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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27327/2023

ACPR/802/2024 du 31.10.2024 sur OMP/18943/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CONTRAVENTION;ÉGALITÉ DES ARMES;DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE;AMENDE
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27327/2023 ACPR/802/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 31 octobre 2024

 

Entre

A______, domiciliée c/o M. B______, ______, agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 11 septembre par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 26 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, notifiée le 18 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner sa défense d'office.

La recourante, sans prendre de conclusions formelles, s'oppose à la décision querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

I. P/1______/2019

a. Le 6 novembre 2019, C______ SA a déposé plainte contre A______ – gérante de fortune née en 1955 – pour fraude dans la saisie (art. 163 CP) et diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP).

En substance, la société a expliqué avoir introduit une poursuite contre A______ en recouvrement d'une créance pour laquelle elle avait obtenu la mainlevée. Au cours de la procédure qui s'était ensuivie, A______ n'avait pas déclaré à l'Office cantonal des poursuites (ci-après, OP) être titulaire d'un compte bancaire et bénéficiaire d'une quote-part dans une hoirie familiale.

Le 26 juin 2019, l'OP lui avait délivré un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens pour un montant supérieur à cent mille francs.

b. Par ordonnance du 11 février 2020, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ pour infraction à l'art. 163 CP, voire à l'art. 164 CP. Parallèlement, il a refusé d'accorder à la précitée la défense d'office.

c. Sur recours de la prévenue, la Chambre de céans a mis, par arrêt ACPR/518/2022 du 3 août 2022, la prénommée au bénéfice d'une défense d'office, retenant en substance que les infractions dénoncées présentaient un caractère relativement technique – portant sur la fraude dans la saisie et la diminution d'actif au détriment d'un créancier –. À cela s'ajoutaient les conclusions chiffrées par la plaignante, d'un montant relativement important pour une personne impécunieuse.

d. Par jugement du Tribunal de police du 26 octobre 2023, entré en force, A______ a été acquittée.


 

II. P/27327/2023

e. Le 13 mars 2023, l'OP a adressé à A______ un nouvel avis de saisie d'un montant de CHF 134'444.65 concernant la créance en remboursement de prêt de C______ SA (cf. supra B.a.).

f. Il ressort du procès-verbal de l'audience du 5 avril 2023 tenue par-devant l'OP que A______ était bénéficiaire d'une quote-part dans une hoirie familiale possédant un bien immobilier en Argentine. Par ailleurs, la précitée avait été rendue attentive aux conséquences pénales de l'art. 323 ch. 2 CP.

g. Par courrier et courriels des 19 octobre, 23 novembre et 4 décembre 2023, l'OP a demandé à A______ de produire des documents relatifs à l'héritage de son frère et à l'hoirie familiale.

h. Par réponse du 30 novembre 2023, A______ a refusé de donner suite à cette demande, précisant que les pièces requises "[avaient] déjà été traitées par le MP".

i. Le 12 décembre 2023, l'OP a dénoncé au Ministère public A______ pour infraction à l'art. 323 ch. 2 CP.

j. Par courrier du 31 janvier 2024, C______ SA s'est – sous la plume de son conseil – constituée partie plaignante au civil et au pénal.

k. Par ordonnance pénale du 28 juin 2024, le Ministère public a condamné A______ à une amende de CHF 500.- pour inobservation par le débiteur des règles de la procédure de la poursuite pour dettes ou de faillite (art. 323 ch. 2 CP).

l. Le 9 août 2024, la précitée a formé opposition à l'ordonnance pénale et a demandé à être mise au bénéfice d'une défense d'office.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a considéré que la cause était de peu de gravité et n'exigeait pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que la prévenue n'était pas passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende.

D. L'on comprend de son recours que A______ conteste que sa cause – selon elle, identique à celle ayant donné lieu à son acquittement [P/1______/2019] – soit de peu de gravité. Elle ne disposait en outre pas des compétences nécessaires pour se défendre seule. Par ailleurs, C______ SA était représentée par un avocat, ce qui violait le principe de l'égalité des armes. Elle avait signalé à plusieurs autorités le caractère abusif de la poursuite et les irrégularités procédurales commises à son détriment. Enfin, elle avait fait l'objet de plusieurs "intrusions informatiques".

E. a. Entendue le 27 septembre 2024 par le Ministère public – en présence du conseil de C______ SA –, A______ a renoncé à la présence d'un avocat. Elle a contesté les faits reprochés, expliquant n'être pas en possession des pièces demandées par l'OP. Elle avait, par ailleurs, déjà fourni des explications et des documents en lien avec l'héritage de son frère et l'hoirie familiale.

b. Les 8 et 10 octobre 2024, elle a adressé au Ministère public deux courriers sous "concerne", "« Complemtum » […] à la suite de l'audition en date du vendredi 27 septembre 2024" (sic).

c. Les 14 et 15 octobre 2024, A______ a adressé à la Chambre de céans copie de l'ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale rendue le 7 octobre précédent par le Ministère public – et copie de lettres qu'elle lui a adressées –. Elle souhaite "une révision du dossier tant sous l'aspect civil que pénal".

EN DROIT :

1.             1.1. En tant que la recourante entend se plaindre de manquements, voire de dysfonctionnements, au sein des autorités – respectivement allègue avoir fait l'objet de plusieurs "intrusions informatiques" –, son recours est irrecevable, faute de compétence de la Chambre de céans, qui n'est saisie que du recours contre le refus d'octroi de la défense d'office.

1.2. Pour le surplus, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.3. La recevabilité des pièces et écritures déposées après le dépôt du recours – à part la copie de l'ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale – paraît douteuse, mais peut demeurer indécise, au vu de ce qui suit.

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1.       En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

2.2.       La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou de droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

2.3.       Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2ème éd., 2016, n. 30 ad art. 132).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1). et des mesures qui paraissent, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (ATF 115 Ia 103 consid. 4).

2.4. Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où la désignation d'un défenseur est nécessaire pour garantir l'égalité des armes – ce principe requérant que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_385/2009 du 7 août 2009 consid. 2.1 et les références citées et 1B_165/2014 du 8 juillet 2014 consid. 2.1) – ou parce que l'issue de la procédure a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_354/2015 du 13 novembre 2015 consid. 3.2.2 et 1B_234/2013 du 20 août 2013 consid. 5.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.1).

2.5. En l'espèce, quand bien même la recourante serait indigente, les autres conditions pour l'octroi de la défense d'office ne sont pas réalisées.

Tout d'abord, l'ordonnance pénale du 28 juin 2024 l'a condamnée à une amende. La nature contraventionnelle de cette sanction permet déjà de considérer que la cause ne présente pas de gravité suffisante au regard du seuil légal et s'inscrit plutôt parmi les cas dits "bagatelles".

Par ailleurs, les faits et la disposition légale applicable sont clairement circonscrits et ne présentent pas de difficulté de compréhension ni d'application. La recourante a en effet – devant le Ministère public et sans la présence d'un avocat – contesté les faits reprochés, expliquant ne pas être en possession des pièces demandées par l'OP et avoir déjà fourni par le passé des documents relatifs à l'hoirie familiale. Contrairement à ce qu'elle soutient, la présente cause n'est pas identique à la P/1______/2019 – où il lui était notamment reproché d'avoir dissimulé être bénéficiaire d'une quote-part dans une hoirie, et dans laquelle elle a été mise au bénéfice d'une défense d'office –, dès lors qu'elle n'est désormais prévenue que d'infraction à l'art. 323 ch. 2 CP pour avoir refusé de produire des documents relatifs à ladite hoirie. La présente affaire est sans commune mesure avec la précédente.

Enfin, que la partie adverse soit assistée d'un conseil – de choix – ne pose pas de problème au niveau de l'égalité des armes, puisque, comme retenu ci-dessus, la cause ne présente pas de complexité juridique.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public a considéré que les conditions d'une défense d'office n'étaient pas réunies. Le refus de désigner un défenseur d'office à l'intéressée ne viole ainsi pas l'art. 132 CPP.

3.             Le recours sera rejeté, ce qui pouvait être constaté sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance judiciaire ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).