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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22601/2024

ACPR/924/2024 du 10.12.2024 sur ONMMP/4307/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Normes : CPP.310; CP.303.ch1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22601/2024 ACPR/924/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 10 décembre 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 2 octobre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 17 octobre 2024 au Ministère public, qui l'a transmis à la Chambre de céans le 22 suivant, A______ recourt contre l'ordonnance du
2 octobre 2024, notifiée le 9 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale du 11 septembre 2024 contre B______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Au terme d'une procédure pénale (P/1______/1991) ouverte à l'encontre de A______, à la suite de la plainte pénale de B______, le premier nommé a été reconnu coupable, le 9 décembre 1992, par la Cour d'Assises du canton de Genève, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de contrainte sexuelle et condamné à une peine privative de liberté de six ans, sous déduction de la détention avant jugement. A______ a recouru en vain jusqu'au Tribunal fédéral, de sorte que sa condamnation est définitive.

b. Le 6 novembre 2020, A______ a déposé une plainte pénale contre B______ pour faux témoignage dans le cadre de la procédure susvisée. Le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière, qui a été confirmée par la Chambre pénale de recours le 28 juillet 2021 (ACPR/493/2021), le délai de prescription étant échu.

c.a. Le 21 octobre 2022, A______ avait mis en ligne sur le réseau social LinkedIn un commentaire visible de tous, mentionnant que B______ avait proféré de fausses accusations pénales à son encontre trente ans auparavant, causant une tragique erreur judiciaire et détruisant sa vie.

c.b. Le 9 janvier 2023, B______ a déposé une plainte pénale pour ces faits. A______ a reconnu être l'auteur de la publication, qui n'était, selon lui, pas diffamatoire. Une ordonnance pénale a été rendue à son encontre le 9 janvier 2024, le condamnant pour calomnie. Il y a formé opposition. Cette procédure P/2______/2023 est actuellement pendante devant le Tribunal pénal.

d. Le 11 septembre 2024, A______ a déposé une plainte pénale contre B______ pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) et induction de la justice en erreur (art. 304 CP) pour les faits précités.

En substance, il reproche à B______ de l'avoir faussement accusé de calomnie lors du dépôt de sa plainte pénale du 9 janvier 2023. Le commentaire publié sur le profil LinkedIn ne pouvait constituer une calomnie, puisque c'étaient les déclarations mensongères de B______ qui avaient abouti aux condamnations de 1992 et 2024.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les éléments constitutifs des infractions de dénonciation calomnieuse ou d'induction de la justice en erreur par B______ dans la procédure P/1______/1991, n'étaient pas réunis et au surplus prescrits (art. 97 al. 1 CP), ce qui justifiait de ne pas entrer en matière (art. 310 al. 1 let. a et b CPP).

En effet, il ne ressortait pas de la plainte pénale de B______ du 9 janvier 2023, ou de la procédure, qu'il aurait dénoncé A______ alors qu'il le savait innocent des faits reprochés, cela dans le but de faire ouvrir une instruction pénale à son encontre. Au contraire, il avait dénoncé une publication dont A______ avait admis être l'auteur et ce dernier avait été condamné pour les faits liés à la procédure P/1______/1991 dans le cadre de laquelle B______ était une victime.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que B______ connaissait la vérité s'agissant des faits s'étant déroulés en 1991, pour lesquels il avait été condamné à tort. En le dénonçant pour calomnie le 9 janvier 2023, à la suite de sa publication sur LinkedIn, l'intéressé, qui le savait innocent, s'était rendu coupable de dénonciation calomnieuse et d'induction de la justice en erreur.

Il sollicite également, à titre de mesures d'instruction, une reconstitution des événements ayant conduit à sa condamnation en 1991.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 91 al. 4 et 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             Le recours est recevable s'agissant de la dénonciation calomnieuse pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Cependant, le recourant ne dispose pas d'un intérêt juridiquement protégé à recourir (art. 382 al. 1 CPP) sous l'angle de l'infraction à l'art. 304 CP, cette disposition ayant pour but la protection exclusive de la justice pénale, soit un intérêt collectif (ACPR/359/2022 du 18 mai 2022 consid. 4.), de sorte que le recours est irrecevable en ce qui concerne cet aspect.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte pénale pour dénonciation calomnieuse.

3.1.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021 et 6B_496/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3 ; 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2 ; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020
consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte
(ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021, 6B_496/2021 précité consid. 5.3 ; 6B_212/2020 précité consid. 2.2 ; 6B_196/2020 précité consid. 3.1).

3.2.       L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation calomnieuse est composée de deux éléments, soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Est « innocent » celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement. Le juge de la dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par une telle décision (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_859/2022 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et les réf. citées).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Le dol éventuel ne suffit pas
(ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1248/2021 du 16 août 2022 consid. 2.1.1). Celui qui dépose une dénonciation pénale contre une personne ne se rend ainsi pas coupable de dénonciation calomnieuse du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation a débouché sur une décision d'acquittement ou de classement (ATF 136 IV 170 consid. 2.2, arrêts du Tribunal fédéral 6B_859/2022 du 6 mars 2023 consid. 3.2 ; 6B_1248/2021 précité
consid. 2.1.2).

3.3.       En l'espèce, le recourant a été reconnu coupable, le 9 décembre 1992, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de contrainte sexuelle au préjudice du mis en cause. Cette condamnation, confirmée jusqu'au Tribunal fédéral, est donc définitive.

Ainsi, dans la mesure où sa culpabilité a été constatée, il ne peut pas être reproché au mis en cause d'avoir menti en déposant plainte contre le recourant pour calomnie à la suite de la publication sur LinkedIn, puisque celle-ci était en contradiction avec les faits retenus par les autorités pénales dans la P/1______/1991.

Il ne peut de plus être considéré que le mis en cause connaissait la fausseté de ses allégations, puisque la prétendue dénonciation pour calomnie était basée sur la condamnation pénale de 1992 du recourant et donc sur un complexe de faits dont la véracité a été établie judiciairement.

Partant, les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse ne sont manifestement pas réalisés, les faits dénoncés par le mis en cause résultant de la procédure P/1______/1991 et la condition subjective faisant de plus défaut. Aucun acte d'enquête ne permettrait de parvenir à une conclusion différente, en particulier une reconstitution des événements ayant conduit à la procédure de 1991, ceux-ci n'étant pas l'objet de la présente procédure et faisant l'objet, comme déjà relevé, d'un jugement définitif.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03)

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22601/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00