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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1944/2024

JTAPI/1224/2024 du 12.12.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1944/2024

JTAPI/1224/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 décembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1991, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le 7 décembre 2018, par le biais d’un mandataire, il a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour, dans le cadre de l’opération Papyrus.

Il a exposé être arrivé à Genève en 2007, avoir toujours travaillé dans le domaine du bâtiment, être parfaitement intégré, disposer d’un casier judiciaire vierge, ne faire l’objet d’aucune poursuite ni d’acte de défaut de biens et n’avoir jamais bénéficié de prestations de l’aide sociale.

À l’appui de sa demande, il a produit divers documents, dont notamment une copie de son passeport, le formulaire Papyrus, une copie de son contrat de travail à temps partiel du 26 octobre 2018 (il serait salarié par B______ SA depuis le 1er novembre 2018 comme collaborateur manutentionnaire moyennant un salaire mensuel brut de CHF 3’800.-), un extrait de son casier judiciaire (vierge) du 7 novembre 2018, une attestation d’absence d’aide financière de l’Hospice général du 13 novembre 2018, une attestation de non poursuite de l’office des poursuites du 13 novembre 2018, un formulaire M du 22 novembre 2018, où est indiqué qu’il serait arrivé en Suisse en 2007, ainsi qu’une copie de ses fiches de salaire établies par C______ Sàrl et D______ Sàrl depuis 2008.

3.             Le 12 février 2019, M. A______ a été interpellé par la police, faisant l’objet d’un avis de recherche et d’arrestation dans la mesure où il était mis en cause comme prévenu dans la rixe ayant opposé le 10 juin 2018 les joueurs de football du FC E______ et du FC F______.

Lors de son audition par la police, assisté d’un traducteur dans la mesure où il ne parlait que l’albanais, M. A______ a notamment indiqué être arrivé en Suisse la première fois en décembre 2007, avoir par la suite voyagé à plusieurs reprises entre la Suisse et le Kosovo, et s'être installé à Genève depuis deux ans. Sans enfant, il était seul à Genève ; toute sa famille vivait au Kosovo. Il y avait terminé une licence universitaire en science politique avant de venir en Suisse. Actuellement, il était employé en qualité de carreleur auprès d’une entreprise locale, dont il ne connaissait pas le nom car cela ne faisait que quelques jours qu’il y travaillait. S’agissant des faits reprochés, M. A______ a soutenu avoir joué lors des cinq dernières minutes du match, être intervenu dans la bagarre dans le seul but de séparer les protagonistes et n’avoir jamais donné de coup.

Selon le rapport de police, M. A______ avait fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse d’une durée de cinq ans émise par les autorités du canton de Vaud le 19 octobre 2017 ; elle lui avait été notifiée le 14 novembre 2017.

4.             Le 16 août 2019, l’OCPM a invité M. A______ à lui transmettre diverses pièces, dont un extrait AVS. Diverses pièces sollicitées lui ont été remises le 19 septembre 2019, puis M. A______ a informé l’OCPM, le 21 octobre 2019, qu’il s’était rendu à l’office cantonale des assurances sociales pour récupérer son extrait AVS et qu’il lui avait été indiqué, à ce moment-là, qu’il n’avait jamais été déclaré à l’AVS.

5.             Par ordonnance pénale du 9 octobre 2020, le Ministère public genevois a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction d’un jour de détention préventive, avec un sursis de trois ans, pour s’être rendu coupable, le 10 juin 2018, de rixe et d’infractions à l’art. 115 al. 1 let. b (séjour illégal) et c (exercice d’une activité lucrative sans autorisation) de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

6.             Le 4 février 2021, M. A______ a été auditionné par la police suite à une dénonciation de l’OCPM, lequel a émis des doutes quant à l’authenticité de certains documents présents dans le dossier, en particulier les fiches de salaire produites.

M. A______, qui a été entendu à l’aide d’une traductrice dans la mesure où il ne parlait que peu le français, a indiqué avoir des troubles de mémoire suite à sa participation à une rixe en 2018 ; depuis lors, il se souvenait uniquement de certaines choses, mais pas de tout. Ses parents, une sœur et un frère plus âgés vivaient au Kosovo. Il y avait étudié jusqu’au gymnase en 2008, mais n’avait pas achevé son cursus scolaire. Il était arrivé pour la première fois en Suisse en 2007, durant les vacances scolaires, afin de travailler, mais n’avait pas trouvé d’emploi. Il était revenu en juin 2008 et avait trouvé un emploi. Il n’était retourné au Kosovo qu’une seule fois, en été 2015 ou 2016. Actuellement, il vivait chez sa copine à G______, en France voisine ; il y allait régulièrement depuis un mois.

7.             Par ordonnance pénale du 4 février 2021, le Ministère public genevois a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, sous déduction d’un jour de détention préventive, pour s’être rendu coupable de faux dans les titres et d’infractions aux art. 115 al. 1 let. a (entrée illégale), b et c LEI et 92 al.1 let. a de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10 ; se dérober à l’obligation de s’assurer).

Il résulte de cette ordonnance que M. A______ avait été condamné le 15 août 2017 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord Vaudois, ______ (VD) , à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, avec un sursis de deux ans, pour entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

8.             Le 26 janvier 2024, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande de régularisation et ainsi de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) ; son renvoi était d’ailleurs exigible. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations écrites.

9.             Le 8 février 2024, l’ancien mandataire de M. A______ a informé l’OCPM qu’il ne le représentait plus.

10.         Le 26 février 2024, l’OCPM a reçu une procuration en faveur de Me Gazmend ELMAZI, qui a requis - et obtenu - la prolongation du délai pour se déterminer sur l’intention du 26 janvier 2024.

11.         Le 25 avril 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ s’est déterminé.

12.         Par décision du 7 mai 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du 7 décembre 2018 et de soumettre le dossier de M. A______ avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 3 août 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

M. A______ avait produit des documents falsifiés dans le but de l’induire en erreur afin d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, ayant été condamné à trois reprises pour diverses infractions à la LEI. Son irrespect de l’ordre juridique suisse ne saurait être ignoré et démontrait un comportement inadéquat pour toute personne souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Aucune attestation mentionnant son niveau de français n’avait été transmise, de sorte qu’il convenait de retenir qu’il ne possédait pas le niveau requis pour obtenir un permis de séjour. Il était marié et son épouse se trouvait au Kosovo.

M. A______ ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, n’ayant démontré ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, ni une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permet-tant de déroger à cette exigence, ni qu’une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place.

13.         Par acte du 7 juin 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renvoi la cause devant l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants, soit avec l’instruction de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM, sous suite de frais et dépens.

Il séjournait en Suisse depuis 16 ans et ses explications à la police en date du 4 février 2021 permettaient de constater sa présence à Genève durant les dix dernières années. S’agissant des preuves de séjour pour lesquelles il avait été condamné par le Ministère public, il contestait le fait qu’il s’agissait de faux documents. Il avait peut-être été négligeant lors du dépôt de sa demande, mais il n’avait en aucun cas voulu tromper l’autorité. Pour diverses raisons, il n’avait pas pu s’opposer à l’ordonnance pénale. Dans tous les cas, il y avait lieu de constater qu’il séjournait en Suisse depuis une très longue durée, qu’il travaillait actuellement dans le canton de Genève et percevait un salaire mensuel d’environ CHF 4’500-, lui permettant de subvenir amplement à ses besoins. Il s’était parfaitement intégré en Suisse, ayant su nouer, dès son arrivée, d’excellentes relations de travail, d’amitié et de voisinage. Il avait travaillé de manière régulière durant tout son séjour et avait toujours participé activement à la vie économique du canton, de surcroît en effectuant un travail de qualité. Il n’avait jusqu’à ce jour jamais fait l’objet d’aucune poursuite et n’avait jamais sollicité l’aide sociale. Ayant quitté son pays en 2008, soit il y avait 16 ans, sa réintégration y paraissait, après une aussi longue absence, simplement impossible. Il avait créé de véritables liens d’amitié ainsi que des relations de travail solides en Suisse, tandis que ses liens avec son pays d’origine étaient quasiment inexistants. En cas d’éventuel retour dans son pays, il s’y retrouverait dans une situation précaire, sans emploi, et ses conditions de subsistance seraient menacées. Il ne faisait nul doute qu’il remplissait les conditions nécessaires à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Aucune pièce à l’appui de ces allégations n’a été déposée ; seule la décision entreprise a été produite.

14.         Dans ses observations du 7 août 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Le recourant n’était pas parvenu à démontrer, preuve à l’appui, avoir séjourné en Suisse de manière ininterrompue depuis plus de dix ans au moment du dépôt de sa demande. Il avait en outre été condamné pénalement le 4 février 2021, notamment pour comportement frauduleux à l’égard des autorités, faux dans les titres et délit contre la loi fédérale sur l’assurance-maladie. Il ne ressortait pas non plus de son dossier que ses attaches en Suisse seraient à ce point étroites qu’un retour dans son pays d’origine le placerait dans une situation personnelle d’extrême gravité. Il avait passé toute son enfance et son adolescence au Kosovo, pays où vivait son épouse et où il avait indéniablement conservé d’étroites attaches, notamment familiales. Enfin, il n’avait pas non plus acquis en Suisse des connaissances professionnelles spécifiques qu’il ne pourrait pas faire valoir dans son pays d’origine.

15.         Le recourant n’a pas donné suite au courrier du tribunal du 9 août 2024 qui l’invitait à déposer son éventuelle réplique d’ici au 9 septembre suivant.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1077/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.2).

5.             Le recourant a sollicité qu’une autorisation de séjour lui soit octroyée sous l’angle du cas de rigueur, plus spécifiquement sous l’angle de l’opération Papyrus, ce que l’OCPM a refusé. Est ainsi litigieuse la question de savoir si l’autorité intimée a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier du recourant avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

7.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

8.             Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

9.             Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées). En particulier, les éventuels inconvénients liés à la recherche d’un logement ou d’un emploi sont des aspects qui touchent la majeure partie des étrangers qui retournent dans leur pays après une absence prolongée à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2024 du 04.11.2024 consid. 5.2.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

10.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

11.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d’admettre un cas personnel d’extrême gravité sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1).

12.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

13.         À teneur de l’art. 90 LEI, qui est également applicable en matière d’examen de l’exécutabilité du renvoi (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-546/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.4), l’étranger doit collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Il doit en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s’efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.1).

14.         L’opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://demain.ge.ch/actualite/operatio n-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

Les critères délibérément standardisés à respecter pour pouvoir en bénéficier étaient d’avoir un emploi, d’être indépendant financièrement, de ne pas avoir de dettes, d’avoir séjourné à Genève de manière continue, sans papiers, pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires (le séjour devait être documenté), de faire preuve d’une intégration réussie (minimum niveau A2 de français) et de ne pas avoir fait l’objet de condamnations pénales (autres que pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande de permis de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

15.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

16.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

17.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, y compris sous l’angle particulier de l’opération « Papyrus », étant d’emblée rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant diverses années n’est à cet égard pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

Dans ses écritures, le recourant allègue séjourner en Suisse sans interruption depuis 2008. Ses allégations ne se fondent toutefois sur aucune pièce probante, étant relevé que les fiches de salaires ont été qualifiées de faux titres et que le recourant ne peut dès lors s’en prévaloir, quoi qu’il en dise à ce sujet. Il faut par ailleurs retenir que le recourant a lui-même admis, lors de son audition par la police en février 2021, avoir quitté la Suisse en été 2015 ou 2016. Il ne peut donc être admis qu’il a vécu dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande en décembre 2018. Au surplus, s’il faut certes admettre que le recourant a séjourné un certain nombre d’années en Suisse, ce séjour s’est cependant déroulé en grande partie dans l’illégalité et se poursuit, depuis le dépôt de la demande de régularisation en décembre 2018, au bénéfice d’une simple tolérance des autorités. Or, le recourant ne saurait déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi. Il ne peut en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l’occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission. La durée de son séjour ne saurait donc, en soi, être considérée comme déterminante.

Le recourant ne peut en outre pas se prévaloir d’une excellente intégration socio-professionnelle. En premier lieu, aucune pièce au dossier ne permet de retenir qu’il a régulièrement exercé une activité lucrative durant son séjour en Suisse, de sorte que son intégration économique ne peut pas être qualifiée de bonne, a fortiori d’exceptionnelle. Sous l’angle de l’intégration socioculturelle, le recourant ne démontre ni le fait qu’il maîtrise la langue française, ni l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour dans son pays natal. L’OCPM affirme qu’il serait marié et que son épouse vivrait au Kosovo, sans qu’aucune pièce au dossier ne l’établisse, tandis que le recourant a indiqué à la police, en février 2021, qu’il avait une copine domiciliée en France voisine. Il n’a pas non plus été allégué ni a fortiori étayé qu’il se soit fortement investi dans la vie culturelle ou associative genevoise ; le fait qu’il ait joué au sein du FC F______ laisse au contraire supposer qu’il a tissé ses relations uniquement avec des compatriotes, sans doute pour une question linguistique. Au vu de ces éléments, il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale telle qu’un renvoi dans son pays d’origine ne pourrait être exigé, étant également noté qu’il a fait l’objet de condamnations pénales en Suisse pour des éléments ne relevant pas seulement du droit des étrangers. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que le recourant est né au Kosovo, qu’il y a vécu au minimum toute son enfance et son adolescence, ainsi que le début de sa vie d’adulte, et que des membres de sa famille y séjournent encore. En tout état, il ne parvient pas à démontrer que sa relation avec la Suisse serait si étroite et profonde que l’on ne pourrait exiger de lui d’aller vivre dans un autre pays, notamment le Kosovo.

S’agissant de sa réintégration dans son pays d’origine, si le recourant risque certes de traverser une phase de réadaptation, il pourra vraisemblablement compter sur les membres de sa famille pour reprendre pied au Kosovo dont il connaît la langue et les us et coutumes. Au surplus, le fait de se retrouver dans les mêmes circonstances économiques que ses compatriotes restés au pays ne constitue pas un cas d’extrême gravité, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît ainsi pas gravement compromise en soi et le recourant, en bonne santé, ne fait état d’aucun élément particulier qui permettrait de retenir le contraire. Sa réintégration dans sa patrie ne saurait être ainsi considérée comme fortement compromise et son renvoi ne constituera dès lors pas un déracinement insurmontable ; il n’apparaît d’ailleurs nullement que les difficultés auxquelles il devra faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d’admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il convient encore de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Le recourant ne pouvait ignorer, au vu de son statut précaire en Suisse, qu’il pourrait à tout moment être amené à devoir y mettre un terme en cas de refus de l’OCPM.

En conclusion, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation du recourant sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

18.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

19.         Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

20.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

21.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

22.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 7 mai 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier