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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13874/2022

ACPR/33/2023 du 16.01.2023 sur OTMC/4109/2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13874/2022 ACPR/33/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 16 janvier 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu, comparant par Me B______, avocat,

recourant

contre l'ordonnance rendue le 24 décembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 3 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 décembre 2022, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a autorisé son placement en détention provisoire jusqu’au 22 janvier 2023.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement sous mesures de substitution.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        A______, ressortissant brésilien né en 1971, sans titre de séjour en Suisse, a été appréhendé le 22 décembre 2022 et placé en détention provisoire le surlendemain, sous les préventions de contrainte sexuelle, actes d’ordre sexuel avec des enfants et séjour illégal.

b.        Il conteste intégralement les accusations portées contre lui par C______, ressortissante brésilienne née en 1998, qu’il lui arrivait d’héberger à domicile à la demande des parents de celle-ci, entre 2008 et 2010, et dont il aurait abusé en ces occasions. Il affirme qu’elle aurait formulé ces accusations après qu’il n’eut plus accepté de la nourrir et loger sans frais et l’eut renvoyée de chez lui.

c.         C______ explique avoir dormi à l’époque dans la chambre à coucher des époux A______/D______, où elle partageait un lit en mezzanine avec leur fille, E______, et que A______ s’en prenait à elle quand les deux autres occupantes dormaient. Les faits avaient cessé après que sa famille eut déménagé à F______ [GE], car elle ne passait plus la nuit chez les époux A______/D______. A______ lui avait toutefois proposé, via Facebook, en 2016, CHF 100.- pour passer deux heures avec elle, notant que son corps avait dû changer ; elle a joint une capture d’écran y relative, mais l’intéressé conteste être l’auteur de cette proposition, au motif notamment qu’il lui laissait l’appareil et qu’elle s’en servait pour communiquer avec un petit ami.

d.        Plaignante et prévenu n’ont pas été confrontés, en l’état.

e.         A______, dont le casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription, explique être remarié depuis cinq ans avec une femme vivant au Portugal, dont il se dit sur le point de divorcer. Il ne travaillait plus depuis le mois de mai 2022 et vivait chez « un collègue ». Ses enfants du premier mariage – dont E______ –, majeurs, et sa sœur, tous résidant à Genève, l’aidaient financièrement. Il n’avait rien entrepris pour régulariser sa situation en Suisse, où il était venu pour la première fois dix-huit ans plus tôt, parce qu’il ne restait pas longtemps dans le pays. Ainsi, par le passé il était retourné au Brésil quelques mois, revenu en Suisse trois ans, avant de gagner le Portugal, puis à nouveau le Brésil. Reparti pour le Portugal, il se trouvait en Suisse depuis un an et, « après », repartirait au Portugal.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges sont suffisantes et graves. L’instruction ne faisait que commencer. A______ devrait en particulier être confronté à sa victime présumée ; E______ devrait aussi être entendue. Il existait des risques concrets de fuite et de collusion. Une durée de détention d’un mois suffisait. Aucune des mesures de substitution proposées (obligation de déférer à toute convocation judiciaire ; assignation à résidence chez G______ ; port d’un bracelet électronique ; présentation quotidienne à la police) n’atteindrait le même but que la détention. Une prolongation de détention d’une durée d’un mois se justifiait.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ estime que la durée du « silence » de la victime avant ses révélations suffit à mettre en doute le bien-fondé de celles-ci, qui ne pourront s’appuyer sur un aucun témoignage direct, et notamment pas celui de E______. Les investigations relevées par le TMC étaient « purement exploratoires ». Les charges s’avéraient par conséquent insuffisantes. Aucun risque de collusion ne pouvait être retenu. Même dans la version de la plaignante, il n’avait plus eu contact avec elle depuis 2016 ; défendue par avocat, elle saurait réagir s’il la contactait maintenant. Le risque de fuite devait être fortement relativisé. Il avait vécu à Genève de nombreuses années ; ses enfants, son frère et sa sœur s’y étaient installés durablement. Il allait divorcer au Portugal. Il avait diligemment déféré à la convocation de la police. Une caution, composée de CHF 5'000.- tirés des économies de ses enfants et de CHF 7'000.- d’une revente rapidement réalisable de la moto de son fils, pourrait être une garantie suffisante de représentation.

b. Le TMC déclare persister dans sa décision.

c. Le Ministère public propose le rejet du recours, en des termes similaires à ceux du TMC. Une confrontation se tiendrait le 19 janvier 2023, à l’issue de laquelle il aurait « tout loisir » de réexaminer la question de la détention.

d. A______ a renoncé à répliquer.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. a, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes.

2.1.       À teneur de l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire suppose que le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. Selon la jurisprudence, le juge de la détention doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure, c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       À cette aune, on ne voit pas ce qui ôterait d’emblée toute crédibilité aux accusations circonstanciées portées contre le recourant, qui ne leur oppose que ses dénégations et sa conviction de menteries émises par celle qui le dénonce. Le long temps écoulé entre les faits – que la victime présumée situe cependant avec de fortes précisions, a priori vérifiables, de lieu et d’année – et leur révélation aux autorités pénales est sans pertinence. C’est même précisément pour tenir compte des spécificités liées au dévoilement des atteintes à l’intégrité sexuelle des enfants que le législateur a étendu la durée de la prescription qui leur est applicable (cf. art. 97 al. 2 CP).

L’enquête n’en est qu’à ses débuts, mais les soupçons sont suffisamment précis.

Le recourant se trompe, s’il croit que les seules déclarations d’une victime ne sont pas suffisantes à cet égard.

3.             Le recourant estime que le risque de fuite devrait être « fortement relativisé ».

3.1.       Conformément à la jurisprudence, ce risque doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, mais permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3). Le risque de fuite s'étend également au risque de se soustraire à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en tombant dans la clandestinité à l'intérieur du pays (ATF 143 IV 160 consid. 4.3 p. 167).

3.2.       En l'occurrence, le risque que le recourant ne se soustraie à la poursuite pénale ne saurait être minimisé et doit, au contraire, être qualifié de concret.

Ses propres déclarations montrent chez lui une facilité aussi certaine que régulière à changer de pays de séjour. Il a conservé des liens avec le Brésil et le Portugal, où il séjourne tour à tour et par intermittences, quand il n’effectue pas des navettes entre ces pays et la Suisse, au gré de circonstances qu’il ne décrit pas, mais qui présupposent aussi quelques gains.

Dans ces circonstances, la suggestion de sûretés (art. 238 CPP), qui a surgi sans étayement lors de l’audience du Ministère public du 23 décembre 2022 – et n’en a pas reçu non plus en instance de recours –, ne saurait suffire à réfréner toute velléité d’échapper aux poursuites pénales engagées en Suisse.

En outre, le montant desdites sûretés n’est même pas clairement définissable. Le recourant a offert par-devant le Ministère public CHF 10'000.-, en supputant que son fils accepterait de vendre sa moto, son frère lui prêter CHF 2'000.- et son amie intime lui « donner » la même somme. Devant le TMC, il a offert CHF 10'000.- en tout et pour tout. Dans l’acte de recours, ses enfants réuniraient CHF 5'000.-, la moto trouverait preneur à CHF 7'000.-, et ni son frère ni son amie ne sont mis à contribution.

On ne voit pas quelle autre mesure de substitution pallierait le risque ici retenu, et le recourant n’en propose aucune.

4.             Ce qui précède rend superflu l’examen du risque de collusion. De jurisprudence constante, en effet, si l'un des motifs prévus aux lettres a à c de l'art. 221 al. 1 CPP est réalisé, il n'y a pas lieu d'examiner si un autre risque entre également en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1.).

5.             Le recours doit être rejeté.

6.             N’obtenant pas gain de cause, le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6, qui rappellent que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de recours, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire).

Ces frais seront arrêtés en totalité à CHF 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

7.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue (arrêts du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1 ; 1B_300/2019 du 24 juin 2019 consid. 4 ; 1B_164/2017 du 15 août 2017 consid. 2 ; 1B_488/2016 du 24 janvier 2017 consid. 2 ; 6B_705/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2 ; 1B_272/2012 du 31 mai 2012 consid. 6.2 ; 1B_705/2011 du 9 mai 2012 consid. 2.3.2). La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 précité consid. 5.1).

7.2.       En l'occurrence, le recours, premier à être exercé, n’est pas abusif : l’extension de l'assistance juridique à la présente instance ne sera pas refusée, mais l'indemnité y afférente sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de l’instance, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/13874/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/     

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

     

Total

CHF

900.00