de bilan, ce qui aurait été très problématique, le bail étant prévu pour plus de dix ans, à un loyer de CHF 2 millions par année. Il avait répondu qu'il ne se laisserait pas faire et que F______ SA devrait être payée conformément au contrat. Il était exclu de céder à une demande de baisse de loyer sous la menace d'un dépôt de bilan.
Il n'avait tenu ni propos menaçants, ni calomnieux, ni diffamatoires. Il avait effectivement dit qu'il ne se laisserait pas faire et qu'il agirait en justice à l'encontre de toutes les sociétés parties au contrat. Il avait certainement dit "qu'il se souvienne bien de ce qu'il a signé !", en faisant référence au fait que A______ avait engagé ses trois sociétés, soit C______/M______ SA, C______/N______ SA et C______/O______ SA. Il entendait que les collaborateurs de A______ aient été alertés par sa volonté de faire respecter les accords conclus. Il avait pu élever la voix mais s'était contenté de tenir des propos factuels. C'était bien mal le connaître que de l'accuser d'avoir menacé les enfants de A______, qu'il avait côtoyés pendant plus de 15 ans en présence de ses propres enfants et à l'encontre desquels il n'avait aucune revendication.
S'agissant de la requête en faillite sans poursuite préalable, son avocat n'avait émis aucune prétention illégitime.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés, devant s'analyser sous l'angle des articles 173 CP (diffamation), 174 CP (calomnie), 180 CP (menaces) et 181 cum 22 al. 1 CP (tentative de contrainte), en application de l'art. 310 al. 1 let. a CPP.
Le prévenu avait contesté avoir tenu les propos qualifiés de diffamatoires ou de calomnieux par la partie plaignante. Il avait admis avoir dit qu'il ne se laisserait pas faire et rappelé que A______ était engagé contractuellement. Il ne pouvait être établi que B______ aurait sous-entendu que A______ était un arnaqueur, le prévenu le contestant et le témoin, collaboratrice de la partie plaignante, ayant déclaré qu'elle ne se souvenait pas de tels propos. L'évocation de précédentes affaires qui se seraient mal passées entre deux anciens partenaires, au demeurant contestée par le prévenu, n'était quant à elle pas de nature à porter atteinte à la considération de A______. Il en allait de même du sous-entendu selon lequel l'intéressé signerait des contrats sans les avoir lus. En effet, pour autant qu'avérés, de tels propos visaient l'homme de métier et ne suffisaient pas à caractériser l'infraction de diffamation.
S'agissant des menaces de "tout prendre", de "mettre à la rue" et d'aller jusqu'à "prendre ce qui est à [la] femme et [aux] enfants" de A______, ces faits étaient contestés par le prévenu et le témoin K______ ne se souvenait pas de tels propos.
Il en allait de même du fait que B______ aurait tenté de contraindre A______ à lui accorder quelque chose à quoi il ne pouvait prétendre en le menaçant d'aller "le chercher sur le reste" plutôt que de recourir à la garantie de loyer. K______ avait rapporté que B______ avait affirmé qu'il irait "jusqu'au bout", ce que l'observateur moyen pouvait tout au plus comprendre comme une volonté d'agir en justice, voire comme la manifestation d'un refus de transiger. Cette appréciation était confirmée par les déclarations de B______, selon lesquelles il ne se laisserait pas faire et agirait en justice à l'encontre de toutes les sociétés parties au contrat. Celui-ci avait de la sorte averti ses interlocuteurs qu'il aurait recours aux moyens légaux, en l'occurrence tirés d'un contrat, pour faire valoir ses prétentions. Or, la menace de recourir à une voie de droit pour faire valoir une créance exigible, tout comme le refus de transiger, ne pouvaient être qualifiés de menaces au sens du code pénal. Pour le reste, on percevait mal ce que le prévenu aurait cherché à obtenir de plus que ce à quoi il pouvait contractuellement prétendre, étant relevé qu'il avait d'ailleurs retiré sa requête judiciaire après avoir obtenu le paiement de sa créance.
D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir une instruction lacunaire, une constatation incomplète, voire erronée, des faits, la violation de la maxime d'instruction ainsi que du principe in dubio pro duriore.
Le Ministère public n'avait pas procédé à l'audition, pourtant d'emblée sollicitée, de J______, alors même que cette autorité avait indiqué dans une communication du 17 mars 2025 que le dossier était toujours en cours d'instruction. Sur la base de cette information, lui-même pouvait légitimement s'attendre à ce que le Ministère public procède en particulier à cette audition. Or, un mois plus tard, contre toute attente, ce dernier avait rendu l'ordonnance litigieuse. Autrement dit, le dossier était resté au point mort depuis les auditions par la police du prévenu et de K______, alors que le Ministère public lui avait laissé entendre qu'il faisait l'objet d'un complément d'enquête, "des contradictions notables entre les éléments du dossier et les communications du Ministère public […] ce qui soul[evait] des interrogations quant au respect des exigences procédurales préalablement à l'émission d'une ordonnance de non-entrée en matière".
J______ était – contrairement à K______ dont les souvenirs étaient imprécis et partiels, pour avoir été entendue six mois après les faits et avoir été particulièrement choquée à l'issue de la réunion du 21 mars 2024, au point qu'elle n'avait pu à cette époque déjà lui rapporter les termes exacts employés par le prévenu – en mesure de rapporter les propos tenus par ce dernier de manière précise. Malgré la gravité des faits allégués et la présence de plusieurs témoins directs, le Ministère public s'était limité à l'audition de la précitée et du prévenu, sans entendre les autres personnes présentes, y compris les personnes indépendantes de lui et "néanmoins" proches de B______. L'audition de ces autres témoins aurait permis, à tout le moins, de lever les doutes subsistant et de garantir une instruction complète et impartiale.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant déplore une constatation incomplète, voire erronée des faits.
Dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 1.4), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
4. Le recourant reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.
4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 8 ad art. 310). Un refus d'entrer en matière n'est possible que lorsque la situation est claire, en fait et en droit. En cas de doutes, ou lorsque l'acte dénoncé a eu des incidences graves (par exemple en présence de lésions corporelles graves), une instruction doit en principe être ouverte, quand bien même elle devrait ultérieurement s'achever par un classement (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1 ; 137 IV 219 consid. 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_454/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.2).
4.2.1. Selon l'art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l’acte et le jugement du prévenu.
Elles mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l’état des connaissances scientifiques et l’expérience, sont propres à établir la vérité (art. 139 al. 1 CPP). Il n’y a pas lieu d’administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l’autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (al. 2).
4.2.2. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 107 CPP, 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 CEDH, comprend celui de produire ou de faire administrer des preuves, à condition qu'elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées). Le droit d'être entendu n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion. Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuves offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3; 136 I 229 consid. 5.3).
4.3.1. L'art. 173 ch. 1 CP punit quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération.
L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1; ATF 132 IV 112 consid. 2.1). La réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer (ATF 119 IV 44 consid. 2a; ATF 105 IV 194 consid. 2a).
Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2; 118 IV 248 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009 consid. 3.1).
L'auteur n'encourt aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP).
4.3.2. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1), que l'auteur a connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a, dès lors, pas de place pour les preuves libératoires prévues par l'art. 173 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1286/2016 du 15 août 2017 consid. 1.2).
4.3.3. Se rend coupable de menaces (art. 180 al. 1 CP) quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne.
Toute menace ne tombe pas sous le coup de l'art. 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 322 consid. 1a). Il faut en outre que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Celle-ci doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2; 119 IV 1 consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral 5B_508/2021 du 14 janvier 2022 consid. 2.1).
4.3.4. L'art. 181 CP réprime, du chef de contrainte, quiconque, en usant de violences envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1).
Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer d'une importante somme d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action (arrêt du Tribunal fédéral 6B_614/2021 du 20 avril 2022 consid. 7.2). Faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est toutefois licite. Ce n'est ainsi que si un tel procédé est utilisé comme moyen de pression et qu'il est clairement abusif, qu'il est illicite (ATF 115 III 18 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_271/2024 du 17 septembre 2024 consid. 2.1.1). Tel sera le cas lorsque le soi-disant créancier n'est pas fondé à réclamer la somme objet de la poursuite ou encore lorsque le commandement de payer repose sur un document faux ou falsifié (arrêts du Tribunal fédéral 6B_447/2014 du 30 octobre 2014 consid. 2.2 et 6B_281/2013 du 16 juillet 2013 consid. 1.1.2).
4.4. En l'espèce, le recourant a déposé plainte pénale pratiquement trois mois après une séance de travail ayant eu lieu le 21 mars 2024, à l'occasion de laquelle le mis en cause aurait tenu, en son absence, des propos qu'il considère constitutifs de diverses infractions, contre l'honneur et la liberté. Lors de cette réunion, il ressort de la plainte que ses deux collaborateurs, J______ et K______, devaient faire passer le message aux acteurs de la société propriétaire de l'immeuble – à savoir le prévenu, G______ et H______ – dont le plaignant était locataire, via trois de ses sociétés, que dans la mesure où la rentabilité de cet établissement, un hôtel, était inférieure à celle escomptée, l'augmentation de loyer prévue contractuellement pour le mois d'avril 2024 engendrerait des difficultés de paiement des loyers.
Le mis en cause, sans être contredit, a expliqué devant la police avoir été extrêmement surpris de ne pas voir "son ami de très longue date" se présenter à cette séance, compte tenu de l'importance de l'enjeu, et ait choisi d'y déléguer les deux collaborateurs précités. Ces derniers, après avoir expliqué les difficultés financières que traversaient les sociétés du plaignant, ne s'étaient en substance pas limités à demander que soit abandonnée la hausse de loyer prévue, puisque, bien plus, elles avaient requis une baisse de loyer de 50% dès le début de l'année 2024. Ils avaient également évoqué le risque d'un dépôt de bilan de la société locataire. Le bail étant prévu pour 10 ans, cela représentait pour la société du mis en cause une perte de CHF 2 millions de francs. Le recourant ne conteste pas la mission donnée à ses collaborateurs de relayer cette position dans le cadre de la séance en question. C'est donc dans ce contexte que le mis en cause, qui l'admet, avait répondu qu'il ne se laisserait pas faire et agirait en justice à l'encontre de toutes les sociétés parties au contrat de bail (trois sociétés du groupe C______). Le mis en cause ne nie pas avoir alors élevé la voix, rappelé à l'attention du plaignant ce qu'il avait signé au nom de ses trois sociétés qu'il avait donc engagées et que lui-même entendait faire respecter ces engagements. Il a contesté tout propos attentatoires à l'honneur, menaçants ou pouvant constituer une pression illicite.
La collaboratrice du plaignant, effectivement la seule des personnes présentes à cette séance entendue par la police, sans compter le mis en cause, a déclaré, certes près de six mois après la séance litigieuse, qu'elle ne se souvenait pas avoir entendu l'intéressé dire du plaignant qu'il était un arnaqueur. Il sera à cet égard relevé qu'à teneur de la plainte, il n'est pas question que le mis en cause aurait traité le plaignant d'arnaqueur, mais qu'il aurait pu mentionner "arnaque", soit un terme plus vaste ne désignant pas forcément une personne. Quant à l'évocation de précédentes affaires qui se seraient mal passées entre deux anciens amis et partenaires en affaires, ou le sous-entendu selon lequel le plaignant signerait des contrats sans les avoir lus, assertions contestées par le mis en cause, elles viseraient en tout état la manière du plaignant de conduire son activité professionnelle, laquelle n'est pas pénalement protégée.
La collaboratrice précitée ne s'est pas davantage souvenue que le mis en cause aurait encore, comme allégué dans la plainte, dit qu'il prendrait tout au plaignant, à l'épouse de ce dernier et leurs enfants, le mettrait "à la rue", propos qui sont contestés par le mis en cause. Il avait certes évoqué la femme et les enfants du plaignant, sans qu'elle ne se souvînt en quels termes. En tout état, quand bien même de tels propos auraient été tenus, ils ne semblent nullement avoir effrayé le plaignant qui a en effet attendu près de trois mois pour les dénoncer à l'autorité.
Quant au fait que le mis en cause aurait menacé le plaignant d'aller "le chercher sur le reste" plutôt que de recourir à la garantie de loyer et qu'il irait "jusqu'au bout", le Ministère public a retenu à juste titre que de tels propos, pour autant qu'avérés, pouvaient être compris par l'observateur moyen comme une volonté d'agir en justice et une manifestation d'un refus de transiger. Le mis en cause a ainsi fait savoir à ses interlocuteurs qu'il aurait recours aux moyens légaux, en l'occurrence tirés d'un contrat, pour faire valoir ses prétentions. Or, comme tranché par la jurisprudence, la menace de recourir à une voie de droit pour faire valoir une créance exigible, tout comme le refus de transiger, ne sauraient être qualifiés de menaces au sens du code pénal, ce qui exclut une tentative de contrainte. Au demeurant, le mis en cause a légalement cherché à faire valoir ses droits par l'introduction d'une requête de mise en faillite sans poursuite préalable le 24 avril 2024, qu'il a retirée le 26 mai suivant, vu le règlement des dettes des sociétés du plaignant. Il n'est pas allégué ni a fortiori démontré qu'il aurait ainsi mis une pression sur le plaignant et ses sociétés pour obtenir davantage que ce qui était prévu contractuellement. Le plaignant, de son côté a, onze jours après le dépôt de sa plainte, introduit une requête en conciliation ayant pour but final une réduction mensuelle substantielle du loyer pour l'hôtel.
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Ministère public a refusé d'entrer en matière dans une situation qui est suffisamment claire en fait – compte tenu de la teneur de la plainte, du contexte des faits, des déclarations du mis en cause ainsi que du témoignage d'une collaboratrice du plaignant, dont la probité est nullement remise en cause par ce dernier – et en droit. Ce constat permettait à cette autorité de renoncer aux autres auditions sollicitées, à savoir de trois autres personnes présentes lors de la séance en question, parmi lesquelles deux collaborateurs du mis en cause. Les preuves ainsi administrées ont permis au Ministère public de se forger une conviction exempte de critiques. Le fait que quelques mois avant l'ordonnance querellée cette autorité ait indiqué au plaignant qu'un complément d'enquête était en cours ne remet pas en cause le raisonnement tenu par la suite dans ladite ordonnance, sur la base du dossier dans sa teneur après les deux auditions effectuées par la police.
En définitive, il apparaît que le litige opposant les deux protagonistes est de nature civile.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
7. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Valérie LAUBER |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/14656/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'115.00 |
Total | CHF | 1'200.00 |