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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/485/2019

ACPR/814/2022 du 17.11.2022 sur OCL/1019/2022 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;AVOCAT D'OFFICE;HONORAIRES;MOTIVATION
Normes : CPP.135; RAJ.16; Cst.29.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/485/2019 ACPR/814/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 17 novembre 2022

 

Entre

 

A______, avocat, ______, Genève, comparant en personne,

recourant,

 

contre la décision d'indemnisation rendue le 8 août 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 22 août 2022, Me A______ recourt contre l'ordonnance de classement du 8 précédent, notifiée le 10 suivant, en tant que le Ministère public lui a alloué une indemnité de CHF 4'289.05 pour son activité de défenseur d'office de B______ (ch. 7 du dispositif).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 1'723.20, à l'annulation de l'ordonnance sur ce point, sa rémunération devant être portée à CHF  22'261.45, TVA et débours inclus.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier:

a. Le 3 décembre 2019, Me A______ a été nommé d'office pour la défense de B______, dans le cadre de la P/485/2019, instruite contre ce dernier des chefs de lésions corporelles simples, injures, menaces et utilisation abusive d'une installation de télécommunication.

b. Par avis de prochaine clôture du 31 décembre 2021, le Ministère public a informé les parties de son intention de classer la procédure.

c. Le 1er avril 2022, Me A______ a transmis son état de frais pour l'activité déployée jusqu'alors, totalisant 90h30 (61h10 au tarif horaire de CHF 200.-; 24h10 à CHF 150.- et 5h10 à CHF 110.-), majorées d'un forfait de 10% et de déplacements pour CHF 725.- – TVA en sus –, ainsi que des débours pour les honoraires d'interprète (CHF 2'020.-).

Cette note d'honoraires comprend, en substance, les postes "Conférences", "Procédure" et "Audience".

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que le nombre d'heures d'activité était très largement disproportionné par rapport à la complexité en fait et en droit du dossier. Seules les conférences ayant directement précédé les audiences d'instruction, ainsi que les heures consacrées à la préparation des audiences et les audiences elles-mêmes, devaient être indemnisées. Il a également retranché 5h30, respectivement 3h30, aux postes "rédaction d'un recours contre l'ordonnance de mise en détention provisoire du 26 novembre 2020" et "rédaction d'observations au sujet du mandat d'expertise psychiatrique soumis par le Ministère public". L'indemnité était fixée "ex aequo bono" à CHF 4'289.05 TTC (indemnité: CHF  3'318.35; forfait 20%: CHF 663.70; déplacements: CHF 650.-; sous-total: CHF  3'982.42; TVA: CHF 306.65; débours: CHF 0.-).

D. a. Dans son recours, Me A______ reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu, en n'expliquant pas pourquoi ses démarches, ci-dessus retranchées, auraient été inutiles. Le Ministère public avait par ailleurs versé dans l'arbitraire en refusant de lui indemniser les débours liés à l'interprète, ainsi que l'activité relative à la demande d'assistance juridique et la médiation.

b. Dans ses observations, le Ministère public s'en tient à sa décision et précise que, pour le même état de fait, le conseil de C______, prévenu et partie plaignante dans la procédure, avait requis une indemnité s'élevant à CHF 2'095.85.

c. Me A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 16 al. 1 RAJ, 135 al. 3 let. a et 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant allègue la violation de son droit d'être entendu.

2.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4; ATF 136 I 229 consid. 5.2; ATF 135 I 265 consid. 4.3). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 = JdT 2017 IV p.  243; ATF 142 I 135 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2017 du 28  décembre 2017 consid. 4.1; 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 4.1.1).

Ainsi, lorsque le juge entend s'écarter de l'état de frais produit par l'avocat, il doit, au moins brièvement, indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (arrêts du Tribunal fédéral 6B_124/2012 du 22 juin 2012 connsid. 2.2; 6B_833/2015 du 30 août 2016 consid. 2.3; 6B_1008/2017 du 5 avril 2018 consid. 2.2).

2.2. En l'espèce, la motivation de l'ordonnance attaquée ne permet pas de calculer ni de reconstituer a posteriori le nombre d'heures retenu pour les postes "Conférences" et "Audiences" et a fortiori de comprendre comment le Ministère public parvient au montant alloué. Celui-ci s'est par ailleurs écarté des frais d'interprète réclamés sans fournir la moindre explication. L'on ne saurait se satisfaire de ses explications – données en instance de recours seulement – selon lesquelles le montant réclamé serait trop élevé par rapport à celui concernant le défenseur d'un autre prévenu.

Dans ces circonstances, faute de motivation suffisante, la Chambre de céans reste dans l'impossibilité d'exercer son contrôle (ACPR/565/2022 du 16 août 2022 consid. 2.2 et la référence citée).

3.             Le recours sera ainsi admis et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il motive sa décision et, le cas échéant, la complète.

4.             Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

5.             5.1. Le défenseur d'office, même s'il plaide sa propre cause, a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5b p. 519; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1251/2016 du 19 juillet 2017 consid. 4 et 6B_429/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

5.2. En l'espèce, il lui sera alloué, à titre de juste indemnité, un montant de CHF  600.- TTC pour son recours.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule le ch. 7 de l'ordonnance entreprise.

Renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 600.- TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

Par ailleurs, le Tribunal pénal fédéral connaît des recours du défenseur d'office contre les décisions de l'autorité cantonale de recours en matière d'indemnisation (art. 135 al. 3 let. a CPP et 37 al. 1 LOAP). Le recours doit être adressé dans les 10 jours, par écrit, au Tribunal pénal fédéral, case postale 2720, 6501 Bellinzone.