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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3653/2024

JTAPI/1096/2024 du 07.11.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);LÉGALITÉ;ADÉQUATION;PROCÉDURE ÉCRITE
Normes : LEI.76a.al1; LEI.76a.al2; LEI.80a.al3; Règlement Dublin III.28.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3653/2024 MC

JTAPI/1096/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Patrick MOUTTET, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, est ressortissant libyen.

2.             Selon l'extrait de son casier judiciaire du 17 octobre 2024, il a été condamné :

-          le 12 juillet 2023, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 30.-, et à une amende de CHF 500.-, pour entrée et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. a LStup) ;

-          le 25 octobre 2023, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 30.-, et à une amende de CHF 500.-, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. a LStup) ;

-          le 2 avril 2024, par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 60 jours, et à une amende de CHF 700.-, pour vol (art. 139 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a ch. a LStup).

3.             Le 13 janvier 2024, le commissaire de police a prononcé à son encontre une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois (art 119 LEI). Cette mesure a été confirmée le 20 février 2024 par arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après : la Chambre administrative).

4.             Le 26 juillet 2024, M. A______ a été arrêté par les services de police à la rue des Grottes à Genève, et prévenu d'infraction à l'art 115 LEI. Entendu par la police il a expliqué être démuni de documents d'identité, vivre à Genève grâce à l'aide sociale, résider dans divers foyers, être suivi par un psychiatre et n'avoir pas de liens particuliers avec Genève. Cette procédure est toujours en cours auprès du Tribunal de police.

5.             M. A______ a été incarcéré le lendemain, à la prison de Champ-Dollon dans le but d'exécuter plusieurs écrous.

6.             La consultation en date du 9 août 2024 de la base de données centrale de l'Union européenne où sont collectées les empreintes digitales des personnes relevant de la législation sur l'asile "EURODAC" a permis de confirmer que M. A______ avait déposé le 20 août 2014 une demande d'asile en Croatie, le 18 août 2017 une demande d'asile aux Pays-Bas, et le 6 février 2018 une demande d'asile en Allemagne.

7.             Le même jour, il a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin.

8.             Le 12 août 2024, le SEM a soumis une requête aux fins de l'admission de M. A______ aux autorités croates, conformément à l'art. 18 al. 1 let. b du Règlement Dublin.

9.             Le 10 septembre 2024, les autorités croates ont accepté l'admission de M. A______ sur leur territoire en vertu de l'art. 20 al. 5 du Règlement Dublin.

10.         Le 11 septembre 2024, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a rendu à rencontre de l'intéressé une décision de renvoi au sens de l'art. 64a al. 1 LEI, entrée en force, et a chargé le canton de Genève d'exécuter sa décision en procédant au refoulement de M. A______ à destination de la Croatie.

11.         Le 17 octobre 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 23 octobre 2024.

12.         Le 23 octobre 2024, M. A______ a été libéré de détention pénale et remis aux services de police.

13.         Les démarches en vue de l'exécution du renvoi de l'intéressé en Croatie, selon les modalités de la décision du SEM du 11 septembre 2024, ont été entreprises le 18 octobre 2024 par l'inscription de l'intéressé sur un vol spécial.

14.         Le 23 octobre 2024, à 09h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

15.         Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour en Croatie. Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 09h00.

16.         Par requête du 1er novembre 2024, reçue le 4 novembre à 9h10, M. A______ a déposé une demande d'examen de la légalité et de l'adéquation de la détention administrative.

17.         A réception de l’ordre de mise en détention, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) a invité le conseil de M. A______, à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 5 novembre 2024 à 18h00.

18.         Invité à se déterminer sur cette demande d'ici au 5 novembre 2024 à 18h00, le commissaire de police a, par courriel du 4 novembre 2024 à 15h33, indiqué que les vols spéciaux étaient les seuls vols possibles s'agissant des transferts, au sens des Accords Dublin, à destination de la Croatie, étant précisé qu'il demeurait dans l'attente de la confirmation du vol réservé le 18 octobre 2024. Il a par ailleurs transmis au tribunal le certificat médical délivré par OSEARA le 29 octobre 2024 d'où il ressort que M. A______ peut voyager sans accompagnement ni assistance.

19.         Par courriel adressé au tribunal le 5 novembre 2024 à 17h06, le conseil de M. A______ a conclu principalement, à la libération immédiate de son client, subsidiairement à sa libération immédiate avec mesures de substitution consistant en l'assignation à un territoire et/ou en l'obligation de se présenter quotidiennement aux autorités jusqu'à la date de son départ.

Bien que sa condamnation pour un crime figurait à son dossier, M. A______ contestait adopter un comportement permettant de conclure qu'il refusait d'obtempérer aux instructions des autorités suisses et la décision entreprise ne l'expliquait pas.

Le principe de proportionnalité était violé. Il avait accepté son renvoi en Croatie et était d'accord de se voir assigner à une zone géographique en attendant la concrétisation de son départ. Il était également disposé à se présenter quotidiennement auprès des autorités. Possédant son cercle social à Genève, se rendant régulièrement à l'association le B______, il n'y avait pas de risque de fuite.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l'art. 80a al. 3 LEI, la légalité et l'adéquation de la détention ordonnée dans le cadre d'une procédure Dublin sont examinées, sur demande de la personne détenue, par une autorité judiciaire au terme d'une procédure écrite. Cet examen pouvant être demandé à tout moment.

3.             La LaLEtr, qui n'a pas été mise en jour suite à l'adoption et l'entrée en vigueur des art. 76a et 80a LEI, ne définit pas la compétence et ne détermine pas la procédure applicable dans les cas de figure envisagés par ces dispositions. Il ne fait néanmoins pas de doute que la compétence du tribunal est donnée s'agissant des demandes formées par les personnes détenues sur la base de l'art. 76a LEI
(cf. not. 
JTAPI/817/2021 du 20 août 2021 confirmé par ATA/903/2021 du 3 septembre 2021; JTAPI/1004/2020 du 19 novembre 2020 confirmé par ATA/1252/2020 du 8 décembre 2020 ; JTAPI/803/2019 du 6 septembre 2019).

4.             En l'espèce, M. A______ a demandé par acte du 1er novembre 2024 reçu par le tribunal le 4 novembre à 9h10, que ce dernier contrôle la légalité et l'adéquation de sa détention.

5.             Statuant ce jour, le tribunal respecte les délais légaux.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (cf. art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

8.             Selon l’art. 28 ch. 2 du Règlement Dublin III, les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément audit règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. À teneur du ch. 3 du même article, le placement en rétention est d’une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu’à l’exécution du transfert au titre du présent règlement.

9.             À teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies : des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi (let. a), la détention est proportionnée (let. b) et d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du règlement [UE] n° 604/2013) (let. c).

10.         Selon l'art. 76a al. 2 LEI, les éléments concrets font craindre que l'étranger entende se soustraire à l'exécution du renvoi si :

-          son comportement en Suisse ou à l'étranger permet de conclure qu'il refuse d'obtempérer aux instructions des autorités (let. b) ;

-          il quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 (let. d) ;

-          il a été condamné pour crime (let. h).

11.         Les motifs énumérés, de manière exhaustive, à l'art. 76a al. 2 LEI correspondent en principe à ceux déjà retenus aux art. 75 et 76 LEI (Gregor CHATTON/ Laurent MERZ in Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, n° 2.5 ad art. 76a, p. 808).

12.         Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité
(cf. art. 5 al. 2 et 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et art. 76a al. 1 let. b et c LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ATF 130 II 425 consid. 5.2).

13.         Selon l'art. 76a al. 3 let. a LEI, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l'étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de sept semaines pendant la préparation de la décision relative à la responsabilité du traitement de la demande d'asile ; les démarches y afférentes comprennent l'établissement de la demande de reprise en charge adressée à un autre État Dublin, le délai d'attente de la réponse à la demande ou de son acceptation tacite, la rédaction de la décision et sa notification.

14.         En l’espèce, M. A______ a été condamné le 2 avril 2024, par le Ministère public de Genève, notamment pour vol (art. 139 CP), soit un crime. Il s'est par ailleurs, soustrait à l'interdiction qui lui a été faite de pénétrer dans le canton de Genève durant douze mois, le 13 janvier 2024 par le commissaire de police. Preuve en est son arrestation le 26 juillet 2024, à la rue des Grottes. Partant, les conditions de l'art. 76a al. 1 et 2 let. d et h LEI sont réalisées. Celles de la let. b apparaissant au demeurant également remplies vu le comportement qu'a adopté l'intéressé jusqu'alors et sa situation personnelle. En effet, M. A______ a pénétré dans le canton de Genève au mépris de l'interdiction qui lui a été faite, démontrant par ce comportement qu'il n'entend pas se conformer aux décisions des autorités. Par ailleurs, il est démuni de documents d'identité, n'a ni travail ni domicile fixe et vit de l'aide sociale, sans liens particulier avec la Suisse. Au vu de l'ensemble des circonstances, il existe un risque sérieux qu'il passe dans la clandestinité et se soustraie à son renvoi à destination de la Croatie.

15.         De plus, la détention respecte le principe de proportionnalité, aucune autre mesure moins incisive ne permettant de s’assurer de la présence de l’intéressé au moment où son renvoi devra être exécuté. En effet, M. A______ n’ayant ni attaches ni lieu de résidence à Genève, il n'est pas possible de l'assigner dans une résidence qu'il n'a pas et le fait de se présenter tous les jours auprès d'une autorité n'est pas apte à pallier le risque de fuite mais uniquement à constater celle-ci, cas échéant. Enfin, la durée de la détention décidée par le commissaire de police respecte le cadre légal fixé par l'art. 76a al. 3 LEI et est adéquate pour assurer l'exécution du renvoi, étant relevé que les démarches en vue de la réadmission de M. A______ en Croatie ont immédiatement été initiées et sont toujours en cours.

16.         Au vu de ce qui précède, l'ordre de mise en détention du 23 octobre 2024 sera confirmé et la demande formée par M. A______ le 1er novembre 2024 rejetée.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             rejette la demande formée par Monsieur A______ le 1er novembre 2024 ;

2.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 23 octobre 2024 à 09h00 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 3 décembre 2024 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier