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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11410/2022

ACPR/64/2025 du 22.01.2025 sur OTMC/4061/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11410/2022 ACPR/64/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 22 janvier 2025

 

Entre

A______, détenue à la prison de B______, représentée par Me C______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 30 décembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 7 janvier 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 décembre 2024, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a autorisé la prolongation de sa détention provisoire jusqu'au 2 mars 2025.

Elle conclut à la constatation qu’une caution pourrait pallier le risque de fuite ; à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa libération immédiate ; subsidiairement à sa libération sous sûretés en EUR 2'000.- « et » à une prolongation de sa détention limitée à cinq semaines.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.      Ressortissante italienne (mais se prétendant croate), A______, née en 2002 et venue de D______ [France], où elle vivrait auprès de ses grands-parents, est prévenue de cambriolages répétés. Après les avoir contestées dans un premier temps, A______ a admis les préventions retenues, qui portent sur treize infractions commises entre le 5 juin 2021 et le 31 janvier 2022, non comprises les entrées illégales en Suisse (cf. ordonnance querellée, pp. 2 et 3). Certains cambriolages avaient donné lieu à une ordonnance pénale, en 2022, sous une identité erronée de mineure ; mais la condamnation a été annulée pour ce motif par le Juge des mineurs, le 27 novembre 2024.

b.             Le 1er octobre 2024, lors de son audition par la police après son interpellation (avec une comparse, mineure), elle a admis être venue en Suisse dans l’intention d’y commettre des vols, y compris sous la forme de cambriolages (procès-verbal du 1er octobre 2024 p. 3) ; mais elle a contesté connaître l’utilité de la clé à molette et des morceaux de plastique (« PET ») que sa comparse avait dissimulés au pied d’un arbre, peu avant qu’elles ne soient interpellées, et qui, selon la police, étaient typiques du mode opératoire d’arrachage de cylindre.

c.              Connue pour des cambriolages en France, en Allemagne et en Italie (rapport de renseignements du 2 octobre 2024), A______ n’a aucun casier judiciaire dans ces pays. Son casier judiciaire suisse est également vierge.

d.             Ses grands-parents, qui détiendraient ses papiers croates, lui avaient remis un peu d’argent avant sa venue en Suisse ; ses père et mère vivraient à E______ [Italie]. Elle n’a pas été interrogée sur ses occupations professionnelles.

e.              Dans son ordonnance du 3 octobre 2024 autorisant le placement en détention provisoire pour trois mois, le TMC a retenu que ni le risque de collusion ni le risque de réitération, pris séparément, n’auraient suffi à justifier la privation de liberté ; en revanche, le risque de fuite était élevé et ne pouvait pas être atténué par les mesures de substitution suggérées (déférer à toute convocation et se présenter périodiquement à la police).

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC renvoie à son ordonnance précédente (cf. let. B.e. supra) et constate que les charges ont augmenté dans l’intervalle. Aucune mesure de substitution, et notamment pas la proposition de sûretés, en EUR 2'000.-, n’atténuerait les risques – de fuite, de collusion et de récidive – retenus dans cette décision. Une prolongation de détention d’une durée de deux mois était proportionnée.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TMC d’avoir méconnu qu’il avait écarté les risques de collusion et de réitération dans sa décision précédente et d’avoir omis de motiver pourquoi il les retenait dans l’ordonnance attaquée. Elle ignorait aussi pourquoi le TMC n’avait pas suivi sa proposition d’une prolongation limitée à cinq semaines, en violation de son droit d’être entendue et du principe de la proportionnalité. Aucune confrontation n’avait eu lieu avec sa comparse ; le Ministère public se limitait à soutenir qu’elle-même n’aurait pas agi seule. Les investigations restant à entreprendre selon le Ministère public ne justifiaient pas de prolonger sa détention pour deux mois. Même si on lui opposait un pronostic défavorable, ce critère légal ne suffisait pas. L’ordonnance pénale de 2022, parce qu’elle avait été annulée, ne pouvait pas être considérée comme un antécédent. Son domicile étant situé dans un pays distinct de celui dont elle était ressortissante, le risque de fuite ne saurait lui être « automatiquement » opposé, car elle pourrait être extradée depuis son pays de résidence. La caution proposée était d’un montant très élevé pour sa famille, ce qui pourrait être démontré « ultérieurement » et ne devrait pas empêcher d’ordonner sa libération dès maintenant.

b. Le TMC renvoie à sa décision.

c. Le Ministère public propose de rejeter le recours. La motivation adoptée par le premier juge était suffisante. La première décision de prolongation de détention avait bel et bien retenu des risques de collusion et de réitération, quand bien même ils n’auraient pas suffi à eux seuls ; cela étant, le risque de collusion n’était maintenant plus valable, à raison de l’avancement de l’instruction. Les risques de fuite et de réitération restaient concrets. Nonobstant sa récente audition par la police, la recourante devait encore être entendue personnellement par le Ministère public. Les nouvelles plaintes apparues n’étaient pas encore réceptionnées, puis les lésés concernés devaient encore être contactés. L’instruction serait ensuite clôturée.

d. A______ a répliqué.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner d’une prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante conclut à la constatation que le risque de fuite pourrait être pallié par des mesures de substitution. À tort. De telles conclusions, constatatoires, n’ont pas leur place dans un recours comportant des conclusions, réformatoires, tendant à la libération sous caution, qui l’emportent (ATF 135 I 119 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_79/2009 du 24 septembre 2009 consid. 3.5 publié in ZBl 2011 p. 275 ; ACPR/6/2024 du 9 janvier 2024 consid. 2 ; ACPR/238/2020 du 22 avril 2020 consid. 1.2.).

3.             L’enjeu n’est pas de savoir si le TMC pouvait adopter une motivation nouvelle ni si son renvoi à sa motivation précédente contredirait celle-ci ; il faut, mais il suffit, que le dossier comporte des éléments suffisant, en fonction de l’évolution de la procédure, à justifier la décision qu’a prise le juge de la détention. Le TMC n’est donc pas lié par les motifs qu’il a précédemment retenus ni par ceux plaidés par le Ministère public (arrêt du Tribunal fédéral 1B_640/2012 du 13 novembre 2012 consid. 3.2), pas plus qu’il n’est lié par la durée de la précédente prolongation qu’il a autorisée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_114/2013 du 5 avril 2013 consid. 2.1). Pour le surplus, la recourante ne prétend pas, à juste titre, que le TMC aurait outrepassé la durée de prolongation requise par le Ministère public (cf. ATF 147 IV 336 consid. 2.3).

4.             La recourante n’aborde pas la matérialité des charges ; dans ses déterminations à l’attention du TMC, elle ne les avait expressément pas contestées. Indépendamment de la période pénale liée aux infractions contre le patrimoine qui lui sont reprochées, on observe que l’augmentation des charges de ce chef est donc admise et que l’entrée illégale en Suisse, telle que relevée pour l’année 2024, l’est aussi.

5.             La recourante conteste l'existence d'un risque de réitération. Dès lors qu’un risque de fuite indiscutable doit être retenu, comme on le verra ci-après, cette question n’a pas à être examinée (arrêts du Tribunal fédéral 7B_830/2024 du 4 septembre 2024 consid. 3 et 7B_188/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3.1).

6.             Si on la suit bien, la recourante concède présenter un risque de fuite, mais soutient que des sûretés, conjuguées à la possibilité d’une extradition ultérieure depuis la France, constitueraient un frein efficace au risque de représentation aux actes ultérieurs de la procédure.

6.1.       Le risque de fuite est, en effet, incontestable, au sens de l’art. 221 al. 1 let. a CPP, puisque la recourante n’a aucun titre de séjour en Suisse et que la peine-menace résultant de l’application des règles sur le concours d’infraction (art. 49) CP) pourrait l’inciter à ne pas se présenter aux actes ultérieurs de la procédure. Au demeurant, il ne semble pas a priori exclu que le juge du fond voie dans les actes reprochés et admis la circonstance aggravante de la bande (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_344/2023 du 11 juillet 2023 consid. 1.1.3.) ou celle du métier (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_463/2023 du 14 février 2024 consid. 4.1.). Par ailleurs, la possibilité d’extrader ultérieurement la recourante depuis la France, où elle réside et d’où elle provenait avant d’être interpellée, est sans portée (ACPR/963/2024 du 24 décembre 2024 consid. 5. et les références). L’astreinte à se présenter périodiquement à un poste de police (cf. art. 237 al. 2 let. d CPP) ne serait pas de nature à empêcher la recourante de s’enfuir à l’étranger, voire de passer dans la clandestinité (ATF 145 IV 503 consid. 3.2). L’engagement de déférer à toute convocation judiciaire n’a, quant à lui, que la valeur d’une promesse, dépourvue de caractère contraignant.

6.2.       Reste à examiner si une libération sous caution peut être accordée, au sens de l’art. 237 al. 1 let. a CPP.

6.2.1.           La libération moyennant sûretés (art. 238 al. 1 CPP) implique un examen approfondi, qui demande une certaine collaboration de la part du prévenu, dès lors que le caractère approprié de la garantie doit être apprécié notamment au regard des ressources du prévenu, de ses liens avec des personnes pouvant lui servir de caution – respectivement des possibilités financières de celles-ci – et de la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perdre le montant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite. Il convient également de tenir compte de l'origine des fonds proposés comme sûretés. Par ailleurs, même une caution élevée peut ne pas suffire pour pallier un risque de fuite lorsque la situation financière du prévenu ou celle des personnes appelées à servir de caution est incomplète ou présente des incertitudes. Enfin, le juge de la détention peut renoncer à ordonner une mise en liberté sous caution ou moyennant le versement de sûretés lorsqu'il a la conviction que cette mesure ne suffira pas à garantir la présence du prévenu aux débats et, le cas échéant, sa soumission au jugement (arrêt du Tribunal fédéral 7B_371/2024 du 23 avril 2024 consid. 5.2 et les références citées).

6.2.2.           En l’occurrence, la recourante se contente de proposer des sûretés en EUR 2'000.-. Elle a déjà articulé ce montant dans ses déterminations à l’attention du TMC, sans la moindre explication ; dans l’acte de recours, elle affirme, sans plus ample démonstration, que ce montant serait considérable « pour sa famille », ce qu’elle pourrait démontrer « ultérieurement ». Or, elle donne aucune précision sur ce qu’il faut entendre par « famille ». Elle affirme vivre auprès de ses grands-parents, à D______, ses parents étant à E______. On ignore les revenus des uns et des autres. On ne lui connaît pas d’activité professionnelle. Par ailleurs, comme on l’a vu (consid. 2. supra ), il n’y a pas à constater l’adéquation « sur le principe » (acte de recours, ch. 41) du versement de sûretés. Soit la recourante coopère dans le sens voulu par la jurisprudence – et, sur cette base, une caution peut être fixée, puis sa libération subordonnée au paiement effectif de celle-ci en mains du Pouvoir judiciaire ; soit, comme en l’espèce, elle se borne à articuler un montant, sans rattachement concret et étayé avec sa situation personnelle et celle des proches qu’elle mettrait à contribution – et sa demande de libération doit être refusée.

La décision de la Chambre de céans à laquelle elle se réfère (ACPR/331/2022 du 6 mai 2022 consid. 4.3) ne va pas dans un autre sens : non seulement la libération du prévenu avait été envisagée « à terme » par le TMC – à la différence du cas d’espèce – ; mais encore, si le prévenu n’avait – là non plus – pas étayé la situation financière de la personne appelée à servir de caution, tout au moins avait-il offert, par un engagement écrit de celle-ci, des sûretés en CHF 20'000.-, et ce, pour deux vols et une tentative de vol. Rien de comparable, en l’espèce. Pour le surplus, la Chambre de céans n’a pas dit non plus dans cet arrêt, fût-ce « sur le principe », que la libération devait être accordée, mais au contraire qu’il appartiendrait au premier juge (art. 397 al. 2 in fine CPP) de statuer à nouveau, après obtention des précisions jusque-là omises par le prévenu.

7.             La recourante invoque une violation du principe de la proportionnalité et propose de limiter à cinq semaines la prolongation de sa détention.

7.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.

7.2.       En l'espèce, la détention provisoire actuelle de la recourante n’est pas disproportionnée au vu de la peine concrètement encourue, si elle devait être reconnue coupable de l’intégralité des faits reprochés (cf. consid. 6.1. supra).

En outre, et pour le même motif, la prolongation de la détention jusqu'au 2 mars 2025 ne viole pas non plus le principe de la proportionnalité. Le raccourcissement de ce terme, tel que suggéré par la recourante, ne permettrait selon toute vraisemblance pas qu’elle soit jugée plus tôt, puisque l’instruction n’est pas close et qu’un acte d’accusation n’est pas encore sur le point d’être rédigé.

8.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

9.             Devant le Ministère public, la recourante est au bénéfice d'une défense d'office, dont elle n’a pas demandé l’extension à la présente instance.

9.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2.       En l'occurrence, quand bien même la recourante succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours, premier du genre, ne procède pas d'un abus. L'indemnité due au défenseur d’office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

10.         La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de l’instance, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Messieurs Christian COQUOZ et
Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/11410/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

 

Total

CHF

900.00