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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13648/2024

ACPR/334/2025 du 07.05.2025 sur OCL/262/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;ESCROQUERIE;ABUS DE CONFIANCE;BLANCHIMENT D'ARGENT
Normes : CPP.319.al1; CP.146.al1; CP.251.ch1; CP.138.ch1; CP.305bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13648/2024 ACPR/334/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 7 mai 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat, ______ [NE],

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 18 février 2025 par le Ministère public,

et

C______, représentée par Me D______, avocat, ______ [GE],

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 27 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 février 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder un délai supplémentaire pour se déterminer sur l'avis de prochaine clôture partielle de la procédure et a ordonné le classement de la procédure à l'égard de C______ sur la base de l'art. 319 al. 1 let. a CPP.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de l'affaire au Ministère public pour reprise et complément d'instruction, subsidiairement qu'il soit ordonné à cette autorité "d'engager des poursuites à l'encontre de C______ devant le Tribunal de première instance" pour escroquerie, faux dans les titres et blanchiment d'argent, frais de la procédure devant être mis à la charge de cette dernière, de même qu'une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 let. a CPP). Il demande la production du dossier "officiel" de la cause et la possibilité de produire, par voie électronique, le dossier tel qu'il lui a été transmis par le Ministère public, aux fins de comparaison.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est marié à C______ depuis le ______ 2007. Ils sont les parents de jumeaux, adolescents. A______ a quitté le domicile conjugal en 2016.

b. Il a déposé plainte pénale le 30 avril 2024 à l'encontre de sa "future ex-femme", laquelle s'était présentée le 18 mars 2024 à l'office postal de E______ (canton de Genève) avec une procuration qu'il avait soi-disant signée et avait retiré CHF 75'000.- de son compte (à lui) [auprès de la banque] F______. Or, il n'avait signé aucune procuration ni autorisé ce prélèvement. Il avait eu connaissance du retrait le 3 avril 2024, alors qu'il avait cherché à retirer de l'argent et se trouvait à G______, au Maroc. Il avait été étonné de constater que l'écran affichait "solde insuffisant". Il avait donc immédiatement téléphoné à F______, qui lui avait répondu que son compte avait été "vidé" et qu'il ne restait que CHF 400.-. Le service juridique de F______ lui avait dit qu'il devait déposer une plainte et avait, le 12 avril 2024, envoyé un courrier à C______ en lui demandant de restituer cette somme, ce qu'elle n'avait pas fait.

Depuis la séparation, il avait versé de l'argent plusieurs fois à son épouse pour l'entretien des enfants, alors qu'elle vivait au Maroc. Lorsqu'ils vivaient ensemble, ils y avaient acheté une maison pour leurs enfants, qu'ils avaient revendue. Il avait reversé la totalité de l'argent de cette vente à C______. Tous deux n'avaient plus de contact "depuis bien longtemps".

Il a notamment produit, à l'appui de sa plainte, une copie de la procuration litigieuse ainsi que la confirmation du débit de EUR 76'157.60 (la contrepartie de CHF 75'000.), en faveur d'un compte de C______ à H______, en Allemagne.

c. F______ a déposé plainte pénale le 3 juin 2024 contre C______ en raison de ce même complexe de faits, pour faux dans les titres, subsidiairement faux dans les certificats.

Le 7 mars 2024, elle avait traité la procuration précitée, reçue par courrier et signée le 3 mars 2024. Ce courrier contenait également copies du titre de séjour (permis C) de A______ ainsi que du passeport allemand de C______. Une fois cette procuration validée, C______ lui avait demandé par téléphone l'obtention d'une carte de débit F______, prétextant que son mari était gravement malade à l'étranger et qu'elle devait pouvoir faire des paiements. C______ avait utilisé cette carte au guichet le 18 mars 2024 pour procéder au virement international de CHF 75'000.- en sa faveur. Après que A______ avait contesté avoir donné une procuration sur son compte à son épouse, dont il était séparé depuis plusieurs années, elle avait, sans succès, essayé d'obtenir la restitution des fonds de la part de C______ ainsi que de la banque destinataire en Allemagne.

d. Entendue par la police le 21 mai 2024 en qualité de prévenue, C______ a affirmé que c'était son époux qui avait signé la procuration litigieuse, en mars 2024, car ils avaient prévu de racheter le restaurant I______, [au quartier des] J______, à Genève. Il lui avait dit qu'il y avait environ CHF 100'000.- sur "le" compte. Elle avait retiré CHF 75'000.- le 18 mars 2024 pour compléter l'acompte à verser pour cette acquisition. Son époux lui avait dit que l'État lui avait "pris" environ CHF 24'000.- sur ce compte en raison des poursuites dont il était l'objet. L'argent sur ce compte était "au final" à elle. En effet, alors qu'elle avait reçu un héritage de "plus de 3 millions", son mari n'avait jamais "rien eu". Elle avait toujours subvenu à ses besoins car il n'avait jamais réellement travaillé. Il avait vécu "la grande vie" grâce à elle.

Il vivait principalement au Maroc alors qu'elle s'était installée en France, en octobre 2021. Le 15 janvier 2023, il l'avait agressée et une procédure avait été ouverte en France. Il ne venait quasiment plus en Suisse et n'avait plus de contact avec leurs enfants. Il avait dû comprendre récemment que leur relation était terminée. C'était sûrement pour cette raison qu'il avait déposé plainte pénale contre elle et ne voulait plus participer au projet de restaurant.

Elle a produit notamment un procès-verbal de notification émanant du Tribunal judiciaire de K______ [France] signé par son mari le 15 juin 2023.

e. Devant le Ministère public le 28 août 2024, F______ et A______ ont confirmé leur plainte. C______ ne s'est pas présentée et a produit par la suite un certificat médical, daté du 8 octobre 2024, selon lequel elle avait subi une lourde intervention chirurgicale le 29 juillet 2024 dans une clinique à L______ [France]. Des suites opératoires compliquées l'avaient empêchée de se déplacer le 28 août 2024.

e.a. A______ a indiqué qu'il ne se souvenait pas s'il avait signé un document établi par le Tribunal de K______ le 15 juin 2023 [le condamnant à suivre des stages de citoyenneté et de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes] qui lui était soumis. Il n'avait jamais utilisé le signe apposé sur la procuration litigieuse, "même comme paraphe". Son épouse ne pouvait pas savoir ce qu'il y avait sur son compte. Il ignorait si elle avait acheté le restaurant I______. Son nom (à elle) apparaissait sur la porte en tant que responsable. Il avait viré beaucoup d'argent en Suisse car il voulait financer les études des enfants en investissant dans un projet à but lucratif. Il avait envoyé le 9 avril 2024 à son frère M______, depuis le Maroc, via N______ [transport international de colis et courriers], une procuration sur son compte F______. Lorsque celui-ci s'était présenté au guichet, on lui avait dit "qu'il ne pouvait pas faire de procuration car le compte était vide. Il restait environ CHF 500.-". Il avait appelé La POSTE qui lui avait immédiatement dit que c'était C______ qui s'était "servie". Quelques jours avant, celle-ci lui avait dit de "ne pas venir". Ils avaient prévu de voir une agence pour acheter le restaurant ensemble. "Je voulais tout faire car j'ai un enfant autiste et je voulais investir dans un autre projet". Il avait toujours refusé de signer une procuration en faveur de son épouse, alors que par le passé elle avait beaucoup insisté pour qu'il le fasse.

Confronté à un enregistrement d'une conversation avec un employé de F______ du 9 avril 2024 au cours de laquelle ce dernier, et non son frère, lui avait appris qu'il ne restait plus d'argent sur son compte, A______ a indiqué être stressé depuis 24 heures et qu'il lui était très difficile de répondre. Il était certain que c'était son frère qui lui avait appris en premier qu'il y avait déjà un fondé de procuration sur son compte. Il n'y aurait eu aucune raison pour qu'il fasse une procuration en faveur de son frère s'il avait su que son compte était vide. Il lui semblait qu'il avait fait deux fois des procurations pour son frère. Il était détruit psychiquement et sous médicaments depuis un an.

e.b. À la question du Ministère public de savoir comment il était possible que la procuration ait été validée, alors que la signature y apposée était différente de celle de A______, le représentant de F______ a répondu que son service anti-fraudes avait constaté qu'il y avait déjà des divergences entre les documents d'identité et les formulaires d'ouverture et qu'il y avait des similitudes entre toutes ces signatures.

e.c. A______ a produit copie d'un reçu de N______ mentionnant un envoi à O______, à P______, France, date de livraison prévue le 16 avril 2024 en fin de journée, d'un document pesant 500 gr, ainsi qu'une copie couleur d'une procuration en faveur de son frère, non datée.

e.d. À l'issue de l'audience, le Ministère public a informé les parties plaignantes qu'il entendait rendre une ordonnance pénale contre C______ – laquelle n'a pas pu comparaître pour raisons médicales – et leur a fixé un délai pour faire valoir leurs prétentions civiles.

f. Par ordonnance pénale du 30 septembre 2024 – notifiée notamment au plaignant, qui n'a pas réclamé son pli recommandé – le Ministère public a condamné C______ pour escroquerie, faux dans les titres et blanchiment d'argent, avec la précision que le virement des CHF 75'000.- sur un compte de la prévenue en Allemagne avait pour but d'empêcher leur confiscation par l'autorité pénale.

C______ a formé opposition [et a à cette occasion produit le certificat médical du 8 octobre 2024 précité].

g. Entendue par le Ministère public le 3 décembre 2024, C______ a expliqué que son mari était parti au Maroc après avoir fait, à mi-janvier 2023, l'objet d'une mesure d'éloignement car il l'avait agressée à son domicile à Q______ (France). Après qu'ils s'étaient rendus en juin 2023 au Tribunal de K______ et qu'il avait été condamné à faire un "stage de correction", elle lui avait pardonné cette agression et ils avaient repris leurs projets. Ils avaient dû trouver un "autre" restaurant et avaient signé en septembre 2023 la promesse de vente pour I______ (elle n'avait plus ce document). Elle avait versé un acompte de CHF 50'000.-, à "R______" [R______ Sàrl, entreprise de la gastronomie], depuis son compte en Allemagne, pour l'acquisition de ce restaurant; il lui restait CHF 172'000.- à payer. Son mari ne revenait cependant pas du Maroc où il était censé vendre divers biens pour leur permettre d'acheter "les restaurants" et d'avoir ce qu'il leur fallait pour vivre en Suisse. Il était malade, étant bipolaire et souffrant du foie en raison de son alcoolisme. Il lui disait qu'il allait lui envoyer l'argent et s'était une fois connecté à l'e-Banking depuis le Maroc pour procéder au virement, mais cela n'avait pas fonctionné.

Il lui avait donc établi la procuration. Elle pensait qu'il avait imprimé ce formulaire dans un "café internet" et le lui avait envoyé par la POSTE "normale". Dans la mesure où elle craignait qu'il révoquât la procuration, car il changeait constamment d'avis, elle avait appelé F______ le 12 mars 2024 pour obtenir la carte afférente au compte (étant noté que le Procureur lui avait fait remarquer qu'elle avait l'air très impatiente de l'obtenir selon l'enregistrement de cette conversation).

Les versements qui étaient entrés sur le compte F______ de son mari provenaient de S______, pour l'achat du bar qu'ils avaient au Maroc. Elle avait aussi reçu un "virement test" du fils de cette dernière sur son compte en Allemagne, en lien avec cet achat.

h. Le 13 décembre 2024, C______ a versé des pièces complémentaires, à savoir notamment une attestation signée par la représentante de R______ Sàrl datée du 12 décembre 2024 à teneur de laquelle A______ et C______ avaient signé, le 29 septembre 2023, une convention d'acquisition de la société T______ SA, propriétaire du fonds de commerce I______, une capture d'écran faisant état d'un virement de EUR 172'000.42 prévu le 10 juin 2024 de [la banque allemande] U______ en faveur de V______, sur un compte auprès de [la banque suisse] W______, avec la mention "achat fond de commerce", et neuf captures d'écran de diverses conversations via WhatsApp.

i. Il ressort desdites captures d'écran que :

• le 1er mars 2024, C______ a demandé à "A______" de lui "faire la procuration pour la poste" en lui disant dans un second message que c'était urgent, ce à quoi il a répondu "Ok" une minute plus tard;

• le 4 mars 2024, "A______" a écrit à C______ en début de soirée :"PS: l'argent vient la semaine prochaine voilà le plus important pour toi c'est ton argent bonne soirée" et une demi-heure plus tard : "Tu as réussi" puis "L'argent arrive";

• le 10 avril 2024 à 23h16, "A______" a écrit à C______ : "Je viens deux jours (drapeau suisse) pour voir les enfants on peut aller manger ou promener ensemble. Si tu penses que ça te plaît pas beaucoup fais moi signe. Je force personne. Mais j'aurais les poches pleins de billets" (sic);

• le 12 avril 2024 à 01h21, "A______" écrit: "Je suis désolé mais je réalise que je suis un peu trop sensible (smiley qui pleure) et je voulais t'aider. Tu m'as empêché de venir chercher mes affaires et voir mes enfants […] Il faut pas être inquiété du futur tu vas survivre à cette épreuve. Tu as toujours été forte." (sic);

• le 24 avril 2024 "A______" a écrit à C______ qu'il n'avait plus envie de la voir, qu'ils se verraient devant le juge pour divorcer à l'amiable si elle préférait et qu'une plainte avait été déposée contre elle.

j. Il ressort de la documentation produite par F______ que A______ a ouvert une relation en octobre 2021 à laquelle sont liés un compte en francs suisses et un compte en euros. Selon le relevé du compte en francs suisses, ledit compte présentait au 13 août 2023 un solde de CHF 3.35. Il a ensuite été exclusivement alimenté par des crédits de S______, de CHF 40'000.- le 13 novembre 2023, CHF 50'000.- le 15 décembre 2023 et CHF 5'000.- le 8 mars 2024. Au 11 mars 2024, soit sept jours avant le débit litigieux, le solde s'élevait à CHF 76'266.70. Les divers autres débits sur cette même période correspondent à des retraits en espèces et des achats effectués à G______ (Maroc).

k. Par avis de prochaine clôture partielle du 13 décembre 2024, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement et leur a imparti un délai au 15 janvier 2025 pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve et demandes d'indemnisation.

l. Le 9 janvier 2025, C______ a conclu à l'octroi d'une indemnité de CHF 4'636.65 correspondant aux honoraires de son conseil (art. 429 al. 1 lit. a CPP).

m. Par courrier au Ministère public du 24 décembre 2024, Me B______ avait accusé réception de l'avis de prochaine clôture, demandé copie du dossier et une prolongation du délai au 31 janvier 2025, accordée par courriel du 27 décembre 2024, qui n'avait toutefois pas pu être communiquée à Me B______, l'adresse e-mail et le numéro de téléphone indiqués sur son papier à en-tête étant erronés. Le 6 janvier 2025, copie électronique du dossier avait été adressée à ce dernier, via la plateforme X______. Me B______ avait indiqué, par courrier au Ministère public du 7 janvier 2025, qu'une erreur s'était glissée dans l'adresse de son étude telle que figurant sur la procuration.

Le 21 janvier 2025, Me B______ s'est plaint de n'avoir jamais reçu copie du dossier, malgré ses demandes, a expliqué ses changements d'adresses successifs, s'est plaint du manque de courtoisie du Greffe du Ministère public et du fait que le Conseil de C______ ne l'avait pas informé de sa constitution. Il sollicitait – et a obtenu – une nouvelle prolongation du délai au 15 février 2025 pour déposer ses réquisitions de preuve. Le 23 janvier 2025, il a contacté téléphoniquement le Ministère public pour indiquer qu'il n'avait pas reçu directement l'avis de prochaine clôture, ni la copie du dossier. Copie du dossier lui a été adressée une nouvelle fois à l'adresse e-mail qu'il donnait, avec indication du mot de passe, par courriel et par téléphone. Le 23 janvier 2025 à 13h28, un avis de notification de lecture des documents envoyés à Me B______ a été reçu au Ministère public. Le même jour, à 14h25, Me B______ a adressé un efax au Ministère public, indiquant qu'il avait bien reçu le dossier. Il émettait diverses critiques sur le contenu de celui-ci. Par courrier du 10 février 2025, Me B______ a indiqué qu'il avait payé l'émolument pour la consultation et sollicitait une copie du dossier. Le Ministère public lui a répondu le 11 février 2025 que l'émolument payé correspondait à la communication électronique du 23 janvier 2025; il invitait Me B______ à lui faire savoir s'il sollicitait une nouvelle transmission, laquelle entrainerait le paiement d'un nouvel émolument. Me B______ n'a pas réagi et, le 17 février 2025, a réitéré n'avoir pas reçu le dossier et sollicité un délai au 31 mars 2025 pour déposer des observations, ce qui lui a été refusé dans l'ordonnance querellée.

C. Dans l'ordonnance attaquée, le Ministère public a – après avoir énuméré les divers échanges de correspondances avec le conseil du recourant et refusé de lui accorder un nouveau délai pour se déterminer sur l'avis de prochaine clôture – retenu qu'il ressortait des enquêtes que c'était bien la signature de A______ qui figurait sur la procuration incriminée. C______ était, dans l'ensemble de ses déclarations, largement plus crédible que A______, dont les déclarations étaient contredites par les pièces figurant au dossier, en particulier lorsqu'il avait nié utiliser deux signatures distinctes. La chronologie des faits exposée par A______ était également contredite par le dossier.

D. a. À l'appui de son recours A______ fait valoir une violation de son droit d'être entendu en lien avec la motivation de l'ordonnance de classement qui ne saurait se limiter à des expressions générales à teneur desquelles la version de la prévenue apparaissait plus probable que la sienne, qui aurait par ailleurs comporté des contradictions. De plus, aucune suite n'avait été donnée par le Ministère public aux demandes de consultation du dossier de son conseil des 17 juillet, 30 août et 24 décembre 2024. Bien que ce dernier eût quitté sa précédente étude à Y______ [VD] le 5 novembre 2024 et qu'un informaticien se fût trompé dans le paramétrage de sa boîte email, il eût été très facile à cette autorité d'obtenir ses nouvelles coordonnées. Ni lui ni son conseil ne s'étaient vu notifier l'ordonnance pénale du 30 septembre 2024, pas plus que l'avis de prochaine clôture, qu'il avait lui-même communiqué à son avocat. Le 23 janvier 2025, son conseil avait fini par dire au greffe du Ministère public que s'il ne recevait pas le dossier dans la journée, il saisirait le Conseil supérieur de la magistrature. Le dossier avait été envoyé dans l'heure et une greffière avait contacté l'étude pour s'assurer qu'il avait bien pu l'ouvrir. En parcourant le dossier qui lui avait été adressé par voie électronique, son mandant n'y avait pas trouvé trace de l'annonce de son mandat ni des échanges avec le Ministère public. Il était donc parti du principe que ce dossier était incomplet, raison pour laquelle il avait demandé une nouvelle prolongation du délai qui lui avait été refusée. Aussi, la procédure était tellement viciée qu'il ne voyait pas comment son recours pourrait ne pas aboutir à un renvoi au Ministère public pour reprise ou complément d'instruction.

La maxime d'instruction avait été violée, de même que les principes in du bio pro duriore et de la mise en accusation. La prévenue avait fait défaut à l'audience de confrontation du 28 août 2024 et le certificat médical, daté du 8 octobre 2024, n'avait donc été produit qu'après la notification de l'ordonnance pénale, ce qui interpellait. Lors de l'audience du 3 décembre 2024, le Ministère public n'avait pas interrogé la prévenue sur ce certificat médical. Or, ce point était susceptible de constituer une instigation à faux certificat médical au sens de l'art. 318 CP [infraction sur laquelle il revenait longuement]. De plus, le Ministère public n'avait pas demandé à C______ pourquoi elle n'avait donné aucune suite à la demande de F______ de remboursement des CHF 75'000.-. Elle ne s'était pas expliquée de manière convaincante sur l'enregistrement de sa conversation du 7 mars 2024 avec un représentant de F______, ni ne s'était vu poser de question pour savoir si elle disposait de comptes en Suisse et/ou en France et pour quelle raison l'argent avait été viré sur un compte en Allemagne, pays avec lequel elle n'entretenait aucune relation et dont elle était seulement originaire. Il s'interrogeait sur l'absence d'expertise forensique de la procuration litigieuse, alors que le Procureur avait indiqué qu'il en ordonnerait une si la prévenue faisait opposition à l'ordonnance pénale. Celle-ci n'avait jamais fait valoir qu'elle disposait d'un droit subjectif à recevoir "ce" montant. Il s'agissait donc d'une donation. Si donc elle avait bénéficié d'une procuration valable sur son compte, hypothèse retenue implicitement par le Ministère public, dans la mesure où elle avait déclaré que lui-même était bipolaire et pouvait changer d'avis "du jour au lendemain", ce qui l'avait amenée à agir rapidement, ne devait-elle pas se poser la question de sa capacité de discernement? La question de la commission d'un acte de gestion déloyale [sic, après avoir développé trois paragraphes sur l'infraction d'abus de confiance] se posait très clairement et devait être investiguée. Par ses messages via Whatsapp, notamment celui du 4 mars 2024 dans lequel elle lui disait qu'il était son "grand amour", la prévenue n'avait-elle pas établi un lien de confiance allant au-delà de celui découlant "déjà" de l'octroi d'une procuration? Tous ces points méritaient pour le moins d'être éclaircis, la seule alternative, si le Ministère public estimait que le dossier était en l'état d'être jugé, étant un renvoi au Tribunal de première instance.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

3.             Encore faut-il que le recourant ait, en sus, un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée.

3.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. L'intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 = SJ 2018 I 421 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_818/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.1).

3.2. La qualité pour recourir de la partie plaignante, du lésé ou du dénonciateur contre une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière est subordonnée à la condition qu'ils soient directement touchés par l'infraction et puissent faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision. En règle générale seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 129 IV 95 consid. 3.1).

3.3.1. L'art. 251 CP protège, en tant que bien juridique, d'une part la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 142 IV 119 consid. 2.2). Le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier. Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3; ATF 119 Ia 342 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 7B_587/2023 du 11 septembre 2024 consid. 2.2.3).

3.3.2. Le blanchiment d'argent protège, outre l'administration de la justice, les intérêts patrimoniaux de ceux qui sont lésés par le crime préalable, dans les cas où les valeurs patrimoniales proviennent d'actes délictueux contre des intérêts individuels (ATF 129 IV 322 consid. 2).

3.4. En l'espèce, le recourant se plaint de ce que la prévenue aurait présenté à [la banque] F______ une procuration sur son compte comportant une imitation de sa signature pour obtenir, à son insu, le versement de CHF 75'000.- sur un compte qu'elle détient en Allemagne. En le faisant créditer à l'étranger, elle en aurait empêché la confiscation. Le recourant se prévaut ainsi d'un intérêt individuel, puisque le document argué de faux a eu pour conséquence une diminution de son patrimoine. S'agissant de l'infraction de blanchiment d'argent, dans la mesure où ses intérêts patrimoniaux seraient lésés par une escroquerie ou un abus de confiance commis en amont, comme soutenu, lesdits intérêts sont également protégés, de sorte que la qualité pour recourir doit lui être reconnue.

Le recours est recevable.

4.             Le recourant conclut à la production du dossier "officiel".

La Chambre de céans a reçu du Ministère public le dossier de la procédure. Il n'est pour le surplus pas utile qu'elle obtienne du recourant la version du dossier remise par le Ministre public par courriel, aux fins de comparaison, comme il sera vu ci-dessous.

5.             Le recourant se plaint d'une violation du droit d'être entendu en lien: avec la motivation de l'ordonnance litigieuse, qu'il estime lacunaire; la consultation du dossier; la notification de l'ordonnance pénale du 30 septembre 2024 et de l'avis de prochaine clôture et le refus d'une "nouvelle" prolongation de délai pour formuler des observations après ledit avis.

5.1. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Les parties doivent pouvoir consulter le dossier pour connaître préalablement les éléments dont dispose l'autorité et jouir ainsi d'une réelle possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure. Pour que cette consultation soit utile, le dossier doit être complet afin qu'elles puissent, cas échéant, soulever une objection contre leur validité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1270/2021 consid. 2.1, non publié aux ATF 148 IV 288).

5.2. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst féd. et 3 al. 2 let. c CPP, impose par ailleurs à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d’une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d’autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d’exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1). Pour satisfaire à cette exigence de motivation, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4;
142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_990/2023 du 3 avril 2024 consid. 2.1.1).

5.3. Une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 = SJ 2011 I 347; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

5.4. Lorsque le ministère public estime que l'instruction est complète, il rend une ordonnance pénale ou informe par écrit les parties dont le domicile est connu de la clôture prochaine de l'instruction et leur indique s'il entend rendre une ordonnance de mise en accusation ou une ordonnance de classement; en même temps, il fixe aux parties un délai pour présenter leurs réquisitions de preuves (art. 318 al. 1 CPP). Le ministère public ne peut écarter une réquisition de preuves que si celle-ci exige l'administration de preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit (art. 318 al. 2 CPP).

5.5.1. En l'espèce, le Ministère public mentionne, de manière certes succincte mais suffisante, les éléments ayant conduit à la décision querellée. D'ailleurs, le recourant a été en mesure de la contester dans le cadre de son recours. Le fait qu'il ne soit pas d'accord avec cette motivation ne la rend pas pour autant lacunaire.

L'éventuel grief du défaut de motivation apparaît dès lors infondé.

5.5.2. Par ailleurs, les modalités de notification de l'ordonnance pénale du 30 septembre 2024, pas plus que de l'avis de prochaine clôture du 13 décembre 2024, ne sont l'objet du litige. Le recourant ne conteste pour le surplus pas avoir eu connaissance de ces deux actes du Ministère public et les avoir communiqués à son conseil qui a pu faire valoir ses droits en temps utile. Si le recourant se plaint d'avoir dû demander la consultation du dossier à cette autorité à plusieurs reprises, il ne remet pas en cause le fait que son conseil l'a finalement reçu par voie électronique le 25 janvier 2025, ce qui est attesté par l'avis de lecture transmis à son expéditeur à cette date, dans l'après-midi. Il disposait alors encore de trois semaines pour déposer ses observations sur avis de prochaine clôture avec annonce de classement de la procédure, vu la – seconde – prolongation de délai qu'il avait obtenue pour ce faire jusqu'au 15 février 2025. Qu'il ait considéré que le dossier pouvait ne pas être complet, étant relevé qu'il puisse être possible qu'il n'ait pas reçu les "pièces de forme" le concernant – ne l'empêchait nullement de formuler de telles observations à temps, étant relevé que le dossier est dénué de difficulté, s'agissant d'un seul complexe de faits dénoncé par le recourant, d'une petite enquête de police et de deux audiences devant le Ministère public. Le recourant doit se voir opposer le fait qu'il n'ait pas transmis en particulier de réquisitions de preuve dans le délai imparti, étant au surplus relevé qu'il a pu en présenter devant la Chambre de céans sans toutefois le faire formellement, se bornant à évoquer des questions qui auraient dû être posées à la prévenue ou à se plaindre de ce que le Ministère public n'avait pas ordonné une expertise forensique (graphologique).

Le grief d'une violation du droit d'être entendu sera partant rejeté.

6.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir classé sa plainte contre son épouse.

6.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et qui s'impose également à l'autorité de recours, signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 et 138 IV 86 consid. 4.1.2).

6.2.1. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

6.2.2. D'après l'art. 251 ch. 1 CP, se rend coupable de faux dans les titres quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, crée un titre faux, falsifie un titre, abuse de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constate ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

Cette disposition – qui doit être appliquée de manière restrictive (ATF 117 IV 35 consid. 1d) – vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 146 IV 258 consid. 1.1; 144 IV 13 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_367/2022 du 4 juillet 2022 consid. 1.1).

6.2.3. Selon l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, se rend coupable d'abus de confiance quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

Sur le plan objectif, l’infraction suppose qu’une valeur ait été confiée, autrement dit que l’auteur ait acquis la possibilité d’en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu’un usage déterminé, en d’autres termes, qu’il l’ait reçue à charge pour lui d’en disposer au gré d’un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s’écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1). Le comportement de l’auteur consiste donc à violer le rapport de confiance. Ce qui est déterminant est que le comportement de l’auteur démontre clairement sa volonté d’agir au mépris des droits de celui qui accorde sa confiance. Tel est le cas lorsque l’auteur va au-delà des pouvoirs qui lui sont conférés, en violant les règles de la bonne foi en affaires ou la convention existante (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 43 ad art. 138 CP).

6.2.4. L'art. 305bis ch. 1 CP réprime, du chef de blanchiment d'argent, quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime.

6.3. En l'espèce, le recourant soutient que c'est à son insu que la prévenue, son épouse, aurait présenté à F______ une procuration du 3 mars 2024 sur laquelle celle-ci aurait apposé une imitation de sa signature dans le but d'obtenir, sans qu'il ne l'ait autorisé et en se présentant au guichet le 18 mars 2024, le virement de CHF 75'000.- sur un compte dont elle est titulaire en Allemagne. La prévenue a de son côté expliqué avoir reçu cette procuration de la part du recourant, qui réside au Maroc depuis quelques années pour que le montant ainsi transféré serve à l'acquisition d'un fonds de commerce à Genève, à savoir un restaurant. À cet égard, le recourant ne remet pas en cause l'attestation de la représentante de R______ Sàrl du 12 décembre 2024 à teneur de laquelle il avait signé au côté de son épouse, le 29 septembre 2023, une convention d'acquisition de la société propriétaire du restaurant convoité [au quartier des] J______. La prévenue a de son côté rendu vraisemblable qu'elle a fini par acquérir ledit restaurant, au terme d'une seconde convention, contre virement, de son compte bancaire en Allemagne, de EUR 172'000.42 [valeur 10 juin 2024], sur le compte W______ d'un dénommé V______.

Il ressort en particulier de la plainte déposée par F______ le 3 juin 2024 pour ce même complexe de faits, qu'elle avait reçu le 7 mars 2024, par la POSTE, la procuration litigieuse accompagnée d'une copie du titre de séjour du recourant et du passeport allemand de la prévenue. Or, le recourant n'indique pas dans quelles circonstances et pour quelle – autre – raison sa femme se serait servie de l'un de ses documents d'identité et en aurait levé copie.

S'y ajoutent les échanges des protagonistes via WhatsApp entre le 1er et le 4 mars 2024 dont la teneur, explicite, n'est là non plus pas remise en cause par le recourant. Il en ressort que le 1er mars 2024, la prévenue lui a demandé de "faire la procuration par la poste" tout en précisant dans un message suivant que c'était urgent, ce à quoi il a répondu une minute plus tard "Ok". Il peut en être raisonnablement déduit qu'il était alors d'accord d'établir une procuration en faveur de son épouse sur son compte auprès de F______. Le 4 mars 2024, il a même écrit à la prévenue que l'argent arrivait la semaine suivante, confirmant une demi-heure plus tard qu'elle avait "réussi", puisque "l'argent arriv[ait]". Cet échange est chronologiquement compatible avec l'arrivé chez F______ le 7 mars 2024 d'une procuration signée le 3 mars précédent, étant relevé que le recourant en a adressé une à son frère en Suisse, depuis le Maroc, par N______ en avril 2024. À nouveau, il peut être raisonnablement déduit de ces messages, que le recourant était d'accord que de l'argent parvienne à son épouse, quand bien même aucun montant n'était articulé. Le recourant n'a pas démenti l'accord ainsi donné par messagerie, ni qu'il aurait concerné d'autres compte et/ou montant que les CHF 75'000.- en cause.

Quant au compte F______ en francs suisses du recourant débité de ces CHF 75'000.- le 18 mars 2024, il ressort de la documentation bancaire au dossier qu'il présentait au 13 août 2023 un solde de CHF 3.35. Il a ensuite été alimenté exclusivement par des versements de S______, à hauteur de CHF 40'000.- le 13 novembre 2023, CHF 50'000.- le 15 décembre 2023 et CHF 5'000.- le 8 mars 2024. Au 11 mars 2024, soit sept jours avant le débit litigieux, le solde s'élevait à CHF 76'266.70. À nouveau, le recourant ne contredit pas son épouse qui a déclaré que ces versements avaient été effectués ensuite de l'achat, par S______, d'un bar que les époux possédaient au Maroc.

Face à ces éléments – apportés lors de l'instruction qui a suivi l'opposition à l'ordonnance pénale – c'est à juste titre que le Ministère public a considéré que la procuration litigieuse pouvait, après comparaison avec des documents fournis par la prévenue, comporter la signature du recourant et, partant, a – implicitement – renoncé à ordonner une expertise graphologique. C'est aussi à bon droit qu'il a considéré que les dires de la prévenue paraissaient plus crédibles que ceux du recourant, étant relevé qu'ils sont conformes aux éléments du dossier relevés ci-dessus. En particulier, le fait que la prévenue ait déclaré ne plus se souvenir si le recourant lui avait adressé la procuration par La POSTE, puisque cela pouvait tout aussi bien être N______, à l'instar du pli envoyé par le recourant à son frère, n'est pas particulièrement relevant. Certes, la prévenue a déclaré qu'elle était pressée d'obtenir la procuration puis une carte lui permettant d'avoir accès au compte, car le recourant changeait rapidement d'avis notamment en raison d'un trouble bipolaire dont il souffrirait, ce qui ne signifie pas encore qu'il n'aurait pas sa capacité de discernement, laquelle est présumée (art. 16 CC). Il ressort au demeurant de leurs échanges via WhatsApp que le 10 avril 2024 encore le recourant écrivait à son épouse qu'il venait à Genève et qu'ils pourraient aller se promener avec les enfants.

Or, ce message met en lumière les contradictions dans les déclarations du recourant. Il en est en particulier ainsi des circonstances dans lesquelles il dit avoir découvert le retrait effectué à son insu. Il a en effet indiqué dans sa plainte du 30 avril 2024 que c'était le 3 avril 2024, lorsqu'il avait cherché à retirer de l'argent à G______ et que l'écran avait affiché "solde insuffisant". Cela parait peu compatible avec le fait qu'il a, sept jours plus tard, écrit à son épouse qu'il venait la voir, de même que leurs enfants, à Genève, sans formuler aucun commentaire sur le retrait (intervenu le 18 mars 2024). Il n'a d'ailleurs produit aucun message ni prétendu qu'il aurait, entre le 3 avril et le 10 avril 2024, fait de quelconque reproche à son épouse sur le retrait. Par ailleurs, devant le Ministère public le 28 août 2024, il a soutenu que c'était au moment où son frère, auquel il avait envoyé une procuration par N______, avait, le 9 avril 2024 voulu retirer de l'argent, qu'on lui avait répondu au guichet qu'il ne restait que CHF 500.- environ. Cette version ne correspond toutefois pas à l'enregistrement de sa conversation du 9 avril 2024 avec un employé de F______ dont il ressort que c'est La POSTE qui lui avait appris qu'il ne restait plus d'argent sur son compte, et non son frère. De plus, dans sa plainte du 30 avril 2024, le recourant a prétendu qu'il n'avait plus de contact avec son épouse "depuis bien longtemps". Or, tous deux avaient eu de contacts via WhatsApp entre le 1er et le 24 avril 2024, pas seulement au sujet de la procuration et de l'argent que la prévenue attendait, mais également annonçant, le 10 avril 2024, la venue du recourant en Suisse et son souhait de voir l'intéressée, de même que leurs enfants. À teneur des messages suivants, des 12 et 24 avril 2024, les relations s'étaient manifestement péjorées, puisqu'il y était question de divorce et du fait que le recourant allait déposer une plainte contre son épouse.

Dans ces circonstances, un acquittement de la prévenue apparait plus probable qu'une condamnation, de sorte que c'est à juste titre que le Ministère public a décidé, après l'enquête de police et l'audition de la prévenue, du recourant et de F______, de classer la procédure, faute de soupçons suffisants de la commission de faux dans les titres, escroquerie et blanchiment d'argent.

6.4. Il sera encore relevé qu'une infraction d'abus de confiance, qui est l'argumentation subsidiaire du recourant pour le cas où la procuration litigieuse devait avoir été considérée comme signée par ses soins, n'entrerait pas davantage en compte, dans la mesure où, vu ce qui précède, les CHF 75'000.- litigieux ont été utilisés par la prévenue pour l'achat d'un restaurant [au quartier des] J______, projet connu du recourant qui, en septembre 2023, dans le cadre d'une première convention de vente, s'était engagé à y participer.

Le litige entre les parties semble en définitive de nature civile.

6.5. Faute de soupçons suffisants de la commission par la prévenue d'une infraction préalable (escroquerie/abus de confiance), celle de blanchiment d'argent ne saurait entrer en ligne de compte.

Justifiée, l'ordonnance querellée sera confirmée et le recours rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, à C______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant : Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13648/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

Total

CHF

1'000.00