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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3685/2024

JTAPI/1147/2024 du 22.11.2024 ( MC ) , ADMIS

PARTIELMNT ADMIS par ATA/1459/2024

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER;JONCTION DE CAUSES
Normes : LEI.80.al6; LPA.70
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3685/2024 MC et A/3756/2024 MC

JTAPI/1147/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1981, aussi connu sous d'autres identités, notamment celle de B______, est ressortissant de Sierra Leone. Il est démuni de document d'identité.

2.             L'intéressé a déposé deux demandes d'asile en Suisse (en 1999 et en 2011), lesquelles ont fait l'objet de décisions de non-entrée en matière et de renvoi du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM). Dans le cadre de ces procédures, il a été attribué au canton de Berne. L'intéressé a par ailleurs fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, notifiée le 24 novembre 2016 et valable jusqu'au 22 septembre 2019.

3.             A teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, M. A______ a été condamné à six reprises entre le 17 septembre 2014 et le 12 mai 2022, pour entrée et séjour illégaux, exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI − RS 142.20), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP − 311.0), délit et crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup − RS 812.121) et rupture de ban (art. 291 al. 1 CP). Le Tribunal de police de Genève a ordonné, le 25 janvier 2019, son expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans (art. 66a CP), mesure d'expulsion que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter par décision du 9 mars 2020.

4.             La mesure d'expulsion prononcée à l'encontre de M. A______ a été mise en œuvre le 9 mars 2020, date à laquelle il a été remis aux autorités portugaises dans le cadre de la procédure d'extradition dont il faisait l'objet.

5.             Dès 2019, une demande de soutien à l'exécution du renvoi a été initiée auprès du SEM. En décembre 2019, M. A______ a été présenté à une délégation de Guinée, laquelle ne l'a pas reconnu comme étant un ressortissant de cet État. En février 2020, il n'a pas non plus été reconnu par la délégation de Sierra Leone, à laquelle il avait été présenté. Par ailleurs, sa remise aux autorités portugaises − qui avaient requis son extradition − avait été effectuée avant la date fixée pour les auditions centralisées menées par une délégation du Mali.

Le SEM avait prévu de poursuivre le processus visant à l'identification de M. A______ en le présentant aux délégations de Sierra Leone, du Mali et de la Guinée.

6.             Le 15 février 2024, M. A______ a, à nouveau, été arrêté par les forces de l'ordre genevoises. Entendu par les enquêteurs, il a notamment indiqué n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, aucun lien particulier avec ce pays, ni aucune source légale de revenu. Il a par ailleurs déclaré : « Je sais que je n'ai pas le droit d'être en Suisse. Cela fait longtemps que je suis là du coup je ne veux pas partir ». Il a été maintenu en arrestation provisoire.

7.             Par jugement du 28 mai 2024, le Tribunal de police a condamné M. A______ pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, sous déduction de 104 jours de détention avant jugement, et a ordonné sa libération immédiate.

8.             L'intéressé a été remis le même jour entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

9.             Le 28 mai 2024 à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois. Il ressortait des informations transmises par le SEM le 28 mai 2024 que les auditions centralisées menées par une délégation de Sierra Leone auraient lieu les 17 et 18 juin 2024 et que la convocation officielle de l'intéressé serait envoyée à la fin de la semaine en cours.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Sierra Leone.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.         Entendu le 30 mai 2024 par le tribunal, M. A______ a répété qu'il s’opposait à son renvoi en Sierra Leone. Il a confirmé être originaire de ce pays. Il n’avait toutefois pas de document d’identité. Il avait bien compris qu'il n’était pas autorisé à demeurer en Suisse. Il n’avait jamais été au bénéfice de papiers d’identité et n’avait jamais eu de nationalité officielle. Il n'était jamais allé au Mali et n'avait aucun lien dans ce pays. Il avait appris le français à Genève. S'il était libéré, il quitterait la Suisse pour se rendre au Portugal.

La représentante du commissaire de police a confirmé que M. A______ avait déjà été entendu par une délégation de Guinée en 2019, laquelle ne l'avait pas reconnu comme un ressortissant de cet Etat. En février 2020, il n'avait pas non plus été reconnu par la délégation de Sierra Leone à laquelle il avait été présenté. Compte tenu des affirmations de l’intéressé, le SEM avait considéré utile de le représenter à une délégation de Sierra Leone. Elle confirmait à ce sujet qu’il devait être auditionné entre le 17 et le 18 juin 2024. Le commissaire de police demeurait en effet dans l’attente d’une convocation officielle en fin de semaine. Si l’audition devant les autorités du Sierra Leone ne permettait pas d’affirmer qu’il était ressortissant de ce pays, une audition auprès d’une délégation du Mali, voire de Guinée serait également envisagée.

12.         Par jugement du 31 mai 2024 (JTAPI/533/2024), le tribunal a confirmé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 28 juillet 2024.

13.         Le 24 juin 2024, le SEM a informé le commissaire de police que M. A______ avait participé aux auditions centralisées du 17 juin 2024, mais que selon la délégation sierra-léonaise, le dossier devait être considéré comme « un cas à vérifier ». Le SEM était désormais dans l'attente de la communication des autorités sierra-léonaises qui confirmerait ou non la nationalité sierra-léonaise de l'intéressé.

14.         Par requête du 15 juillet 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois.

15.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 23 juillet 2024, M. A______ a déclaré qu'il était ressortissant de Sierra Leone. Il y avait vécu lorsqu'il était enfant. Cela faisait longtemps qu'il avait quitté la Sierra Leone, mais il ne savait plus quand. Il avait quitté son pays seul pour le Mali, la Guinée, la Lybie et l’Italie. Depuis l’Italie, il était venu directement en Suisse. Il était arrivé en Suisse en 1999 et était ensuite parti au Portugal, avant de revenir en Suisse, en 2011. Jusqu’à son extradition au Portugal, il était toujours resté en Suisse. Il n’avait pas d’autre nationalité que celle de Sierra Leone. Il n’avait jamais eu de passeport de Sierra Leone. Il n'était pas d’accord de faire des démarches personnelles pour en obtenir un, jamais. Il n'était pas d’accord de retourner en Sierra Leone, pays qu’il ne connaissait pas. Par contre, il était d’accord de quitter la Suisse pour un autre pays en Europe, malgré le fait qu’il ne possédait aucun titre de séjour dans un pays européen.

La représentante de l'OCPM a indiqué que les autorités suisses n’avaient toujours pas reçu de retour de la part des autorités de Sierra Leone. Comme déjà expliqué précédemment, elles n’excluaient pas de soumettre M. A______ à la délégation malienne, voire guinéenne et d’investiguer de ce côté-là. Elles attendaient toutefois une réponse de la part des autorités de Sierra Leone pour entamer ces démarches. Elle a conclu à ce que la détention de M. A______ soit prolongée jusqu’au 28 novembre 2024.

Le conseil de l'intéressé a conclu à la levée immédiate de la détention de son client, subsidiairement, à son assignation dans un centre d’hébergement d’urgence avec obligation de se présenter au poste de police le plus proche, encore plus subsidiairement, à ce que la prolongation de sa détention ne soit pas ordonnée pour plus de trente jours.

16.         Par jugement du 23 juillet 2024 (JTAPI/727/2024) le tribunal a prolongé la détention administrative demandée par le commissaire de police le 15 juillet 2024 à l’encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 28 novembre 2024, inclus.

17.         Par requête du 6 novembre 2024, M. A______ a sollicité sa mise en liberté. La durée de sa détention était disproportionnée et injuste. Dès sa requête accordée, il s'engageait à quitter le territoire suisse.

18.         M. A______ a été convoqué aux fins d'être entendu, assisté de son conseil, par le tribunal, le 12 novembre 2024.

19.         Lors de cette audience, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 28 mars 2025 et a déposé une requête motivée.

Vu la prolongation de la détention administrative sollicitée par l'OCPM, les parties ont sollicité du tribunal la jonction des causes. Après s'être entretenu avec son conseil, M. A______ a déclaré qu'il acceptait que sa demande de mise en liberté soit examinée, non pas le jour-même [le 12 novembre 2024], mais la semaine suivante [semaine du 18 novembre 2024], en même temps que la demande de prolongation de la détention administrative.

20.         Le 12 novembre 2024, le tribunal a donc informé les parties que cette demande de prolongation, ouverte sous le n° de cause A/3756/2024, serait examinée conjointement avec la demande de mise en liberté ouverte sous le n° de cause A/3685/2024.

A l’appui de sa demande, l’OCPM a notamment indiqué que le SEM l'avait informé que M. A______ n’avait pas été reconnu par la délégation malienne et que celle-ci avait suggéré de le présenter à des représentants de la Guinée Conakry. L’intéressé était prévu pour une prochaine audition centralisée avec les autorités guinéennes, qui aurait lieu au cours du premier semestre 2025.

21.         Lors de sa comparution le 19 novembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a confirmé qu'il avait accepté, lors de l'audience du 12 novembre 2024, que la demande de mise en liberté qu'il avait formée soit traitée ce jour, en même temps que la demande de prolongation de la détention administrative dont il faisait l'objet.

Il maintenait sa demande de mise en liberté. Il voulait quitter la Suisse pour aller au Portugal. Sur question du tribunal, il a répondu qu'il n'avait pas de titre de séjour dans cet État. Il avait été extradé au Portugal car, selon les autorités portugaises, il avait présenté un faux document d'identité.

Sur question du tribunal, il a confirmé être Sierra-léonais. Il s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine, car il n'y avait aucune attache. C'était un pays en guerre. Il comprenait néanmoins que son renvoi ne pouvait pas être exécuté s'il n'était pas reconnu par son État d'origine. Il n'était pas ressortissant du Mali. Il n'y avait aucun intérêt à ce qu'il fût présenté une nouvelle fois aux autorités guinéennes dans la mesure où la Guinée ne l'avait pas reconnu. Il avait collaboré en se présentant aux autorités sierra-léonaises en juin 2024. Depuis cette audition, les autorités sierra-léonaises n'avaient donné aucune nouvelle. Il n'allait pas attendre 2026, date de la prochaine audition possible selon le SEM, pour être identifié. Il devait être libéré.

Interrogé sur la raison qui l'empêchait de prendre contact avec la mission permanente de Sierra Leone à Genève en vue d'obtenir un laissez-passer, il a répondu qu'ils [les autorités sierra-léonaises] ne l'avaient pas reconnu. Après lui avoir fait remarquer que sa réponse était inexacte puisqu'il savait son cas être en cours de vérification, il a répondu qu'ils [les autorités sierra-léonaises] n'avaient aucune preuve. Il n'avait ni passeport ni permis.

Il a confirmé n'avoir aucune attache en Suisse. Il voulait se rendre au Portugal où il n'avait ni famille ni ami. Il y chercherait du travail. Sur question du tribunal, il a déclaré que sa maman et sa petite-sœur vivaient en Sierra Leone. Il n'avait pas eu de leurs nouvelles depuis longtemps.

Sur question du tribunal qui lui a demandé s'il avait donné ces informations concernant sa mère et sa petite-sœur aux autorités sierra-léonaises, il a répondu, avec l'aide de conseil, qu'il avait donné toutes les informations utiles aux autorités sierra-léonaises lors de son audition. Les autorités de Sierra Leone refusaient pourtant de répondre et il ne pouvait rien y faire. Sur ce point, le tribunal lui a fait remarquer que ni l'autorité judiciaire ni l'OCPM n'avaient eu accès au procès-verbal de son audition centralisée.

La représentante de l’OCPM a indiqué que, comme cela ressortait du dossier, le cas de l'intéressé était en cours de vérification et que l'OCPM n'avait pas eu de nouvelles à ce jour. Sur question du tribunal qui lui a demandé si un courrier ou un courriel de relance avait été adressé aux autorités sierra-léonaises, elle a répondu que le SEM était tributaire de l'autorité étrangère. Si un courrier ou un courriel avait été envoyé, il aurait certainement été versé au dossier. Cela étant, de nombreux contacts avec les autorités étrangères avaient lieu par téléphone et par la voie diplomatique. M. A______ avait certes collaboré en juin dernier. Il était cependant relevé, qu'à cette date, il se trouvait en détention administrative. Il était bien évidemment loisible à l'intéressé de prendre contact avec la mission sierra-léonaise à Genève afin de solliciter un laissez-passer dans le cadre d'un départ volontaire.

Le conseil de l’intéressé a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client et au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative.

Le représentant de l'OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté de M. A______ et à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative de l'intéressé, déposée le 12 novembre 2024, pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 28 mars 2025.

EN DROIT

1.            Le tribunal est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

3.            Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

4.            En l'espèce, la demande de levée de détention administrative formée par M. A______ le 6 novembre 2024, inscrite sous le numéro de cause n° A/3685/2024, est recevable. Avec l'accord des parties, le délai légal, échéant le 18 novembre 2024, a été reporté au 20 novembre 2024. Statuant ce jour, la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal.

5.            De même, le tribunal est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 7 al. 4 let. e LaLEtr).

6.            S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l'expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLETr).

7.            En l'occurrence, le 12 novembre 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______, pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 28 mars 2025. Cette demande a été enregistrée sous le numéro de cause n° A/3756/2024.

8.            Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLETr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger.

9.            Selon l’art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

10.        En l'occurrence, les causes A/3685/2024 et A/3756/2024 se rapportant à un complexe de faits connexes et opposant les mêmes parties, leur jonction sous la cause A/3685/2024 sera ordonnée.

11.        Le tribunal examinera, en premier lieu, la demande de mise en liberté formée par le contraint.

12.        Selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention administrative d'une personne étrangère devant quitter le territoire suisse doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1; arrêt 2C_216/2023 du 22 juin 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible, respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1; 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1; 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1; 2C_634/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1; arrêt 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités).  

13.        La détention administrative peut également être levée si la demande de levée de la détention est admise, ce qui suppose, dans ce cas, que les conditions de la détention ne sont plus remplies que ce soient sous l'angle de la légalité au sens strict ou de la proportionnalité.

14.        En l'espèce, M. A______ ne conteste pas, à juste titre, que les conditions de sa détention, sous l'angle de la légalité au sens strict, ne seraient plus remplies. Comme l'a développé le tribunal dans ses jugements des 31 mai 2024 et 23 juillet 2024 (JTAPI/533/2024 et JTAPI/727/2024), la détention administrative repose sur une base légale, l'intéressé ne respectant pas la mesure d'expulsion pénale prononcée à son encontre et refusant de collaborer à son renvoi. Le risque de fuite demeure réel et concret et l'assurance de son départ effectif de Suisse continue de répondre à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations, ce qui n'est d'ailleurs pas remis en cause.

15.        L'intéressé prétend que sa détention ne serait plus proportionnée vu l'absence de réponse des autorités sierra-léonaises depuis son audition le 17 juin 2024 et le manque de diligence des autorités helvétiques dans le suivi de son dossier. Le principe de proportionnalité serait d'autant plus violé qu'une nouvelle audition centralisée avec les autorités sierra-léonaises ne serait envisagée avant 2026.

16.        Le principe de proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) se compose des règles d’aptitude ‑ qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité ‑ qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés ‑ et de proportionnalité au sens étroit ‑ qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

17.        Les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s’agit d’une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a).

18.        Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n’entreprennent aucune démarche en vue de l’exécution du renvoi ou de l’expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

19.        En l'occurrence, c’est à tort que M. A______ reproche aux autorités de ne pas avoir fait preuve de diligence ou de célérité dans le traitement de la procédure de renvoi. Dès 2019, année de l’entrée en force de la mesure d'expulsion judiciaire prononcée à son encontre, les autorités genevoises ont en effet adressé au SEM une demande de soutien à l'exécution de son renvoi. L’exécution du renvoi nécessitant l’identification préalable de M. A______, ou à tout le moins la détermination de son pays d’origine, il avait été présenté en décembre 2019 à une délégation de Guinée, laquelle ne l'avait pas reconnu comme un ressortissant de cet État. En avril 2020, il n'avait pas non plus été reconnu par la délégation de Sierra Leone à laquelle il avait été présenté. Par ailleurs, sa remise aux autorités portugaises – qui avaient requis son extradition− était intervenue avant la date fixée pour les auditions centralisées menées par une délégation du Mali. Le 17 juin 2024, soit moins de trois semaines après sa mise en détention administrative le 28 mai 2024, l'intéressé a été présenté aux auditions centralisées menées par une délégation de la Sierra Leone, laquelle avait ensuite informé le SEM que le dossier de l'intéressé était un « un cas à vérifier ». Le 1er novembre 2024, l'intéressé avait été présenté aux auditions centralisées menées par une délégation malienne. Le 7 novembre 2024, le SEM a informé l'OCPM que M. A______ n'avait pas été reconnu par la délégation malienne et que celle-ci suggérait de le présenter à des représentants de la Guinée Conakry lors de la prochaine audition centralisée avec les autorités guinéennes ayant lieu au cours du premier semestre 2025.

Le fait, qu’à ce jour, aucune des délégations susmentionnées, pas même celle de Sierra Leone, n’ait pu identifier l'intéressé ne saurait être imputé aux autorités suisses vu les démarches effectivement entreprises et non contestées par l'intéressé, étant relevé que si plusieurs délégations ont été sollicitées, c'est en raison du comportement de l'intéressé qui a parfois donné aux autorités suisses des informations contradictoires sur son pays d'origine. L'absence de réponse des autorités sierra-léonaises depuis son audition le 17 juin 2024 est certes long, mais il n'est pas inhabituel.

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être reproché aux autorités suisses d'avoir manqué de diligence dans leurs efforts en vue d’exécuter le renvoi.

20.        La détention doit être levée notamment si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l’attente de l’expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d’éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l’art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1). Les raisons juridiques ou matérielles empêchant l’exécution du renvoi ou l’expulsion doivent être importantes (« triftige Gründe »).

21.        L’exécution du renvoi doit être qualifiée d’impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l’identité et la nationalité de l’étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus avec la collaboration de ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références). Tel est par exemple le cas lorsqu’un État refuse explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre certains de ses ressortissants (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_768/2020 du 21 octobre 2020 consid. 5.1). Le facteur décisif est de savoir si l’exécution de la mesure d’éloignement semble possible dans un délai prévisible ou du moins raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_955/2020 précité consid. 5.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

22.        Le manque de coopération de la personne concernée ne constitue pas une impossibilité à l’exécution du renvoi au sens de la jurisprudence, laquelle n’admet une impossibilité au renvoi au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI que lorsque celui-ci s’avère pratiquement exclu malgré la collaboration de la personne concernée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2023 du 27 juillet 2023 consid. 4.2.2). Il serait d’ailleurs contradictoire qu’un défaut de collaboration pouvant constituer un autre motif de détention de l’intéressé (not. la détention pour insoumission de l’art. 78 al. 1 LEI), puisse conduire à une libération au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_898/2017 du 2 février 2018 consid. 4.1). Par définition, les mesures de contrainte en vue du renvoi sont destinées à s’appliquer aux personnes qui s’y opposent par tous les moyens (arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2023 précité consid. 4.2.2).

23.        En l’occurrence, l'intéressé ne peut être suivi lorsqu'il soutient que la responsabilité des démarches en vue de son renvoi repose exclusivement sur les autorités, notamment suisses. A teneur de la jurisprudence précitée, il peut être tenu compte de l'absence de collaboration de l'étranger.

La possibilité de procéder au refoulement de l'intéressé n'est ni inexistante ni hautement improbable et purement théorique. En effet, l'intéressé, qui a confirmé être originaire de Sierra Leone, où vivent encore deux membres de sa famille, n'a pas démontré avoir entrepris la moins démarche en vue de son identification. En particulier, il n'a pas pris contact, même téléphoniquement, avec la mission permanente de Sierra Leone à Genève en vue de solliciter la délivrance d'un laissez-passer dans le cadre d'un départ volontaire. Il sera retenu que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, celui-ci n'a ni collaboré ni encore moins accompli tous les actes qui pouvaient être attendus de sa part pour favoriser son identification et donc son renvoi, mettant par là-même fin à sa détention administrative.

Compte tenu de ce qui précède, aucune des conditions prévues à l'art. 80 al. 6 LEI au sujet des motifs d'une levée de la détention ne sont réalisés.

24.        Partant, la demande de mise en liberté sera rejetée.

25.        Il convient d'examiner la demande tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______, pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 28 mars 2025

26.        S'agissant de la question de la légalité de la détention de M. A______, comme l'a développé le tribunal ci-dessus, l’assurance du départ effectif de de l'intéressé répond toujours à un intérêt public et aucune autre mesure moins incisive ne peut être envisagée pour garantir sa présence jusqu’à l’exécution de son refoulement, ce d’autant plus qu’il se déclare toujours fermement opposé à un quelconque retour dans son pays. Sa situation personnelle est inchangée. Il n'a ni attache, ni revenu, ni logement en Suisse. Ses maigres économies sont insuffisantes. Comme cela le lui avait déjà été rappelé, il ne lui est pas loisible de choisir lui-même son lieu de destination, en l'occurrence, le Portugal, où il n'a au demeurant, ni titre de séjour, ni attache, ni famille ou emploi.

27.        Selon l’art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

28.        En l'espèce, l'intéressé est détenu administrativement depuis le 28 mai 2024, de sorte que la durée de la détention administrative admissible en vertu de l'art. 79 LEI n'est de loin pas atteinte. Elle ne le serait pas non plus à l'issue de la prolongation de quatre mois sollicitée par l'OCPM, étant observé, au demeurant, que compte tenu de l'absence de coopération de l’intéressé, sa détention pourrait se prolonger jusqu'à dix-huit mois en application de l'art. 79 al. 2 let. a LEI.

29.        Le contraint se plaint d'une violation du principe de proportionnalité.

30.        Comme l'a retenu le tribunal au moment d'examiner la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, aucune violation du devoir de diligence ne saurait être reprochée aux autorités helvétiques, les démarches entreprises en vue d’exécuter le renvoi de M. A______ continuant à être effectuées avec diligence et célérité puisqu'une réponse des autorités sierra-léonaises est attendue prochainement et que l’intéressé sera présenté à la prochaine audition devant les autorités guinéennes au cours du premier semestre 2025.

La prochaine audition centralisée menée par une délégation sierra-léonaise aura lieu en 2026. Ce délai est certes long, étant toutefois rappelé que ces entretiens ne sont organisés que tous les deux ans. Cela étant, à ce stade, le cas de l'intéressé étant en cours de vérification, rien ne permet d'affirmer qu'il devra être une nouvelle fois entendu par les autorités sierra-léonaises, dont la réponse reste attendue.

Aussi, au vu des démarches en cours et de celles annoncées, la durée de détention de quatre mois apparaît proportionnée et sera ainsi confirmée.

31.        Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 28 mars 2025.

32.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             ordonne la jonction des causes A/3685/2024 et A/3756/2024 sous la cause A/3685/2024 ;

2.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 6 novembre 2024 par Monsieur A______ ;

3.             la rejette ;

4.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 12 novembre 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

5.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 28 mars 2025 ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

 

 

 

Genève, le

 

La greffière