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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15707/2020

ACPR/798/2022 du 11.11.2022 sur ONMMP/2299/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INJURE;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);DIFFAMATION;PREUVE
Normes : CPP.310.al1.leta; CPP.310.al1.letc; CP.177; CP.144; CP.173; CP.52

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15707/2020 ACPR/798/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 11 novembre 2022

 

Entre

 

A______, domiciliée ______[GE], comparant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 30 juin 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 juillet 2022, A______ déclare faire "opposition" à l'ordonnance du 30 juin 2022, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 28 août 2020 et ses compléments des 12 et 23 février 2021, 2 juin 2021, 12 septembre 2021, 12 octobre 2021 et 11 mai 2022.

La recourante, sans prendre de conclusions formelles, semble requérir l'annulation de l'ordonnance querellée et le renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 28 août 2020, A______ a déposé plainte contre B______ et C______ (ci-après : le couple B/C______) pour dommages à la propriété (art. 144 CP) et les "autres infractions entravant [sa] liberté de locataire", contre D______ pour injure (art. 177 CP), diffamation (art. 173 CP) et calomnie (art. 174 CP), ainsi que contre inconnu pour dommages à la propriété (art. 144 CP).

En substance, elle a exposé avoir, le 30 mai 2020, invité six personnes sur sa terrasse. Au début du repas, de l'eau brunâtre, provenant de l'arrosage "intempestif" de plantes sur le balcon de B______ et C______, situé en surplomb, s'était déversée sur la table de sa terrasse. De tels écoulements avaient lieu plusieurs fois par jour, endommageant son mobilier de jardin. Le 6 août 2020, elle avait constaté des dégâts à sa tonnelle, qui était comme "percée de coups de couteau ou de cutter". Le 19 août 2020, D______, une voisine, l'avait invitée à "prendre ses pilules" en la traitant de "malade", "d'alcoolique", de "droguée" et de "cinglée", elle-même admettant avoir insulté l'intéressée lors dudit échange.

À l'appui de sa plainte, A______ a notamment produit une attestation du 4 juin 2020 du Dr E______, son psychiatre, soulignant les facteurs de stress induits par le conflit de voisinage.

b. Dans le cadre de l'enquête préliminaire, la police a procédé à plusieurs auditions, dont il ressort les éléments pertinents suivants :

b.a. Les 11 octobre et 20 novembre 2020, C______ a contesté les faits reprochés, précisant que l'écoulement était dû à un défaut de construction de l'immeuble. Elle s'est plainte de divers comportements agressifs d'A______ à l'égard de son fils et d'elle-même, notamment d'insultes, ce pour quoi elle a déclaré déposer plainte.

b.b. Les 11 octobre et 20 novembre 2020, B______ a confirmé les propos de son épouse. Il a contesté les faits reprochés, sa famille ayant séjourné en France du 1er au 5 août 2020, ainsi qu'en attestait la facture de leur hébergement, qu'il a produite. Des chats montaient régulièrement sur la tonnelle pour s'y faire leurs griffes. A______ plaçait intentionnellement des meubles sous la conduite d'évacuation des eaux afin de se prévaloir des dégâts ainsi occasionnés. Par ailleurs, l'intéressée affichait des textes sur sa boîte aux lettres, qu'elle publiait également sur les réseaux sociaux, l'accusant de divers méfaits, avait agressé son fils et laissé ses chats à elle accéder à son balcon à lui, où ils causaient des déprédations.

Il a déclaré déposer plainte contre A______ pour les faits précités.

B______ a notamment produit des photographies de lettres affichées sur la boîte aux lettres d'A______, où lui-même est accusé de dommages à la propriété, et une attestation du 20 novembre 2020 de F______ et de G______, relatant : "Nous suspectons Madame A______ d'avoir enfermé notre chat chez elle et peut-être même de l'avoir empoisonné (cependant nous n'avons pas de preuves) d'où le fait qu'il ait été malade".

b.c. Le 11 octobre 2020, D______ a déclaré avoir, à une date non précisée, échangé une insulte avec A______. À une autre occasion, elle avait invité l'intéressée à "prendre" ses pilules, sans l'insulter, tandis que cette dernière l'insultait régulièrement.

b.d. Le 27 octobre 2020, D______ a expliqué qu'A______ avait tenté, à plusieurs reprises, de la renverser sur la zone de parcage de l'immeuble. Le 19 août 2020, elle l'avait insultée, ce pour quoi elle déclarait déposer plainte.

b.e. Le même jour, H______ a confirmé les déclarations de son épouse, ajoutant qu'A______ avait aussi tenté de le renverser sur le parking le 11 août 2020. La prénommée l'insultait régulièrement, ainsi que de nombreuses personnes du quartier. Elle l'avait, en outre, menacé de lui faire "perdre" son bail, ce pour quoi il a déclaré déposer plainte.

c. Le 12 février 2021, A______ a complété sa plainte pénale. Le 23 janvier 2021, une étiquette avait été arrachée de sa boîte aux lettres. Le 1er février suivant, des inconnus avaient sonné à sa porte en disparaissant aussitôt.

Elle a notamment produit un certificat médical du 14 janvier 2021 du Dr I______ faisant état d'une situation de stress sévère chez sa patiente.

d. Par courrier du 23 février 2021, A______ a complété sa plainte pénale. Le 20 février 2021, C______ lui avait adressé un doigt d'honneur et avait mimé un égorgement.

Elle a produit une attestation du 22 février 2021 du Dr E______ faisant état, chez sa patiente, d'un état de détresse et de perturbation émotionnelle.

e. En mars 2021, B______ a établi une pétition, signée par une quarantaine d'habitants du quartier, demandant l'expulsion d'A______, qui "perturbe la tranquillité voire la sécurité du quartier par son agressivité". Ladite pétition fait état de "hurlements, insultes, provocations, intimidations et menaces" et relève que l'intéressée "s'en prend régulièrement au voisinage et n'hésite pas à interpeller leurs enfants".

f. Entre fin avril et fin mai 2021, la police a procédé à plusieurs auditions, dont il ressort les éléments pertinents suivants :

f.a. Les 22, 28 et 29 avril 2021, J______, K______, L______ et M______, habitantes du quartier, ont déclaré à la police avoir assisté à plusieurs comportements agressifs de la part d'A______, notamment des insultes lancées à son voisinage.

f.b. Le 23 mai 2021, A______ a reconnu avoir adressé des insultes à D______ le 19 août 2020 et à H______ le 11 août précédent. Elle a, pour le surplus, contesté les faits reprochés.

f.c. Par courrier du 2 juin 2021, A______ a déposé plainte contre "chaque" personne ayant signé la pétition à son encontre. Elle a également déposé plainte contre G______, propriétaire d'un chat qui pénétrait chez elle et y causait des dommages. Elle a requis l'audition de N______ et de M______, voisins de palier de la famille B/C______.

g. Par pli du 12 septembre 2021, A______ a complété sa plainte en ce sens qu'elle devait être étendue à F______ et G______, à M______ et à O______ pour diffamation et calomnie, pour avoir signé la pétition à son encontre. Sa plainte contre le couple B/C______ devait être étendue aux infractions de menaces, calomnie et aux "dommages et [ ] atteinte à l'honneur et à la personnalité".

h. Par courrier commun du 21 septembre 2021 au Ministère public, les Drs E______ et P______ ont souligné l'état de stress et de grande détresse d'A______ en raison du conflit de voisinage.

i. Le 22 septembre 2021, A______ a requis son audition, en présence de ses médecins, et a complété sa plainte, le chat de la famille F/G______ l'ayant griffée au majeur, ce qui avait occasionné, selon un certificat médical du 21 septembre 2021 du Dr I______, une plaie et une discrète rougeur locale.

j. Le 12 octobre 2021, A______ a déposé une plainte complémentaire contre B______ et C______, ainsi que contre inconnu, pour calomnie, violation de domicile, menace et contrainte. Elle reprochait aux précités d'avoir, en vue de faire signer leur pétition, affirmé qu'elle agressait des enfants. Par ailleurs, plusieurs locataires de son immeuble avaient pénétré dans son jardin, en son absence, selon Q______, habitant du quartier, dont elle a requis l'audition.

k. Dans une lettre commune du 28 février 2022, les Drs E______ et P______, ainsi que divers intervenants AI, ont souligné la détresse de l'intéressée et l'impact délétère des "incessantes provocations" du voisinage sur son projet de reconversion professionnelle.

l. Le 11 mai 2022, A______ a déposé une nouvelle plainte contre R______ et le fils de cette dernière, S______, les couples F/G______, B/C______ et D/H______, ainsi que les signataires de la pétition.

En substance, le 14 février 2022, le fils de sa voisine, R______, – qu'elle avait reconnu à la voix – l'avait traitée de "malade", puis, deux jours plus tard, de "sale pute" en allumant un pétard à proximité de sa fenêtre. Le 17 février 2022, elle avait retrouvé son store et sa façade souillés par des œufs, ainsi que l'inscription "profite avant la fin" taguée sur un muret visible depuis sa fenêtre. Le 28 février et le 22 mars 2022, un voisin – qu'elle a désigné comme étant S______ – l'avait insultée. Par ailleurs, le couple F/G______ avait transmis au couple B/C______ une attestation diffamatoire concernant l'empoisonnement de leur chat.

Elle a notamment produit un enregistrement vidéo du 14 février 2022, dans lequel un groupe de jeunes gens conversent à proximité de l'immeuble de la recourante, l'un d'eux déclarant "c'est une malade". Elle a joint une attestation en anglais établie le 23 mars 2022 par T______, qui précise ne pas parler français et déclare avoir observé, le 22 mars 2022, un homme répondre à A______ "je t'emmerde pétasse", après que cette dernière l'avait menacé de déposer plainte pénale pour l'insulte dont elle avait été victime le 28 février précédent ainsi que pour les événements des 14 et 16 février 2022, sans savoir – selon ladite attestation – exactement si l'homme était à l'origine desdits événements.

m. Par ordonnances du 30 juin 2022, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les plaintes déposées les 20 novembre 2020 par B______ et C______, et 27 octobre 2020 par D______ et H______ contre A______. Il a retenu, en substance, que les actions de cette dernière étaient motivées par la conviction d'être persécutée par ses voisins et non par une volonté de nuire à ceux-ci, dans un contexte particulièrement conflictuel où les torts semblaient partagés. S'agissant des insultes, elles étaient contestées et aucun élément ne permettait de privilégier une version par rapport à l'autre, sous réserve de l'échange d'insultes entre D______ et A______, pour lequel il se justifiait d'exempter les deux délinquantes de toute peine. Enfin, H______ n'avait pas été effrayé par les menaces de l'intéressée, de sorte que cet élément constitutif de l'infraction faisait défaut. Enfin, la dangerosité de la conduite automobile d'A______ sur le parking de l'immeuble n'était pas établie.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'aucun élément ne permet d'établir la culpabilité du couple B/C______ dans les déversements d'eau provenant de leur balcon et dans les dégâts constatés à la tonnelle de la plaignante.

Les insultes reprochées audit couple et à D______ étaient contestées, sous réserve d'une insulte s'inscrivant dans un échange mutuel d'injures, de sorte qu'il se justifiait de ne pas entrer en matière. S'agissant des infractions de diffamation et de calomnie, la culpabilité de B______, de C______ et de D______, ainsi que des signataires de la pétition, était de peu d'importance, justifiant de ne pas procéder.

En ce qui concernait les dommages causés par le chat de la famille F/G______, les éléments constitutifs n'étaient pas réunis au vu du caractère intentionnel de l'infraction à l'art. 144 CP.

Aucun élément ne corroborait l'accusation que des voisins seraient entrés par effraction dans le jardin de la plaignante, ni que le graffiti à proximité de son immeuble lui était adressé. Il en allait de même de l'existence d'éventuelles insultes d'un groupe de jeunes et de la culpabilité de leurs auteurs, la minorité des jeunes dénoncés empêchant de toute façon le Ministère public de procéder.

"S______" n'avait pas pu être identifié, étant précisé qu'il s'agissait du nom de la fille mineure d'une habitante du quartier et non de celui d'un homme.

Enfin, les enregistrements produits n'étaient pas exploitables, car pris en infraction à l'art. 179ter CP.

Les demandes d'audition de la plaignante n'étaient pas susceptibles de modifier le résultat des moyens de preuve déjà administrés. Quant à la requête de production de documents par Q______ et R______, elle s'apparentait à une recherche indéterminée de moyens de preuve, non admise en droit suisse. La demande d'assistance judiciaire de la plaignante devait être rejetée au vu de l'absence de chances de succès d'une éventuelle action civile.

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient que le Ministère public a ignoré les "impacts très graves sur [sa] vie des actes" dénoncés. Il ne pouvait "prendre à la légère" la situation qu'elle subissait et la traiter par un "simple" raisonnement sur dossier, sans instruction ni son audition. Il se justifiait de "réévaluer" l'appréciation du Ministère public, et d'auditionner "le Dr E______ et des personnes qui [l']appu[yaient] dans [sa] reconversion professionnelle dans le cadre de l'AI". Elle demandait également à être confrontée à Q______. L'audition de B______ confirmait que l'intéressé avait "saccagé" son jardin. Le Ministère public s'était fourvoyé en retenant le caractère inexploitable des enregistrements produits car ceux-ci visaient à "documenter" une infraction pénale. Par ailleurs, la décision de non-entrée en matière était perçue par son voisinage comme un blanc-seing pour poursuivre le "harcèlement", ce qui justifiait également d'annuler ladite décision. Enfin, des morceaux de la façade de l'immeuble étaient tombés dans l'assiette de ses invités le 7 mai 2022 et elle avait subi un nouveau dégât d'eau le 29 juin 2022.

Elle a notamment produit plusieurs courriers de soutien de son entourage.

b. Le 9 août 2022, A______ a requis de la Chambre pénale de recours de se prononcer sur sa demande d'assistance juridique du 30 août 2021 et la nomination d'office de Me U______.

c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification n'ayant pas été observées (art. 85 al. 2 CPP) –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. L'on comprend en outre de son courrier du 9 août 2022 que la recourante souhaite remettre en cause le refus de l'assistance judiciaire par le Ministère public. Or, la recourante ayant eu connaissance de l'ordonnance querellée au plus tard le 13 juillet 2022, date de l'expédition de son recours visant le refus d'entrer en matière sur sa plainte, son recours – qui aurait dû intervenir au plus tard le 25 juillet 2022 (art. 396 al. 1 CPP cum 90 al. 2 CPP) – est tardif en tant qu'il a trait au refus d'octroi de l'assistance judiciaire.

Cela étant, la conclusion précitée sera traitée comme une demande d'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Les pièces nouvelles sont recevables (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2; 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

4.             La recourante fait grief au Ministère public d'avoir statué sans l'entendre préalablement.

4.1. Si le ministère public considère qu'une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue, il n'a pas à en informer les parties ni à leur donner la possibilité d'exercer leur droit d'être entendu, lequel sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours (arrêts du Tribunal fédéral 6B_138/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3.1; 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 et 6B_892/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1; 6B_93/2014 du 21 août 2014 et 6B_43/2013 du 11 avril 2013 consid. 2.1). La procédure de recours permet en effet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP).

4.2. En l'espèce, conformément à ce qui précède, le Ministère public n'avait pas à entendre la recourante avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière.

Ce grief sera donc rejeté.

5.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.

5.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées). Face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et les références citées).

5.2. Une non-entrée en matière doit également être prononcée lorsqu'il peut être renoncé à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (art. 310 al. 1 let. c cum art. 8 al. 1 CPP). Tel est notamment le cas si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes (art. 52 CP).

5.3. La recourante fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur des insultes qu'elle aurait subies.

5.3.1. L’art. 177 CP (injure) réprime le comportement de quiconque aura, d’une autre manière que celle décrite aux art. 173 et ss CP, notamment par la parole ou l'écriture, attaqué autrui dans son honneur.

Un jugement de valeur – c’est-à-dire une manifestation directe de mésestime, au moyen, entre autres, de mots blessants – peut constituer une injure, et ce quel que soit son destinataire (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.4 ; 137 IV 313 consid. 2.1.2).

Si l'injurié a directement provoqué l'injure par une conduite répréhensible ou s'il a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux (art. 177 al. 2 et 3 CP).

5.3.2. En l'espèce, les parties s'accusent de proférer des insultes l'une à l'égard de l'autre, dans un contexte hautement conflictuel où la recourante a elle-même été visée par plusieurs plaintes pénales des mis en cause. Or, les auditions de J______, K______, L______ et M______ tendent à confirmer le rôle non négligeable joué par la recourante dans le conflit en cours, de sorte qu'il convient d'apprécier les déclarations de celle-ci avec réserve. Par ailleurs, les enregistrements d'habitants du quartier paraissent illicites car pris sans le consentement des intéressés (art. 141 al. 2 CPP et 179ter CP), l'infraction d'injure n'entrant pas dans la catégorie des infractions graves visées à l'art. 141 al. 2 CPP. À cela s'ajoute le fait que filmer son voisinage dans un but préventif ne repose sur aucun intérêt légitime et est perçu par les personnes visées comme une provocation. Cela étant, la question de l'exploitabilité desdites preuves peut rester ouvertes, compte tenu de ce qui suit.

Le geste insultant qu'aurait adressé le 20 février 2021 C______ à la recourante n'est corroboré par aucun élément au dossier. En particulier, l'attestation du 21 février 2021 de V______, qui a assisté à l'altercation, ne fait état d'aucun geste insultant.

Les insultes adressées à la recourante les 14, 16 et 28 février 2022 ne sont pas établies ni susceptibles de l'être par l'instruction. Si les mots "c'est une malade" sont audibles dans la vidéo du 14 février 2022 lors d'une conversation entre jeunes gens du quartier, rien n'indique que ces termes étaient destinés à la recourante. Quand bien même ils l'auraient été, il n'est pas possible d'identifier l'auteur de la remarque. Aucun élément ne permet d'identifier la personne qui aurait, le 16 février 2022, placé un pétard à proximité de la fenêtre de la recourante, jeté un œuf sur son store ou, à d'autres dates, sonné à sa porte avant de disparaître. Même à tenir compte de la vidéo du 28 février 2022, il n'est pas possible d'entendre clairement les propos de l'homme figurant dans ladite vidéo, ni d'identifier celui-ci.

En outre, l'application par le Ministère public de l'art. 177 al. 3 CP à l'échange d'insultes entre D______ et la recourante ne prête pas le flanc à la critique, les deux protagonistes reconnaissant avoir proféré une insulte.

Enfin, l'insulte du 22 mars 2022 n'est pas établie. Même si elle l'était, son auteur ne peut être identifié et le témoignage dont se prévaut la recourante rapporte qu'elle avait abordé l'individu en vue de le menacer de poursuites pénales, y compris pour les faits des 14 et 16 février 2022, auxquels celui-ci paraît étranger. Un tel comportement constituerait de toute façon une provocation permettant l'application de l'art. 177 al. 2 CP.

5.4. La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur le caractère diffamatoire ou calomnieux de la pétition de mars 2021, des propos tenus par le couple B/C______ pour convaincre les signataires de ladite pétition, et de l'attestation du 20 octobre 2020 de F______ et de G______ la suspectant d'avoir enfermé et empoisonné leur chat.

5.4.1. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP, quiconque, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

Conformément à l'art. 173 ch. 2 CP, même si le caractère diffamatoire des propos ou des écrits litigieux est établi, l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, l'accusé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3). L'admission de la preuve libératoire constitue la règle et elle ne peut être refusée que si l'auteur a agi principalement dans le but de dire du mal d'autrui et s'il s'est exprimé sans motif suffisant (ATF 132 IV 112 consid. 3.1; 82 IV 91 consid. 2 et 3).

Un premier examen sommaire, notamment de la plainte ou des mesures d'instruction, peut suffire pour considérer que les chances d'un acquittement sur la base des preuves libératoires de l'art. 173 ch. 2 CP, apparaissent manifestement supérieures à la probabilité d'une condamnation. Dans de telles situations, le ministère public, dans le cadre des compétences juridictionnelles que le législateur lui a attribuées, doit pouvoir rendre une décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1047/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.5.4; 6B_239/2019 du 24 avril 2019 consid. 2.2; 6B_539/2016 du 1er novembre 2017 consid. 2.1).

5.4.2. En l'espèce, la pétition de mars 2021 dénonce le comportement, considéré comme agressif, de la recourante, qui s'en prendrait régulièrement au voisinage et n'hésiterait pas à interpeller les enfants, faisant notamment état de hurlements, d'insultes, de provocations, d'intimidations et de menaces. En l'occurrence, ladite pétition, qui s'adresse à la régie en vue de la résiliation du bail à loyer de la recourante, ne vise pas tant à nuire à celle-ci qu'à résoudre une problématique vécue comme inextricable par le voisinage. Le même raisonnement vaut pour les propos que la recourante prête au couple B/C______, qui aurait dit qu'elle "agressait" des enfants. Même à les considérer comme établis, ceux-ci ne font que reprendre ce qui figure dans la pétition et le couple précité est convaincu de la véracité de ses accusations, qui tendent, à leurs yeux, à être corroborés par le climat délétère dans le voisinage. Les demandes d'audition et de production de pièces formulées par la recourante sur cet aspect de sa plainte, en particulier une confrontation avec Q______ qui aurait été témoin des propos concernant le comportement de la recourante à l'égard des enfants, ne sont pas susceptibles de modifier cette appréciation.

S'agissant de l'attestation établie le 20 octobre 2020 par F______ et G______, elle relate des soupçons mais accompagnés de réserves, notamment la mention de l'absence de preuve et l'adjonction de la formule "peut-être". De plus, elle s'adresse à l'autorité, en vue de l'éclairer sur la présente procédure, justifiant l'application de l'art. 173 ch. 2 CP.

À titre superfétatoire, on relèvera que même à retenir la culpabilité des mis en cause, l'application de l'art. 52 CP par le Ministère public est justifiée, compte tenu des comportements similaires auxquels s'adonne la recourante, qui accuse régulièrement ses voisins de comportements répréhensibles par la pose d'affiches dans l'immeuble.

Enfin, les auditions requises par la recourante de son psychiatre, des intervenants de l'AI et de son responsable de stage de reconversion, en vue de démontrer les conséquences sur elle des actes reprochés à ses voisins, n'apporteraient aucun élément pertinent pour apprécier la culpabilité des mis en cause.

5.5. La recourante reproche encore au Ministère public de ne pas être entré en matière sur plusieurs dommages qu'elle aurait subis.

5.5.1. À teneur de l'art. 144 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire

5.5.2. En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet d'établir l'existence de dommages – dont la recourante ne précise pas la nature – qui auraient été causés par le chat des voisins.

Aucun élément ne permettrait d'identifier les éventuels auteurs des dommages sur la tonnelle de la recourante, le couple B/C______ ayant séjourné en France lors de l'acte de vandalisme allégué. À cet égard, la recourante n'explique pas en quoi il serait possible de déduire de l'audition de B______ que ce dernier aurait saccagé son jardin. Par ailleurs, rien n'indique que le déversement d'eau sur sa terrasse, provenant du balcon du précité, revête un caractère intentionnel, l'orientation et la longueur du conduit d'évacuation de l'eau paraissant relever d'un défaut de construction de l'immeuble, selon le couple. De plus, rien ne permet d'identifier les auteurs de l'arrachage d'une étiquette sur la boîte aux lettres de la recourante. En outre, même si l'inscription "Profite avant la fin" taguée sur le muret situé en face de sa fenêtre lui était adressée, la recourante n'est pas lésée par cet acte, commis sur un bien ne lui appartenant pas. Enfin, aucun élément au dossier ne corrobore les soupçons de la recourante, qui prétend que des voisins auraient pénétré dans son jardin en son absence, et rien, a fortiori, ne permettrait d'identifier les auteurs éventuels de cet acte.

C'est donc à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les faits précités.

5.6. Enfin, la Chambre de céans ne peut se saisir des faits survenus le 6 mai 2022 et le 29 août 2022, soulevés pour la première fois par la recourante dans son recours, faute de décision préalable sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP).

6.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera confirmée.

7.             La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.

7.1. L'art. 136 al. 1 CPP soumet le droit à l'assistance judiciaire à la partie plaignante à deux conditions : la partie plaignante doit être indigente (let. a) et l'action civile ne doit pas paraître vouée à l'échec (let. b).

Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès. D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 218; 129 I 129 consid. 2.2 p. 133 ss).

7.2. En l'espèce, au vu de l'issue du recours, celui-ci était manifestement voué à l'échec, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la requête.

8.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15707/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00