Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/353/2025

JTAPI/322/2025 du 31.03.2025 ( ICCIFD ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RETARD;RESTITUTION DU DÉLAI;DÉLAI LÉGAL;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE;FÉRIES JUDICIAIRES
Normes : LIFD.140.al1; LIPP.49.al1; LPA.63.al2.lete; LPA.47
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/353/2025 ICCIFD

JTAPI/322/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Stéphane REY, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Par décision sur réclamation datée du 6 décembre 2024, expédiée sous pli simple, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé d’entrer en matière sur la réclamation que Madame A______ et Monsieur B______ avaient formée contre leur imposition à la source pour l’année 2022, motif pris de sa tardiveté.

2.             Par acte déposé le 31 janvier 2025, les époux A______ et B______ (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à la rectification de la taxation concernée.

Leur mémoire de recours ne contenait aucun développement concernant le respect du délai de recours et/ou des motifs qui les auraient empêchés d’agir en temps utile.

Ils ont produit une copie de cette décision et une copie de la lettre de l'AFC-GE contenues dans son pli du 6 décembre 2024, sur lesquelles figurait un tampon comportant une signature olographe et indiquant « reçu le 18 décembre 2024 ».

3.             Par courrier du 11 février 2025, le tribunal a notamment indiqué aux recourants que leur recours paraissait manifestement tardif, qu’il leur était dès lors loisible de le retirer et que, s’ils le faisaient, aucun émolument ne serait en principe mis à leur charge.

4.             Par courrier du 14 février 2025, sous la plume de leur conseil, les recourants ont répondu au tribunal que la notification de la décision contestée était irrégulière, dès lors que l'AFC-GE l’avait envoyée à leur domicile privé au lieu de leur domicile élu. Leur conseil avait reçu cette décision le 18 décembre 2024 et avait interjeté recours à son encontre « par précaution » et dans le délai légal, en tenant compte de la suspension de ce dernier en raison des féries judiciaires. La notification de cette décision était viciée et cela la rendait nulle.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Selon l'art. 72 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité de recours peut, sans instruction préalable, par une décision sommairement motivée, écarter un recours manifestement irrecevable ou rejeter un recours manifestement mal fondé.

3.             Aux termes des art. 140 al. 1 LIFD et 49 al. 1 LPFisc, le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation de l'autorité de taxation en s'adressant au tribunal dans les 30 jours à compter de la notification de la décision attaquée. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si le recours est remis à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD ; art. 41 al. 1 LPFisc).

Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, un recours tardif n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

4.             Les féries judiciaires, en particulier celles du 18 décembre au 2 janvier, ne s’appliquent pas en matière fiscale (cf. art. 63 al. 1 let. c et al. 2 let. e LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2015 ; ATA/105/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.3).

5.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc, et 16 al. 1 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.2 et les références citées).

Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

6.             En l’espèce, force est de constater que la décision contestée, expédiée par pli simple, a été effectivement communiquée aux recourants le 18 décembre 2024, au plus tard. La copie de cette décision qu’ils ont produite comporte en effet la mention claire « reçu le 18 décembre 2024 ». Dès lors, c’est cette date qui doit être retenue pour calculer le dies a quo du délai de 30 jours fixé par les art. 140 al. 1 LIFD et 49 al. 1 LPFisc. Ainsi, le délai de recours est arrivé à échéance le 17 janvier 2025. En conséquence, déposé le 31 janvier 2025, le présent acte de recours l’a manifestement été en dehors du délai légal.

Pour le surplus, les recourants n’ont allégué, ni a fortiori démontré, aucun motif sérieux au sens des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc qui les aurait concrètement empêchés d’agir dans le délai légal de 30 jours dès réception de cette décision ou de mandater un tiers pour s'en charger à leur place.

7.             La notification irrégulière au sens de l’art. 47 LPA dont ils se prévalent ne leur est d’aucun secours, dès lors qu’ils indiquent eux-mêmes avoir eu connaissance de la décision contestée avant le 18 décembre 2024.

En effet, le principe général du droit rappelé à l’art. 47 LPA découle des règles de la bonne foi, qui imposent des devoirs tant à l’autorité dans la conduite d’une procédure (ATF 123 II 231 consid. 8b) qu’à l’administré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_318/2009 du 10 décembre 2009 consid. 3.3). Une décision irrégulièrement notifiée n'est pas nulle, mais seulement inopposable à ceux qui auraient dû en être les destinataires. Une telle décision ne peut donc pas les lier, mais la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (cf. not. ATF 139 IV 228 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3 ; 2C_83/2020 du 14 septembre 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités ; 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités ; 2C_829/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.2.1 ; 6B_329/2016 du 13 octobre 2016 consid. 3.3).

Le délai de recours ne part qu'au moment où la personne concernée a eu connaissance de la décision. Cependant, celle-ci ne peut pas retarder ce moment selon son bon plaisir. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme. En vertu de ce principe, toute personne concernée par l'issue d'une procédure est tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision qui la clôt, dès qu'elle peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté. Le principe de la bonne foi oblige en effet celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, à un moment où il pourrait encore être corrigé, et lui interdit d'attendre, en restant passif, afin de pouvoir s'en prévaloir ultérieurement devant l'autorité de recours (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3 ; 2C_83/2020 du 14 septembre 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités ; 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités ; 2C_829/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.2.1 ; 6B_329/2016 du 13 octobre 2016 consid. 3.3). Contrevient évidemment aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années ou celui qui attend passivement (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2 ; 6B_329/2016 du 13 octobre 2016 consid. 3.3 ; 1C_15/2016 du 1er septembre 2016 consid. 2.2).

Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 4.3 ; 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4.1 ; 1C_311/2018 du 2 avril 2019 consid. 3.2 et la référence citée ; 9C_202/2014 du 11 juillet 2014 consid. 4.2 et les références ; ATA/224/2020 du 25 février 2020 consid. 4).

8.             En l’occurrence, en vertu du principe de la bonne foi, les recourants ne sauraient se prévaloir auprès du tribunal d’une notification irrégulière de la décision querellée dans la mesure où ils ne l’ont pas fait auprès de l’autorité intimée. En effet, selon la jurisprudence susmentionnée, s’ils estimaient que cette dernière aurait dû l’adresser à leur conseil, et non à eux-mêmes, ils auraient alors dû l’inviter à réitérer sa notification de manière régulière. Or, au lieu de cela, ils l’ont transmise à leur conseil sans aucune objection quant à sa notification, ce qui est corroboré par la teneur de leur acte de recours initial, dans lequel ils ne se sont pas plaints d’une notification irrégulière. Ils ne l’ont fait qu’après le courrier du tribunal du 11 février 2025, indiquant que leur recours paraissait manifestement tardif.

Ce grief doit dès lors être écarté.

9.             Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être déclaré irrecevable, car tardif, et ce sans échange d’écritures conformément à l’art. 72 LPA.

10.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 250.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

11.         Le solde de cette avance, soit CHF 450.-, sera restitué aux recourants.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 31 janvier 2025 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 6 décembre 2024 ;

2.             met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à Madame A______ et Monsieur B______ du solde de leur avance de frais, soit CHF 450.- ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière