Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1199/2024 du 06.12.2024 ( LCR ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 6 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______
contre
OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES
1. Monsieur A______, né le ______ 1981, ressortissant français, est titulaire d'un permis de conduire français pour la catégorie A, délivré le ______ 2013.
2. Il ressort du rapport de renseignements du 25 mai 2022, produit par l'office cantonal des véhicules (ci-après : l’OCV), que le 23 mai 2022 à 15h30, l’intéressé avait été impliqué dans un accident avec dégâts matériels à la B______ 1______, C______. Les faits constatés étaient les suivants : venant de la rue de Chêne-Bourgeries, l’intéressé, au volant de son motocycle, circulait sur la B______ en direction de la France. A la hauteur de la rue Jean-Pelletier, il n’était pas resté dans la file de véhicules et il avait remonté ladite file par la gauche afin de doubler le flux du trafic qui était à l’arrêt pour les besoins de la circulation. Ce faisant, à hauteur du n°1______ de la B______, il n’avait pas accordé la priorité à Madame D______, piétonne, laquelle était déjà engagée sur un passage prévu à cet effet afin de rejoindre la chaussée impaire. De ce fait, un choc avait eu lieu entre l’avant du motocycle de l’intéressé et le flanc gauche de Mme D______. Consécutivement à ce heurt, cette dernière avait chuté sur le sol, mais elle n’avait pas été blessée. Par ailleurs, un témoin avait confirmé les faits tels que décrits ci-dessus. Concernant M. A______, il n’avait pas été en mesure de présenter son permis de conduire ou un document officiel. Au sujet de son motocycle, il était apparu que son véhicule n’était pas admis à la circulation en l’état dans la mesure où la carte grise était barrée depuis la cession de l’engin, en date du 11 juillet 2020. L’ensemble de ces éléments avaient été par la suite vérifiés auprès du Centre de coopération policière et douanière, lequel avait confirmé la validité des documents non présentés.
3. Par courrier du 14 octobre 2022, adressé 2______ E______, F______, France, l’OCV a informé M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l'infraction à la circulation routière survenue le 23 mai 2022 à 15h30 et qu'une mesure administrative pourrait être prise à son encontre, indépendamment du prononcé d’une amende ou d'une autre sanction pénale.
Un délai de quinze jours ouvrables lui était imparti pour produire ses observations écrites.
4. M. A______ n’a pas transmis d’observations.
5. Par décision du 23 novembre 2022, envoyée en « courrier recommandé » à l'adresse 2______ E______, F______, France, l'OCV a fait interdiction à M. A______ de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse, pour une durée de trois mois au sens de l’art 16c al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1985 (LCR – RS 741.01). Il avait, le 23 mai 2022, à 15h30, sur la B______, en direction de la France, au guidon d'un motocycle, refusé la priorité à une piétonne qui était déjà engagée sur le passage piéton, heurté celle-ci qui avait chuté, alors qu'il remontait la file de véhicules à l'arrêt pour les besoins de la circulation par la gauche.
L'infraction était qualifiée de grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. a LCR.
L'intéressé ne pouvait pas justifier d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC) faisant apparaître deux avertissements prononcés par des décisions des 9 septembre 2015 et 22 novembre 2018. Il n'avait en outre pas justifié d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence.
La durée de l'interdiction était fixée du 18 janvier 2023 au 17 avril 2023, dates incluses.
Compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'OCV prononçait une mesure qui ne s'écartait pas du minimum légal.
6. Le pli a été retourné à l'OCV le 16 décembre 2022 avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
7. Le 19 décembre 2022, l'OCV a réexpédié à M. A______, cette fois par pli simple en « courrier A », son courrier du 23 novembre 2022.
8. Le 21 février 2023, à 14h55, lors d'un contrôle de circulation, l’intéressé a été contrôlé par la police au guidon de son scooter immatriculé (F) 7______ à la rue de Chantepoulet 9, à Genève, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction de circuler en Suisse depuis le 18 janvier 2023, pour une durée de trois mois.
9. Par courriel du 22 février 2023, M. A______ a transmis au service juridique de l'OCV une copie de son contrat d'électricité démontrant que lors de la notification de la décision du 23 novembre 2022 relative à son interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse, il n'habitait plus à l'adresse indiquée dans les courriers de l'OCV, soit : E______ 2______ F______, France.
A teneur du contrat annexé à son courriel, le liant à Q______, la date prévisionnelle de début de fourniture d'électricité était fixée au 9 juin 2022. L’adresse mentionnée était 3______ G______, H______, France.
10. Par courrier du 23 février 2023, adressé au 3______ G______ 3______, Apt 8______ – 1er étage, H______, France, l'OCV a accusé réception du courriel que lui avait adressé M. A______ la veille. Il a par ailleurs informé ce dernier que sa décision notifiée le 23 novembre 2022 lui était venue en retour du service postal avec la mention « avisé et non réclamé » et qu'elle lui avait par conséquent été retournée à la même adresse par pli simple, en « courrier A », le 19 décembre 2022.
Ainsi, la décision de l'OCV, valablement notifiée, était devenue définitive et exécutoire.
11. Le pli du 23 février 2023 a été retourné à l'OCV le 31 mars 2023 avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse ».
12. Entendu en qualité de prévenu le 28 février 2023 pour les faits qui lui étaient reprochés le 21 février 2023, M. A______ a déclaré qu'il n'avait jamais reçu le courrier du 23 novembre 2022 l'informant de l’interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse. Il avait changé d'adresse en juin 2022 et il n'avait jamais eu de nouvelles suite à l'accident de la circulation survenu le 23 mai 2022. A la demande de la police, il avait contacté l’OCV qui lui avait expliqué que la décision lui avait été envoyée par deux fois. Il n’avait cependant jamais rien reçu à sa nouvelle adresse.
A teneur du formulaire de situation personnelle et financière, l'intéressé était domicilié, I______ 4______, H______, France.
13. Par courrier du 31 mars 2023, envoyé par pli simple à l'adresse G______ 3______ H______, France, l'OCV a informé M. A______ que les faits du 21 février 2023 avaient été portés à sa connaissance par la police, les constatations des organes de polices pouvaient aboutir à une mesure administrative telle qu’un avertissement, un retrait de permis de conduire ou une interdiction de piloter un véhicule à moteur. Ces mesures étaient tout à fait indépendantes de l’amende ou d’une autre sanction pénale que les autorités judiciaires avaient compétence de prononcer.
Un délai de quinze jours lui était accordé pour produire ses observations.
14. Ce pli du 31 mars 2023 a été retourné à l'OCV le 28 avril 2023 avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse ».
Par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève du 5 juin 2023, notifiée le 8 juin 2023, à l’adresse : c/o J______, K______ 5______ L______, M. A______ a été condamné pour les faits du 21 septembre 2023, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 60.-, sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans, amende immédiate de CHF 480.-, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour conduite sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire (art. 95 al. 1 let. b LCR) et conduite sous défaut de permis de circulation ou de plaques de contrôle (art. 96 al. 1 let. a LCR). En fait, l’autorité de poursuite pénale a notamment retenu que, renseignements pris auprès de l'OCV, la décision d'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse prononcée à l'encontre de l'intéressé le 23 novembre 2022 qui lui avait été envoyée par pli recommandé à son domicile, lequel avait été retourné à l’OCV avec la mention « avisé et non réclamé », avant d’être renvoyé par pli simple au domicile de l’intéressé le 19 décembre 2022, lequel n’avait pas été renvoyé à son destinataire par la Poste.
L’intéressé n’ayant pas fait opposition à cette ordonnance pénale, elle est entrée en force.
15. Par décision du 6 novembre 2023, envoyée en « courrier recommandé » à M. A______, à l'adresse : I______ 4______, H______, France, l'OCV a prononcé à l'encontre de l'intéressé, en application de l'art. 16c LCR, une interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse d'une durée de douze mois, pour conduite d'un véhicule à moteur malgré une mesure d'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse, le 21 février 2023, à 14h55, sur la rue de Chantepoulet, au guidon d'un motocycle.
Il ne pouvait justifier d’une bonne réputation, le SIAC faisant apparaître deux avertissements prononcés par décisions des 9 septembre 2015 et 22 novembre 2018 et une interdiction de circuler sur le territoire suisse prononcée par décision du 23 novembre 2022 pour une durée de trois mois en raison d’une infraction grave, mesure dont l’exécution avait pris fin le 17 avril 2023.
Au sens de l’art. 16c al. 1 let. f LCR, il s’agissait d’une infraction grave aux règles de la circulation routière.
Selon l’art. 16c al. 2 let. c LCR, après une infraction grave, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire était retiré pour douze mois au minimum, si au cours des cinq années précédentes, le permis avait été retiré une fois en raison d’une infraction grave ou à deux reprises en raison d’infractions moyennement graves.
L’intéressé justifiait d’un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence selon laquelle la nécessité de disposer d’un véhicule à moteur était prise en compte lorsque la privation du droit de conduire interdisait tout exercice de la profession ou entraînait une perte de gain ou des frais si considérables que la mesure apparaissait comme manifestement disproportionnée.
Compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’autorité prononçait une mesure qui ne s’écartait pas du minimum légal.
La durée de l'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse a été fixée du 15 janvier 2024 au 14 janvier 2025.
16. En date du 7 décembre 2023, l’envoi précité a été retourné à l'OCV avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
17. Le 7 décembre 2023, M. A______ a pris contact par téléphone avec l'OCV. A cette occasion, il a informé cet office qu'il avait reçu un ordre d'huissier à l'adresse 4______ I______, H______, France.
18. Par courrier du 8 décembre 2023, l'OCV a réexpédié à M. A______, à la I______ 4______, H______, France, cette fois par pli simple en « courrier A » son envoi du 6 novembre 2023, en attirant son attention sur le fait que la notification de la décision du 6 novembre 2023 était intervenue à l'échéance du délai de garde.
19. Par courrier du 19 décembre 2023, M. A______ (ci-après : le recourant) a interjeté recours à l’encontre de la décision du 6 novembre 2023 lui faisant interdiction de faire usage de son permis de conduire sur le territoire suisse, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l'annulation de la décision querellée.
Suite à une erreur de la poste française, il n'avait pas été mis au courant de l'interdiction de circuler prononcée à son encontre le 23 novembre 2022.
Il était de bonne foi. Il ne se serait jamais permis de circuler sur territoire suisse s'il avait eu connaissance de cette interdiction. Il sollicitait l'indulgence de l'autorité ou un aménagement de la sanction. Il venait de trouver du travail après une période difficile. Son lieu de travail était excentré et ses horaires du matin compliqués, sans véhicule.
Il a produit, en annexe à son recours, une copie du contrat le liant à Q______ − faisant mention d'une date prévisionnelle de début de fourniture d'électricité le 9 juin 2022, avec mention de l'adresse, G______ 3______ H______, France.
20. Par courrier du 16 février 2024, l’OCV a fourni ses observations au tribunal, concluant au rejet du recours.
Le 1er septembre 2023, il avait pris connaissance de l'ordonnance pénale du Ministère public du 5 juin 2023, laquelle avait notamment déclaré M. A______ coupable de conduite sous retrait, refus ou interdiction du permis de conduire au sens de l'art. 95 al. 1 let. b LCR.
Par décision du 23 novembre 2022, valablement notifiée au recourant par pli recommandé, il avait prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée de trois mois, en application de l'art. 16c LCR.
M. A______ n'avait pas formé recours contre cette décision, ainsi, cette dernière était exécutoire du 18 janvier 2023 au 17 avril 2023, dates incluses.
Il ressortait de l'ordonnance pénale du 5 juin 2023 que l'intéressé avait circulé au volant de son motocycle de marque M______, immatriculé 6______/France, le 21 février 2023 aux environs de 14h55 à la hauteur du numéro 9 de la rue de Chantepoulet en direction du pont du Mont-Blanc. L'intéressé avait donc circulé sur le territoire suisse en dépit de la mesure prononcée à son encontre le 23 novembre 2022.
Pour le surplus, l'autorité ne s'était pas écartée du minimum légal applicable et l'ordonnance pénale précitée était désormais assimilée à un jugement entré en force.
L'OCV a également transmis le dossier complet de l'intéressé.
21. Le recourant a répliqué le 3 mars 2024, persistant intégralement dans les termes de son recours.
En annexe à son recours, il a fourni une attestation établie par Monsieur N______, directeur de la société O______ SA et du restaurant et traiteur P______, à teneur de laquelle M. A______ était effectivement employé depuis le 9 septembre 2023 en qualité de chef de cuisine, responsable de la production, de la distribution et de l'organisation du restaurant, ainsi que du service traiteur précité. Il donnait entière satisfaction depuis son entrée en service. Le permis de conduire dont il était titulaire et son véhicule privé « relevaient d'un point capital » dans le cadre de son activité professionnelle quotidienne aux motifs, d'une part, qu'il était amené à livrer des services traiteur au moyen de son véhicule et, d'autre part, qu'il débutait son activité chaque matin vers 05h45, voire plus tôt lorsque cela était nécessaire. L'interdiction de circuler prononcée à l'encontre de M. A______ était susceptible de mettre à mal la collaboration de ce dernier au sein de son entreprise.
22. Invité à dupliquer, l'OCV, par courrier du 12 mars 2024, a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 ss LPA.
3. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).
4. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole les principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).
5. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).
6. Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).
7. Pour déterminer la durée et s’il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).
8. En vertu de l’art. 16c al. 1 let. f LCR, commet une infraction grave, sans égard aux circonstances dans lesquelles celle-ci a été commise (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2), la personne qui conduit un véhicule automobile alors que le permis de conduire lui a été retiré.
9. Après une infraction grave, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour douze mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d’une infraction grave ou à deux reprises en raison d’infractions moyennement graves (art. 16c al. 2 let. c LCR).
10. Selon l'art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur, ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. Cette dernière règle, qui rend incompressibles les durées minimales de retrait des permis, s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte des besoins professionnels - ou autres - particuliers du conducteur ; le législateur a en effet entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l'ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3 ; 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.5).
11. À teneur de l'art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), conclue à Vienne le 8 novembre 1968, entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 9 décembre 1971, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international, dont il est titulaire.
12. Le droit suisse prévoit que l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 OAC ; cf. ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b).
13. Les règles et principes énoncés ci-dessus sont donc applicables mutatis mutandis à l'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger, notamment français, sur le territoire suisse.
14. En l'espèce, le recourant allègue qu'il n’a jamais reçu la décision du 23 novembre 2022 prononcée par l’OCV, lui faisant interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée de trois mois, valable du 18 janvier 2023 au 17 avril 2023, dates incluses. Ainsi, s’il avait été au courant de cette interdiction, il n'aurait pas circulé en Suisse le 21 février 2023, de sorte que l’infraction en question ne pouvait lui être reprochée.
15. Selon l'art. 62 al. 4 LPA, la décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution.
16. La notification d’un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, n. 2.2.8.3 p. 302 s). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b). Celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées). Un envoi est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement (ATA/378/2014 précité consid. 3b).
17. La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; ATA 130 III 396 consid. 1.2.3)
18. Selon une jurisprudence bien établie, les communications des autorités sont soumises au principe de la réception. Il suffit qu'elles soient placées dans la sphère de puissance de leur destinataire et que celui-ci soit à même d'en prendre connaissance pour admettre qu'elles ont été valablement notifiées (arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2018 du 7 mars 2019 consid. 7. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édit. 2018, n° 1570 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n° 297 ad art. 17 LPA; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 352). Il n'est donc pas nécessaire que le destinataire ait personnellement en main la décision en cause, encore moins qu'il en prenne effectivement connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 p. 603; 109 Ia 15 consid. 4 p. 18).
19. Lorsque le destinataire d'un envoi recommandé n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, cet envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas lieu dans le délai de garde de sept jours, il est réputé notifié le dernier jour de ce délai (ATF 134 V 49 consid. 4 p. 51; 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2011 du 26 mai 2011).
20. En France, le système de distribution des plis recommandés est similaire au système postal helvétique. En effet, les « Conditions spécifiques de vente applicables à la Lettre recommandée nationale et à la lettre recommandée internationale de La Poste (VERSION NUMERO 18 DU 01/01/2023) » stipule, à son art. 8.2, qu’en cas d’impossibilité de remettre une lettre recommandée nationale contre signature de son destinataire ou de son mandataire, un avis de passage est déposé par le préposé à la distribution dans la boite aux lettres du destinataire, et la lettre recommandée est mise en instance pour une durée de quinze jours calendaires courant à compter du lendemain de la première présentation.
21. Cette fiction de notification ne s’applique cependant que si son destinataire devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication des autorités, ce qui est le cas chaque fois qu’il est partie à une procédure pendante (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 ; 137 III 208 consid. 3.1.2). Elle suppose en outre que l’avis de retrait a été déposé dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire et qu’il soit arrivé par conséquent dans sa sphère privée (ATF 116 III 59 consid. 1b).
22. D’une manière générale, l’administré, lorsqu’il doit s’attendre à recevoir une décision, doit prendre des dispositions pour faire en sorte d’être atteint. Tel n’est pas le cas de celui qui, dans cette situation, part en vacances sans prendre de dispositions pour avertir l’autorité de son absence, ou pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de sept jours (ATF 134 V 49 consid. 4). C’est seulement en l’absence d’un empêchement non fautif du destinataire de la décision que la notification de celle-ci ne déploie pas ses effets ou que ceux-ci sont reportés (ATA/1032/2023 précité consid. 2.2.2).
23. Ainsi, celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle, s'il devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015 p. 510).
24. En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire est liée par les constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 137 I 363 consid. 2.3.2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_470/2019 du 31 janvier 2020 consid. 5.1.2 ; 1C_611/2018 du 18 avril 2019 consid. 2.2 ; 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_30/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1).
25. Tout en rappelant que l’autorité administrative n’est pas liée par le jugement pénal pour les questions de droit, en particulier pour l’appréciation de la faute, le Tribunal fédéral a précisé que malgré son indépendance, l’autorité administrative se doit d’éviter le plus possible des décisions contradictoires, ce qui requiert qu’elle se rattache à l’appréciation du juge pénal si celle-ci est soutenable, même si elle-même aurait apprécié la faute différemment (arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2012 du 15 janvier 2015).
26. En l’espèce, conformément à la loi et à la jurisprudence rappelées ci-dessus, le pli recommandé du 23 novembre 2022, n’ayant pas été retiré dans le délai de garde, celui-ci est réputé avoir été notifié au recourant à l’échéance du délai de garde, la fiction de la notification lui étant opposable.
Par ailleurs, à teneur du dossier transmis au tribunal, après l'accident du 23 mai 2022, le recourant a été informé par courrier de l’OCV du 14 octobre 2022, envoyé à l’adresse indiquée dans la demande de renseignements de l’OCV du 25 mai 2022 à la police, qu’une mesure administrative pourrait être prononcé à son encontre et qu’il pouvait exercer son droit d’être entendu par écrit, ce qu’il n’a pas fait. Ce courrier n’a pas été renvoyé à l’OCV. Il s'en suit que le recourant ne pouvait ignorer, qu'en sus des possibles conséquences pénales, une procédure administrative serait vraisemblablement ouverte à son encontre, étant encore relevé que le recourant avait déjà fait l'objet de deux avertissements en 2015 et 2018. Partant, il devait s’attendre, avec une vraisemblance certaine, à recevoir une communication des autorités et devait en conséquence prendre des dispositions pour faire en sorte d’être atteint, ce qu'il n'a pas fait.
Ainsi, il y a lieu de considérer que c’est à juste titre que l’OCV a retenu que le recourant ne s’est pas soumis à l'interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse le 21 février 2023 et que, ce faisant, il a commis une infraction grave (art. 16c al. 1 let. f LCR), étant encore relevé que, si le recourant estimait qu'il n'aurait pas dû être condamné pour ces faits, il lui revenait de faire opposition à l'ordonnance pénale du 5 juin 2023, ce qu'il n'a pas fait.
Dans ces conditions, compte tenu des antécédents du recourant, la mesure prononcée par l’OCV, qui correspond à la durée minimale incompressible prescrite par l’art. 16c al. 2 let. c LCR, soit douze mois, est conforme au droit et à la jurisprudence précités. Liée par cette durée, l’autorité a correctement appliqué la loi et n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation.
Le même raisonnement s'applique s'agissant des besoins professionnels invoqués par le recourant qui ne peuvent ainsi pas être pris en compte.
Dès lors, sa décision ne peut être que confirmée.
27. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 19 décembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 6 novembre 2023 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |