Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/932/2024 du 11.12.2024 sur OTMC/3426/2024 ( TMC ) , REFUS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/18329/2024 ACPR/932/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 11 décembre 2024 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 11 novembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,
et
LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 25 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 novembre 2024, notifiée le 13 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé sa mise en liberté.
Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, moyennant des mesures de substitution qu'il énumère.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. A______, né le ______ 1992, de nationalité française, est prévenu d'encouragement à la prostitution (art. 195 al. 1 let. c CP), voire d'usure (art. 157 CP) et d'exercice illicite de la prostitution (art. 199 CP cum art. 8 et ss LProst), pour avoir, à Genève, à tout le moins du 23 juillet au 7 août 2024, date de son interpellation, de concert avec D______ et E______ :
· poussé à la prostitution et/ou surveillé l'activité de prostitution de F______, née le ______ 2006 [qui a déposé plainte pénale le 20 août 2024 en raison de ces faits], et de G______, née le ______ 2001, notamment en leur dictant les modalités d'exercice, les empêchant ainsi de déterminer librement les lieux où elles devaient l'exercer, les horaires de travail, les clients qu'elles devaient accepter et le gain qu'elles devaient réaliser, dans le but d’en tirer un avantage patrimonial en s'octroyant à tout le moins un quart des gains réalisés, étant précisé que F______ touchait seulement un quart des montants perçus ;
· dans ces circonstances, exploité un salon de massages sans s'être annoncé préalablement auprès de la Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite (BTPI).
b. Selon le rapport d'arrestation du 8 août 2024, la police avait reçu deux jours plus tôt, sur l'une de ses messageries électroniques, un courriel anonyme indiquant qu'une jeune travailleuse du sexe figurant sur une annonce du site H______.ch, sous le nom de I______, pourrait être exploitée et maltraitée. Il ressortait de ce site qu'elle travaillait à la rue 1______ à Genève et avait 18 ans. Le raccordement téléphonique figurant sur l'annonce avait été activé le 24 juillet 2024 par D______. Les recherches effectuées sur ce même site avaient permis de découvrir une annonce érotique, au nom de G______, dont certaines illustrations semblaient avoir été prises dans la même pièce que celles montrant "I______". Le raccordement lié à cette annonce avait été activé le 31 juillet 2024 par A______. Agissant dans le cadre d'une recherche secrète, dûment autorisée, un agent de police avait contacté le raccordement attribué à "I______" et une prestation sexuelle avait été convenue le 7 août 2024 à 15h30 au tarif de CHF 250.-. Cet agent, arrivé au cinquième étage du no. ______ rue 1______, s'était vu ouvrir la porte par "I______", à savoir F______.
G______ se trouvait dans la cuisine de l'appartement, transformée en chambre, avec un homme [un client] que d'autres agents de la police avaient préalablement observé dans l'allée alors que E______ était venue l'y chercher. D______, A______ et E______ étaient dans le salon, porte fermée. Des ordinateurs, des téléphones et de l'argent avaient été saisis dans cette pièce. La perquisition avait encore permis la découverte de carnets de notes relatant l'activité de F______, entre le 29 juillet et le 7 août 2024, pour une somme totale de CHF 8'440.-, et celle de G______, du 2 au 7 août 2024, pour
CHF 2'500.-, de même que des notes contenant les différents tarifs, les règles établies par E______, notamment "Ne jamais parler à un client hors rendez-vous" et "Ne pas sortir sans prévenir". A______ détenait CHF 4'800.- et EUR 200.- dans la veste qu'il avait souhaité prendre avec lui avant de quitter l'appartement et E______ CHF 900.- et EUR 830.-, dans son sac.
E______ s'était rapidement affirmée comme étant "la cheffe des lieux" et celle qui avait effectué la réservation du logement sur la plateforme J______, "alors que les hommes [avaient ] parl[é]de vacances".
c. Entendus par la police le 8 août 2024:
c.a. E______, née le ______ 2006, a déclaré être venue en Suisse depuis la France, après une discussion avec A______, afin que son amie F______ puisse se prostituer et qu'elles puissent gagner de l'argent facilement. Tous trois avaient voyagé dans sa voiture. À leur arrivée à Genève, ils avaient décidé que F______ se prostitue et que l'argent de son activité serait divisé en trois. Elle a ensuite rectifié cette déclaration en précisant qu'en arrivant à proximité de Genève, ils avaient récupéré D______ qui était venu dans l'appartement avec eux. Ils avaient tous quatre décidé ensemble des prix des diverses prestations après que les "garçons " s'étaient renseignés. Elle était la cheffe de F______ et D______ "gérait" et avait "tout géré" pour G______. Les gains de son amie étaient partagés en quatre. A______ et D______ avaient créé et géraient l'annonce sur le site H______.ch.
Elle a aussi déclaré que tout était décidé par A______, à savoir le prix des prestations, les heures de rendez-vous avec les clients et les autres détails liés à son activité, tandis qu'elle-même ramassait l'argent et notait dans un carnet les prestations effectuées. D______ s'occupait de la sécurité. Elle était la "gendarme", la "maman" des filles, auxquelles elle disait quoi faire, quand se doucher et quand ranger la maison.
c.b. Selon F______, sa nouvelle amie E______ lui avait dit que A______ faisait "bosser" des filles et lui avait proposé de se faire de l'argent en se prostituant. Ils avaient donc pris la route durant une dizaine d'heures pour venir à Genève, en passant par K______ pour récupérer D______. Ils s'étaient rendus dans un premier appartement où elle avait été seule à se prostituer. À ce moment-là, les montants perçus de son activité étaient divisés en quatre et elle avait touché moins de CHF 1'500.- sur les CHF 8'000.- à CHF 9'000.- qu'elle avait gagnés. G______, qui était arrivée dans un second temps, se prostituait également et D______ gérait ses activités. Elle-même avait le droit de sortir quand il n'y avait pas de clients. Elle était à chaque fois sortie accompagnée de E______.
c.c. D______ a déclaré qu'il ignorait, lors de son interpellation, se trouver dans un salon de massages. Il s'y trouvait pour les vacances. Il n'avait rien à voir avec la prostitution.
c.d. A______ a déclaré que trois ou quatre mois plus tôt, il avait ouvert avec D______ une agence L______ dont l'activité consistait à ramener des clients par les applications de rencontres. Ce profil comportait des photographies et des vidéos suggestives. C'était là sa seule activité, qui lui rapportait entre EUR 2'000.- et EUR 6'000.- par mois. Le 25 ou 26 juillet 2024, il était venu à Genève pour les vacances dans la voiture de E______ avec celle-ci et F______. Ils avaient successivement loué trois appartement sur J______. G______ était une "gamine" perdue qui consommait de l'alcool et de la cocaïne et qui faisait n'importe quoi dans sa vie. Elle sortait de prison. Il a pour le surplus nié toute implication dans une activité de prostitution.
c.e. G______ a déclaré qu'elle s'était retrouvée à plusieurs reprises en garde à vue puis en prison par deux fois pour diverses raisons. Elle était sortie de prison le 13 juillet 2024. Elle était venue en Suisse dans le but d'arrêter la consommation de cocaïne. À Genève, elle s'était livrée à une activité de prostitution avec deux clients seulement. Elle ne voulait pas dire qui avait payé son annonce sur le site H______.ch. Elle n'entendait pas dire à qui elle aurait remis une partie de ses gains. Elle n'avait pas été privée de sa liberté. Elle n'était pas une "balance" et ignorait ce que les autres faisaient dans l'appartement. Elle préférait mourir que dire la vérité à la police.
d. Entendus devant le Ministère public le 8 août 2024:
d.a. A______ et D______ ont en substance persisté à dire qu'ils avaient passé des vacances à Genève.
d.b. E______ a indiqué que ses deux co-prévenus faisaient travailler plusieurs filles en France, dont une certaine M______. D______ connaissait les réseaux sociaux et les sites pour la prostitution ainsi que des gens qui en faisaient métier à Genève. A______ et D______ étaient les "patrons" de ce qui était pour eux légal.
e. Lors de son audition devant le TMC le 9 août 2024, A______ a reconnu qu'il était venu en Suisse avec l'idée que F______ travaille comme prostituée et qu'il bénéficierait d'un quart des revenus réalisés.
f. Le 12 août 2024, G______ s'est spontanément présentée dans les locaux de la police pour s'expliquer plus en détail sur son séjour à Genève. Elle se prostituait depuis l'âge de 17 ans et l'avait déjà fait pour A______, qu'elle considérait comme un ami. Elle lui reversait la moitié de ses revenus et celui-ci était chargé de trouver les appartements. Elle était démunie de moyens financiers en sortant de prison le 13 juillet 2024 et, après avoir pris contact avec A______, avait accepté de se rendre en Suisse pour se prostituer. Arrivée dans l'appartement de la rue 1______, elle avait appris que son voyage et l'annonce érotique, soit EUR 650.-, devaient être payés par A______. E______ l'avait prise en photo pour l'annonce. D______ gérait les clients et convenait des prestations sexuelles avec eux. Elle pouvait refuser certaines prestations et n'avait pas d'horaires de travail. Elle restait toute la journée dans la cuisine à attendre le client. A______ ne voulait pas qu'elle sorte car il avait peur qu'elle consomme de la drogue et de l'alcool.
g. Il ressort du rapport de renseignements du 9 septembre 2024 que l'analyse des téléphones portables des prévenus a démontré que D______ et A______ géraient l'activité de prostitution de F______ et de G______, en publiant les annonces sur les sites érotiques, en décidant des tarifs et des prestations sexuelles et en prenant les rendez-vous avec les clients. D______ avait eu l'idée de prostituer F______ en Suisse car les gains y étaient plus intéressants, avait conseillé A______ pour l'achat de cartes SIM en Suisse, fixé les tarifs avec lui et discuté des prestations pratiquées par les filles. Il avait le rôle de rabatteur, fixait les rendez-vous et gérait les publications. Il avait besoin d'argent car rencontrant des difficultés financières.
h. Lors de l'audience de confrontation du 17 septembre 2024:
h.a. F______, entendue comme personne appelée à donner des renseignements, a confirmé ses précédentes déclarations, notamment le fait qu'elle ne gérait ni les clients ni les tarifs, qu'elle percevait un quart des revenus qu'elle réalisait et que c'était A______ qui lui avait proposé de se prostituer. Ce dernier lui avait dit qu'elle pourrait gagner EUR 10'000.- en un mois. Le soir de leur arrivée, D______ l'avait prise en photo pour que A______ "fasse" le site. Il y avait eu des clients dès le lendemain. A______ discutait avec les clients et D______ "faisait un peu la sécurité"; il n'avait jamais dû intervenir. Le soir, pas plus que la journée, elle n'avait pas le droit de sortir lorsqu'elle était toute seule. Elle avait essayé de sortir un soir, mais la porte avait été fermée à clé et la clé cachée toute la nuit.
Depuis l'interpellation des trois prévenus, elle avait reçu des messages de menaces via les réseaux sociaux, de "l'ex de E______" et d'un autre garçon qu'elle ne connaissait pas.
h.b. A______ a reconnu être venu en Suisse avec D______, E______ et F______ pour la prostitution, avant de faire venir G______ dans ce même but. Il avait géré les locations de logements, les sites internet et les clients. Il pensait que la seule chose qui leur manquait pour être "légal" était de remplir des formulaires.
h.c. D______, bien que confronté aux messages retrouvés dans son téléphone – qu'il ne pouvait expliquer, n'avait pas écrit, précisant qu'il lui arrivait de prêter son téléphone –, a maintenu ses dénégations, niant être impliqué d'une quelconque manière dans cette affaire de prostitution. Il passait des vacances dans l'appartement, entre deux emplois, avec son ami A______.
h.d. E______ a en substance confirmé ses précédentes déclarations, ajoutant que D______ faisait pression sur elle en prison afin qu'elle déclare qu'il n'était pas impliqué dans cette affaire. Elle ne savait "pas trop" le rôle de ce dernier. Il était là pour "décorer", pour la sécurité.
i. Le TMC a prononcé, par ordonnance du 9 août 2024, la mise en détention provisoire de A______ jusqu'au 7 octobre 2024 puis, par ordonnance du 1er octobre 2024, l'a prolongée jusqu'au 7 janvier 2025. Outre des charges suffisantes et graves, il a retenu des risques de fuite et de collusion. Il ressort de cette seconde ordonnance que le Ministère public attendait le rapport d'analyse du matériel informatique saisi pour confronter les prévenus aux résultats.
Dans sa demande de prolongation de la détention provisoire du 30 septembre 2024, le Ministère public avait, en sus, invoqué un risque de réitération en lien avec les antécédents de A______ tels que ressortant de son casier judiciaire français.
j. La police a rendu, le 24 novembre 2024, un rapport de renseignements au sujet des différents appareils électroniques saisis, dont un téléphone portable appartenant à A______. Il en ressort notamment que le compte H______ était géré par une personne masculine, selon la voix sur les messages vocaux, et que "D______ [surnom]", alias D______, le gérait. Ce dernier avait envoyé à A______ une ébauche de publicité comprenant les prix des différentes prestations sexuelles, certaines modalités, ainsi qu'une adresse "rue 1______", soit le type d'annonces communément retrouvées sur les sites tels que www.H______.ch. D______ avait écrit à son coprévenu "y' en a un il voulait une heure et demi à 560 balles" ou encore fait mention d'une prestation sexuelle de G______ à risques, soit sans préservatif, pour le prix de CHF 300.- pour 30 minutes, ce à quoi A______ avait acquiescé. Entre mars et juin 2024, les deux prévenus avaient eu des rôles de gestionnaires d'un site N______ au contenu pornographique et s'en occupaient dans un but financier. Il ressortait de diverses conversations de A______ avec une dénommée M______ et une certaine O______ que celle-ci lui avait transmis 76 vidéos et 719 images où on la voyait s'adonner à des pratiques sexuelles, dont certaines à risques et, s'agissant de la seconde, qu'il tentait de la recruter comme travailleuse du sexe en Suisse (le 5 août 2024), faisant référence au salon qu'il gérait et comprenait déjà "2 filles".
k. Lors de l'audience devant le Ministère public du 3 décembre 2024, confrontés au rapport précité:
k.a. A______ a indiqué qu'il ne se rappelait pas qu'il aurait tenté de recruter une certaine O______. Le 2 août 2024, il avait envoyé CHF 300.- à P______, via Q______, qui avait "bossé pour nous", à savoir s'était rendu sur les comptes L______ et N______ qu'ils avaient créé pour engager une discussion avec les potentiels clients en se faisant passer pour "les filles". Un autre homme, résidant à Madagascar, travaillait "aussi pour nous", à savoir faisait le même genre de travail. Il avait fallu que lui-même aille en prison pour apprendre qu'en matière de prostitution, la seule chose possible était la mise à disposition d'un lieu pour les filles, mais qu'on ne pouvait pas prendre d'argent sur leur travail. Il n'avait jamais restreint "leur" liberté ni ne leur avait manqué de respect. "Avec D______, on avait bossé 6 mois non-stop connectés pour lancer notre business. Notre business de L______ et N______". Il était exact que E______ lui avait demandé à plusieurs reprises sa permission pour sortir avec F______. Elle le faisait pour être sûre qu'il n'y avait pas un client qui arrivait. Toutes deux étaient totalement libres. La journée, elles allaient faire du shopping et manger au restaurant. Si G______ n'était pas sortie de sa chambre, c'était là sa seule décision. Il ne l'avait pas contrainte à rester. Il ne souhaitait pas s'exprimer sur ses échanges de messages avec D______. Il avait tout organisé.
k.b. D______ n'expliquait pas pourquoi il ressortait de l'analyse de son ordinateur des recherches pour inscrire des filles sur des sites d'annonces érotiques ou la création d'une page concernant F______ sur le site U______.ch. Son PC était tout le temps ouvert, à disposition de tout le monde. Il ignorait pourquoi il y avait sur son ordinateur de nombreuses photographies de F______ et de G______, dont certaines figuraient sur des annonces érotiques et d'autres avaient été utilisées pour obtenir la certification sur ces sites. Confronté à ses échanges de messages WhatsApp avec A______, il a en substance répondu ne pas s'en souvenir, confirmant toutefois que celui-là le nommait "D______ [surnom]".
k.c. À l'issue de l'audience, les avocats des deux prévenus ont indiqué ne pas avoir de réquisitions de preuves.
l. S'agissant pour le surplus de la situation personnelle de A______, son casier judiciaire suisse est vierge. Selon son casier judiciaire français, il a en revanche été condamné à 20 reprises en France, et une fois en Espagne, entre le 13 janvier 2009 et le 14 mars 2024, notamment pour vol en réunion, vol, escroquerie, violence sur une personne chargée de mission de service public, recel, refus pour le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité (récidive), détention et usage de stupéfiants, trafic de drogue (en Espagne), violence commise en réunion sans incapacité, et violence aggravée par trois circonstances (usage ou menace d'une arme, en réunion et avec préméditation ou guet-apens; période pénale: le 11 octobre 2019). Il a notamment été condamné à des peines de prison, assorties du sursis et fermes. Il a indiqué devant le Ministère public le 8 août 2024 avoir été condamné en France pour des violences et au Maroc pour transport de haschisch. Il n'avait pas été condamné "autrement".
Il a indiqué qu'il vivait seul chez sa mère à R______ [France], dans le département des S______. Il était célibataire et sans enfants. Il avait durant l'année 2024 effectué des achats et la revente de véhicules. Il avait suivi une formation, au coût de EUR 2'000.-, en lien avec la création, avec D______, de l'agence L______ ayant pour but "de ramener des clients par les applications de rencontres".
C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu un risque de fuite concret vu la nationalité française de A______, pays n'extradant pas ses ressortissants, et son absence d'attaches avec la Suisse. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse (art. 66a ss CP). Des obligations de se présenter à toutes les convocations ainsi qu'à un poste de police une fois par mois étaient insuffisantes à pallier ce risque, étant relevé qu'il avait expressément indiqué qu'en cas de libération, il se rendrait chez sa mère dans les S______ (France). Le dépôt de ses papiers d'identité en mains de la direction de la procédure, apparaissait peu réaliste, dans la mesure où il entendait quitter le territoire suisse. Le dépôt "par sa famille" d'une caution de CHF 20'000.- n'était pas documenté, de sorte qu'il était impossible de vérifier l'adéquation de ce montant au regard du risque de fuite à pallier, qui plus est en l'absence d'informations concrètes sur sa situation financière.
Le risque de collusion perdurait de façon concrète, en dépit des confrontations intervenues, y compris sous la forme de représailles, à l'encontre de F______ et de G______, ainsi qu'à l'égard de ses co-prévenus E______ et D______, lequel persistait à nier les faits. Ce risque était concrétisé par le fait que F______ avait reçu des messages de menaces et que lors d'un téléphone avec sa mère, A______ lui avait demandé de dire à G______ de venir témoigner. Une interdiction de contact et l'interdiction d'évoquer les faits relatifs à la procédure avec quiconque était insuffisante pour pallier ce risque, vu les enjeux de la procédure pour le prévenu, mais également parce qu'elle reposait sur sa bonne volonté et était très difficile voire impossible à vérifier, en particulier vis-à-vis de la co-prévenue en liberté.
D. a. À l'appui de son recours, A______ a exposé qu'il demandait sa mise en liberté une deuxième fois, assortie de la proposition de sûretés de CHF 20'000.-, en sus d'une obligation de se présenter à tous les actes de la procédure, voire une fois par mois dans un poste de police à Genève, car depuis l'audience du 17 septembre 2024, deux mois s'étaient écoulés sans qu'aucun acte instruction ne soit effectué par le Ministère public. De plus, malgré plusieurs relances auprès de la police, ses effets personnels n'avaient toujours pas pu être récupérés par T______. À l'occasion de l'audience devant le TMC du 11 novembre 2024, il avait insisté sur les différentes mesures de substitution pouvant être mises en place pour pallier les risques de fuite et de collusion, et avait ajouté vouloir entreprendre d'autres projets professionnels. En déposant son passeport, il ne pourrait pas voyager à l'international, ce qui l'empêcherait de "progresser".
Le TMC avait violé l'art. 221 al. 1 CPP. Il ne contestait pas l'existence de charges, mais le fait qu'elles fussent suffisantes à justifier une détention provisoire aussi longue qu'en l'espèce. L'infraction en cause ne visait pas un nombre important de personnes, mais au maximum deux, et les faits étaient pour l'essentiel reconnus. Il existait une divergence d'appréciation quant à la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction d'encouragement à la prostitution, question que devrait examiner la juridiction de jugement, en particulier de savoir si les deux personnes concernées avaient effectivement subi une restriction de leur liberté d'action. L'infraction d'"exploitation sans autorisation" revêtait un caractère mineur.
Le TMC avait violé le droit s'agissant de l'évaluation du risque concret de fuite. Lui-même avait précisé au TMC que la caution de CHF 20'000.- serait fournie par sa famille, par l'intermédiaire de sa mère. Par conséquent, les exigences de cette autorité quant à l'origine des fonds apparaissaient largement excessives, "d'autant plus qu'il ne pouvait pas être en possession de ces informations", dans la mesure où il était détenu. Quant au risque de collusion, il avait dès le début de la procédure fait preuve d'une coopération exemplaire, de manière transparente et proactive, en donnant notamment immédiatement accès à son téléphone et à son ordinateur portable. Rien ne démontrait qu'il serait à l'origine des messages de menaces reçus par F______, à laquelle il avait présenté ses excuses lors de l'audience du 17 septembre 2024. La conversation téléphonique qu'il avait eue avec sa mère révélait qu'il lui avait demandé d'encourager G______ à venir témoigner des faits tels qu'ils s'étaient réellement déroulés, sans suggérer d'influencer ses déclarations. E______ avait déjà fait part de sa version des faits et aucun élément concret ne permettait de supposer qu'il chercherait à influencer ses déclarations. D______ persistait à nier les faits et était toujours placé en détention provisoire, de sorte qu'aucun risque de collusion ne pouvait être retenu "à ce niveau".
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.
En particulier, l'analyse du matériel informatique venait d'être terminée et une audience était convoquée le 3 décembre 2024 (cf. supra B.j. et k.), après quoi il renverrait les prévenus en jugement.
Bien que le TMC ne l'ait pas retenu, il existait un risque de réitération, puisqu'il ressortait du casier judiciaire français du recourant qu'il avait déjà été condamné à de nombreuses reprises depuis le 13 janvier 2009, la dernière fois, le 14 mars 2024, pour des violences et dommages à la propriété, à une peine d'emprisonnement de deux ans avec sursis partiel, étant précisé qu'il devait se faire poser en France un bracelet électronique en septembre 2024 en exécution de cette peine. De plus, il avait lui-même admis avoir déjà prostitué des filles en France contre rémunération, notamment G______, ce que celle-ci avait confirmé.
c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.
d. A______ persiste dans les conclusions de son recours.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre pouvant justifier son maintien en détention provisoire.
2.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).
2.2. En l'espèce, il est reproché au recourant d'avoir poussé à la prostitution et surveillé l'activité de prostitution de F______, âgée de 18 ans, et de G______, âgée de 22 ans, pendant deux semaines durant l'été 2024, activité qui se serait très vraisemblablement poursuivie sans l'intervention de la police. Le recourant est mis en cause pour leur avoir dicté les modalités d'exercice, dans un appartement où il était présent, de même que ses deux coprévenus, empêchant ainsi les deux jeunes filles de déterminer librement les lieux où elles devaient exercer leur activité, les horaires de travail (G______ ayant déclaré qu'elle attendait toutes ses journées dans la cuisine de potentiels clients), les clients qu'elles devaient accepter et le gain qu'elles devaient gagner, dans le but d’en tirer un avantage patrimonial en s'octroyant à tout le moins un quart des gains réalisés. Il a admis ces faits dans les grandes lignes. Il appartiendra au juge du fond d'examiner en définitive si les infractions aux art. 195 CP, voire 157 CP, et 199 CP cum 8 et ss LProst sont bien réalisées. Toujours est-il, qu'en l'état de la procédure, des indices sérieux de la commission de telles infractions ressortent de la procédure, ce qui justitifie le maintien du recourant en détention provisoire.
3. Le recourant conteste tout risque de fuite et propose subsidiairement une caution de CHF 20'000.- pour le pallier.
3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).
La proximité de l'audience de jugement rend généralement le risque de fuite plus aigu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_447/2011 du 21 septembre 2011).
3.2. En l'espèce, le recourant est de nationalité française et vivait dans les S______ (France) avant son interpellation, où il compte retourner une fois libéré. Ce pays n'extrade pas ses ressortissants. L'instruction doit pouvoir se poursuivre en Suisse et le recourant y être, le cas échéant, jugé, telle étant l'intention affichée par le Ministère public. Au vu de la peine-menace et concrètement encourue, le risque de fuite est concret. Le recourant n'a aucune attache familiale en Suisse et dit avoir pour intention de réaliser des projets "à l'international".
Dans ces circonstances, la volonté alléguée du recourant de revenir en Suisse pour y être le cas échéant jugé apparait hautement douteuse, compte tenu de la peine à laquelle il est exposé.
L'astreinte à se présenter régulièrement à un poste de police proposée par le recourant, ne constitue pas une mesure de substitution efficace en tant qu'elle n'empêcherait pas sa fuite mais ne permettrait que de la constater a posteriori. Enfin le versement d'une caution de CHF 20'000.- réunie par "la famille" du recourant ne peut être considéré comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite, au vu de ce qui précède.
4. Le recourant conteste tout risque de collusion.
4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).
4.2. En l'espèce, le risque de collusion n'a pas disparu, quand bien même l'instruction préliminaire est à bout touchant, puisqu'à l'issue de l'audience du 3 décembre 2024 les conseils des deux prévenus ont indiqué ne pas avoir de réquisitions de preuves à formuler et qu'en novembre 2024 le Ministère public annonçait un renvoi en jugement après cette audience.
Certes, les confrontations essentielles sont intervenues et le recourant a reconnu les faits dans les grandes lignes. Le risque de collusion perdure néanmoins de façon concrète, y compris sous la forme de représailles, en particulier à l'égard de F______ et de G______, de très jeunes filles dont la situation personnelle s'avère complexe, ainsi qu'à l'égard de ses coprévenus E______, libérée le 4 octobre 2024, et D______. Il convient d'éviter que le prévenu ne cherche à influencer en particulier les déclarations de la seconde et compromette ainsi la recherche de la vérité. Quand bien même le recourant conteste toute tentative d'intimidation, les déclarations de E______ les 17 septembre et 4 octobre 2024 devant le Ministère public et les téléphones que celle-ci a eus avec sa mère laissent à penser que celle-là a subi des pressions en prison, avec des annonces de représailles une fois qu'elle sortirait.
Dans ces circonstances, l'engagement du prévenu à ne pas contacter les personnes impliquées dans la procédure est insuffisant, considérant les enjeux de la procédure pour lui et le respect de cette mesure ne pouvant pas être concrètement vérifié.
C'est donc à bon droit que le TMC a retenu ce risque, lequel ne saurait être pallié, au vu de son importance, par une interdiction de contact.
5. L'admission des risques clairs de fuite et de collusion dispense d'examiner si s'y ajoute un risque de réitération.
6. La durée de la détention à ce stade ne paraît pas excéder la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), s’il était reconnu coupable des infractions reprochées.
7. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.
8. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
9. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.
9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).
9.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.
10. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, président; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES TOP |
| Le président : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
P/18329/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
| |||
- frais postaux | CHF | 10.00 |
| |||
Émoluments généraux (art. 4) | | |
| |||
- délivrance de copies (let. a) | CHF |
| ||||
- délivrance de copies (let. b) | CHF |
| ||||
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| |||
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| |||
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
| |||
| Total | CHF | 900.00 | |||